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Révolte en Iran : l’ayatollah est nu !

14 octobre 2022

C’est une véritable révolte populaire qui est en train d’embraser l’Iran depuis quelques semaines. Une révolte qui rappelle furieusement celle qui en 1978 avait déjà agité le pays, alors dressé contre le régime répressif et corrompu du shah, jugé trop inféodé eux États-Unis, et qui avait conduit au renversement du régime puis à la prise de pouvoir, en 1979, par l’ayatollah Khomeyni, lequel s’appuie sur les Gardiens de la Révolution pour imposer une République islamique tout en s’arrogeant le titre de Guide Suprême, chargé de contrôler l’armée et les services de sécurité, et même de trier les candidats au poste de président de la République.

L’ayatollah Ali Khamenei, le 21 mars 2022 (photo © AP / La Croix)

Ce pouvoir théocratique fort, s’appuyant sur le sentiment religieux traditionnel de la population iranienne majoritairement chiite et plutôt conservatrice est toujours en place plus de 40 ans plus tard… Depuis la mort de Khomeyni en 1989, c’est l’ayatollah Ali Khamenei, lui-même ex président de la République entre 1981 et 1989, qui détient ce rôle de Guide Suprême et tient fermement les rênes du pays, au risque d’étouffer les jeunes générations qui n’en peuvent plus de cette bigoterie répressive d’un autre âge. Considéré comme totalement intransigeant, Khamenei gère directement ce qui a trait à la sécurité intérieure du pays et aux relations extérieures via ses affidés dont le Hezbollah au Liban.

Au début des années 2000, le président réformateur Mohammad Khatami avait bien tenté quelques timides ouvertures, proposant par exemple de suspendre l’interdiction des femmes iraniennes de pénétrer dans une enceinte sportive, mais l’ayatollah Khamenei y avait mit son droit de véto, répétant fermement : « la femme […] doit accoucher, allaiter, elle a un physique fragile, elle est moralement sensible, elle est affective, ne peut entrer dans tous les domaines ». Des propos misogynes et discriminatoires qui ne font qu’entériner une situation de sujétion des femmes iraniennes, soumises depuis 1979 au port du voile obligatoire dans l’espace public et qui peuvent légalement se faire confisquer leur voiture si elles se font arrêter au volant avec un voile mal ajusté…

Des milliers de manifestants dans la rue à Téhéran, le 18 juin 2009, protestant contre les fraudes massives qui ont permis d’évincer le candidat réformateur Mir Hossein Moussavi, au profit du président sortant, le conservateur Mahmoud Ahmadinejad (photo © AFP / Middle East Eye)

En 2009 déjà, le régime iranien avait dû faire face à une importante révolte populaire, suite à la réélection très contestée du conservateur Mahmoud Ahmadinejad, grâce à des fraudes massives de la part du pouvoir. Bien aidée par le recours aux réseaux sociaux, cette « révolution Twitter » conduit les autorités à fermer les universités, bloquer internet et réprimer férocement les manifestations, n’hésitant pas à tirer à balles réelles sur la foule désarmée. Des milliers de personnes sont arrêtées, parfois violées et torturées en prisons, et on relève au moins 150 morts suite à ces incidents qui embrasent le pays mais ne suffisent pas à faire vaciller le régime.

Et voila que le régime théocratique et répressif iranien fait de nouveau face, depuis plusieurs semaines, à une nouvelle révolte, menée principalement par la jeunesse de ce pays. C’est la mort d’une jeune femme de 22 ans, Mahsa Amini, arrêtée le 13 septembre 2022 à Téhéran où elle est en visite avec sa famille, qui a cette fois mis le feu aux poudres. Interpellée par la police des mœurs parce que des mèches de cheveux dépassaient de son voile mal ajustée, la jeune femme est décédée en prison après 3 jours de coma. Une mort qui a choqué et embrasé l’opinion publique, amenant de nombreuses femmes iraniennes à descendre dans la rue et, pour certaines, à brûler en public leur voile.

