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Caen : un projet freiné par le réchauffement climatique

29 novembre 2023

C’est le projet d’aménagement phare, porté depuis 15 ans par la communauté urbaine Caen la mer. Un projet ambitieux, qui vise à reconquérir plus de 300 hectares, constituées surtout de friches industrielles plus ou moins à l’abandon qui s’étendent sur les communes voisines de Caen, Hérouville Saint-Clair et Mondeville. En matière d’aménagement urbain, l’heure n’est plus à l’étalement sans limite qui a consisté, pendant des décennies, à grignoter les espaces naturels et agricoles périurbains pour permettre aux villes de s’étendre toujours plus en construisant centres commerciaux, zones industrielles et lotissements pavillonnaires toujours plus loin des centres-villes en lieu et place des anciens champs, prairies et exploitations maraîchères.

Vue aérienne des anciennes friches industrialo-portuaires de l’extrémité sud de la presqu’île de Caen, ici en 2016 (photo © JY. Desfoux / MaxPPP / France bleu)

La consigne est désormais le « zéro artificialisation nette ». Autrement dit, il s’agit de reconstruire la ville sur la ville sans toucher aux rares espaces encore non artificialisés qui s’étendent en périphérie des centres urbains. Heureusement, la quasi-totalité des anciennes activités industrielles qui autrefois se pratiquaient près des lieux d’habitation, dans les faubourgs urbains, ont disparu, délocalisées à l’autre bout du monde, laissant derrière elles des friches industrielles à l’abandon, avec leurs vieux hangars rouillés tombant en ruine : une véritable manne pour les aménageurs qui lorgnent tous désormais sur ces anciennes installations industrielles périurbaines voire urbaines pour y construire les nouveaux de demain.

Toutes les villes françaises sont désormais à la manœuvre pour reconvertir ces anciens quartiers industriels à l’abandon, à l’image de la vaste opération Euroméditerranée pilotée depuis des années par l’État sur le secteur d’arrière-port de Marseille, peu à peu transformé en quartier d’affaires et zone d’habitation. Le projet porté par la Communauté urbaine Caen la mer, une intercommunalité du Calvados, créée en 2017 et qui regroupe désormais 48 communes pour plus de 270 000 habitants, s’inscrit parfaitement dans cette logique. Il concerne l’urbanisation de la presqu’île, cette vaste bande de terre située en aval de Caen, enserrée entre l’Orne et le canal qui double la rivière sur une quinzaine de kilomètres jusqu’à son embouchure dans la Manche à Ouistreham. Ce canal de Caen à la mer, conçu en 1797 sous la Révolution, mais achevé en 1857 seulement, sous le Second Empire, est navigable pour les navires de haute mer et ses berges ont donc été fortement industrialisées.

Mais cette activité industrielle ayant largement périclité, et le bassin Saint-Pierre, situé en limite de Caen, sert désormais uniquement pour la plaisance. Il est donc question depuis des années de réhabiliter ces anciennes friches industrielles de la presqu’île pour développer l’urbanisation. Plusieurs ZAC ont été délimitées. Celle de la Pointe presqu’île, à l’extrémité sud, a commencé à être aménagée depuis 2009 avec la mise en place d’une vaste pelouse et la construction d’une médiathèque et du tribunal tandis que sont encore en projet l’implantation d’une école d’ingénieurs et d’immeubles d’habitation.

Implantation des ZAC du projet d’aménagement de la presqu’île entre l’Orne et le canal de Caen à la mer (source © Communauté urbaine Caen la mer)

Dans le prolongement est prévue la ZAC Nouveau Bassin, avec 2 500 logements envisagés et 35 000 m2 d’activités économiques, avec 12 ja d’espaces verts et 4,5 km de pistes cyclables, tandis que deux autres ZAC sont programmées plus en aval, celle de Cœur Calix sur la rive droite de l’Orne et celle de la presqu’île hérouvillaise. En tout, ce sont 4 000 logements nouveaux qui sont projetés dans le secteur et 40 000 m2 d’activités économiques. La ZAC Nouveau Bassin, à l’étude depuis 2010 est dans les starting block et les premiers permis de construire devaient être délivrés cette année.

Chargement d’un train de minerai dans le port de Caen dans les années 1930 (carte postale ancienne © Pigache / Caen Presqu’île)

Mais voilà que tout ce beau projet est brusquement remis en cause et vient de connaître un brutal rétropédalage de la part de la communauté urbaine qui le pilote. La raison de ce coup de frein inattendu ? Le risque inondation qui avait été probablement un peu sous-évalué… Le secteur fait pourtant l’objet d’un plan de prévention des risques qui a bien évalué le risque lié aux crues de l’Orne ainsi que celui lié à l’impact des grandes marées qui remontent via le canal de Caen à la mer et dont les conséquences sont encore plus dommageables, surtout lorsque les deux phénomènes s’additionnent.

Sauf que ces études ont été réalisées sans prendre en compte la hausse prévisible du niveau de la mer sous l’effet du réchauffement climatique déjà observé et qui s’accentue d’année en année. Suite à la publication du dernier rapport du GIEC en mars 2023, qui attire sans équivoque l’attention sur l’élévation constante et à un rythme accéléré, du niveau des océans, déjà monté de 20 cm en moyenne depuis 1900, les décideurs de la communauté urbaine de Caen n’ont eu d’autre choix que de revoir leur copie. Une étude a donc été commandée au BRGM pour modéliser l’impact, sur la basse vallée de l’Orne, de cette hausse du niveau de la mer, qui pourrait atteindre 1 m d’ici la fin du siècle.

Cartographie des zones inondables de la presqu’île, établie par le BRGM, en cas d’élévation de 1 m du niveau de la mer (source © BRGM / France 3 régions)

Et les premiers éléments disponibles dans ce cadre sont sans appel puisqu’en cas d’élévation d’un tel ordre de grandeur, une bonne partie des parcelles de la future ZAC Nouveau Bassin auraient les pieds dans l’eau : de quoi calmer l’ardeur des promoteurs et des responsables politiques locaux qui ont donc pris la sage décision de tout arrêter, le temps de revoir les choses en profondeur… Les études de modélisation qui ont été lancées dureront 2 ans et leurs résultats ne seront donc pas connus avant 2025 mais d’ores et déjà il apparaît que les projets d’urbanisation tels qu’ils avaient été imaginé depuis une dizaine d’années sur la future ZAC Nouveau Bassin ne pourront pas voir le jour en l’état. Il faudra sans doute revoir la copie pour des implantations moins ambitieuses voire plus éphémères ou sur pilotis, en attendant de constater comment les choses évoluent.

Maquette des futurs aménagements de la Pointe presqu’île avec, de part et d’autre de la médiathèque, les ensembles immobiliers Norway et Cap 360, et l’école d’ingénieur ISEN en arrière-plan, avec la ZAC Nouveau Bassin dans la continuité vers la droite (source © François Monier / Septième Ciel Images / Le Moniteur)

C’est du moins ainsi que l’imagine Emmanuel Renard, vice-président en charge de l’aménagement et du foncier à la communauté urbaine de Caen la mer, qui reconnait devoir faire le deuil de ses ambitions en admettant : « nos atouts majeurs que sont le littoral et les cours d’eau constituent aussi nos vulnérabilités ». Une dure réalité pour ce territoire côtier qui avait mis beaucoup d’espoir dans ce vaste projet de reconfiguration de son espace urbain. Tout n’est certes pas remis en cause et les projets déjà engagés sur la Pointe presqu’île devraient pouvoir se poursuivre en l’état, de même que ceux envisagés sur la ZAC Archipel, plus au nord, sur la commune d’Hérouville Saint-Clair où un écoquartier entièrement nouveau de 1 300 logements devrait pouvoir être réalisé car le terrain est à cet endroit surélevé d’un mètre.

Maquette du futur écoquartier Archipel à Hérouville Saint-Clair, sur les bords de l’Orne, en aval de la Presqu’île (source © Ville d’Hérouville / actu.fr)

Face à l’élévation inéluctable du niveau de la mer qui menace déjà directement certaines régions côtières françaises comme la presqu’île de Gien ou la Camargue, voilà un nouveau paramètre que les maires bâtisseurs feraient bien de commencer à prendre en compte : il ne suffit pas de rebâtir la ville sur la ville, encore faut-il s’assurer au préalable qu’elle ne risque pas d’avoir les pieds dans l’eau…

L. V.

Marseille songe (enfin) à exhumer ses cours d’eau

6 novembre 2023

Certaines villes comme Paris ou Lyon s’enorgueillissent du fleuve qui les traverse et structure leur espace urbain. Ce n’est pas le cas à Marseille dont le territoire urbain s’est pourtant développé autour de deux fleuves côtiers, certes modestes et à débit bien faible au cœur des périodes de sécheresse estivale. L’Huveaune et son affluent, le Jarret, ont pourtant entre la fin du XVIe siècle et l’achèvement du canal de Marseille en 1849, constitué une source importante d’approvisionnement en eau potable de l’agglomération phocéenne, et ont largement contribué au développement industriel de la ville. Il en est de même du ruisseau des Aygalades, qui traverse ses quartiers nord avant de se jeter en mer à Arenc et dont les berges et la cascade faisaient les délices de la bourgeoisie marseillaise venue prendre le frais sur son rivage ombragé.

La cascade des Aygalades et son havre de fraicheur (source © Made in Marseille)

Mais le développement de l’urbanisation a eu raison de ces cours d’eau qui ont disparu au cours du XXe siècle, enserrés dans des cadres en béton et recouverts sur une large part de leur linéaire pour laisser la place aux routes, aux hangars industriels et aux immeubles d’habitation, indispensables au développement de la métropole marseillaise. Un cours d’eau méditerranéen, quasi sec en été et capable de déborder largement en emportant tout sur son passage lors des fortes pluies d’automne, voilà qui prend de la place et qui fait désordre. D’où ce réflexe des urbanistes jusqu’à il y a peu, d’enterrer systématiquement ces cours d’eau dans des busages enterrés, ce qui permet par la même occasion de les transformer en égouts où les industriels peuvent déverser ni vu ni connu tous leurs effluents de la pire espèce…

Le Jarret à l’air libre dans la traversée de Marseille au début des années 1950 (source © Made in Marseille)

C’est ce qui est arrivé pour les cours d’eau marseillais sur la majeure partie de leur traversée urbaine. Au début des années 1950, le Jarret qui était devenu dans la traversée de Marseille un égout à ciel ouvert aux berges jonchées de déchets, a été entièrement enserré dans un cadre en béton sur tout son parcours entre Saint-Just et la Timone. Décidés par Gaston Deferre, à une époque où la protection de l’environnement était le moindre des soucis, les travaux ont duré de 1954 à 1968 et le Jarret a depuis lors totalement disparu de la vue des Marseillais, son tracé donnant naissance à d’immenses boulevards urbains à deux fois trois voies, désormais dénommés boulevards Jean Moulin, Sakakini, Françoise Duparc et Maréchal Juin.

Les travaux d’enfouissement du Jarret dans un cadre en béton, entrepris dans les années 1950 (source © FNE / Histoire d’hommes et de rivières)

De cours d’eau bucolique, le Jarret s’est ainsi transformé en rocade urbaine dont le tracé a été ensuite prolongé vers le nord jusqu’à La Rose (avenue Jean-Paul Sartre) et vers le sud, jusqu’à sa confluence avec l’Huveaune vers Sainte-Marguerite, donnant naissance aux boulevards Schloesing et Rabatau, après une courte apparition à l’air libre à l’entrée du parc du XXVIe centenaire.

L’ancien lit du Jarret dans les années 1980, ici devant la Timone, devenu un large boulevard urbain saturé de voitures (source © Made in Marseille)

Déjà au Xe siècle le cours du Jarret, qui se jetait jusqu’alors dans le Vieux-Port, avait été détourné au niveau de l’église des Chartreux pour l’envoyer rejoindre l’Huveaune. Dévalant des pentes du massif de l’Étoile, le petit fleuve côtier parfois impétueux qui traversait ainsi toute l’agglomération marseillaise a donc quasiment disparu du paysage en dehors de son cours amont encore visible dans les quartiers nord d’Allauch et sur Plan-de-Cuques ainsi que dans le quartier de la Croix-Rouge, au nord de la Rose.

Le ruisseau du Jarret au nord de Marseille, dans sa partie non busée (source © Made in Marseille)

Son confluent avec l’Huveaune est tout sauf naturel, constitué d’un ouvrage en béton dont les murs sont entièrement tagués, à quelques centaines de mètres en amont du barrage qui détourne la quasi-totalité des eaux de l’Huveaune vers la station d’épuration située sous le stade Delort, à côté du stade Vélodrome, ce qui permet de les évacuer directement en mer via l’émissaire de Cortiou. En périodes de crue, néanmoins, les flots reprennent leur chenal naturel, et vont se déverser directement sur les plages du Prado alors justement surnommées « épluchures beach »…

Le barrage de la Pugette près du Vélodrome, juste en aval de la confluence avec le Jarret : les eaux de l’Huveaune y sont détournées de leur lit naturel pour être rejetées en mer à Cortiou (photo © Laurent Miguet / Le Moniteur)

Mais voilà qu’en décembre 2021, un appel à manifestation d’intérêt, organisé par le Ministère de l’écologie et destiné à mieux aménager les territoires en mutation exposés aux risques naturels, avait permis de distinguer une équipe conduite par Jérôme Mazas et son équipe d’Horizons Paysages, associé au bureau d’études hydrauliques Artélia, au sociologue Etienne Batin, à l’architecte du patrimoine Sébastien Cord, à l’agence de paysage Puya et aux urbanistes de Madania, lesquels proposent de reconfigurer la confluence entre le Jarret et l’Huveaune. L’idée serait de la déplacer un peu plus en amont dans un cadre paysager renaturé qui serait l’aboutissement de la voie verte imaginée par la Métropole sur les berges de l’Huveaune. Le cadre en béton actuel dans lequel le Jarret finit son cours servirait alors uniquement en cas de forte crue pour évacuer plus rapidement les eaux en furie dans ce secteur inondable de La Capelette. Mais en dehors de ces périodes de crues, les eaux du Jarret, dans leur tronçon terminal pourraient ainsi se retrouver de nouveau à l’air libre en serpentant dans un parc verdoyant, au milieu d’un paysage urbain largement reconfiguré.

Une vision idyllique qui n’est sans doute pas prête de se concrétiser, les services de la Métropole ayant mis 2 ans avant de reprendre contact avec l’équipe lauréate. Mais le projet est assurément dans l’air du temps au vu de ce qui est en train de voir le jour sur l’autre fleuve côtier marseillais qu’est le ruisseau des Aygalades, lui aussi grande victime de déversements incontrôlés et de pollutions industrielles majeures pendant des décennies. Une première étape dans la renaturation du cours aval de cette rivière est en cours avec l’achèvement de la première tranche du parc de Bougainville, entre la ligne de métro vers la station Capitaine Gèze et les tours délabrées de la résidence Bellevue, rue Félix Pyat, désormais bordées par le nouvel ensemble des Docks Libres en voie de livraison sur le périmètre d’Euroméditerranée.

Maquette du parc Bougainville en cours d’aménagement de part et d’autre de la ligne de métro vers la station Capitaine Gèze, au pied des tours de Bellevue (Félix Pyat) et des immeubles en construction des Docks Libres à droite (source © D’Ici Là / Le Moniteur)

Ce projet est dans les cartons depuis des années, piloté par l’Établissement public d’aménagement Euroméditerranée, et il vise à terme à créer un parc urbain de 14 hectares le long du ruisseau des Aygalades qui sera exhumé de son cadre en béton actuel pour serpenter de nouveau à l’air libre au milieu d’un cadre naturel arboré, futur poumon vert de ce quartier qui pour l’instant n’est qu’un entrelacs de parkings sordides, de hangars industriels en ruine, d’habitats vétustes délabrés et de casse autos hideuses. L’essentiel du foncier, qui correspond à l’ancienne gare ferroviaire du Canet n’est pas encore libéré et il faudra attendre au moins 2027 pour espérer voir s’ouvrir ce futur parc des Aygalades de 10 ha.

En revanche, la partie située la plus en aval et qui correspond au parc de Bougainville, prévue sur 4 ha en deux phases successives, commence à prendre forme. Rien n’a encore été entrepris à l’Est de la ligne de métro, là où il est justement prévu de démolir le cadre en béton des Aygalades sur 200 ml et d’élargir le lit de la rivière en le réhaussant car il a été profondément encaissé sous l’effet des aménagements successifs. Mais le petit jardin prévu de l’autre côté du métro, sur 2 ha, au pied des tours Bellevue, est quasiment terminé, bien que pas encore livré à la Ville de Marseille qui en assurera la gestion.

La première tranche du parc de Bougainville en voie d’achèvement, mais déjà utilisée (photo © P. K. / La Provence)

Un article de La Provence, en date du 2 novembre 2023, s’amusait d’ailleurs de cette situation étonnante de ce chantier encore inachevé et officiellement fermé au public, mais envahi par des dizaines de familles qui testent déjà depuis quelques semaines les jeux d’enfants flambants neufs tandis que les pelouses sont déjà jonchées de déchets, fautes de poubelles encore pas installées. Euroméditerranée reconnait avoir laissé un accès pour permettre de rejoindre le métro mais affirme contre toute évidence que le parc reste interdit au public tandis que les ouvriers du chantier soupirent : « C’est fermé mais c’est comme ça. C’est Marseille… »

Toujours est-il que la renaturation de ce petit tronçon du ruisseau des Aygalades, qui commence tout juste, a été chiffrée à 94 millions d’euros, dont 13,7 millions devraient être subventionnés par l’Agence de l’Eau au titre de la lutte contre les inondations et la restauration des milieux aquatiques. Le futur parc avec son cours d’eau à l’air libre pouvant déborder sur les berges enherbées participera en effet à une meilleure gestion du risque en cas de crue. Mais cela montre néanmoins à quel point exhumer ainsi ces cours d’eau que l’on avait enfouis par commodité, pour développer le passage des voitures et le développement industriel, n’est pas une mince affaire…

L. V.

La Camargue en voie de salinisation ?

23 septembre 2023

Comme tous les grands deltas dans le monde, ces vastes plaines d’épandage où le fleuve souvent divague tout en poussant ses alluvions vers la mer, celui du Rhône, en Camargue, s’inquiète de son avenir du fait de l’élévation du niveau de la mer, conséquence directe du réchauffement climatique et de la simple dilatation de l’eau sous l’effet de la température. Au cours des 30 dernières années, le niveau de la Méditerranée est monté de 7 cm et les nombreuses modélisations effectuées à partir des projections du GIEC laissent craindre une augmentation du niveau marin qui pourrait atteindre 60 cm voire 1 m d’ici 2100. Une prévision alarmante pour cette plaine côtière dont l’altitude moyenne est presque partout inférieure à 1 m !

La plaine de Camargue, directement exposée à la montée du niveau marin (photo © Bertrand Rieger / Détours en France)

Heureusement, par rapport à d’autres deltas menacés dans le monde, au Bengladesh notamment, la Camargue est finalement assez peu urbanisée. Si l’on écarte la ville d’Arles, située en bordure nord et désormais bien protégée par les digues, renforcées récemment par le SYMADREM, ainsi que les villages de la Petite Camargue, dans la partie gardoise à l’ouest du Petit Rhône, qui ne sont pas directement menacés, non plus d’ailleurs que la plupart des manades construites généralement sur de petites éminences, ce sont principalement les villes côtières du Grau-du-Roi, des Saintes-Maries-de-la-Mer et partiellement de Port-Saint-Louis-du-Rhône qui s’inquiètent pour leur avenir. La construction de nouveaux ouvrages de protection, sous forme de digues et d’épis représente en effet des coûts d’investissement, et plus encore de maintenance, très élevés que ne justifie pas nécessairement le maintien en place de telles implantations…

Les Saintes-Maries-de-la-Mer, menacées à terme par la montée inexorable du niveau de la mer… (source © Dealeuse de voyages)

La Camargue est de fait un écosystème récent et en pleine évolution. La création du delta du Rhône est directement liée à la brusque remontée du niveau de la mer à la fin de la dernière glaciation, formé grâce à l’apport des sédiments du fleuve, issus du démantèlement des jeunes sommets alpins très en amont. La mise en culture débute dès l’Antiquité et les hommes commencent à façonner cette terre en édifiant des digues et en creusant des canaux de drainage. Au milieu du XIXe siècle sont édifiées sur les berges du Rhône de grandes digues en terre, achevées en 1869, qui protègent désormais la plaine des débordements du fleuve impétueux, mais la privent par conséquent de ces apports sédimentaires. L’aménagement de nombreux barrages en amont du fleuve et la restauration des terrains de montagne ont achevé de réduire drastiquement ces dépôts alluvionnaires qui ne sont plus que de l’ordre de 7 millions de tonnes par an alors qu’on les évaluait à 27 millions de tonnes en 1850 !

Carte schématique du réseau hydrographique de la Camarque (source © L’eau souterraine en Camargue – C. Vallet-Coulomb et al., 2009 / HAL)

Dans cette immense zone humide qu’est la Camargue, la gestion de l’eau elle-même est tout sauf naturelle. A l’Est, la plaine de la Crau, est irriguée artificiellement par le trop plein des canaux qui, depuis les aménagements amorcés en 1554 par l’ingénieur Adam de Craponne, permettent d’alimenter avec l’eau de la Durance, les villes de Salons et d’Arles. Ce surplus d’eau, qui se déverse gravitairement, alimente la nappe souterraine de la Crau contenue dans les alluvions caillouteuses de l’ancienne Durance. Cette formation aquifère épaisse plonge en mer sous la Camargue et met en contact eau douce et eau salée sous la forme d’un biseau salé qui remonte avec le niveau de la mer.

Plus en surface, la succession de dépôts de perméabilité variable est favorable à la formation de nappes superficielles plus ou moins étendues, certaines constituées d’eau douce, d’autres d’eau saumâtre voire même, localement sursalée avec des teneurs en sel pouvant atteindre 110 g/l alors que la salinité de la Méditerranée s’établit autour de 38 g/l ! Ce phénomène de salinité st très complexe car il dépend de nombreux facteurs.

Marais salants en Camargue, se chargeant progressivement en sel et devenant roses sous l’effet du développement de la micro algue Dunaliella Salina (source © Sauniers de Camargue)

L’évaporation y joue un rôle crucial et son effet a tendance à augmenter avec le réchauffement climatique observé. En climat méditerranéen, l’évaporation potentielle atteint 1300 mm/an alors que la pluviométrie naturelle en Camargue ne dépasse guère 600 mm/an et elle est en forte baisse depuis 2016. L’eau contenue dans le sol et les nappes superficielles a dont tendance à s’évaporer et les sels dissous qui s’y trouvent cristallisent en surface, formant une croûte de sel.

Parcelle de vigne près d’Aigues-Mortes, en mai 2022, endommagée par la salinisation du sol (photo © Le Monde)

Les vignes, dont les racines sont profondes, sont particulièrement sensibles à ce phénomène de salinisation : les feuilles montrent des traces de brûlure puis les ceps eux-mêmes se dessèchent et meurent, laissant de vastes espaces de sol dénudé, les « lunes de sel ». En 2021, on enregistrait ainsi la perte de 600 ha de vignes sur les 2700 hectares de l’appellation « Sable de Camargue », créée en 2011 pour garantir l’origine de ce vignoble historique qui avait bien résisté au phylloxera au point que, en 1880, la Compagnie des Salins du Midi avait couvert de vignes les plages s’étendant Aigues-Mortes et les Saintes-Maries-de-la-Mer et créé la marque Listel pour la commercialisation de ce « vin des sables ».

Flamands roses sur un étang de Camargue (source © Parc ornithologique Pont de Gau / Camargue)

L’addition est donc salée, y compris pour la biodiversité. Partout on observe des peupliers, des saules, des frênes et des chênes parfois centenaires dont les branches se dessèchent sous l’effet des remontées salines tandis que les manadiers déplorent la perte de leurs prairies, transformées localement en sansouïres, avec sa végétation de soudes typique des milieux littoraux salés. Même les tortues d’eau douce, les cistudes, qui peuplaient certaines mares de Camargue les désertent sous l’effet de l’augmentation de la salinité. Tout indique que l’équilibre, largement artificiel, qui avait permis à la Camargue de se façonner ainsi au fil du temps est en train de se dégrader. Les digues le long du Rhône empêchent non seulement les apports de sédiments mais aussi les grands lessivages d’eau douce qui se produisaient à chaque inondation.

Inondation du Rhône en 2002 dans la Camargue gardoise (photo © Jérôme Rey / MaxPPP / France Bleu)

Ces apports naturels ont été remplacés par un réseau complexe de canaux et roubines alimentées par pompage et qui viennent distribuer l’eau jusque vers le moindre marais de chasse. Mais dans la basse vallée du Rhône, la salinité a elle-même tendance à augmenter lorsque le débit du fleuve est faible et que l’eau de mer remonte. A partir de 2 g/l, il est fortement déconseillé de pomper car irriguer avec de l’eau même très légèrement salée est catastrophique pour les cultures.

Riziculture en Camargue, à l’origine de gros apports d’eau douce par irrigation gravitaire (photo © F.L. et E.C. / La Provence)

C’est donc tout le modèle même de la Camargue qui est en train de vaciller. L’endiguement et le développement des canaux avait permis de contrôler la gestion de l’eau, permettant le développement de la riziculture au nord, et celui de l’élevage équestre et taurin extensif et de l’exploitation du sel au sud. Les Salins de Giraud, exploités depuis le XIIIe siècle ont réduit leur activité et revendu, en 2008, 6500 ha au Conservatoire du Littoral. Depuis, les digues qui protégeaient les anciens marais salants sont peu à peu érodées, facilitant ainsi les incursions marines et la recolonisation de ces espaces par la faune et la flore naturelle. La riziculture elle-même, qui permettaient de maintenir inondées de vastes étendues, cède peu à peu la place à des cultures intensives de melons et tomates sous plastique devenues plus rentables et moins gourmandes en eau, ce qui limite les apports en eau d’irrigation.

La Camargue est ainsi en train de redevenir un espace littoral soumis aux avancées de la mer et aux remontées salines, de moins en moins propice aux activités agricoles et économiques. Un retour vers la nature qui suscite forcément bien des débats au sein des acteurs locaux…

L. V.

Derna : une nouvelle catastrophe hydraulique…

17 septembre 2023

Dompter les forces de la nature et les canaliser au profit des aspirations naturelles de l’homme, pour toujours davantage de sécurité et de confort, tel est le moteur de bien des progrès techniques depuis la nuit des temps. Le mythe de Prométhée qui osa dérober le feu sacré de l’Olympe pour en faire don aux hommes afin de les aider à défricher leurs champs et développer la métallurgie, en est une illustration classique.

Barrage de Stratos, sur le fleuve Acheloos, en Grèce, achevé en 1988 (source © Geoengineer)

On en trouve bien d’autres dans la mythologie antique, à l’instar du combat épique d’Héraclès contre le dieu Achélôos, figure tutélaire d’un des plus longs fleuves de Grèce, également dénommé Aspropotamos, issu du Mont Pinde et qui se jette dans la mer ionienne après un parcours de 220 km. Vaincu par Héraclès, Achélôos se transforme en un long serpent, puis, après une nouvelle défaite, en un taureau dont le héros brise l’une des cornes, au point que le dieu humilié se réfugie dans les roseaux, allégorie du cours d’eau fougueux dompté par les hommes, aménagé et canalisé, au point de finir en un calme plan d’eau.

Un sort qui est devenu le lot de bien des cours d’eau de la planète, dont les écoulements naturels, souvent capricieux car fortement dépendant des aléas météorologiques, ont été régulés par l’implantation de barrages. Leur cours même a été fréquemment rectifié et canalisé, pour en limiter les débordements anarchiques et permettre de construire sur ses berges. Ces aménagements présentent bien des avantages, en termes d’urbanisation, de constitution de réserves d’eau pour l’alimentation en eau potable et l’irrigation, mais aussi pour produire de l’hydroélectricité, énergie renouvelable et peu coûteuse, voire faciliter la navigation ou encore lutter contre les inondations.

Les ruines du barrage de Malpasset vues depuis l’aval, en 2006 (photo © Michel Royon / Wikimedia Commons / CC BY-SA 3.0)

Mais dompter ainsi le dieu Achélôos n’est pas à la portée du premier Hercule venu et l’affaire n’est pas sans danger. Les plus anciens se souviennent encore avec effroi de la rupture du barrage de Malpasset, survenue le 2 décembre 1959 en soirée et dont l’onde de crue a ravagé la ville de Fréjus en aval, détruisant 155 immeubles, faisant 423 morts et rendant définitivement impropres à la culture plus de 1000 ha. Ce barrage voûte initié par le Conseil général du Var et conçu par le bureau d’étude Coyne et Bellier, venait alors tout juste d’être édifié sur le Reyran, un petit fleuve côtier à l’hydrographie capricieuse.

Le centre-ville de Fréjus ravagé par l’onde de crue consécutive à la rupture du barrage de Malpasset le 2 décembre 1959 (source © Robert Alexandre / pebrier.com)

Achevé en pleine période de sécheresse en 1954, il n’avait toujours pas réussi à se remplir 5 ans après la fin du chantier, lorsque sont survenues des pluies diluviennes à partir de la mi-novembre 1959. Le niveau monte alors rapidement, d’autant que les gestionnaires hésitent à ouvrir les vannes de délestage pour ne pas gêner le chantier du pont autoroutier alors en construction un peu en aval, lequel sera emporté et le totalité des ouvriers noyés lorsque le barrage finit par céder peu après 21h, provoquant une vague de 30 m de haut qui se propage à la vitesse de 50 km/h…

Un scénario catastrophe qui vient malheureusement de se reproduire dans la ville libyenne de Derna, une agglomération côtière de 100 000 habitants qui vient d’être ravagée à son tour par la rupture d’un ouvrage hydraulique en amont. Dans la nuit du 9 au 10 septembre 2023, en effet, c’est la tempête sur cette portion de côte méditerranéenne qui s’étend au nord-est de la Libye, entre Benghazi et Tobrouk : après avoir causé des inondations dévastatrices plus au nord en Grèce, la tempête Daniel se dirige vers le golfe de Syrte avec des vents soufflant à 120 km/h et des pluies torrentielles qui s’abattent sur les villes côtières.

Partie aval de l’oued Derna totalement dévastée par les flots de boue, 2 jours après la catastrophe, le 12 septembre 2023 (photo © Jamal Alkomaty / AP / Aljazeera)

Et la nuit suivante, vers 2h30 du matin, le barrage situé en amont de la ville de Derna cède brutalement, submergé par les flots qu’il n’arrive plus à retenir. 25 mn plus tard, une énorme vague d’eau boueuse pénètre dans la ville et dévaste tout sur son passage, principalement dans le secteur du boulevard de la mer, tandis que les flots en furie de l’oued Derna ont du mal à s’écouler dans la Méditerranée, particulièrement haute et agitée du fait de la tempête. Au moins 30 000 personnes doivent être évacuées en urgence tandis que commence la recherche des victimes ensevelies sous les décombres de leurs habitations et recouvertes d’un linceul de limon ocre qui s’étend sur toute la partie basse de la ville. Trois jours plus tard, les autorités avancent le chiffre d’au moins 10 000 disparus alors que 5900 corps ont pu être recensés, nombre d’entre eux emmenés en mer puis repêchés sur le rivage.

Rue de Derna ravagée par le passage de l’eau boueuse, le 11 septembre 2023 (photo © AFP / France TV info)

Si de tels barrages avaient été construits en amont de la ville de Derna, c’était précisément pour protéger les habitants contre les crues dévastatrices de l’oued qui avait déjà causé de gros dégâts lors de crues précédentes, notamment en 1941, 1959 (l’année précisément de la rupture de Malpasset !) et 1961. Il avait donc été décidé de protéger la ville en construisant deux ouvrages successifs. Le plus en amont, à 13 km de la ville, dénommé Abu Mansour, a une hauteur de 45 m et une capacité de retenue de 1,5 million de m3, tandis que celui situé plus en aval, à seulement 1 km de Derna, est haut de 75 m pour une largeur à la base de plus de 100 m et permet de retenir 18 millions de m3.

Ces barrages ont été construits dans les années 1970 par une société yougoslave, Hydrotehnika, réalisés en terre compactée avec des parements recouverts d’enrochements qui autorisent en principe leur submersion. Le barrage aval n’est pas muni d’un évacuateur de crue mais dispose d’un système de trop-plein en forme de tulipe, juste en amont de l’ouvrage, qui permet d’évacuer passivement les niveaux d’eau excessifs avant débordement. Un dispositif rustique, qui ne nécessite pas de manipulation en période de crue, et qui avait permis à l’ouvrage de résister aux fortes inondations précédentes, survenues en 1986. Mais cette fois, les deux barrages ont manifestement cédé et il ne reste quasiment plus rien des 735 000 m3 du barrage de Derna, totalement balayé par l’onde de crue après avoir été submergé puis rogné par érosion régressive.

Photo aérienne du barrage le plus haut, situé juste en amont de la ville de Derna, ici en juin 2023 (source © Google Earth / Eos)

Les expertises diront sans doute si des défauts de surveillance de ces ouvrages hydrauliques vieillissants peuvent expliquer un tel désastre. Il n’est pas exclu de fait que la surveillance rapprochée nécessaire pour assurer la pérennité de telles infrastructures ait pâti de l’état de décomposition avancée de l’État libyen qui fait face à une crise de régime récurrente depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011, en guerre civile entre 2014 et 2020, et qui dispose désormais de deux gouvernement concurrents…

Le gouvernement d’unité nationale constitué après le cessez-le-feu de 2020 n’a pas réussi à organiser les élections prévues en 2021 mais s’est maintenu en place tandis que le gouvernement de stabilité nationale désigné en mars 2022 et désormais dirigé, depuis mai 2023, par Oussama Hammad ne parvient pas à s’installer à Tripoli malgré plusieurs tentatives. Un chaos qui ne va certes pas favoriser la gestion de cette catastrophe naturelle majeure à laquelle sont confrontés les habitants de la ville martyre de Derna…

L. V.

Début septembre 2023 : une situation climatique extrême…

11 septembre 2023

Il y a des périodes, comme ça, qui donnent l’impression que le climat est vraiment en train de se dérégler. Une impression malheureusement bien réelle, qui ne fait que confirmer, en pire, ce que les climatologues prédisent depuis des années et dont nous ne pouvons désormais ignorer les effets…

Au cours de l’été 2023, la France a fait face à une nouvelle phase de canicule. A partir du 10 août, les températures sont allées croissant, conduisant à une généralisation des chaleurs extrêmes sur la quasi-totalité du territoire national le 17 août. Puis la température a encore gagné en intensité sur l’arc méditerranéen, la vallée du Rhône et le Sud-ouest, avec un pic spectaculaire entre le 21 et le 24 août où l’on a enregistré des températures jamais vues en France après un 15 août. Près de la moitié des postes météorologiques des 19 départements classés en vigilance canicule rouge dans la moitié sud du pays ont alors enregistré des records absolus de température. Le thermomètre est ainsi monté à 43,2 °C à Carcassonne le 23 août tandis que les températures minimales nocturnes atteignaient également des sommets : 29,1 °C à Perpignan le 21 août et même 30,4 °C à Menton le 23 août !

Des températures qui ont dépassé les 36 °C en plein cœur de Paris début septembre 2023 (source © Urban hit)

Et l’été n’est pas fini puisque le 8 septembre, on enregistrait de nouveau des températures très inhabituelles en France à cette période de l’année, cette fois surtout dans la moitié nord du pays avec un record de 36,5 °C enregistré à Paris, dans les jardins du Luxembourg. Des valeurs jamais observées à cette période de l’année en région Ile-de-France ou dans le Val de Loire, depuis une bonne centaine d’années que les stations météorologiques sont opérationnelles…

Pompier luttant contre un incendie près d’Agioi Theodori, à l’ouest d’Athènes, le 18 juillet 2023 (photo © AFP / La Croix)

Une canicule qui a sévi en 2023 dans bien d’autres pays, au Canada dès le mois de mai, puis notamment chez nos voisins grecs. Fin juillet, le pays faisait lui aussi face à des chaleurs écrasantes avec un thermomètre qui est monté à 46,4 °C le 24 juillet à Gythios dans le Péloponnèse tandis que le pays se battaient contre plusieurs foyers d’incendie nécessitant des évacuations massives. Dès le 19 juillet, la protection civile grecque devait faire face à 47 feux de forêts simultanés, mais d’autres incendies spectaculaires se sont aussi déclenchés en août, dont celui d’Alexandropolis, à partir du 19 août, qui a ravagé plus de 81 000 hectares et qui est considéré comme le plus vaste incendie observé dans l’Union européenne !

Incendie dans la périphérie de Bejaia, en Algérie, le 24 juillet 2023 (source © Radio-m)

Le 24 juillet, on enregistrait 49 °C à Alger où un gigantesque incendie faisait une quinzaine de victimes dans la région de Bejaia et le lendemain, c’était Tunis qui se retrouvait avec à son tour jusqu’à 49 °C en journée. Le mois de juillet 2023 est d’ailleurs désormais officiellement considéré comme le plus chaud jamais observé, avec une température moyenne mondiale de 16,95 °C, le précédent record datant de 2019 seulement…

Véhicules bloqués par la montée des eaux après le passage de la tempête Daniel, à Flamouli, près de la ville de Trikala, jeudi 7 septembre 2023 (photo © Stergios Spiropoulos /Reuters / Libération)

Et voilà qu’en ce début du mois de septembre, la Grèce, meurtrie par cette vague de chaleur extrême et d’incendies dévastateurs, se retrouve sous les flots ! A partir du mardi 5 septembre au matin, sous l’effet de la tempête méditerranéenne Daniel, des pluies torrentielles se sont abattues sur la région, en particulier sur le mont Pélion où l’on a observé des intensités instantanées de plus de 500 mm/h. Alors que l’on enregistre en moyenne un cumul de précipitation de l’ordre de 400 mm par an à Athènes, celles du 5 septembre 2023 ont atteint 754 mm en seulement 24 heures à Zagora, en Thessalie !