Manifestants à Téhéran le 20 septembre 2022, brandissant la photo de Mahsa Amini, décédée le 16 septembre 2022 après son arrestation par la police des mœurs (photo © AFP / 20 minutes)

Comme à son habitude, le régime iranien n’hésite pas à réprimer par la force ce soulèvement populaire. Selon un bilan de l’ONG Iran Human Rights, basée à Oslo, le bilan en date du 2 octobre 2022 s’élevait déjà à 92 morts, dont 41 tués vendredi 30 septembre dans la ville de Zahedan, au sud-est du pays, une ville à majorité sunnite, proche du Pakistan où des manifestants en colère ont attaqué un poste de police et plusieurs bureaux gouvernementaux. De nombreuses manifestions se sont produites dans tout le pays, y compris dans les universités des grandes villes de Téhéran, de Tabriz et de Kermanshah. De son côté, le gouvernement reconnait un bilan d’au moins 60 morts dont 12 policiers, ce qui confirme la gravité de la situation quasi insurrectionnelle, même si l’accès au pays pour les médias internationaux est quasiment fermé.

Manifestation en Iran le 21 septembre 2022 (photo © AP / Le Monde)

Déjà en 2009, de nombreuses femmes s’étaient retrouvées en première ligne pour réclamer davantage de liberté et avaient, pour plusieurs d’entre elles, payé cette revendication de peines d’emprisonnement et d’une quasi mise au ban de la société. Plus que sur la question du voile, elles militaient d’ailleurs surtout sur la question de l’égalité d’accès aux postes à responsabilité, y compris dans la fonction publique. Cette année, les jeunes qui n’hésitent plus à braver les forces de l’ordre, quitte à recevoir une volée de billes d’acier ou à finir leurs jours en prison, ne se limitent pas non plus à ce sujet du port du voile dont le caractère obligatoire est néanmoins jugé de plus en plus pesant par les jeunes générations.

Leurs revendications vont bien au-delà, dénonçant l’élite corrompue et hypocrite qui s’appuie sur le pouvoir répressif des Gardiens de la révolution, du clergé et des forces de l’ordre, pour se maintenir au pouvoir tandis que la population est confrontée à des conditions de vie de plus en plus difficile, entre restriction des libertés individuelles et situation économique catastrophique. Les slogans « Mort au dictateur », entonnés de plus en plus fréquemment par les jeunes manifestants s’adressent directement au Guide suprême, Ali Khamenei. A cela s’ajoutent d’inévitables revendications identitaires, notamment de la part de la minorité kurde (dont faisait partie Mahsa Amini), sachant que les Kurdes représenteraient déjà près de la moitié des prisonniers détenus en Iran pour atteinte à la sécurité nationale !

Un dessin en date du 3 octobre 2022, signé du Marocain Sanouni Imad (source © Cartoon Movement)

L’avenir dira si ce mouvement de protestation qui est en train d’enfler sera en mesure de faire évoluer significativement la République islamique d’Iran. Une chose est sûre : le pouvoir iranien est bien seul pour faire face à ces contestations après avoir méthodiquement annihilé tous les corps intermédiaires et réduit à néant les mouvements réformistes. Il n’a donc d’autre choix que de se maintenir par la force en accentuant sans cesse la violence répressive face à ce mouvement populaire d’émancipation : l’ayatollah est bien nu…

L. V.

Élisabeth Borne : quelle planification écologique ?