Pont emporté dans le village de Kala Nera, en Grèce, le 7 septembre 2023 (photo © Stamos Prousalis / Reuters / France 24)

En quelques heures tous les cours d’eau ont débordé et la grande plaine de Thessalie, dans le centre du pays, qui englobe notamment les départements de Magnésie, de Trikala et de Karditsa, s’est transformée en un immense lac avec des hauteurs d’eau dépassant localement 1,50 m. En fin de semaine, les secours déploraient déjà au moins 10 morts, piégés par les eaux en furie, alors qu’hélicoptères et canots de sauvetage continuaient à sillonner la zone, village par village, pour tenter de récupérer les victimes bloquées, parfois sur le toit de leur maison. Les pays voisins ont aussi été sévèrement touchés par ces intempéries exceptionnelles qui auraient fait 11 morts en Bulgarie et en Turquie.

Inondations à Istanbul le 5 septembre 2023  (photo © Yasin Akgul / AFP / Huffington Post)

Et pendant ce temps-là, à l’autre bout du monde, la ville de Hongkong subissait à son tour des inondations catastrophiques. Déjà le 2 septembre, la région avait dû faire face à un super typhon, baptisé Saola, qui avait obligé à évacuer plus de 880 000 personnes dans les provinces chinoises de Guangdong et Fujian, et obligé des millions de personnes à se calfeutrer dans les grandes villes de Hongkong, Canton, Shenzhen et Macao. Une semaine plus tard, vendredi 8 septembre, de nouvelles trombes d’eau s’abattaient sur la ville de Hongkong qui enregistrait alors son maximum historique depuis 1884, date de la mise en service de la station météo, avec des cumuls atteignant 158 mm en une heure !

Parking souterrain inondé à Hongkong début septembre 2023 (extrait vidéo © Dailymotion / Le Monde)

En quelques heures, les rues de la mégapole de 17,7 millions d’habitants ont été transformées en torrents de boue, emportant tout sur leur passage, tandis que certaines stations de métro étaient entièrement noyées. Au moins deux personnes ont perdu la vie et plusieurs ont été gravement blessées. Déjà fin juillet-début août la ville de Pékin et la province de Hebei avaient été touchées par de violentes inondations qui avaient fait au moins 69 morts et avait obligé les autorités à faire sauter des digues pour détourner les eaux en furie. C’est maintenant le sud du pays qui est concerné, avec l’annonce par les autorités de la nécessité de délester les retenues d’eau de Shenzhen pour éviter que ces ouvrages hydrauliques ne soient submergés, ce qui risque d’aggraver encore les inondations en aval.

Une pelleteuse dégage les rues inondées de la ville de Zhuozhou, dans la province de Hebei, le 9 août 2023 (photo © Jade Gao / AFP / La Provence)

En tout état de cause, ces successions d’événements météorologiques cataclysmiques sont, de l’avis des tous les météorologues, une manifestation directe du réchauffement climatique global, non pas que canicules, pluies et tempêtes soient inhabituelles dans ces différentes régions, mais parce que le réchauffement global en accentue l’intensité et la fréquence. Rappelons ainsi que chaque augmentation d’un degré de la température de l’air augmente de 6 à 15 % sa pression de vapeur saturante, autrement dit la quantité d’eau susceptible d’être contenue dans l’air, ce qui explique largement ces trombes d’eau qui peuvent alors s’abattre et qui n’ont donc pas fini de faire des dégâts.

Notre ville de Carnoux-en-Provence n’est d’ailleurs pas à l’abri de telles pluies diluviennes, surtout à l’approche de l’automne, et il n’était sans doute pas inutile de surélever les bungalows provisoires pendant la durée du chantier de reconstruction de l’école maternelle, elle qui a été judicieusement implantée en zone inondable, au plus creux du vallon…

L. V.

Travail dissimulé dans un zoo chinois ?

4 août 2023

L’anecdote paraît insignifiante mais, par la grâce des réseaux sociaux, elle a quand même fait le tour du monde. A peu près tous les médias français, de BFMTV à Libération en passant par Nice Matin ou le Figaro l’ont reprise en chœur en ce début du mois d’août où l’actualité est aussi inexistante que déprimante. On ne peut pas toujours parler de ces pauvres Ukrainiens qui se font tuer en essayant de reprendre quelques kilomètres carrés à leur voisin russe un peu trop gourmand…

Évacuation de résidents par bateau sur l’autoroute inondée à Zhuozhou, dans la province de Hebei, au sud de Pékin, le 2 août 2023 (photo © Andy Wong / AP / Le Monde)

Même les inondations à Pékin et dans la province voisine du Hebei n’ont finalement guère fait parler d’elles malgré leur caractère aussi spectaculaire qu’inédit. Depuis 140 ans que les météorologues chinois enregistrent les précipitations, jamais ils n’avaient pourtant observé un tel cumul de pluie en si peu de temps : 744,8 mm entre samedi soir, 29 juillet 2023, et mercredi matin, 2 août, dans une des stations de la capitale alors que le précédent record, datant de 1891, ne dépassait pas 609 mm ! Des précipitations aussi intenses ont fait des dégât colossaux et on compte au moins 20 morts et 19 disparus, tandis que de nombreux ponts et routes ont été coupés et quantité d’habitations inondées.

Mais c’est une autre nouvelle venue de Chine qui a fait le buzz sur la toile ces derniers jours : il a suffi pour cela que des visiteurs du zoo de Hangzou mettent en ligne une vidéo sur laquelle on voit un ours des cocotiers dressé sur ses pattes arrières faire le singe pour quémander quelques friandises aux badauds attroupés autour de son enclos. Il est vrai que les images en question donnent du plantigrade en question une allure particulièrement humaine : droit comme un i, fermement planté sur ses jambes arrières et faisant des gestes très explicites avec ses avant bras, il donne vraiment l’impression de converser avec les humains attroupés de l’autre côté de la barrière.

Extrait de la vidéo virale sur les réseaux sociaux montrant l’ours suspect du zoo de Hangzou (source ©
Twitter Shangai Daliy / Libération)

Une impression encore renforcée lorsqu’on le voit de dos avec sa fourrure qui fait des plis au niveau des reins comme s’il s’agissait d’un costume de scène un poil trop grand qui retombe un peu sur les jambes. Habitués à voir plutôt des ours bruns de grande taille, les visiteurs chinois du zoo se sont donc persuadés que cet ours noir aussi mal fagoté, d’à peine 1,40 m de hauteur et à la silhouette si typiquement humaine, n’était autre qu’un employé du zoo déguisé en ours pour amuser le public, comme on en voit dans tous les parcs d’attraction…

Vidéo réalisée par le Huffington Post et accessible sur YouTube

Une idée tellement ancrée dans l’esprit de tous les internautes qui ont visionné cette vidéo devenue virale, que la direction du zoo de Hangzou s’est cru obligée de publier un communiqué de mise au point, signé par Angela, l’ourse des cocotiers en question qui explique donc au grand public : « Le directeur du zoo m’a appelée hier soir après le travail, pour me demander si je ne flemmardais pas et si je n’avais pas trouvé une bête à deux pattes pour me remplacer ».

Eh bien non, contrairement à ce que croient nombre de ceux qui ont visionné la vidéo, il s’agissait donc bien d’une vraie ourse des cocotiers en chair et en os, issue des forêts d’Asie du Sud-Est notamment de Malaisie. Cette espèce de très petite taille, qui ne dépasse pas 1 m à 1,40 m, très caractéristique avec son pelage noir luisant et son large collier orangé autour du cou, y est d’ailleurs en grand danger du fait de la déforestation qui a cours dans ces contrées, mais ce n’est pas (encore) une raison pour la remplacer dans les zoos par un humain déguisé. D’autant que, comme l’a judicieusement précisé la direction du zoo de Hangzou, il faisait alors pas loin de 40 °C dans l’enclos rocheux du parc zoologique en question et qu’un homme aurait eu bien du mal à rester toute la journée en plein cagnard à faire ainsi le pitre recouvert d’une fourrure d’ours…

L’affaire laisse quand même songeur quand à la nécessité d’exhiber ainsi de pauvres animaux sauvages dans des conditions aussi inhumaines, au risque de tomber en dépression et de périr d’ennui, alors même que finalement la plupart des visiteurs restent persuadés avoir vu un simple employé plus ou moins habilement déguisé…

Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que des zoos chinois sont ainsi accusés de tromper le public en remplaçant une espèce par une autre. CNN s’en était fait l’écho en août 2013, relayant la surprise d’une maman chinoise visitant avec son fils le zoo de Louhe, dans la province centrale du Henan, et entendant le lion se mettre à aboyer : il avait été purement et simplement substitué par un dogue du Tibet, un gros chien roux à la fourrure particulièrement fournie mais qui, malgré ses bonnes dispositions, avait encore un peu de mal à passer pour un lion de l’Atlas accompli.

Faute de lion, un dogue du Tibet fait aussi bien l’affaire (source © Le site des toutous)

Une supercherie renouvelée dans l’enclos des loups, eux aussi remplacés par de simples chiens tandis qu’un renard blanc essayait maladroitement de remplacer au pied levé le léopard aux abonnés absents. La direction du zoo s’était défendue en prétextant des erreurs d’étiquetage et un concours de circonstances : la cage du lion était momentanément vide et le chien l’a trouvée à son goût… Le parc zoologique en question avait finalement fermé ses portes, le temps sans doute de faire un peu le ménage dans ses enclos et parmi ses pensionnaires, sous les lazzis du public qui conseillait (déjà) de remplacer les gorilles par un employé déguisé…

En Chine, le sort des kangourous de zoo n’est pas de tout repos… (source © RTL info)

Mais on ne saurait trop déconseiller aux employés en question de jouer ainsi les animaux de foire quand on voit le traitement que certains visiteurs font subir aux pauvres bestioles en cage. Une femelle kangourou avait ainsi trouvé la mort dans le zoo de la grande ville de Fuzhou, au sud-est de la Chine, après avoir essuyé, le 28 février 2018, plusieurs jets de pierres et de briques expédiés par le public pour l’obliger à sauter. Avec une patte écrasée et un choc fatal au niveau des reins, la pauvre bête était décédée quelques jours plus tard, ce qui n’avait pas empêché les visiteurs de recommencer et de blesser grièvement un jeune mâle quelques jours plus tard dans le même enclos…

En Chine, comme dans bien d’autres pays, où le respect des droits de l’homme ne va pas forcément de soi et où la notion de protection du monde animal est loin d’être acquise par tous, il ne fait pas bon être privé de liberté, que l’on soit un ours des cocotiers ou un pauvre type et quelle que soit la défroque que l’on a sur le dos…

L. V.

Inondation en Ile-de-France : la Cour des Comptes s’alarme

1 décembre 2022

Que se passerait-il si la Seine devait subir une nouvelle crue comparable à celle qui avait totalement paralysé la capitale en janvier 1910 ? A l’époque, Paris et sa banlieue étaient restées sous les eaux pendant plus de 2 mois et il avait fallu attendre le mois de juillet pour un quasi retour à la normale. Cette crue, bien qu’importante, qui avait vu le niveau de la Seine monter à 8,62 m au pont d’Austerlitz, n’avait pourtant rien d’exceptionnel, et était plus faible même que celle de février 1658, la plus forte crue historique documentée, et du même ordre de grandeur que celles de celles de janvier 1651 ou de décembre 1740. La période de retour d’environ 100 ans qui lui est statistiquement accordée n’est donc pas usurpée.

Une rue de Paris pendant les inondations de janvier-mars 1910 (source © Agence Rol / Gallica BNF / Retronews)

Pour autant, la région parisienne avait alors montré une extrême vulnérabilité face à un événement naturel de ce type. Dès le 20 janvier 1910, la navigation avait été mise en l’arrêt et tous les transports fluviaux sont restés paralysés pendant plus de 2 mois, tandis que l’on observait les premières infiltrations d’eau dans les tunnels de métro, notamment via le chantier de la ligne 12, jusqu’à former un immense lac devant la gare Saint-Lazare, à plus d’1 km des berges de la Seine !

Station de métro Cour de Rome sous les eaux en 1910 (source © Agence Rol / Gallica BNF / Retronews)

Nombre des usines électriques alimentant la capitale ont rapidement été hors d’usage et il a fallu en revenir à la bougie et à la lampe à pétrole pendant plusieurs mois tandis que l’on ressortait les fiacres pour parcourir les rues inondées où l’armée dut construire en hâte des passerelles en bois et mettre des canots à disposition. Les réfugiés affluent de banlieue, où la situation est bien pire encore. Les usines de traitement des ordures ménagères n’étant plus opérationnelles, le préfet n’a d’autre solution que d’ordonner qu’on les jette directement dans la Seine depuis les ponts, au grand dam des riverains de l’aval… Même le nettoyage des rues et des caves nauséabondes, après la décrue, s’avère complexe faute d’anticipation !

Déversement des ordures dans la Seine pendant la crue de 1910 depuis le pont de Tolbiac (Carte postale source © Fortunapost)

Un siècle plus tard, quelques aménagements supplémentaires ont certes été entrepris. Des obstacles à l’écoulement des eaux ont été supprimés et 4 grands lacs réservoirs ont été construits en amont du bassin, sur la Seine et ses principaux affluents, non seulement pour limiter l’impact des crues, mais surtout pour soutenir les débits d’étiage de la Seine qui, en période de sécheresse, serait bien incapable sans cela d’assurer le refroidissement de la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine ou la dilution des rejets de la station d’épuration d’Achères. Ils sont d’ailleurs parfaitement joué leur rôle lors de la dernière crue en date, en janvier 2018 et ont permis, à quelques centimètres près, d’empêcher l’inondation total du RER C, ligne de métro particulièrement vulnérable. Mais ils seraient insuffisants face à une montée des eaux comparable à celle de 1910 et n’ont pas pu faire grand-chose face à un épisode pluvieux concentré en aval, comme celui qui s’est produit en juin 2016 avec des débordements des affluents franciliens dont le Loing.

Évacuation des habitants de Souppes-sur-Loing durant la crue de juin 2016 (source © AFP / Episeine)

D’où la question récurrente de savoir comment la région Ile-de-France se comporterait en cas de nouvel épisode comparable. On connait malheureusement la réponse et elle n’est pas très encourageante, comme vient de le rappeler tout récemment la Cour des Comptes dans un rapport très documenté, rendu public le 18 novembre 2022. Elle confirme notamment que le coût des dommages directs attendus dans ce cas atteindrait la somme colossale d’environ 30 milliards d’euros, dont 19 milliards pour les seuls biens assurés (ce qui n’est pas le cas d’une grande partie des infrastructures publiques, réseaux et voiries notamment). La somme n’est pas négligeable comparée aux 1,4 milliards d’euros causés par les inondations de 2016 et nécessiterait un appel en garantie de l’État pour permettre à la Caisse centrale de réassurance de faire face.

La Seine en crue à Paris le 3 juin 2016 (photo © Caroline Paux / Citizenside / AFP / France 3 Régions)

Les projections d’une telle crue montrent que plus de 830 000 habitants auraient les pieds dans l’eau, principalement d’ailleurs dans les Hauts-de-Seine et le Val-de-Marne, mais 2,7 millions seraient privés de distribution d’eau potable et près de 5 millions d’électricité… Du fait de l’urbanisation qui s’est développée de manière accélérée ces dernières décennies, ainsi d’ailleurs que les aménagements d’infrastructures en souterrain, l’Île-de-France s’avère en réalité bien plus vulnérable qu’elle ne l’était en 1910 ! On y compte ainsi désormais plus de 200 sites industriels à fort risque de pollution dont 30 classés Seveso, situés en zone inondable. D’où les inquiétudes de la Cour des Comptes qui constate que les mesures mises en œuvre pour se prémunir contre des événements naturels de cette ampleur ne sont pas à la hauteur des enjeux.

Le RER C, particulièrement vulnérable aux inondations, ici le 26 janvier 2018 (photo © Anas Saidi / Crowdspark / AFP / France TV info)

La ville de Paris elle-même est relativement bien protégée par les parapets qui ont été rehaussés en se calant sur la crue de 1910, mais c’est loin d’être la même chose en banlieue où les premiers débordements se produisent même pour des événements très modestes et donc plus fréquents. Alors que certains quartiers de Francfort sont protégés contre des crues de période de retour 200 ans et que Londres s’est prémunie contre des événements de période de retour 1000 ans, et bientôt 10.000 ans, le niveau de protection à Paris entre les ponts d’Iéna et d’Issy-les-Moulineaux ne dépasse pas une période de retour de 10 à 30 ans…

Des plans de prévention des risques ont bien été établis par les services de l’État pour tenter d’adapter l’urbanisation à ce risque naturel, mais la quasi-totalité d’entre eux ne prend pas en compte les risques d’inondation par remontée de nappe et surtout par ruissellement urbain, pourtant souvent prépondérant. Même la gestion de risque est en retard, faute de volonté politique des élus locaux, seuls 60 % d’entre eux ayant engagé la rédaction d’un plan communal de sauvegarde dans les communes ou il est pourtant obligatoire, et très peu se préoccupant de l’actualiser et de le tester via des exercices périodiques.

Le lit majeur de la Seine, désormais totalement urbanisé en région parisienne, ici à Vitry-sur-Seine (source © Deveco)

La Cour des Comptes pointe un effort financier très insuffisant de la part des collectivités territoriales pour mettre en œuvre des plans d’action de prévention des inondations et un frein de la part des élus locaux à rendre publiques les données existantes, pour ne pas affoler les populations et réduire l’attractivité de leur territoire. Le Conseil régional d’Île-de-France en particulier, dirigé par Valérie Pécresse, est pointé du doigt pour son refus de s’impliquer dans la prévention du risque inondation et de n’en tenir aucun compte dans sa politique d’aménagement du territoire ni dans ses actions d’accompagnement des acteurs économiques.

Le quartier Belleplace-Blandin à Villeneuve-Saint-Georges (Val de Marne), inondé en janvier 2018 (photo © Charlotte Follana / Le Parisien)

Certes, de nombreuses initiatives sont entreprises pour tenter de mieux prendre en compte ce risque, avec quelques projets emblématiques dont le réaménagement d’une partie des berges de l’Yerres à Villeneuve-Saint-Georges, qui avaient été ravagées en 2016 comme en 2018 et où la rivière a besoin de retrouver un peu d’espace, ou comme le projet d’aménagement de zones d’écrêtement des crues dans la vallée de la Bassée, en amont de la confluence avec l’Yonne, sur lequel travaille depuis des années l’établissement publique territorial de bassin, Seine Grands Lacs. Mais globalement, la Cour des Comptes se montre particulièrement sévère sur l’insuffisance des actions mises en œuvre collectivement pour se prémunir contre cette grande crue que chacun redoute mais qui peut se produire à tout moment : nous voilà au moins prévenus…

L. V.

Pakistan : des inondations meurtrières

16 septembre 2022

Le Pakistan, ce pays de 220 millions d’habitants, fait face depuis le début de l’année à une crise climatique de grande ampleur. En mars, le pays commençait déjà à suffoquer sous l’effet d’une forte vague de chaleur avec des températures supérieures à 40 °C. En avril, le mercure a continué à grimper pour atteindre localement jusqu’à 51 °C le 14 mai 2022 à Jacobabad, près de la frontière avec l’Inde : un record mondial sans précédent ! La ville voisine de Calcutta, en Inde, a aussi connu cette année sa plus longue séquence sans pluie : 57 jours consécutifs.

En 2022, le Pakistan en proie à une canicule record (photo © Prakash Singh / AFP / Radio France)

Des records de chaleur qui rendent la vie quasi insupportable et qui ont fait au moins 25 victimes directes en Inde et 65 au Pakistan, l’organisme humain étant mis à rude épreuve durant ces épisodes de canicule prolongée lorsque le thermomètre ne descend pas en dessous de 30 °C même au cœur de la nuit.  Cette vague de canicule, que les scientifiques relient sans hésiter au réchauffement climatique mondial, s’est bien évidemment accompagnée d’un déficit sévère en eau, les cours d’eau s’asséchant les uns après les autres et le débit du fleuve Indus, principale source d’alimentation en eau du Pakistan a vu son niveau d’étiage fondre de 65 %.

La population a aussi eu à subir en parallèle de multiples coupures d’électricité liées à une surconsommation pour alimenter réfrigérateurs et climatiseurs, mais aussi des vagues de pollution due notamment à plusieurs incendies majeurs de décharges, dont celle de New Delhi qui s’est enflammée à trois reprises. Au nord du Pakistan, un lac glaciaire a rompu sa digue sous l’effet de la fonte accélérée des neiges d’altitude. Les rendements agricoles se sont effondrés, y compris au Pendjab, grenier à blé de l’Inde, au point que ce pays a annoncé suspendre totalement ses exportations, pour privilégier sa propre sécurité alimentaire.

Rivière en crue dans le district de Swat où des milliers de personnes ont dû évacuer leur habitation le 27 août 2022 (photo © Abdul Majeeb / AFP / La Dépêche)

Et voilà que début juin, à la période où débute habituellement la mousson, des pluies diluviennes se sont abattues notamment sur la région, se poursuivant quasiment sans discontinuer jusqu’en septembre et atteignant des cumuls inhabituels au Pakistan qui a dû décréter l’état d’urgence le 26 août. Le pays est certes habitué à ces fortes pluies de mousson et aux inondations meurtrières qui en résulte. Ici, chacun a encore en tête l’année 2010, pas si lointaine, où près de 20%de la superficie du pays s’était retrouvée sous les eaux, avec un bilan final estimé à environ 2000 morts. Mais le cru 2022 est très comparable puisque la dernière semaine d’août, les autorités annonçaient déjà un bilan de 1400 morts, autour de 13 000 blessés, plus de 250 000 maisons détruites, 1,8 millions d’hectares de terres agricoles submergées, de l’ordre de 700 000 têtes de bétail emportées, 3000 km de routes hors d’usage et au moins 130 ponts effondrés…

Inondations dans les rues d’Hyderabad le 26 juillet 2022 (photo © Jan Ali Laghari / Anadolu Agency / AFP / La Croix / Reporterre)

Presque tout le pays est touché par ces inondations historiques qui concerneraient directement de l’ordre de 33 millions d’habitants selon Sherry Rehman, la ministre du changement climatique (eh oui, le poste existe au Pakistan !). Et au-delà des victimes directes de l’inondation, la population n’a pas fini de souffrir de cette situation apocalyptique : l’eau qui recouvre une bonne partie du pays et qui risque de stagner pendant des mois risque en effet d’accroître fortement les risques liés aux maladies hydriques telles que le paludisme, la bilharziose ou la dysenterie voire le choléra. L’accès à l’eau potable devient vite un problème de santé publique dans les secteurs durablement inondés, les puits d’étant plus protégés contre la contamination des eaux de surface.

Evacuation sur un radeau de fortune dans le district de Jaffarabad, le 8 septembre 2022 (photo © Fida Hussain / AFP / TV5 monde)

Les conséquences économiques d’une telle situation risquent d’être lourdes du fait des impacts de ces inondations majeures sur les cultures de riz et surtout de coton, qui contribuent largement à la balance commerciale du pays. Et ceci advient dans un pays en crise politique puisque le Premier ministre du Pakistan, Imran Khan, a été renversé en avril dernier par un vote de défiance du Parlement et que le gouvernement de coalition qui dirige depuis le pays doit faire face aux attaques verbales incessantes de l’ancien dirigeant qui a gardé un fort pouvoir de mobilisation : affronter ainsi en même temps une crise politique, économique et sociale tout en faisant face à une des pires catastrophe naturelle que le Pakistan ait connu, n’est pas une partie de plaisir pour le gouvernement actuel, conduit par Shehbaz Sharif, par ailleurs président de la Ligue musulmane du Pakistan et frère de Nahwaz Sharif qui a été lui-même à trois reprises Premier ministre : au Pakistan, l’instabilité politique est coutumière et aucun Premier ministre n’a réussi, depuis l’indépendance du pays en 1947, à aller jusqu’au bout de son mandat…

Le Secrétaire général des Nations Unies Antonio Guterres (à gauche) et le Premier ministre pakistanais Shehbaz Sharif (au centre) en visite dans un camp de réfugiés à Usta Muhammad, le 10 septembre 2022 (photo © Pakistan Prime Minister’s Office / AFP / Le Matin)

Il n’en reste pas moins que ce nouvel épisode d’inondation au Pakistan est assez inédit par son ampleur, au point que le secrétaire général des Nations-Unies, Antonio Guterres, de visite dans le pays a déclaré samedi 10 septembre 2022à Karachi : « J’ai vu de nombreux désastres humanitaires dans le monde, mais je n’ai jamais vu de carnage climatique de cette ampleur. Je n’ai simplement pas de mots pour décrire ce que j’ai vu aujourd’hui ». Manifestement révulsé par le spectacle d’horreur auquel il a ainsi assisté, il a exhorté l’ensemble des pays émetteurs de gaz à effet de serre à modifier enfin leurs pratiques pour protéger les populations contre ces désastres qui se tendent à se multiplier. Pas sûr qu’il ait été bien entendu…

L. V.

Afrique du Sud : Durban sous les flots

23 avril 2022

Le GIEC vient tout juste de publier, le 4 avril 2022, le troisième volet de son sixième rapport d’évaluation sur le changement climatique global, s’efforçant une nouvelle fois de mettre en avant les solutions qu’il faudrait mettre enfin en œuvre pour tenter, pendant qu’il en est encore temps, de se conformer aux engagements de la COP 21, à savoir limiter le réchauffement planétaire à 1,5 °C en moyenne, sachant que ce réchauffement ne fait que s’accélérer et a d’ores et déjà dépassé la barre fatidique de 1 °C… Vu l’inertie du dispositif et la torpeur sinon le scepticisme de la plupart des dirigeants économiques et politiques, l’affaire devient de plus en plus délicate et on approche à grand pas du point où, quoi qu’on fasse, il sera de toute façon impossible de limiter ce réchauffement climatique au niveau visé lors de l’Accord de Paris.

Dégâts liés à la crue de la rivière Ahr à Schuld, en Allemagne (photo © Michael Probst / AP / Le Monde)

Et forcément, dans un tel contexte de réchauffement planétaire global, les événements climatiques extrêmes s’enchaînent. On se souvient des inondations exceptionnelles qui avaient fait plus de 200 morts et des dégâts matériels considérables, évalués à 30 milliards d’euros, en Allemagne et en Belgique, en juillet 2021. En janvier-février 2022, c’était l’île de Madagascar qui était ravagée par pas moins de cinq cyclones successifs, occasionnant de nombreuses victimes et d’énormes dommages.

Route nationale 2 coupée par les inondations en janvier 2022 entre Moramanga et Antananarivo fin janvier 2022 (source © Témoignages)

Dernièrement, c’est la région du Kwazulu-Natal, au nord-est de l’Afrique du Sud, qui vient de subir une catastrophe comparable, tout aussi exceptionnelle au vu des statistiques météorologiques, mais que l’effet du réchauffement climatique ne fait que rendre plus probable de jour en jour. A partir du 8 avril 2022, des pluies diluviennes se sont abattues dans la région de Durban : plus de 450 mm d’eau en 48 heures, soit quasiment la moitié de ce qui tombe localement sur une année entière en moyenne ! Un phénomène que les météorologues dénomment joliment « goutte froide », que l’on rencontre parfois aussi en Europe, et qui se traduit par le blocage d’une masse d’aire polaire venue s’égarer sous cette latitude subtropicale.

Temple Vishnou au bord du fleuve Mhlathuzana, à Chatsworth, près de Durban, endommagé par la crue le 12 avril 2022 (source © Associated Press / TV5 Monde)

A Durban même, une ville portuaire de 3,5 millions d’habitants, la deuxième du pays derrière Johannesburg, les dégâts ont été considérables. Sur l’ensemble de la région, un premier bilan provisoire, établi le 19 avril, faisait état d’au moins 448 morts, alors que les hélicoptères survolaient encore la ville à la recherche de nombreuses personnes toujours portées disparues. Plus de 4000 maisons ont été détruites par ces violentes intempéries et au moins 13 500 ont été endommagées. De nombreux hôpitaux et plus de 550 écoles ont également subi des dégâts parfois sévères et des zones entières restent encore inaccessibles à cause des routes et des ponts qui ont été emportés. Le port de Durban lui-même a été totalement dévasté avec des milliers de containers qui se sont éparpillés un peu partout…


Empilement de containers emportés par les inondations dans le port de Durban le 12 avril 2022 (photo © Rogan Ward / Reuters / Le Monde)

Dès le lundi 18 avril, l’armée a été mobilisée et plus de 10 000 soldats ont été déployés dans les zones sinistrées pour aider au sauvetage des victimes mais surtout au rétablissement des infrastructures, la priorité étant, paradoxe fréquent après une inondation dévastatrice, de fournir les populations en eau car tout le réseau de canalisations a été sévèrement endommagé. Le réseau ferré a lui aussi été fortement touché et les déplacements ont dû être interrompus à cause de multiples glissements de terrain qui ont coupé les voies. Un peu partout, les fortes précipitations ont fait tomber les murs de soutènement, affouillé les ouvrages et fait glisser des pans entiers de collines.

Pont emporté par les inondations dans la région de Durban en avril 2022 (photo © AP / SIPA / Les Echos)

En de nombreux endroits, les habitations précaires, parfois construites de bric et de broc avec des matériaux de récupération, sans véritable plan d’urbanisme ni de réseau bien organisé pour la collecte des eaux pluviales, ont été emportées par des coulées de boues dévastatrices.

Après les inondations, chacun se mobilise pour fouiller les décombres et remonter l’habitat précaire qui a été endommagé. Ici les ruines d’une église qui s’est effondrée sur une maison à Clermont, près de Durban (photo © Rogan Ward / Reuters / Ici Radio Canada)

La ville de Durban avait déjà été le théâtre de violences urbaines sanglantes en juillet 2021, et avait connu 5 nuits de manifestations et de pillages consécutives à l’emprisonnement de l’ex président, Jacob Zuma, figure historique de la lutte anti-apartheid, d’origine zoulou. Élu Président de la République en 2009 et réélu en 2014, il avait dû démissionner en 2018 et s’est donc retrouvé en prison en 2021 après avoir refusé de comparaître devant les juges qui l’accusaient de corruption politique aggravée. Une situation explosive qui avait donc déclenché une vague d’émeutes à travers le pays, provoquant pas moins de 337 morts dont 258 dans la seule province du Kwazulu-Natal.

Centre-ville de Durban ravagé par des émeutes ayant conduit au pillage de près de 40 000 commerces en juillet 2021 (photo © AFP / BBC)

La ville de Durban avait alors connu une vague sans précédent de destructions et de pillages avec de nombreux incendies criminels provoquant la destructions de magasins et d’entrepôts autour du port. Et voila donc qu’après la folie meurtrière des hommes, ce sont les forces de la nature qui se déchaînent contre la ville et la noie sous des trombes d’eau. Il est décidément des lieux où il vaut mieux de pas se trouver dans ces moments-là…

L. V.

Australie : après le feu, le déluge…

27 mars 2022

L’Australie n’en finit pas de subir catastrophe naturelle sur catastrophe naturelle. Entre juin 2019 et février 2020, le sud-est du pays avait été littéralement ravagé par une série d’incendies. Des feux de brousse habituels en cette saison mais dont l’ampleur avait été catastrophique du fait de l’extrême sécheresse et des fortes températures qui régnaient alors. Les bilans font état de pas moins de 186 000 km² partis en fumée en quelques mois, soit l’équivalent d’un tiers de la superficie de la France ! Près de 6000 bâtiments ont été détruits dont 2800 maisons d’habitation et le bilan humain fait état d’au moins 34 morts carbonisés directement auxquels s’ajoutent quelques 445 décès consécutifs aux inhalations de fumées…

Incendie en Australie en janvier 2020 (source © capture écran Twitter / Australia-Australie)

Le bilan environnemental de ces gigantesques incendies est catastrophique également puisqu’on estime que de l’ordre de 3 milliards d’animaux ont péri tandis que la NASA estime la quantité de C02 émise dans l’atmosphère par ces seuls feux de forêt à 306 millions de tonnes, ce qui est quasiment du même ordre de grandeur que l’empreinte carbone annuelle d’un pays comme la France.

Et la série continue depuis avec de nouveau de gigantesques incendies qui ont touché fin 2021 la côte ouest de l’Australie, dans la région très touristique de Margaret River où l’on avait enregistré des températures assez inhabituelles dépassant les 40 °C, tandis que, dans le même temps, la côte orientale de l’Australie subissait des inondations cataclysmiques. La zone sud-est de l’Australie, au sud de Sidney, celle-là même qui, il a a deux ans à peine, était la proie de flammes gigantesque ; a vu s’abattre un véritable déluge avec localement jusqu’à 400 mm de pluie en 24 h. En trois jours, Brisbane a enregistré un cumul de précipitation équivalent à 80 % de ce qui tombe en moyenne sur toute l’année ! A Lismore, une ville particulièrement touchée où la rivière a atteint une cote historique de 14 m, on a enregistré des pluies d’intensité exceptionnelle atteignant 181 mm en 30 mn.

Maisons inondées à Lismore, en Nouvelles-Galles du Sud, le 28 février 2022 (photo © Bradley Richardson / AFP / Le Monde)

Du coup, les dégâts liés à ce déluge de pluie qui a atteint son paroxysme début mars 2022, sont considérables. Plus de 200 000 personnes ont dû être évacuées en catastrophe de leurs maisons et beaucoup ont tout perdu. Le 9 mars 2022, le bilan officiel et encore provisoire était déjà de 22 morts tandis que 60 000 personnes étaient priées fermement d’évacuer leur habitation dans la ville même de Sidney. Le toit d’un supermarché s’est effondré et le barrage de Manly, situé au nord de la ville de Sidney, menaçait de céder. De nombreuses routes et infrastructures ont été endommagées par ces inondations cataclysmiques et on ne compte pas le nombre d’habitations noyées sous des déluges d’eau boueuse.

Déplacement en kayak dans les rues de Milton, dans la banlieue de Brisbane, près d’un bus submergé, le 28 février 2022 (source © Défi Média)

Cette série de catastrophes est incontestablement liée au dérèglement climatique en cours qui se manifeste actuellement via le phénomène que les météorologues appellent La Niňa, liée à une anomalie thermique de l’Océan pacifique et qui avait déjà causé des inondations dévastatrices en 2010-2011. Ce lien entre catastrophes naturelles et réchauffement climatique global est particulièrement net en Australie.

Ainsi, une étude publiée en novembre 2021 par des chercheurs de l’organisme public CSIRO (Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation) analyse les feux de brousse survenus en Australie au cours des 90 dernières années. Elle met ainsi en évidence que sur les 11 années où plus de 500 000 km² de forêt sont partis en fumée sous l’effet de méga feux de brousse, 9 se sont produites depuis 2020, à une période donc où le réchauffement climatique est le plus manifeste. Certes, de multiples facteurs expliquent l’origine et le développement de ces gigantesques incendies, mais les chercheurs confirment que le facteur climatique est celui qui explique cette accélération du phénomène.

Des incendies de plus en plus fréquents avec le réchauffement climatique, ici à Charmhaven (Nouvelle-Galles du Sud), le 30 décembre 2019 (photo © Twitter NSW Rural Fire Service / AP / SIPA / 20 minutes)

Pourtant, le gouvernement australien continue de nier cette évidence et maintient que ces feux de brousse ont toujours existé et que leur aggravation serait uniquement lié à un débroussaillement insuffisant, tout comme les inondations ne seraient que le fruit du hasard climatique. Paradoxalement, alors que l’Australie est peut-être l’un des pays où les effets du changement climatique sont les plus évidents, sans même parler du blanchiment de la Grande barrière de corail qui meurt à petit feu sous l’effet de l’augmentation incessante de la température marine, c’est aussi l’un de ceux dont les dirigeants persistent à nier l’évidence du lien avec nos propres émissions de gaz à effet de serre.


Le Premier ministre australien Scott Morrison (à gauche) aux côtés de Donald Trump à la Maison Blanche en septembre 2019 (photo © AAP Image / The Kidsnews)

Il faut dire que le premier ministre actuel, Scott Morrison, un chrétien évangéliste pentecôtiste ultra conservateur issu de l’aile la plus à droite du Parti libéral, est un climato-sceptique notoire. Entré au gouvernement en 2013 comme Ministre de l’immigration et de la protection des frontières, il est devenu chef du gouvernement fin août 2018, après que son prédécesseur a été renversé pour avoir annoncé sa volonté de respecter les termes de l’Accord de Paris sur le climat ! Dès le mois de septembre 2018, son pays fat face à une canicule et une sécheresse exceptionnelles : le thermomètre atteint 49,5 °C à Adelaïde et l’État du Queensland est ravagé par des incendies auxquels succèdent des inondations dévastatrices qui entraînent des pertes importante de cheptel dans cette zone d’élevage.