19 Mai 2022

Après sa réélection facile, le 24 avril dernier, à la Présidence de la République, Emmanuel Macron a fait durer le suspens… Plus de trois semaines pour nommer un Premier ministre, c’est du jamais vu ! Alors que le candidat malheureux de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, pourtant indiscutablement éliminé dès le premier tour distribuait ses tracts et collait partout ses affiches appelant les Français à l’« élire Premier ministre », le Président de la République consultait et prenait son temps. Tout juste consentait-il à distiller quelques indices, indiquant dès le 27 avril 2022 : « je nommerai quelqu’un qui est attaché à la question sociale, environnementale et productive » après avoir précisé, entre les deux tours de l’élection présidentielle, que son futur Premier ministre sera également « directement chargé de la planification écologique » si chère à Jean-Luc Mélenchon justement.

Une nomination qui s’est fait attendre… Un dessin signé Oli publié le 26 avril 2022

Mais le portrait esquissé était aussi a priori celui d’une femme, même si ce critère avait déjà été mis en avant en 2017, ce qui n’avait pas empêché Jean Castex d’être nommé à Matignon, sans avoir vraiment besoin de se travestir. Et c’est donc bien une femme qui a donc fini par être nommée, le 16 mai 2022, en l’occurrence Élisabeth Borne, celle dont le nom circulait depuis déjà plusieurs semaines, même si bien d’autres ont été évoqués par les journalistes en mal d’informations à sensation.

Élisabeth Borne à l’issue de la passation de pouvoirs avec Jean Castex, le 16 mai 2022 (photo © Ludovic Marin / France Inter)

En dehors du fait qu’elle est la première femme nommée à ce poste depuis l’expérience douloureuse d’Édith Cresson qui n’avait tenu que 10 mois à ce poste, il y a plus de 30 ans, dans un climat délétère de guerre ouverte entre Michel Rocard et François Mitterrand, se heurtant de front à l’hostilité d’une partie de sa majorité et au sexisme violent de toute la classe politique, certains députés n’hésitant pas à crier « à poil ! » lorsqu’elle montait à la tribune de l’Assemblée nationale pour parler au nom du gouvernement…

Comme celle qui l’avait précédé à ce poste, Élisabeth Borne est une femme d’expérience. Âgée de 61 ans et fille d’un déporté rescapé d’Auschwitz, elle a fait de brillantes études à l’École Polytechnique puis à celle des Ponts et Chaussées avant d’occuper plusieurs postes prestigieux dans les cabinets ministériels (dont celui de Jospin à l’Éducation Nationale puis à Matignon en 1997), comme directrice de l’urbanisme de la Mairie de Paris aux côtés de Bertrand Delanoë, dans plusieurs entreprises publiques ou privées et comme préfet de la Région Poitou-Charente en 2013. Directrice de cabinet de Ségolène Royal au ministère de l’Écologie en 2014, elle a à gérer l’épineux dossier de la prolongation des concessions autoroutières et la négociation d’un protocole d’accord en 2015, avant de prendre la tête de la RATP.

Élisabeth Borne en 2014, alors directrice de cabinet de Ségolène Royal au Ministère de l’Ecologie (photo ©
MaxPPP / Wostok Press / France Inter)

Nommée ministre des Transports auprès de Nicolas Hulot lors de l’élection surprise d’Emmanuel Macron en 2017, elle est notamment chargée de mettre en œuvre l’ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire et doit gérer une grève particulièrement dure de la SNCF. En juillet 2019, elle remplace au pied levé François de Rugy, démissionné sans ménagement de son poste de ministre de l’Écologie, une fonction qu’elle n’occupe que pendant une année seulement, le temps quand même d’enterrer définitivement le projet délirant d’Europa City, porté par le groupe Auchan, mais aussi de défendre et de faire adopter la loi Énergie Climat qui prévoit d’atteindre la neutralité carbone en 2050, une baisse de 40 % de la consommation d’énergies fossiles d’ici à 2030 et la fermeture des 4 dernières centrales à charbon en 2022.