Seulement voilà : l’Australie est le quatrième plus gros producteur de charbon et le deuxième pays exportateur mondial : le charbon fournit 80 % de l’électricité nationale et rapporte chaque année 50 milliards de dollars à l’export, vers les pays asiatiques pour l’essentiel. Depuis 1990, l’Australie peut ainsi se targuer d’avoir augmenté ses propres émissions de gaz à effet de serre de 46,7 % !

Exploitation de charbon par le groupe Rio Tinto sur le Mont Thorley, dans la Vallée de l’Hunter en 2014 (source © Flickr / Global Voices)

Malgré les manifestations d’une partie de la jeunesse en faveur d’une meilleure prise en compte des enjeux environnementaux, le gouvernement de Scott Morrison bénéficie d’un large soutien de l’opinion qui voit d’abord les bénéfices économiques de cette exploitation minière du charbon qui contribue largement à la prospérité du pays. Les médias, détenus à 70 % par le climato-sceptique revendiqué, Rupert Murdoch, contribuent d’ailleurs largement à façonner cette popularité. Ainsi, en novembre 2019, alors que les incendies faisaient rage dans le Queensland et en Nouvelle-Galles du Sud, le vice-Premier ministre Michael McCormack déclarait publiquement que le changement climatique ne préoccupe guère que des « tarés de gauche dans les centres urbains »… C’est dit !

A l’occasion de la COP 26 pour le climat, l’Australie s’était vaguement engagée, sous la pression internationale, à viser la neutralité carbone d’ici 2059, mais s’est fermement opposée à l’idée d’un accord pour réduire l’exploitation du charbon qui assure sa prospérité. Un choix largement conforté par les électeurs au moins dans le secret de l’isoloir, à défaut de l’assumer tous publiquement dans les sondages d’opinion, comme tous les votes un peu honteux, d’abord guidés par l’intérêt individuel : ainsi va le Monde…

L. V.

Fresques murales : l’imagination au pouvoir…

6 février 2022

A Marseille, depuis peu, une nouvelle fresque murale gigantesque est visible, sur la façade en béton brut, de 60 m de long et 14 m de haut, de la Cité des arts de la rue, en bordure de l’autoroute A7 à l’entrée nord de la ville. Une nouvelle signature graphique originale qui vient compléter les immenses lettres qui égrainent depuis 2016 le nom de Marseille sur les hauteurs du Centre commercial du Grand Littoral. Cette œuvre originale qui se présente sous la forme d’un graphique en forme de bâtons se veut à vocation non seulement artistique, réalisée par le peintre muraliste Germain Prévost, alias IPIN, avec l’aide des cordistes de l’entreprise ATX, mais aussi pédagogique.

Le projet s’inscrit en effet dans le Programme d’action de prévention des inondations et a été initié par la Mission interministérielle inondations sur l’arc méditerranéen. Le graphique représente l’évolution des valeurs de débit du ruisseau des Aygalades lors d’un épisode pluvieux survenu le 13 août 2018. Long de 17 km, ce petit fleuve côtier qui s’appelle La Caravelle dans la partie amont de son cours et qui vient se jeter dans la mer à la Joliette, toute sa partie aval étant busée et régulièrement polluée par l’activité industrielle locale, en attendant des projets de renaturation…

Comme tous les cours d’eau méditerranéens, ce charmant petit ruisseau où ne coule habituellement qu’un mince filet d’eau, peut se transformer en quelques heures, à l’occasion d’un orage estival ou d’une pluie d’automne, en un flot impétueux, réceptacle des ruissellements intenses sur son bassin versant escarpé, et qui peut faire de gros dégâts en se frayant un chemin parmi les aménagements urbains qui encombrent son lit. Cette journée du 13 août 2018, mise ainsi en exergue, a par exemple vu le débit du ruisseau des Aygalades multiplié par 100 en à peine 1h30, atteignant la valeur remarquable de 30 m³/s mesurée à la station hydrométrique qui se trouve juste en aval.

Vue générale de la fresque peinte sur la façade de la Citée des arts de la rue (photo © Yann Rineau & Dominique Milherou / Tourisme-Marseille)

Pour autant, cette œuvre, joliment intitulée Ruisseau en sursaut, qui vient d’être inaugurée ce dimanche 6 février 2022, ne présente pas le caractère esthétique voire poétique qui peut caractériser certaines fresques murales qui fleurissent un peu partout sur les murs de nos cités, dans le sillage du street art qui s’est fortement développé dans les années 1970 dans les grandes villes américaines, à moins que l’on y voit une résurgence des grandes fresques pariétales de nos lointains ancêtres qui ornaient les parois de Lascaux avec leur frise de bisons et d’aurochs. L’art du graffiti mural, souvent exutoire à la colère populaire, n’est pas nouveau non plus, même si certaines périodes comme mai 1968 ont été particulièrement fécondes pour ce type d’expression graphique, avec l’émergence de véritables artistes de rue comme Ernest Pignon-Ernest.

Fresque murale peinte en 1979 par Ernest Pignon-Ernest sur le mur de la Bourse du Travail à Grenoble et restaurée en 2016 (source © Street Art Fest)

Souvent parodiques ou ironiques, ces œuvres qui fleurissent sur les murs des villes, parfois réalisées en catimini par des artistes anonymes, parfois résultant de commandes officielles de la part des maîtres d’ouvrages au bénéfice d’artistes reconnus, ne manquent pas de talent et de force évocatrice. A l’instar par exemple de ce gigantesque collage réalisé le 30 mai 2021 par celui qui se fait appelé JR, pour l’ouverture d’un festival d’art contemporain, le Parcours de Saint-Germain. Intitulée No trespassing, autrement dit, Défense d’entrer, cette peinture gigantesque en trompe l’œil représente l’artiste en train d’escalader le mur aveugle de ce bâtiment situé à l’angle du 184 boulevard Saint-Germain.

Le gigantesque collage en trompe l’oeil de Saint-Germain-des-Prés, avec l’artiste en personne donnant l’échelle (photo © JR-ART.net / Connaissance des arts)

Des œuvres qui présentent souvent un côté transgressif, comme par exemple cette fresque murale peinte par l’artiste espagnol Pejac sur un mur du 13e arrondissement à Paris, rue Edouard Manet. Intitulée Vandal-Isme, elle représente un jeune garçon projetant avec force quelque chose qui éclate contre le mur, dans une flaque de couleur représentant le fameux Déjeuner sur l’herbe du grand peintre impressionniste : le choc de « la colère et de la sensibilité esthétique à la fois », selon les termes de l’artiste lui-même…

Vandal-Isme, une œuvre signée Pejac sur un mur de la rue Édouard Manet à Paris (source © blog Stripart)

Certaines de ces fresques murales sont d’une rare qualité artistique et souvent empreintes de beaucoup de poésie, en contraste avec l’âpreté voire la laideur du paysage urbain dans lequel elles s’insèrent. Les exemples sont multiples et on pourrait citer parmi bien d’autres cette peinture qui orne le pignon d’un mur de Glasgow, sur High Street, près de la cathédrale, représentant un vieil homme attendri par le rouge-gorge qui s’est posé sur son doigt calleux. Signée Smug, un artiste d’origine australienne, il s’agit en réalité d’une référence à Saint-Mungo, l’évêque Kentigern, fondateur de la ville et qui aurait, selon la légende, ressuscité un rouge-gorge écossaise. Glasgow l’écossaise fait d’ailleurs partie de ces lieux où une visite touristique de street art est organisée, témoin de la vitalité de ce nouvel art urbain qui fleurit dans nos espaces urbains.

Peinture murale de Saint Mungo à Glasgow (photo © Finding Scotland / Glasgowlive)

La poésie et l’humour sont souvent des traits marquant de cet art urbain du graffiti et de la fresque murale. Même minimalistes, les maximes peintes au pochoir par celle qui signe ses œuvre La Dactylo, et qui se fait appelée avec un brin d’humour Lady Doigts, sont des jeux de mots astucieux, sentencieux ou vaguement coquins et qui ne peuvent manquer de faire sourire le passant même le plus indifférent au paysage qui l’entoure : « Optimisme matinal : se réveiller de bonheur », « Je ne pense Covid qui nous sépare », « Rater sa vie, c‘est déjà ça », « On va s’émécher toi ou chez moi ? », « Le me couche très tard et je me lève mytho », et le reste est à l’avenant…

Un graffiti au pochoir signé La Dactylo, sur un mur de la rue de Moussy, dans le Marais à Paris (source © Paris côté jardin)

D’autres fresques murales sont nettement plus sophistiquées et sont de véritables œuvres graphiques, à l’image de cette magnifique peinture réalisée en octobre 2021 sur un mur du centre hospitalier de Lanmeur en Bretagne, en hommage au travail des soignants, par l’artiste français Akhine. Intitulée L’éveil, elle représente la fragilité de la vie qui est entre les mains du personnel hospitalier et dégage une force remarquable, au point d’avoir été sélectionnée dans le classement 2021 de Street Art Cities qui organise chaque année un palmarès des plus belles fresques murales.

L’éveil, peint par Akhine sur l’hôpital de Lanmeur (source © Twitter / Lanmeur)

Longtemps considéré comme un art mineur et subversif, à l’image des tags souvent agressifs qui fleurissent sur les murs de nos villes, le street art est incontestablement en train de gagner ses lettres de noblesse et nombre de collectivités ont bien intégré tout l’intérêt de confier ainsi à un artiste, la décoration de façades aveugles, participant ainsi à l’embellissement de quartiers parfois bien ternes. Une pratique qui aurait pu être mise en profit à Carnoux, pour donner un peu d’humanité et de poésie aux immenses murs blancs de la nouvelle mairie, en profitant du dispositif du 1 % artistique, qui permet aux collectivités de profiter de la construction d’un édifice public pour y créer une œuvre originale. Mais sans doute le Maire n’y a t-il pas pensé…

L. V.

Du géocorail pour stabiliser le littoral ?

10 janvier 2022

Avec le réchauffement climatique global, le niveau moyen des océans s’élève progressivement, sous le simple effet de la dilatation thermique de l’eau. Mais tout laisse à penser que le phénomène risque fort de s’aggraver dans un proche avenir, sous l’effet de phénomènes complexes et plus difficiles à modéliser, la fonte des glaces polaires pouvant contribuer de manière significative à cette élévation progressive du niveau des mers. Mécaniquement, plus ce niveau s’élève, plus les zones côtières sont menacées, surtout dans les zones de côte sableuse, déjà soumises à une érosion naturelle du fait de l’action de la houle.

L’érosion côtière grignote lentement mais sûrement les infrastructures littorales (photo © Matthew J. Thomas / Actu-Environnement)

Ces phénomènes d’érosion côtière et de recul du trait de côte ne sont pas simples à modéliser car ils dépendent fortement des conditions locales et l’érosion se fait souvent par à-coups, à l’occasion de fortes tempêtes, si bien que la notion même de vitesse moyenne d’érosion du trait de côte n’a pas forcément grande signification et peut être très variable d’un point à un autre. Les analyses disponibles montrent néanmoins que 20 % du littoral national, y compris dans les territoires d’outre-mer (hors Guyane), est désormais en phase de recul et qu’environ 30 km² de terre a déjà été engloutie par la mer au cours des seules 50 dernières années.

L’immeuble Signal, à Soulac-sur-mer, menacé par l’érosion côtière, ici en 2014 lors de son évacuation (photo © Laurent Theillet / MaxPPP / Le Monde)

Chacun a vu notamment les images du Signal, cet immeuble d’habitation de 4 étages construit à la fin des années 1960 sur la côte landaise, dans la commune de Soulac-sur-Mer, en Gironde, à environ 200 m du littoral. Grignotée par les avancées de l’océan, l’immeuble est désormais directement menacé par les vagues et a dû être évacué par ses occupants en 2014. Il va désormais être démoli par la Communauté de communes dans le cadre d’un projet plus global de renaturation du littoral. Mais ce bâtiment n’est qu’un exemple parmi beaucoup d’autres des constructions faites un peu imprudemment dans des secteurs menacés par l’érosion côtière. Ainsi, le CEREMA a publié en 2019 une étude estimant entre 5 000 et 50 000 (selon les hypothèse retenues) le nombre de logements qui seront directement menacées par ce recul du trait de côte d’ici 2100.

Des maisons directement menacées par l’érosion du littoral, ici sur la côte atlantique (photo © David Ademas / Ouest France)

La côte méditerranéenne est directement touchée par ce risque, tant sur les côtes sableuses, notamment dans le Languedoc et en Camargue, que sur les zones de falaises côtière. Ces dernières sont en effet soumises elles-aussi à des phénomènes chroniques d’érosion, sous l’effet principalement de la circulation d’eau dans les fissures des massifs rocheux, provoquant petit à petit la désagréqation de ces fronts rocheux qui s’éboulent périodiquement. La houle déblayant au fur et à mesure les matériaux issus de ces éboulements et accumulés en pied de falaise, le littoral recule inexorablement, finissant par menacer les maisons construites près du rivage.

Face à cette menace désormais bien caractérisée, une stratégie nationale de gestion du recul du trait de côte a été élaborée et la loi climat adoptée en août 2021 prévoit une liste de communes qui devront intégrer dans leur plan local d’urbanisme les zones potentiellement soumises à cette érosion littorale. Marseille sera directement concerné par cette menace, s’étant largement urbanisée en bordure même de la mer, dans des secteurs soumis à des éboulements récurrents.

A Marseille, de nombreuses constructions sont directement menacées par l’érosion littorale : ici le CIRFA (centre d’information et de recrutement des forces armées près des Catalans (source © Tourisme Marseille)

Si la logique consiste à limiter les constructions dans ces zones et à supprimer progressivement les bâtiments les plus menacés, des stratégies de protection sont aussi mises en œuvre, via des ouvrages de défense édifiés soit en haut de plage (sous forme de digues ou de murs), soit en pied de plage (sous forme de brise-lames et d’épis en enrochements), soit en immersion.

Pour limiter l’impact et le coût de tels ouvrages qui nécessitent de gros moyens de terrassement, une société implantée à Marseille depuis 2012 sous le nom de Géocorail, a mis au point un procédé innovant assez astucieux et d’ailleurs breveté. En injectant du courant électrique, à partir d’une cathode reliée à un générateur, et d’une anode en titane, on provoque une électrolyse de l’eau de mer qui permet de précipiter le calcium et le magnésium, lesquels se déposent sur le substratum sous la forme d’un liant naturel solide à base d’aragonite et de brucite, selon un mode de dépôt assez semblable à celui qui permet la construction naturelle de récifs coralliens.

Philippe Andréani, dirigeant de la société Géocorail, avec un fragment de grille recouverte de son liant déposé in situ (photo © Stéphanie Têtu / Le Moniteur)

Ce dépôt qui vient se former sur une armature de grillage métallique agglomère également tous les sédiments marins et débris en suspension dans l’eau, débris de coquillage, grains de sables et même déchets plastiques, formant un encroutement calcaire qui s’épaissit de 5 à 10 cm par an jusqu’à constituer une coque protectrice qui permet de renforcer naturellement les pieds de digues ou d’enrochement, de colmater les brèches en pied de quai ou de consolider les pieds de plage menacés d’érosion. Dès que l’ouvrage a atteint le niveau de protection recherche, il suffit de couper l’alimentation et le matériau ainsi généré devient inerte comme un dépôt calcaire naturel.

Formation de Géocorail en place pour renforcer un ouvrage de protection (source © Géocorail / La Gazette des Communes)

Dès 2016, une première application de ce procédé ingénieux a été testée à Châtelaillon-Plage, près de La Rochelle, pour renforcer une digue de protection. D’autres ont suivi depuis, notamment à Mèze, dans l’Hérault, où la société a imaginé, avec le syndicat mixte du bassin de Thau, de réaliser des cages en gabions remplies de coquilles d’huîtres pour recycler les quelques 8 500 tonnes générées chaque année par l’activité conchylicole locale. Immergés dans l’eau pendant un an, ces blocs se solidifient et peuvent ensuite remplacer des enrochements à moindre coût et faible impact environnemental. A Cannes, le béton naturel de Géocorail a aussi permis de renforcer des chaussettes brise houle immergées devant la Croisette.

Matériau biomimétique, le Géocorail offre de multiples applications, y compris pour remplacer des gabions ou des enrochements, voire pour agglomérer des sédiments pollués (source © Géocorail / Le Moniteur)

En 2021, le fonds d’investissement Truffle Capital, qui soutient cette entreprise depuis sa création, a levé 2,7 millions d’euros pour les injecter dans cette société en pleine croissance qui envisage aussi d’utiliser son procédé pour encapsuler directement au fond de l’eau des sédiments sous-marins pollués, pour éviter qu’ils ne soient remis en suspension par les hélice des bateaux ou lors de leur extraction. Un bel avenir en perspective pour cette entreprise qui mise sur une meilleure prise en compte par les collectivités de ces phénomènes d’érosion marine pour développer son carnet de commande…

L. V.

Un PAPI pour l’Huveaune et les Aygalades

19 décembre 2020

Le projet était en gestation depuis des années mais il est en train de se concrétiser. Le 9 décembre 2020, la Commission Mixte Inondation, réunie en visioconférence, crise sanitaire oblige, a labellisé sans réserve le Programme d’actions de prévention des inondations (PAPI) sur le bassin versant de l’Huveaune et, pendant qu’on y est, sur celui adjacent des Aygalades.

Carte du périmètre retenu pour les PAPI de l’Huveaune et des Aygalades (source : Résumé non technique du dossier PAPI)

Pour le Syndicat mixte du bassin versant de l’Huveaune, qui porte ce dossier depuis 2016 et qui vient d’être lui-même labellisé comme établissement public d’aménagement et de gestion des eaux (EPAGE), cette reconnaissance est l’aboutissement d’un long processus. Créé en 1963, après la crue dévastatrice du 6 octobre 1960, sous forme de syndicat intercommunal, il ne regroupe alors que les trois communes situées à l’aval du fleuve côtier, à savoir Marseille, Aubagne et la Penne-sur-Huveaune. Son objectif est alors des plus limités puisqu’il se contente d’assurer l’élagage et le débroussaillage sporadique des berges du cours d’eau afin d’éviter la formation de trop gros embâcles en cas de crue. Ce qui n’empêchera pas l’Huveaune de faire de gros dégâts lors de l’inondation des 16 et 17 janvier 1978 : après six jours consécutifs de pluie, le fleuve sort de son lit, envahit les quartiers les plus proches, submerge l’autoroute toute neuve entre Aubagne et Marseille, menace le pont de chemin de fer de Saint-Marcel et laisse une ardoise considérable.

En 1978, l’Huveaune sort de son lit, ici à Aubagne au pont de la Planque (source : Ville d’Aubagne)

Mais le syndicat de l’Huveaune, dont la gestion financière était alors assurée par la mairie d’Aubagne, continuera jusqu’en 2007 à se contenter de confier à un agent détaché de la DDE le soin de couper les arbres morts menaçant d’obstruer le lit du fleuve. Un fonctionnement a minima et très artisanal qui a nettement évolué depuis. En 2006, trois autres communes du bassin versant (Roquevaire, Auriol et Saint-Zacharie) ont rejoint le syndicat qui a recruté son propre technicien de rivière en 2007. Un premier Contrat de rivière a été initié en 2012 et adopté en octobre 2015, permettant l’engagement d’une approche plus globale de la gestion de l’eau à l’échelle du bassin versant.