Passation de pouvoir au ministère de l’Écologie, le 17 juillet 2019, entre François de Rugy et Élisabeth Borne (photo © Alain Jocard / AFP / Le Dauphiné)

Nommée ministre du Travail en juillet 2020, elle se retrouve à gérer une réforme de l’assurance chômage et se targue d’avoir enregistré une baisse significative du nombre d’inscrits à Pôle Emploi malgré la forte crise économique liée au CoVid, ce qui s’explique en partie par la forte progression de l’apprentissage…

Après avoir donc occupé pas moins de trois portefeuilles ministériels d’affilée, son expérience gouvernementale est incontestable, de même que sa bonne connaissance des dossiers qui est unanimement reconnue à cette femme, pur produit de la haute administration française et souvent qualifiée de « bosseuse ». Son passage dans plusieurs ministères de gauche ne permet pas pour autant de lui donner une étiquette politique, même si elle a prévu de s’engager, pour la première fois de sa vie, dans une bataille électorale, à l’occasion des prochaines législatives, faisant ainsi, curieusement, le choix inverse de Jean-Luc Mélenchon, qui brigue son poste sans chercher à se faire réélire député !

Élisabeth Borne de passage jusqu’aux prochaines législatives, comme certains l’imaginent déjà ? Un dessin signé Kak, publié dans l’Opinion, le 17 mai 2022

Sera-t-elle pour autant la ministre de la planification écologique que nombre de Français appellent de leurs vœux ? L’avenir le dira, sachant que le bilan du premier quinquennat d’Emmanuel Macron n’est pas brillant dans ce domaine, marqué par le départ houleux de Nicolas Hulot, abattu en vol par les lobbyistes de la chasse, la condamnation de la France pour non respect de ses engagements climatiques, ou encore l’échec retentissant de la Convention citoyenne sur le climat…

Ce ne sont pourtant pas les chantiers qui manquent en la matière si vraiment Élisabeth Borne partage de réelles ambitions. C’est toute la politique énergétique de notre pays qui est à revoir, pour sortir enfin de la dépendance aux énergies fossiles, y compris d’ailleurs pour des raisons d’indépendance politique comme l’a mis en évidence la crise en Ukraine. Il faudrait arrêter enfin les deux dernières centrales à charbon toujours en activité, et multiplier d’ici 2050 par 10 la puissance solaire installée et par 2 celle de l’éolien terrestre, tout en déployant une cinquantaine de parcs éoliens flottants. En parallèle, il faudrait accélérer fortement les efforts de rénovation énergétique du parc immobilier français au rythme d’au mois 700 000 logements par an, pour réduire d’autant la consommation énergétique et donc les émissions de gaz à effet de serre. Mais il faudrait aussi se pencher enfin sérieusement sur la perte dramatique de biodiversité, ce qui passe notamment par un arrêt total de toute nouvelle bétonisation de l’espace et donc une révision drastique de nos modes d’urbanisation et surtout de transports, mais aussi par une réforme profonde de nos pratiques agricoles encore beaucoup trop consommatrices de pesticides et contribuant fortement à la dégradation des sols. De véritables travaux d’Hercule qui attendent donc Élisabeth Borne dans ses nouvelles fonctions…

L. V.

Haïti s’enfonce dans le chaos

27 octobre 2021

Qui s’intéresse encore à Haïti ? Ce pays minuscule qui n’occupe que le tiers de l’île d’Hispaniola et s’étend sur seulement 27 750 km² (moins que la superficie de la région PACA, mais avec plus du double d’habitants !) constitue pourtant l’unique État francophone indépendant des Caraïbes, devenue en 1804, après une défaite napoléonienne, la première république noire du monde et le deuxième État indépendant du continent américain après les États-Unis. Mais ce territoire que l’on a longtemps surnommé « la perle des Antilles » a quelque peu raté sa transition démocratique après la chute, en 1986, du régime dictatorial des Duvalier père et fils. Exilé en France, Jean-Claude Duvalier avait été reconnu coupable, par un tribunal de Miami, d’avoir détourné pas moins de 504 millions de dollars d’argent public à son profit !

Rue de Port-au-Prince après le séisme de 2010 (photo © Jorge Saenz / Keystone / AP / RTS)

Mais depuis, on ne peut pas dire que les choses se soient beaucoup améliorées pour Haïti qui a l’honneur d’occuper la 15e place des pays les plus pauvres du monde : c’est mieux que le Burundi ou le Soudan du Sud, mais à peine mieux que l’Afghanistan : on se console comme on peut… Depuis 1987, les coups d’état s’enchaînent et l’instabilité politique est quasi permanente. Le second mandat d’Aristide, réélu en 2000 avec un taux d’abstention évalué par l’ONU à 90 % (comme quoi, la démocratie en France a encore de beaux restes…), son second mandat avait été marqué par des inondations en mai 2004 (2000 morts) puis par une tempête tropicale en septembre de la même année (2200 morts et disparus), l’obligeant finalement à fuir le pays en catastrophe avec l’aide d’un commando des forces spéciales américaines !

Scènes d’émeutes à Port-au-Prince le 12 février 2019 (photo © Hector Retamal / AFP / France 24)

Le 12 janvier 2010, un tremblement de terre ravage le pays, faisant même s’écrouler le palais présidentiel et obligeant les États-Unis à dépêcher sur place plus de 16 000 militaires. Le bilan de la catastrophe est estimé à environ 300 000 morts et 1 million de sans abris, suivie en octobre 2016 par le passage d’un nouveau cyclone faisant encore un bon millier de victimes, puis en août 2021 par un nouveau séisme avec encore son cortège de destruction et ses 2200 morts supplémentaires. Dans un pays en proie à la pauvreté endémique, la corruption règne en maître. Le dernier Président de la République, Jovenel Moïse, élu en novembre 2016, a dû faire face à de fortes émeutes d’une population aux abois, désemparée face à la hausse des prix, 80 % du riz consommé étant importé dans le cadre d’un marché contrôlé par une poignée de commerçants richissimes.

Inondations dans les rues de Gonaïves (photo © Keystone / RTS)

Impliqué comme son entourage dans plusieurs scandales de corruption, le Président lui-même a d’ailleurs été assassiné par un commando dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021, alors que règne depuis des années un véritable climat de terreur, tout particulièrement dans la capitale, Port-au-Prince, en proie à une véritable guerre des gangs qui font régner leur loi face à un État en pleine déliquescence. Les enlèvements crapuleux contre rançon (plus de 600 depuis le début de l’année! ) sont devenus un véritable business pour les malfrats qui n’hésitent pas à s’attaquer également aux enfants. Un rapport officiel recense pas moins de 162 groupes armés qui sévissent ainsi dans le pays, dont le gang « 400 Mawazo » qui vient de se distinguer en kidnappant d’un seul coup pas moins de 17 missionnaires américains et canadiens…

Une anecdote récente illustre bien cette faiblesse de l’État constitué face à la toute puissance des gangs armés. Le 17 octobre, Haïti commémore traditionnellement l’anniversaire de la mort de l’empereur Jacques 1er, allias Jean-Jacques Dessalines, abattu en 1806 sur le Pont-Rouge, près de Port-au-Prince après un règne aussi bref que tyrannique. Celui-ci fut en effet l’artisan de l’indépendance du pays, lui qui s’était fait couronné empereur le 8 octobre 1804, quelques mois avant Napoléon Bonaparte dont il avait réussi à chasser les troupes après des combats sanglants et de multiples revirement politiques, provoquant notamment la déportation en France du général Toussaint Louverture.

Jean-Jacques Dessalines, couronné empereur d’Haïti, assassiné le 17 octobre 1806 (source © Référence Haïti)

Mais en ce 8 octobre 2021, pour pouvoir accéder au monument du Pont-Rouge et y tenir l’habituelle cérémonie officielle, le gouvernement du Premier ministre Ariel Henry, a dû payer pas moins de 20 millions de gourdes aux gangs armés qui tiennent le secteur. Malheureusement, il semble que les membres de la coalition « G9 an fanmi e alye » à qui était destiné cet argent n’ont pas réussi à s’entendre sur le partage, tant et si bien que le cortège officiel a été accueilli sur place par des rafales de tirs automatiques et a dû rebroussé chemin en catastrophe.