La structure compte désormais six salariés et son évolution institutionnelle récente relève d’une bizarrerie administrative inconcevable pour le citoyen lambda. La création par la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (ça ne s’invente pas !), adoptée le 27 janvier 2014, a créé une nouvelle compétence dite GEMAPI (gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations), obligatoirement affectée, à compter du 1er janvier 2018, à la structure intercommunale. Sur notre territoire, cette date a coïncidé avec la création de la métropole Aix-Marseille-Provence dont le périmètre englobe la quasi totalité du bassin versant de l’Huveaune, y compris la commune de Saint-Zacharie, pourtant située dans le Var, comprenne qui pourra… La logique aurait donc voulu que le syndicat soit purement et simplement dissout comme l’ont été ceux qui géraient d’autres cours d’eau du territoire métropolitain, tels que la Cadière ou la Touloubre, dont la gestion relève désormais de la Métropole.

Berges érodées de l’Huveaune à Auriol avant travaux de restauration morphologique (source : Compagnie des Forestiers)

Sauf que le syndicat a fait valoir que deux autres communes du Var voisin, rattachés à la Communauté de communes Provence Verte, Plan d’Aups et Nans-les-Pins, situées à l’extrémité amont du bassin versant, voyaient une partie de leurs eaux s’écouler, vers l’Huveaune, y compris par des cheminements souterrains encore mal connus. Un bon prétexte pour ne pas laisser la Métropole prendre totalement les rênes de la structure qui s’est donc transformée en syndicat mixte et a adopté, le 22 février 2019, de nouveaux statuts avec désormais deux membres : la Métropole Aix-Marseille-Provence (qui couvre l’essentiel du périmètre de compétence) et la Communauté de communes Provence Verte qui est concernée de manière très marginale. Curieusement, les quelques communes varoises situées également en limite amont du bassin versant hydrogéologique, au-delà de Cuges-les-Pins, et qui sont rattachées à la Communauté d’agglomération Sud Sainte-Baume n’ont pas été intégrées dans la gouvernance du syndicat comme la logique l’aurait exigé…

L’Huveaune en crue en décembre 2008 entre Auriol et Roquevaire (source SIBVH)

Toujours est-il que c’est ce syndicat qui a été retenu pour porter, aux côtés de la Métropole, le nouveau PAPI, alors même qu’il n’a aucune compétence sur le bassin versant des Aygalades. Mais tout cela n’a pas beaucoup d’importance car des conventions de prestation en quasi-régie et de délégations de compétences ont été signées entre la Métropole et le syndicat : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? L’important est que puisse être mis en œuvre ce nouveau programme d’actions, qui débutera en 2021 pour une durée de 6 ans, dès que les conventions cadres auront été signées entre les différents partenaires que sont l’État, la Métropole, le Syndicat de l’Huveaune, le Département des Bouches-du-Rhône (toujours présent quand il s’agit de financer), l’Agence de l’Eau Rhône Méditerranée Corse, mais aussi l’EPA Euroméditerranée et le BRGM.

Pas moins de 50 actions, réparties selon les différents axes de la prévention du risque inondation, sont prévues, pour un montant prévisionnel global qui frise les 15 millions d’euros. Une belle somme dont la moitié devrait être apportée par le Fonds de prévention des risques majeurs, le fameux Fonds Barnier, qui est alimenté par un prélèvement sur l’ensemble de nos polices d’assurance. Trois opérations de travaux sont d’ores et déjà inscrites dans ce programme, l’une sur le ruisseau de la Bédoule, à Septèmes-les-Vallons et les deux autres pour limiter les débordements de l’Huveaune à Marseille (avenue du docteur Heckel) et entre Aubagne et La Penne-sur-Huveaune.

Emprise des zones inondables et estimation des hauteurs d’eau en cas de crue centennale de l’Huveaune en aval de l’avenue Manouchian à Aubagne (source : dossier PAPI Huveaune / SIBVH)

Sur ce dernier secteur, en aval de la Tourtelle, l’objectif est d’élargir le lit de l’Huveaune sur un linéaire de 4 km pour limiter les risques de débordement, en particulier sur la zone d’activité Alpha, et ceci au moins pour les crues modestes, les plus fréquentes, jusqu’à une période de retour de 10 ans. D’autres études sont prévues dans le cadre de ce programme, en particulier en vue de mieux maîtriser les problèmes de ruissellements urbains, ainsi que de multiples actions visant à mieux connaître le fonctionnement de ces deux bassins versants mais aussi à réduire la vulnérabilité des enjeux exposés et à faire davantage prendre conscience aux riverains de la réalité du risque inondation.

Rappeler à chacun qu’il peut se retrouver un jour exposé à une inondation, en particulier du fait de la violence des orages d’été et des pluies d’automne dont la fréquence et l’intensité pourraient être augmentées avec le changement climatique global, voilà en effet une action qui mérite d’être poursuivie sans relâche tant la mémoire humaine est courte en la matière, surtout sur un territoire aussi urbanisé et avec autant d’enjeux en zone inondable…

L. V.

Torrents de boue et de malversations dans les Alpes-Maritimes

17 octobre 2020

Chacun a vu dans les médias ces images spectaculaires de coulées d’eau boueuse chargées de troncs d’arbres et parfois de carcasses de voitures dévalant à vive allure des reliefs escarpés de l’arrière-pays niçois, dévastant tout sur leur passage à l’occasion des fortes intempéries qui se sont abattues sur le secteur, le 2 octobre 2020.

En se décalant vers l’Est, la tempête Alex qui avait déjà ravagé les côtes du Morbihan la veille, provoque ce jour-là un épisode méditerranéen d’une rare violence. On relève plus de 500 mm de précipitation en 24 h à Saint-Martin de Vésubie et les dégâts sont considérables, en particulier dans les vallées de la Tinée, de la Vésubie et de la Roya, près de la frontière italienne. Des centaines de maisons souvent construites trop près des cours d’eau ou sur de fortes pentes sont endommagées, emportées par les flots ou par des glissements de terrain. Plusieurs personnes sont portées disparues. Des ponts sont littéralement coupés en deux et de nombreuses routes deviennent impraticables, coupant du monde des villages entiers.

Glissement de terrain à Saint-Martin de Vésubie le 3 octobre 2020 (photo © Valéry Hache / AFP / La Provence)

Un véritable cataclysme pour les habitants de ces vallées où ne coule souvent qu’un mince filet d’eau mais où les flots boueux, grossis de manière très inhabituelle et charriant des tonnes de matériaux arrachés à la montagne, ont en quelques heures permis aux rivières d’occuper toute la largeur de leur lit majeur. Comme dans le haut bassin de l’Argens en juin 2010, ces cours d’eau habituellement très modestes, se sont brusquement métamorphosés en torrents de boue impétueux, arrachant tout sur leur passage, affouillant les berges et déracinant les arbres, quitte à grignoter bâtiments et infrastructures qui s’étaient imprudemment implantées dans la vallée au fil des ans.

Un rappel à l’ordre douloureux pour les riverains, peu habitués à de tels caprices de la nature qui n’interviennent statistiquement que rarement et que l’on a tôt fait d’oublier, la mémoire humaine étant par nature fort sélective… Espérons du moins que cette tempête spectaculaire et si dévastatrice aidera les responsables politiques et les promoteurs locaux à mieux prendre en compte à l’avenir le risque d’inondation et de mouvements de terrain, dans un secteur où les pentes sont fortes et les épisodes climatiques d’automne parfois violents.


La Vésubie a largement pris ses aises et confortablement élargi son cours, grignotant les infrastructures qui l’enserraient de trop près… (photo © Valéry Hache / AFP / France 3 Régions)

Un rappel à l’ordre qui survient curieusement juste après un autre, d’une toute autre nature, mais qui concerne également les Alpes-Maritimes. Il ne s’agit plus en l’occurrence de torrents de boues mais plus prosaïquement de pratiques frauduleuses qui touchent certains élus locaux, sévèrement épinglés par la Chambre régionale des comptes (CRC), comme le relate notamment Médiapart dans un article publié le 1er octobre 2020, juste avant que le ciel ne s’abatte sur la tête des habitants de l’arrière-pays niçois.

Selon le rapport d’observation rendu public le 28 septembre dernier par la CRC, certains élus locaux avaient eux aussi largement pris leurs aises dans leur pilotage du Centre départemental de gestion de la fonction publique territoriale des Alpes-Maritimes (CDG 06), un établissement public administratif investi de missions en matière de gestion des ressources humaines et auquel sont obligatoirement affiliés les collectivités et établissements publics territoriaux de moins de 350 agents.

Les conclusions du rapport ne sont pas tendres pour la gestion de cette structure dont le président, depuis mars 2015 et jusqu’à ce jour, n’est autre que Christian Estrosi, par ailleurs maire de Nice et président de la Métropole Nice Côte d’Azur, et qui à l’époque était en outre député et sur le point d’accéder au fauteuil de président de la Région PACA. Les magistrats de la CRC s’étonnent notamment de la structure de financement de cet organisme, alimenté principalement par les cotisations des petites communes alors qu’elle bénéficie très largement aux plus grosses collectivités de son périmètre. Ils s’interrogent aussi sur les généreuses rémunérations accordées en toute illégalité aux 4 vice-présidents, Christian Estrosi ne pouvant les toucher lui-même car il crève déjà le plafond autorisé, du fait de ses nombreux cumuls de fonctions.


Christian Estrosi réélu pour la troisième fois maire de Nice le vendredi 3 juillet 2020 (photo © Frantz Bouton / Nice Matin)

Une situation dont bénéficie largement le premier vice-président, Alain Frère, un notable local de 85 ans, qui touche ainsi 2 677 € par mois pour cette seule mission, tout en bénéficiant d’une voiture de fonction et d’un chauffeur mis à disposition par le Conseil départemental alors qu’il n’y est plus élu. Un chauffeur dont nul n’est en mesure de contrôler la réalité de son travail puisque son patron ne tient aucun agenda, mais qui émarge quand même à 3 400 € par mois grâce à de nombreuses heures supplémentaires accordées sans barguigner, même s’il a finalement été mis fin à cette situation en 2019.

La CRC s’est aussi quelque peu étranglée en découvrant que le CDG 06 rémunère certains proches de Christian Estrosi alors que la réalité de leur activité au sein de l’établissement semble bien difficile à caractériser. Cela concerne en particulier un certain Pierre-Paul Léonelli, qui était déjà directeur de cabinet du sulfureux Jacques Médecin, lorsque ce dernier a nommé Christian Estrosi adjoint aux sports en 1983. Léonelli fait partie de ces élus locaux qui cumulent les fonctions et a su se rendre indispensable. Adjoint au maire de Nice, en charge de la propreté, mais aussi conseiller métropolitain et président du groupe LR à la Région PACA, il est surtout le président de l’Association des amis du maire de Nice, la structure de financement politique de Christian Estrosi.


Pierre-Paul Léonelli, le 17 décembre 2018, à l’occasion de son élection à la tête de la Fédération des entreprises publiques locales de la Région PACA (photo © Fédération des EPL)

Un homme clé donc, qui en 2014 était à la fois conseiller métropolitain élu, et en même temps fonctionnaire territorial, directeur général des services de la commune de La Trinité, dans la métropole, deux fonctions rigoureusement incompatibles. Son exfiltration vers le CDG 06 lui a permis de jouer son rôle d’élu tout en étant généreusement rémunéré par le CDG à hauteur de 6 500 € par mois, comme directeur de cabinet du président. Titulaire d’une carte d’essence et de péage autoroutier, il n’hésitait pas à l’utiliser pour faire le plein pendant ses vacances en Corse, ce que les magistrats de la CRC n’ont, semble-t-il, guère apprécié…

Lauriano Azinheirinha, en avril 2015, alors en compagne pour les élections départementales (source : Facebook)

Un autre personnage pointé du doigt par ce rapport au vitriol est un autre haut fonctionnaire territorial, Lauriano Azinheirinha, actuel directeur général des services de la ville de Nice et de la métropole, et à ce titre patron d’une armée de près de 13 000 fonctionnaires. Avant d’être recruté à ce poste en juin 2017, il occupait les fonctions électives d’adjoint au maire, d’élu départemental et de conseiller métropolitain. Mais en juin 2015 et pendant 16 mois jusqu’à fin 2016, la CRC a eu la surprise de découvrir qu’il était aussi appointé comme chargé de mission auprès du directeur du CDG 06. Un poste où il ne semble guère avoir eu le temps de s’investir au vu des rares traces qu’a pu en identifier la CRC. Sans doute parce qu’il était accaparé à cette période par la campagne des élections régionales, comme responsable de l’action militante du candidat Christian Estrosi, une campagne brillamment menée d’ailleurs puisqu’elle a permis l’élection triomphale de ce dernier à la tête de la Région PACA en décembre 2015.

Jean-Christophe Picard, conseiller municipal d’opposition à Nice et chevalier blanc de la lutte contre la corruption (photo © Cyril Dodergny / Nice-matin)

Les traces des inondations du 2 octobre 2020 vont sans doute rapidement disparaître comme après chaque nouvelle catastrophe naturelle, chacun s’efforçant de nettoyer toute trace de boue et les médias braquant rapidement leurs projecteurs vers d’autres sujets. Gageons qu’il en sera de même pour cette ténébreuse histoire de petits arrangements entre amis sur le dos du contribuable, même si le 30 septembre 2020, un autre conseiller municipal de Nice, Jean-Christophe Picard, un ancien président de l’association Anticor, n’a pas hésité à faire un signalement auprès du Procureur de la République de Nice sur la base des observations du rapport de la CRC. Une affaire qui vient s’ajouter à celle des emplois familiaux de la ville de Nice, pour laquelle une enquête préliminaire est ouverte depuis le 8 octobre 2018. Décidément, le début du mois d’octobre est souvent pourri sur la Côte d’Azur…

L . V.

Pluies d’automne : vigilance requise

20 septembre 2020

C’est la fin de l’été et comme chaque année, c’est la période des grosses pluies qui revient dans tout l’espace méditerranéen. En ce samedi 19 septembre 2020, ce sont des trombes d’eau qui se sont abattues sur les Cévennes gardoises, sur la moitié ouest du département. On a enregistré des cumuls de précipitation de 718 mm en 24 heures sur la commune de Valleraugue, avec une pointe horaire de 138 mm entre 10 h et 11 h, selon le site Keraunos, et un cumul de 360 mm en 3 heures.

Fortes précipitations à Valleraugue dans le Gard le 19 septembre 2020 (photo © David Trial / MétéoLanguedoc / France3 Régions)

Un épisode cévenole particulièrement intense comme cette région a l’habitude d’en connaître périodiquement et qui n’est pas sans rappeler les gros orages qui s’étaient abattus sur cette même commune située au pied du Mont Aygoual dans la nuit du 28 au 29 septembre 1900. A l’époque, l’instituteur de la commune avait enregistré un cumul de 950 mm tombé là aussi pour l’essentiel en une dizaine d’heures, un record à ce jour pour la région et qui avait occasionné de très gros dommages, y compris très en aval, à Remoulins qui a vu surgir une crue subite du Gardon.

Ce week-end, les dégâts ont aussi été intenses même si les dispositifs de prévision et d’alerte ont fait de gros progrès depuis le début du siècle dernier. L’Hérault, qui passe à Valleraugue, est monté de plus de 5 m en l’espace de quelques heures seulement, tandis que le Gardon à Saint-Jean du Gard est monté de près de 4 m en 30 mn ! Tous les cours d’eau ont réagi très rapidement et de nombreuses routes ont été rapidement coupées à la circulation. Dans l’après-midi, une centaine de maisons situées dans la partie basse d’Anduze ont dû être évacuées. Des dizaines de sauvetages ont été organisés par quelques 650 pompiers et secouristes mobilisés, dont au moins 6 hélitreuillages par hélicoptère. Deux personnes étaient encore portées disparues le lendemain, dont une personne vraisemblablement emportée alors qu’elle circulait en voiture dans le secteur de Pont-d’Hérault.

Après la décrue le nettoyage des maisons, ici à Anduze le 19 septembre 2020 (photo © Nicolas Tucat / AFP / Le Parisien)

Ce premier épisode cévenole de la saison n’est pas fini et on annonce encore des précipitations potentiellement importantes dans les jours à venir, non seulement dans les Cévennes mais aussi dans les Bouches-du-Rhône, le Var ou les Alpes-Maritimes. Comme chaque année à cette époque de l’année, les conditions météorologiques sont réunies, avec une mer encore très chaude à cette saison, pour que de gros épisodes pluvieux stationnaires se développent sur tout l’arc méditerranéen.

Depuis 2017, une mission interrégionale pour la coordination de la prévention des inondations sur l’arc méditerranéen (MIAM) d’ailleurs été créée, précisément pour développer l’information préventive et les outils de protection contre ces phénomènes météorologiques qui peuvent être à l’origine de crues dévastatrices, surtout dans des secteurs désormais très urbanisés, où le ruissellement peut être très rapide. Cette structure a produit en quelques années un grand nombre d’outils pédagogiques, clip vidéo, plaquettes, concours photos et autres recueils des bonnes pratiques pour rappeler à tout un chacun les réflexes à mettre en œuvre lorsqu’on est pris dans ce type d’évènement, pour éviter toutes ces victimes noyées simplement parce qu’elles n’avaient pas conscience du risque qu’elles prenaient en voulant à tout prix s’engager en voiture sur une route inondée, aller chercher leur véhicule dans un parking souterrain, ou s’approcher trop près d’un cours d’eau en crue. Autant de comportements imprudents et inappropriés qui sont encore causes de décès simplement par méconnaissance des risques encourus.

Livret pédagogique sur 150 ans d’inondations dans l’arc méditerranéen

Pour tenter de rappeler à chacun la nature du risque lié à ces inondations, la MIAM vient ainsi d’éditer avec le cabinet Sud Aléa un ouvrage qui revient sur 150 ans d’inondations dans l’arc méditerranéen. Photos d’archives à l’appui, ce petit livret pédagogique accessible gratuitement sur le site de la MIAM et destiné à être diffusé largement se donne pour but de rappeler à tout un chacun que ces inondations méditerranéennes dont les conséquences peuvent être dramatiques de par leur violence et leur soudaineté, peuvent surgir à tout moment et qu’il vaut mieux en avoir conscience pour éviter de construire n’importe où et ne pas se mettre en danger en cas de crise par des comportements inadaptés.

Bien entendu, la sélection n’est pas exhaustive. On n’y retrouvera pas l’orage du 26 août 1986 qui avait vu un jeune homme se noyer à la sortie de Carnoux-en-Provence, sur la route de Roquefort-La Bédoule. On n’y évoque pas non plus les récents épisodes pluvieux qui font régulièrement déborder le Vieux Port à Marseille comme celui qui avait fait trois morts le 19 morts le 19 septembre 2000 et a été suivi de plusieurs autres évènements tragiques très comparables depuis.

On y retrouve en revanche des épisodes anciens largement oubliés comme cette crue du Vénazobre, un petit affluent de l’Orb, ce fleuve côtier qui traverse Béziers, dans l’Hérault. Le 12 septembre 1875, à la suite de violents orages, la rivière déborde brutalement et engloutit la petite cité médiévale de Saint-Chinian sour 1,50 m d’eau, entraînant la mort de 97 personnes, détruisant entièrement 149 maisons et faisant pourrir sur pied les récoltes.

Le Gardon en crue à Alès le 16 octobre 1907 (source © Archives départementales du Gard)

Il y est aussi question des crues à répétition de 1907, qui, entre septembre et novembre, ont fait au moins 25 victimes dans plusieurs départements de l’arc méditerranéen, avec, comme en septembre 2020, des flux particulièrement dévastateurs dans le Gard. Un bilan qui sera encore bien plus lourd, 50 ans plus tard, le 29 septembre 1958, à la suite d’un nouvel épisode cévenole au cours duquel on enregistra 429 mm de précipitation en 48 h à Saint-Jean-du-Gard. Quatre ponts seront détruits durant cette crue et on recensera pas moins de 35 morts, parmi lesquels, signe des temps, 21 automobilistes, emportés par les flots.

Le photographe de presse Hervé Collignon dans les rues inondées de Nîmes le 5 novembre 1963 (source © Archives municipales)

Début novembre 1963, c’est de nouveau le Gard qui est touché, avec notamment une forte inondation du centre-ville de Nîmes, du fait de la mise en charge des cadereaux, ces anciens thalwegs naturels par où s’écoule l’eau en crue et qui ont été imprudemment recouverts dans les années 1950 pour permettre le développement urbain. C’est comme une répétition de de qui adviendra 25 ans plus tard, le matin du 3 octobre 1988, lorsque des flots d’eau boueuse dévalent des collines et envahissent tout le centre-ville de Nîmes, poussant devant elles un enchevêtrement de voitures. Le bilan sera de 9 morts mais les dégâts matériels seront considérables, pris en charge pour la première fois par le régime d’assurance des catastrophes naturelles, récemment instauré, à l’initiative d’Haroun Tazieff.

Depuis, bien d’autres catastrophes ont endeuillé l’arc méditerranéen, avec quelques jalons bien connus dont celui des crues de l’Ouvèze qui, le 22 septembre 1992, dévaste le secteur de Vaison-la-Romaine et occasionne 38 morts, celui des 8 et 9 septembre 2002 qui est à l’origine de 23 décès et 800 millions d’euros de dégâts dans le Gard encore, ou encore celui du 10 juin 2010 dans le bassin varois de l’Argens, qui se solde par 26 morts et un milliards d’euros de dommages matériels.

Affouillement des berges de la Nartuby sur la commune de la Motte, dans le Var après la crue du 10 juin 2010 (source © DDTM du Var)

Depuis, les évènements s’enchaînent avec leur lot de victimes emportées, de lotissements ravagés et de routes détruites, en 2011 et 2014 dans le Var, le 3 octobre 2015 sur la Côte d’Azur, du côté de Cannes et Mandelieu, ou encore dans l’Aude, le 15 octobre 2018 où l’on déplore encore 14 victimes, 20 ans après la précédente catastrophe des 12 et 13 novembre 1999 qui avait déjà fait 35 morts. Année après année, on ne peut s’empêcher de se désoler d’un tel décompte aussi macabre, comme si l’homme avait du mal à se souvenir que dans ces régions méditerranéennes au climat habituellement si clément et où l’on a tendance à se préoccuper plus naturellement du manque d’eau et du risque d’incendie, les inondations peuvent causer des dégâts majeurs si l’on ne met pas un place des politiques de prévention adaptées…

L. V.

L’Huveaune bientôt à sec ?

22 juillet 2020

L’autoroute entre Aubagne et Marseille sous les eaux lors de la crue de l’Huveaune 1978 (archive du Provençal / Syndicat du bassin de l’Huveaune)

Le fleuve côtier qu’est l’Huveaune et dont Carnoux-en-Provence fait partie du bassin versant, est parfois connu pour ses crues soudaines et dévastatrices. Celle du 17 janvier 1978 est restée dans les mémoires car on en possède quelques clichés dont celui publié par Le Provençal qui montre un tronçon de l’autoroute alors récemment inaugurée entre Aubagne et Marseille, complètement recouverte par les eaux de l’Huveaune à la hauteur de La Pomme et bien entendu interdite à la circulation.

Avant cet épisode, bien d’autres étaient déjà venus semer la désolation sur les berges de l’Huveaune à Auriol ou Aubagne, notamment le 11 novembre 1935 ou le 3 octobre 1960. Mais à l’époque, la vaste plaine agricole des Paluds avait joué à plein son rôle de champ naturel d’expansion des crues, permettant un net écrêtage des débits en aval. Et depuis, d’autres inondations, nettement moins spectaculaires, dont celle de décembre 2008 qui n’a pas généré de réels débordements, sont venues chasser ces souvenirs douloureux et donner à chacun l’illusion rassurante que tout cela appartient au passé et que la modernité nous met désormais à l’abri de ces débordements incontrôlés.

L’Huveaune en crue en décembre 2008, à l’entrée d’Aubagne, en amont de son passage en souterrain sous la place du marché (source © Syndicat du bassin de l’Huveaune)

Un sentiment trompeur face à des phénomènes aussi imprévisibles que récurrents, mais contre lequel un Plan de prévention des risques d’inondation a désormais été adopté afin de limiter et d’adapter autant que possible le développement de l’urbanisme dans les zones à risques, tandis que le Syndicat du bassin versant de l’Huveaune finalise l’élaboration d’un Plan d’actions de prévention des inondations en vue de mieux préparer le territoire et le rendre moins vulnérable en cas de nouvelle inondation majeure.

Mais si les fortes crues de l’Huveaune restent des phénomènes rares et aléatoires, ses étiages estivaux, lorsqu’il ne coule plus qu’un mince filet d’eau dans la rivière, sont quasi systématiques, chaque été. Nul ouvrage de régulation ne permet en effet de venir renforcer son débit lorsque la pluie se fait attendre. Les riverains voient alors le niveau d’eau baisser inexorablement et la qualité du milieu aquatique se dégrader. L’eau s’échauffe car elle a tendance à stagner, ce qui finit par compromettre la survie d’une partie de la faune aquatique d’autant que l’oxygénation se fait mal lorsque l’eau ne s’écoule plus. Et les rejets d’eau usées et de polluants divers, qui passent inaperçus lorsque le débit est suffisant pour en diluer la concentration prennent alors rapidement des proportions dramatiques pour toute la microfaune qui vit et se développe dans la rivière…

Le lit de l’Huveaune à sec en 2006 (photo © N.V. / La Provence)

En été, le débit de l’Huveaune, qui est en moyenne de l’ordre de 360 l/s à Saint-Zacharie, dans sa partie amont, devient quasi insignifiant, de l’ordre de 50 à 60 l/s comme c’est le cas en ce mois de juillet 2020. Par comparaison, il atteignait de l’ordre de 56 m³/s lors du pic de la dernière crue en 2008, soit 1000 fois plus !

Lors des années sèches comme en 2003 mais aussi en 2006 ou en 2015, on observe des tronçons entiers du cours amont de l’Huveaune où l’eau a complètement disparu. Comme beaucoup de cours d’eau du Sud de la France, l’Huveaune se présente alors comme un oued qui peut être totalement sec à certaines périodes. Lorsqu’il ne pleut pas pendant plusieurs mois consécutifs, ce qui n’est pas une situation rare en Provence entre juin et septembre, le fleuve n’est en effet plus alimenté que par les résurgences des écoulements souterrains.

Source du Fauge à Saint-Pons (source © Mapio.net)

Certaines de ces sources sont pérennes et fournissent donc une source d’alimentation permanente, régurgitant lentement et avec une forte inertie toute l’eau qui s’est infiltrée durant l’hiver et le printemps et qui a lentement percolé à travers les moindres fissures des massifs calcaires, finissant par s’accumuler dans les conduits karstiques et débordant lorsque l’eau se bloque sur un matériau imperméable. C’est le cas notamment de la source du Fauge, un affluent de l’Huveaune, qui sourd dans le parc de Saint-Pons à Gémenos.

Entrée de la grotte de la Castellette, l’une des sources de l’Huveaune (source © Les copaines randonneurs 04)

Mais ce n’est pas le cas de la source principale de l’Huveaune, située dans le massif de la Sainte-Baume, sur la commune de Nans-les-Pins, dans le vallon de la Castellette. La grotte de la Castellette elle-même, qui constitue l’une des principales résurgences karstique alimentant l’Huveaune ne coule que rarement en été. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le site est surtout fréquenté par les visiteurs au printemps lorsque le débit est abondant et que les cyanobactéries viennent colorer d’un bleu flashy les eaux de l’Huveaune qui s’écoule de vasque en vasque, dans un décor de rêve avec ces ornements de travertins qui délimitent de vastes piscines étagées en cascade au milieu de la forêt.

Les vasques bleutées des sources de l’Huveaune (source © Trip Advisor)

Vue du cours amont de l’Huveaune à sec dans le Vallon de la Castellette en juillet 2020 (source © F. V.)

Un décor tellement enchanteur qu’il est devenu victime de son succès depuis certains week-end pascal de mars 2019, se transformant en cauchemar pour ces milliers de randonneurs qui ne trouvent plus à se garer, se marchent sur les pieds et finissent par mettre en péril un milieu naturel aussi fragile.

Mais en été, tout est sec dans le cours amont de l’Huveaune et les vasques montrent un aspect désolé et sinistre. Aucun filet d’eau ne s’écoule dans un lit où seuls émergent les cailloux et quelques débris végétaux.

Certaines années, comme c’était le cas encore en 2017 et comme cela risque de devenir de plus en plus fréquent dans les années à venir sous l’effet du changement climatique global, le lit amont de l’Huveaune était ainsi resté totalement sec jusqu’au mois d’octobre !

Vue des sources de l’Huveaune au printemps et en fin d’été, en octobre 2017 (source © Le Blog de Fred)

De quoi se souvenir à quel point l’eau est précieuse en Provence et ces milieux aquatiques naturels particulièrement vulnérables…

L. V.

Venise : le Conseil Régional prend l’eau…

21 novembre 2019

A Venise, les inondations sont monnaie courante. Celle que la Cité des Doges a subi en novembre 2019 restera cependant dans les mémoires comme un des pires phénomènes de ces dernières années, une « acqua alta » historique. Mardi 12 novembre, le niveau de l’eau au plus fort de la marée haute a atteint la cote remarquable de 1,87 m, pas très loin du record de 1,94 m enregistré en 1966, l’année ou la ville toscane de Florence subissait les inondations dévastatrices de l’Arno, causant une centaine de morts et détruisant irrémédiablement nombre de chefs d’œuvres de la Renaissance.

Traversée périlleuse sur la place Saint-Marc, samedi 17 novembre 2019 (photo © Luca Bruno / AP)

Cette semaine de novembre 2019 a été particulièrement éprouvante pour les habitants de Venise pris au piège de ces eaux qui envahissent toute la ville à la faveur des marées, la dernière en date atteignant encore 1,50 m, dimanche 17 novembre. Depuis, l’eau a cessé de monter et les habitants se mobilisent pour tout nettoyer et remettre de l’ordre dans la cinquantaine d’églises, dont la basilique Saint-Marc, qui ont subi l’assaut des flots. Ils essayent de ne pas céder au découragement, à l’instar de leur maire, Luigi Brugnaro, qui s’est laissé aller à tweeter « les Vénitiens ne sont à genoux que lorsqu’ils prient. Venise va repartir… »

Ballade en kayak dans les rues de Venise inondée le 15 novembre 2019 (photo © Manuel Silvestri / AFP / France TV Info)

Car des inondations de ce type, il y en aura d’autres dans une ville construite sur la lagune en creusant des canaux pour drainer les eaux et en édifiant des remblais sur pilotis. On en dénombre 118 îles et îlots, pour beaucoup artificiels et reliés les uns aux autres. Mais au fil des ans, la ville s’enfonce inexorablement, d’au moins 26 cm déjà depuis 1870, tandis que le niveau de la mer s’élève peu à peu sous l’effet du changement climatique et que les immenses bateaux de croisière contribuent à l’érosion des berges.

A Venise, les marchands de bottes ont fait fortune… (photo © Manuel Silvestri / Reuters / Business Insider)

Entre les flots de la mer et le flot des 36 millions de touristes qui déferlent chaque année à Venise, les 50 000 habitants de la ville ne savent plus où donner de la tête. Quelques-uns espèrent encore que le fameux projet MOSE viendra sauver la ville des eaux tel Moïse ouvrant les flots de la Mer Rouge. Ce « module expérimental électromécanique », constitué de 78 éléments de digues flottantes qui se relèveront pour barrer les trois passes donnant sur la rade, est à l’étude depuis 1984 et les travaux de construction sont en cours depuis 2003.

Essai de soulèvement des digues flottantes du projet MOSE en mai 2016 (source © site du projet)

Ils devaient se terminer en 2016 mais on parle désormais plutôt de 2021 et le budget prévisionnel, initialement arrêté à 2 milliards d’euros, devrait atteindre au moins le triple de cette somme. Difficultés techniques, malfaçons et malversations en tout genre se cumulent pour expliquer un tel retard et pareille dérive financière. Précisons au passage que toute ressemblance avec le projet de l’EPR de Flamanville serait bien entendu purement fortuite…

Nul ne sait encore si le dispositif pourra bel et bien fonctionner un jour et empêcher des phénomènes tels que celui vécu ces dernières semaines. Ce qu’on commence à entrevoir en revanche, et qu’ont souligné les océanographes Carlos Amos et Georg Umgiesser dans The Conversation, c’est qu’avec l’élévation attendue du niveau de la mer, qui pourrait atteindre 50 cm dans les prochaines décennies, le dispositif devra quasiment se fermer à chaque marée pour protéger Venise du naufrage.

Or, les eaux usées non traitées qui s’évacuent quotidiennement via les canaux dans la lagune et vont ensuite rejoindre la mer, seront alors bloquées. L’afflux de nutriments qui en résultera provoquera une eutrophisation de la lagune et sa détérioration irréversible. Sans compter que le dispositif ne pourra éviter les remontées phréatiques d’eau salée qui rongent peu à peu les monuments de la Sérénissime.

Un véritable casse-tête donc pour les autorités locales. Réunis dans la salle de délibération du Conseil Régional de Vénétie, les élus régionaux débattaient justement des effets du changement climatique à l’occasion du vote du budget 2020 ce mardi 12 novembre en soirée. Situé en bordure du Grand Canal, le palais Ferro Fini qui abrite le Conseil Régional n’avait jusque-là jamais été inondé.

Salle de réunion du Conseil Régional envahie par les eaux mardi 12 novembre 2019 (photo © Andrea Zanoni / CNN)

Mais ce mardi vers 22 h, les élus ont dû évacuer en catastrophe les locaux face à l’arrivée des eaux comme l’a longuement raconté le conseiller du Parti démocrate, Andrea Zanoni, vice-président du comité de l’environnement, dans un message publié sur Facebook et repris par CNN. Selon lui, « ironiquement, la chambre a été inondée deux minutes après que la Ligue, Forza Italia et Fratelli d’Italia aient rejeté nos amendements visant à lutter contre le changement climatique ». Faut-il y voir un avertissement du ciel pour inciter les responsables politiques locaux à prendre un peu plus au sérieux les menaces réelles du changement climatique ?

L. V.

Inondation : tous à l’eau en région PACA !

19 novembre 2018

La région Provence-Alpes-Côte d’Azur, que son Président Renaud Muselier tient désormais à appeler Région Sud, est plutôt réputée pour ses étés ensoleillés que pour son climat pluvieux. Ainsi, la ville de Marseille, qui se caractérise par plus de 2800 heures d’ensoleillement par an en moyenne et autour de 515 mm de cumul de précipitation annuelle, soit deux fois moins qu’à Brest, Besançon, Aurillac ou encore Biarritz, est davantage réputée comme un lieu où l’on risque l’insolation ou le mistral, voire les feux de forêt, que l’inondation.

Vaison-la-Romaine après la crue de l’Ouvèze du 22 septembre 1992 (photo archives © DR)

Et pourtant, les événements de ces dernières années ont montré à plusieurs reprises que la région était particulièrement vulnérable au risque d’inondation, non seulement en période automnale, à l’occasion des fameux épisodes méditerranéens, alimentés par les masses d’air chaud et humide qui se développent au-dessus de la mer encore chaude, mais aussi sous l’effet de violents orages estivaux.

On se souvient en particulier de la crue torrentielle de l’Ouvèze en septembre 1992 qui a causé 47 morts à Vaison-la-Romaine, des fortes crues du Rhône en septembre 2002 et décembre 2003, des inondations du bassin de l’Argens dans le Var en juin 2010 (26 morts et un milliard d’euros de dommages), novembre 2011 puis à nouveau janvier et novembre 2014, ou encore celles de Cannes à Mandelieu en octobre 2015. Cette année aussi, les cours d’eau ont débordé dans la basse vallée de l’Argens ou dans celle du Préconil, faisant encore 2 morts à Sainte-Maxime en octobre 2018.

Un véhicule et ses deux occupants emportés suite aux inondations de la Garonnette entre Sainte-Maxime et Roquebrune-sur-Argens, le 11 octobre 2018 (photo © Philippe Arnassan / Nice Matin)

La liste est longue de ces événements dévastateurs et traumatisants pour les populations. A chaque nouvelle crue, comme cela a encore été le cas dans l’Aude voisine cette année, les populations feignent de découvrir qu’elles sont exposées à un risque, rare certes, mais loin d’être exceptionnel à l’échelle d’une vie humaine même si la mémoire humaine, aussi défaillante que sélective, fait dire à chaque nouvel épisode qu’on n’a jamais vu cela de mémoire d’homme…

De fait, une étude récente publiée par l’INSEE indique que dans l’ensemble de la région PACA ce sont près d’un million de personnes, soit 19 % de la population régionale, qui habitent en zone potentiellement inondable, parmi lesquelles plus de 42 000 sont considérées comme particulièrement exposées, avec une chance sur deux d’être affectées par une inondation en 40 ans… Pourtant, les zones inondables qui ont été prises pour référence de cette étude, à savoir l’atlas des zones inondables et le périmètre d’extension de la crue de Rhône de 2003, ne couvrent que 10 % de la superficie régionale !