Le chef des gangs du G9, Barbecue, entouré de ses hommes lors de la cérémonie du 17 octobre 2021 (source © Gazette Haïti)

C’est le chef de la fédération des gangs, un certain Jimmy Chérizier, plus connu sous le doux nom de « Barbecue », vêtu de blanc et cravaté comme un chef de l’État, qui a donc procédé lui-même au dépôt de gerbes, entouré de dizaines d’hommes lourdement armés, avant d’haranguer la foule en dénonçant « Ariel Henry et les Syro-libanais qui contrôlent toutes les richesses du pays ».

Déjà le 17 octobre 2018, le dernier Président de la République, Jovenel Moïse, celui-là même qui vient d’être assassiné en juillet, avait dû renoncer à la cérémonie et prendre ses jambes à son cou pour échapper à la fureur de la population et des groupes armés. Les images du leader des gangs remplaçant le chef du gouvernement pour une cérémonie officielle après l’avoir mis en fuite sont en tout cas un véritable révélateur du chaos qui s’est installé dans ce pays qui finit par désespérer tout le monde et fait fuir ses habitants.

Le long de la frontière mexicaine, un garde-frontières américain s’en prend violemment à des réfugiés haïtiens (photo © Paul Ratje / AFP / France-Inter)

Mais même l’exil est un chemin de croix pour les Haïtiens dont personne ne veut. Parcourant des milliers de kilomètres via la Colombie et l’Amérique centrale, ils se retrouvent par milliers sur le Rio Grande, à la frontière entre le Mexique et les États-Unis, pour se voir refoulés sans ménagement comme on a pu le voir récemment sur ces images spectaculaires d’un reportage de l’Agence France Presse montrant des gardes américains à cheval qui ont tout l’air de cowboys avec leurs jambières de cuir, leur Stenson et leur foulard autour du cou, faisant tournoyer leurs rênes pour fouetter violemment de pauvres réfugiés haïtiens terrorisés et armés de simples misérables sacs en plastiques dans lesquels ils emportent tout ce qu’il possèdent. Une image redoutable de l’indifférence yankee face à la misère noire dans laquelle se débat le peuple haïtien et dont on ne voit pas vraiment venir le bout…

L. V.

Gaël Giraud, l’économiste iconoclaste

20 septembre 2021

L’homme n’est pas forcément très connu du grand public. Et pourtant son nom fait partie de ceux qui émergent dans le cadre du processus de la Primaire Populaire, ce mouvement citoyen qui s’inspire quelque peu du Printemps Marseillais et dont les militants étaient justement réunis le week-end du 11-12 septembre 2021 dans les locaux du centre associatif marseillais Coco Velten.

Réunion de la Primaire Populaire dans les locaux associatifs de Coco Velten à Marseille en septembre 2021 (photo © Clara Lalanne / France TV info)

L’objectif de la démarche, initiée par des sympathisants de l’écologie politique et de l’économie sociale et solidaire, est de faire émerger, sans forcément passer par le carcan désuet des partis politiques, un candidat qui puisse défendre lors de la prochaine élection présidentielle de 2022, un socle commun de 10 mesures phares destinées à enclencher une véritable transition écologique, une évolution majeure de l’agriculture, une politique fiscale et une répartition des revenus du travail plus justes, ainsi qu’une évolution vers une Sixième République modernisée, plus démocratique et plus participative.