Superposition des densités de population et des zones inondables en région PACA (source INSEE, 2016)

A croire donc que l’homme construit préférentiellement en zone inondable… Cela est moins vrai dans des départements comme les Hautes-Alpes ou les Bouches-du-Rhône où seulement 10 % de la population est installée en zone inondable, bien qu’avec localement de fortes concentrations comme dans la vallée de l’Huveaune ou celle de la Cadière du côté de Marignane. En revanche, dans le Vaucluse ou les Alpes maritimes, c’est 30 % des habitants qui vivent en zone inondable, comme à Nice où plus de 200 000 personnes se sont installées dans le lit de certains fleuves côtiers comme le Paillon ou le Magnan.

L’étude très fouillée réalisée par l’INSEE, à partir du croisement de fichiers de données datant de 2016, est d’autant plus intéressante qu’elle permet une analyse très fine des populations et des logements, mais aussi des activités économiques ainsi exposées au risque inondation. On y apprend ainsi qu’une maison de retraite sur cinq en région PACA est située en zone inondable et même une sur quatre dans le Vaucluse, les Alpes de Haute-Provence ou les Alpes maritimes. On se souvient encore des 3 pensionnaires de la maison de retraite de Biot, construite en bordure de la Brague, qui avaient trouvé la mort le soir du 3 octobre 2015 et de tous ceux qui ont dû être évacués en urgence dans des conditions souvent particulièrement traumatisantes…

Maison de retraite de Biot, inondée le 3 octobre 2015 (Photo Sébastien Botella / PQR / Nice-Matin)

De même, l’étude de l’INSEE met en évidence que dans la région pas moins de 23 % des écoles maternelles sont construites en zone inondable et la proportion atteint même 42 % dans un département comme le Vaucluse ! Ce n’est pas pour autant que les enfants y sont forcément en danger car certains établissements, bien que situés en zone inondable, peuvent avoir été conçus pour résister aux crues, à tel point que les enfants y courent souvent moins de risque que sur le trajet vers leur domicile, mais le chiffre n’est néanmoins guère rassurant…

Camping de la basse vallée de l’Argens dans le Var, après l’inondation du 15 juin 2010 (photo archives © DR)

On aimerait croire que la recrudescence des événements récents très médiatisés et le renforcement des politiques de prévention du risque inondation se traduisent par un coup de frein à l’urbanisation en zone inondable. Mais les chiffres ne plaident guère en ce sens puisque 17,5 % des logements construits depuis 2010 l’ont été en zone inondable. Certes, cette proportion était plutôt de l’ordre de 19 % dans les années 1990-2000, mais dans les Alpes maritimes la construction en zone inondable continue de progresser, du fait d’une pression foncière forte.

Quant aux touristes, qui sont nombreux en région PACA, leur exposition au risque inondation est également élevée puisque 25 % des emplacement de camping sont en zone inondable, avec même une proportion de 40 % dans les Alpes maritimes. Dans les Hautes-Alpes, 45 % des logements situés en zone inondable sont des résidences secondaires ou des habitations saisonnières…

Zone industrielle et commerciale de la Palud à Fréjus, inondée en novembre 2011 (photo © Patrice Clémente / Nice Matin)

Les activités économiques elles-mêmes sont fortement exposées au risque inondation avec de l’ordre de 27 % des entreprises situées en zone inondable, soit près de 460 000 emplois potentiellement exposés en cas de débordement des cours d’eau. Dans une commune comme Cavaillon, c’est 70 % des salariés qui travaillent en zone inondable et cette proportion atteint 77 % à Nice, 86 % à Digne-les-Bains ou encore 95 % à Marignane. En moyenne, le nombre d’emplois au km2 est deux fois plus élevé en zone inondable qu’ailleurs, comme si, en région PACA comme ailleurs, l’homme était inconscient du risque ou préférait s’en accommoder…

L.V. 

Japon : l’été meurtrier…

8 septembre 2018

En 2018, comme d’ailleurs en 2017, la Terre a encore battu des records de chaleurs. En France, ces deux étés successifs se classent d’ailleurs comme les deux les plus chauds jamais enregistrés, avec du 1er juin au 31 août 2018, une température journalière moyenne supérieure de 3,2 °C par rapport aux normales saisonnières, de quoi peut-être convaincre, s’il en reste, les derniers climato-sceptiques quant à la réalité du réchauffement climatique global…

Dans l’Ouest américain, où de gigantesques incendies de forêts, une fois de plus, ont semé la mort et la désolation, on a enregistré la température record de 52,9 °C le 27 juillet 2018 dans la Vallée de la Mort qui n’a sans doute jamais aussi bien porté son nom. Même au Québec, une petite semaine de canicule, début juillet, a fait pas moins de 70 morts !

Le Japon quant à lui, a été particulièrement touché par cette vague de chaleur intense qui a sévi dans le pays entre avril et août. Des records de température y ont été atteints, le thermomètre étant monté jusqu’à 41,1 °C le 23 juillet dans la ville de Kumagaya. Ce sont pas moins de 125 morts dus à cette canicule qui ont été dénombrés dans le pays, dont une centaine pour la seule ville de Tokyo où on a même vu la nourriture factice exposée dans les vitrines des restaurants se liquéfier du fait de la chaleur.

Voitures piégées dans la boue après les inondations à Saka, le 8 juillet 2018 (photo © Martin Bureau / AFP)

Mais ce n’est pas tout puisque cette vague de chaleur meurtrière est elle-même venue s’intercaler entre deux épisodes de pluies exceptionnelles qui ont fait de gros dégâts dans le pays. Le 8 juillet 2018, selon Le Monde, le premier ministre japonais déclarait ainsi à l’issue d’une réunion de crise après 4 jours de pluies torrentielles qui s’étaient abattues sur plusieurs régions du pays : « Les secours, le sauvetage de vies et les évacuations sont une course contre la montre ».

Plus de 100 000 personnes avaient dû être évacuées en catastrophe, environ 75 000 secouristes mobilisés en toute urgence et au moins 220 morts ont été dénombrés, emportés par les flots boueux ou ensevelis sous leur maison effondrée sous l’effet du ruissellement torrentiel ou de multiples glissements de terrain.

Maison effondrée à Kumano en bord de cours d’eau, le 9 juillet 2018 (photo © Martin Bureau / AFP)

Un terrible bilan humain et matériel donc pour un pays, certes particulièrement exposé aux risques naturels, mais dont les constructions, souvent en bois et implantées dans des secteurs au relief accidenté, se sont révélées finalement assez vulnérables, malgré une forte culture de la prévention du risque.

Et ce n’est pas fini puisque, sitôt la vague de canicule terminée, le Japon a essuyé un des plus terribles cyclones de son histoire, sans précédent depuis 25 ans, le typhon Jebi, qui a ravagé l’île de Honshu le 4 septembre 2018, avec des vents soufflant jusqu’à plus de 220 km/h en rafale. Ce n’était que la 21ème  tempête tropicale de la saison, mais celle-ci n’a pas fait dans le détail, obligeant les autorités à lancer des ordres d’évacuation à l’attention de plus de 300 000 habitants.

Un camion renversé par le vent sur le pont de Seto-Ohashi, entre les îles japonaises de Honshu et Shikoku, le 4 septembre 2018 (photo © Jiji Press / Kagawa Prefectural Police / AFP)

Les vidéos disponibles sont particulièrement spectaculaires, montrant des véhicules soufflés comme des fétus de paille. Plus de 1,2 millions de foyers ont été privés d’électricité, 650 vols ont dû être annulés et au moins 11 personnes ont péri durant cet événement qui a fait de très nombreux blessés et de gros dégâts matériels. Un pétrolier est ainsi venu s’encastrer dans le pont reliant l’aéroport international de Kansai qui est lui-même fortement endommagé et a dû être provisoirement fermé.

Tanker encastré contre le pont reliant Kansai International Airport à la terre ferme, à la suite du typhon Jebi (photo © Yasufumi Nagao / AP / SIPA)

Et 48 heures seulement après ce terrible coup du sort, l’île d’Hokkaido, au nord du Japon, était à son tour victime d’un terrible séisme, provoquant de multiples glissements de terrain, causant la mort d’au moins 9 personnes et en blessant 300 autres.

Nombreux glissements de terrain provoqués par le séisme le 6 septembre 2019, à Atsuma sur l’île d’Hokkaïdo (photo © JIJI PRESS / AFP)

Un bilan relativement modeste au vu de la violence de l’événement, ce qui confirme une nouvelle fois la bonne préparation de ce pays face au risque sismique, même si chacun a encore en tête les images terribles du tremblement de terre de 2011 qui avait fait environ 18 000 victimes, 80 % d’entre elles étant décédées non pas des effets directs du mouvement sismique mais du fait du tsunami qui avait ensuite ravagé les côtes nippones, mettant à mal au passage les installations de la centrale nucléaire de Fukushima.

En tout cas, avec une telle succession de catastrophes naturelles en un laps de temps aussi court, le Japon confirme s’il en était besoin son exposition particulièrement élevée face aux risques naturels. L’institut pour l’environnement et la sécurité humaine des Nations unies (UNU-EHS), qui publie chaque année son palmarès selon un indice d’exposition aux catastrophes naturelles, classe d’ailleurs ce pays parmi les plus exposés, derrière les Philippines, le Bengladesh ou le Guatemala… Depuis l’an dernier, outre la canicule, le séisme, l’inondation et le typhon de cet été, le Japon a ainsi subi 4 autres catastrophes naturelles majeures enregistrées par le Centre for Research on the Epidemiology of Disasters : qui dit mieux ?

L. V.

Pesticides dans les cours d’eau : France Nature Environnement s’alarme !

23 mars 2018

Epandage de pesticides en bord de cours d’eau (photo © Maxppp / France Bleu)

Le sujet n’est pas récent puisqu’un rapport officiel publié en novembre 2015 par le Commissariat général au développement durable, une instance du Ministère de l’écologie, l’analysait dans les détails, affirmant qu’au vu des suivis de qualité de l’eau effectués en 2013 dans nos rivières et nos plans d’eau (du moins là où il y a des points de mesure…), la quasi totalité des milieux aquatiques français est polluée par la présence de pesticides que l’on retrouve dans 92 % des points de mesure. Seuls les zones montagneuses et quelques rares secteurs encore épargnés par l’agriculture intensive en sont exempts.

Il faut bien reconnaître que la France fait toujours partie du peloton de tête des plus gros consommateurs de pesticides, ces substances chimiques destinées à lutter contre les organismes jugés nuisibles, qu’il s’agisse de plantes adventices (herbicides), d’insectes (insecticides), de champignons (fongicides), de vers (nématicides), de rongeurs (rodenticides) et on en oublie, utilisés à 90 % (voire davantage) par l’agriculture, surtout depuis que l’usage de ces produits est en voie de prohibition tant pour les particuliers que pour les collectivités.

Concentrations moyennes en pesticides dans les cours d’eau par bassin versant en 2014 (source : Observatoire national de la biodiversité)

Depuis 1999, la surveillance de la qualité de l’eau dans la nature n’a cessé de se développer et on disposait ainsi en 2014, selon le Ministère de l’écologie, de 3052 points de mesures de la qualité dans les eaux de surface (rivières, fleuves et lacs) et de 2121 points de suivi dans les eaux souterraines (nappes). Vu leur coût très élevé pour la collectivité, le nombre de ces analyses (qui portent aussi sur de très nombreux autres paramètres dégradant, dont les nitrates) est malheureusement assez limité, généralement 8 par an dans les cours d’eau et 4 par an seulement dans les nappes.

La tâche est en effet considérable car il s’agit de rechercher les traces de près de 700 principes actifs de pesticides (ainsi que les produits issus de leur dégradation dans le milieu naturel, qui donne parfois naissance à des substances encore plus redoutables pour le milieu naturel et souvent stables à long terme, des décennies après que le produit commercialisé ait été interdit à la vente). Cette variété de principes actifs à identifier et analyser ne cesse d’ailleurs d’augmenter, fruit d’une stratégie délibérée de l’industrie agro-chimique de mettre sans cesse sur le marché de nouveaux produits pour avoir toujours un coup d’avance sur la réglementation et le contrôle.

Ainsi en 2014 ce sont pas moins de 389 substances différentes provenant de pesticides qui ont été retrouvées sur l’ensemble des points de mesure en eaux de surface, et 265 dans les eaux souterraines, avec en moyenne pas moins de 17 substances différentes identifiées dans chaque station (mais jusqu’à 89 molécules différentes pour certains prélèvements !). Cette année-là, des pesticides ont ainsi été retrouvés, en quantité et en nombre variable selon les endroits, dans 87 % des points de mesure en eau superficielle et dans 73 % des points de suivi en nappe, ce qui en dit long sur la généralisation du phénomène.

Nombre de produits pesticides observés par point de mesure en 2014 (source : Ministère de l’écologie)

Certes, si l’on analyse l’évolution de ces observations depuis 2008, date à laquelle le réseau de suivi a commencé à être suffisamment dense pour se faire une idée globale du sujet, on observe une légère diminution de la proportion de points de mesures contaminés, malgré un nouveau pic très sensible en 2012. Cette évolution résulte sans doute des mesures d’interdiction portant sur certains produits et de l’évolution des pratiques agricoles, mais reste peu significative, d’autant que la consommation de pesticides en France ne cesse d’augmenter malgré toutes les mesures gouvernementales mises en place pour tenter de limiter leur usage.

Dans les eaux de surface, le produit phare, présent dans plus de 38 % des points de suivi est le glyphosate tandis que son produits de décomposition, l’AMPA, est retrouvé dans plus d’un point de suivi sur deux : merci Monsanto ! L’atrazine, interdite depuis 2003 est encore bien présente 11 ans plus tard, avec tout son cortège de produits de décomposition, tant dans les cours d’eau que dans les nappes. Dans ces dernières, on retrouve également de manière significative certains herbicides largement utilisés dans la culture du maïs, et l’on voit même apparaître depuis quelques années, dans nos milieux aquatiques, des résidus des fameux insecticides néonicotinoïdes de plus en plus utilisés.

Et voilà que France Nature Environnement s’empare de nouveau du dossier en lançant une pétition qui exige du gouvernement de revoir sa copie en matière de définition des zones de non traitement, tout en attaquant en parallèle plus de 40 arrêtés départementaux issus de cette évolution de la réglementation. L’affaire n’est pas des plus simples et mérite quelques éclaircissements. Cette notion de zones non traitées (ZNT) a été définie par un arrêté ministériel de septembre 2006 et vise à interdire l’usage de pesticides dans une bande de 20 à 50 m (mais pouvant aller jusqu’à 100 m) en bordure des cours d’eau, afin justement de limiter les risques de contamination par lessivage. La largeur de cette bande peut être réduite à 5 m sous réserve de respecter certaines conditions dont la présence d’une haie ou au moins d’une bande enherbée entre le champ et le milieu aquatique, ainsi que des pratiques d’application adaptées.

Bande enherbée le long d’un cours d’eau (source : Agence française pour la biodiversité)

Initialement, la liste des milieux aquatiques pour lesquels cette distance minimale de sécurité s’applique correspond à tous les cours d’eau, plans d’eau, fossés et points d’eau permanents ou intermittents figurant sur les cartes IGN au 1/25 000, mais elle peut aussi faire l’objet d’un arrêté préfectoral qui permet de prendre en compte les spécificités locales.

Car à l’usage, il n’est pas si évident qu’il n’y paraît de définir ce qu’est un cours d’eau et ce point fait l’objet depuis des années de multiples controverses avec la profession agricole. Le ruisseau qui draine le vallon de Carnoux en est un exemple parmi d’autres. Ce ru peut être considéré comme un oued qui draine toute la vallée, susceptible de faire transiter des débits conséquents en cas de forte pluie, débits qui se déversent directement dans le Merlançon (au rond point du pont des Barles) avant de rejoindre l’Huveaune plus en aval. Le reste du temps, ce cours d’eau est alimenté latéralement par les écoulements d’eaux souterraines qui s’infiltrent dans les coteaux de chaque côté du vallon. Avant l’urbanisation, cet oued était sec une partie de l’année. Depuis, il est alimenté de manière quasi permanente car il reçoit aussi tout ce que les Carnussiens déversent sans réfléchir dans le réseau pluvial : vidange de piscines, pompes d’exhaure, lavage de la voirie et déversements illicites dans les regards en bordure de chaussée, de colorants ou d’huiles usagées

Le ruisseau de Carnoux, un milieu aquatique de piètre qualité… (photo © CPC)

Ce ruisseau intermittent devenu quasiment pérenne est-il un cours d’eau pour autant ? Au vu de sa configuration et de son déversement direct dans le réseau hydrographique naturel en aval, oui. Pour autant, il n’est pas figuré comme tel sur les cartes IGN et le gestionnaire de la voirie départementale a manifestement tendance à le considérer plutôt comme un simple fossé routier largement bétonné, sans que personne ne se préoccupe de la qualité des eaux qui y transitent.

Du coup, les services de l’État se sont lancés depuis juin 2015 dans un vaste travail de cartographie afin de tenter de délimiter quels sont les cours d’eau, démarche qui a fait l’objet de discussions serrées avec nombre de gestionnaires et d’usagers dont la profession agricole. L’enjeu consistait, pour les agriculteurs notamment, à refuser le statut de cours d’eau au maximum possible d’axes d’écoulements, afin de ne pas être soumis à la loi sur l’eau qui réglemente les interventions dans les cours d’eau (enlèvement de sédiments, coupe de la végétation, remodelage de berge, etc.).

Ce travail n’était pas supposé avoir d’impact sur les zones de traitement phytosanitaire. Mais les services préfectoraux se sont engagés, suite à la parution d’un arrêté ministériel de mai 2017 qui modifie légèrement celui de 2006, dans l’élaboration de cartes permettant de définir les points d’eau à proximité desquels doivent être mises en œuvre les ZNT.

Carte des cours d’eau identifiés comme tels par la Police de l’Eau dans le département du Gard (en bleu). Les tronçons en rouge ne sont plus considérés comme des cours d’eau et les zones en violet ont un statut encore indéterminé, sujet à discussion (source : Ministère de l’écologie)

Et, surprise, ces cartes élaborées en lien étroit avec la profession agricole en parallèle de la cartographie des cours d’eau, aboutissent à réduire de manière très significative les tronçons du réseau hydrographique soumis à réglementation pour l’épandage de pesticides. Dans le Tarn-et-Garonne par exemple, c’est 30 % du réseau qui n’est ainsi plus soumis au principe des zones non traitées et même 43 % en Indre-et-Loire. Cette situation est d’autant plus ubuesque que les cartes ne sont pas cohérentes d’un département à l’autre, certains tronçons de cours d’eau étant protégés uniquement jusqu’à la frontière du département limitrophe, sans réelle cohérence puisque les écoulements se poursuivent bien sans se préocuper des limites administratives… La protection de l’eau, pourtant considéré en France comme faisant partie du « patrimoine commun de la Nation » est décidément un combat de tous les instants !

L.V.