Un programme ambitieux dans lequel se retrouvent néanmoins plusieurs personnalités dont certaines ont déjà fait part de leur candidature à la Présidentielle, comme Arnaud Montebourg, Anne Hidalgo, Fabien Roussel ou encore Pierre Larrouturou mais aussi les cinq candidats engagés dans la primaire écologique qui se déroule en parallèle. D’autres personnalités néanmoins émergent spontanément de cette démarche dans laquelle chaque citoyen qui s’inscrit peut mettre en avant un candidat de son choix.

Le processus devrait se poursuivre jusqu’au 11 octobre 2021 mais plus de 100 000 personnes se sont d’ores et déjà inscrits sur la plateforme, ce qui se rapproche du nombre de participants à la primaire écologiste dont le premier tour, qui s’est achevé le 19 septembre 2021, a rassemblé plus de 122 000 votants !

Les cinq candidats en lice pour la primaire écologiste :  Yannick Jadot, Sandrine Rousseau, Delphine Batho, Eric Piolle et Jean-Marc Governatori. (photo © Geoffroy Van Der Hasselt et Valery Hache / AFP / Les Echos)

C’est ainsi que certaines personnalité rencontrent un beau succès dans le cadre de cette Primaire Populaire, dont l’ancienne garde des Sceaux de François Hollande, Christiane Taubira, qui vient pourtant de déclarer qu’elle ne sera pas candidate, elle qui n’avait recueilli que 3,2 % des suffrages lors de la Présidentielle de 2002. D’autres figures politiques rencontrent aussi un beau succès dans le cadre de cette démarche assez inédite. C’est le cas en particulier du député de la France Insoumise, François Ruffin qui se place pour l’instant en tête des potentiels candidats masculins.

Mais son challenger actuel est donc Gaël Giraud, cet inconnu qui pour l’instant fait mieux que Yannick Jadot, Benoît Hamon ou même Jean-Luc Mélenchon, dont la notoriété est pourtant incontestablement supérieure. A 51 ans, ce prêtre jésuite, économiste de profession, ancien économiste en chef de l’Agence Française de Développement, qui enseigne la théorie des jeux et l’économie mathématique à la Sorbonne et à l’École polytechnique, et qui n’a jamais détenu le moindre mandat électif, fait un peu figure d’OVNI parmi cet aréopage de militants politiques chevronnés…

Gaël Giraud, le jésuite économiste iconoclaste (photo © Clément Tissot / Revue Projet)

Cet enseignant-chercheur, formé à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm puis à l’École nationale de la statistique et de l’administration économique (ENSAE), entré au CNRS en 1999 et qui a refusé en 2003 un poste de trader à New York avant d’entrer dans les ordres et de soutenir une thèse de doctorat en théologie politique, est pourtant, malgré son cursus atypique, un militant incontestable de la transition écologique, membre du conseil scientifique de la Fondation Hulot et du Shift Project, qui alerte sans relâche depuis 2012 sur les risques liés au réchauffement climatique et à l’utilisation de ressources énergétiques non renouvelables.

Dans la chronique régulière qu’il livre depuis 2007 à la revue Projet sur l’actualité économique et financière, il insiste notamment sur la nécessité d’investir massivement en faveur d’une transition écologique ambitieuse, de plafonner les revenus, d’annuler les dettes souveraines détenues par la Banque centrale européenne (BCE), ou encore d’instaurer davantage de protectionnisme aux frontières de l’Europe.

Le prêtre jésuite Gaël Giraud dialoguant avec Nicolas Hulot dans la cathédrale Notre-Dame de Paris en novembre 2015 (photo © Corinne Simon / La Croix)

En juillet 2021, celui qui n’est pas candidat déclaré mais dont le nom figure néanmoins en bonne position de cette Primaire Populaire, faisait ainsi état sur son blog de 12 mesures phares qu’il souhaite mettre en avant et qui sont pour le moins iconoclastes. Adepte d’une démocratie citoyenne redynamisée, il propose ainsi un rapporteur citoyen chargé de présenter devant l’Assemblée tout amendement élaboré par la formation citoyenne du Conseil économique, social et environnemental, ou issu d’une pétition citoyenne rassemblant au moins 50 000 voix. Pour renforcer les capacités de projections militaires et humanitaires de la France, il suggère le lancement d’un projet d’avion gros porteur qui fait toujours défaut à la défense nationale, tandis qu’il souhaite tendre progressivement vers un futur service national obligatoire.

Le blog de Gaël Giraud, une source de réflexion sur l’actualité économique et politique, et de propositions pour la prochaine présidentielle…

Pour faire face à l’hégémonie américaine des GAFAM, il préconise le lancement d’une suite numérique européenne sécurisée et simple d’utilisation. Il propose des solutions pour reprendre en main la BCE et favoriser l’investissement public. Il envisage la mise en place d’une protection sociale alimentaire pour répondre aux besoins de millions de Français qui rencontrent des difficultés au quotidien pour se nourrir. Il suggère la création d’une banque publique de l’eau pour répondre aux besoins d’investissement majeurs en vue de sécuriser et optimiser les réseaux de distribution, notamment dans les DOM-TOM. Pour favoriser l’efficacité thermique des bâtiments dans un contexte de changement climatique global, il estime nécessaire d’investir de l’ordre de 20 milliards d’euros par an.

Inscrire les préoccupations environnementales au cœur des enjeux de l’Éducation nationale, revoir la tarification des actes médicaux, rééquilibrer la pression fiscale pour un impôt progressif plus juste en faveur des classes moyennes, ou encore renforcer le statut des salariés face à l’actionnariat au sein des entreprises, sont autant de mesures humanistes et progressistes émises par ce prêtre jésuite et économiste averti qui se penche ainsi au chevet de notre société sans craindre de mettre les mains dans le cambouis. Une belle révélation de cette Primaire Populaire, et peut-être un des acteurs politiques des prochaines élections présidentielles ?

L. V.

140 ans pour le Cercle Républicain des Travailleurs !

28 août 2021

Le Cercle Républicain des Travailleurs de Roquefort-la-Bédoule vient de fêter ses 140 années d’existence ! La salle Marius Aimonetto de Roquefort-la-Bédoule était trop petite pour accueillir le samedi 21 août 2021 à 11h30 les membres et sympathisants du Cercle Républicain des Travailleurs ainsi que des représentants des Cercles des villes voisines, Aubagne, Carnoux-en-Provence et La Ciotat. Tous étaient réunis pour saluer la longévité et le dynamisme de l’association autour d’un apéritif copieux.

Le siège du Cercle Républicain des Travailleurs au centre de Roquefort-la-Bédoule (photo © CPC)

Créé par un groupe de Républicains en novembre 1879, c’est en fait le premier maire républicain élu en avril 1971, M. Louis Guibert, qui a fondé le premier Cercle Républicain car auparavant, le conseil municipal de Roquefort en septembre 1970 avait prêté allégeance à la Constitution et fidélité à l’Empereur !

Rappelons qu’à cette époque La Bédoule n’était qu’un quartier de Roquefort, et que le qualificatif de Républicain désignait les citoyens attachés à la République par opposition aux conservateurs fidèles aux idées réactionnaires de l’Empereur. Notons aussi qu’alors coexistaient dans la ville deux cercles, le Cercle blanc, conservateur, et le Cercle républicain attaché aux valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. Cette précision est d’importance dans le contexte actuel !

Allocution d’Alain Dallest, Président du Cercle Républicain des Travailleurs le 21 août 2021 (photo © CPC)

C’est le président du Cercle Républicain des Travailleurs, M. Alain Dallest, qui prononça le discours de commémoration en saluant les présents dont, M. Alain Tarrini, conseiller municipal, représentant M. le Maire de Roquefort-la-Bédoule qui s’était excusé, Mme Mireille Mavrides, présidente du Cercle de l’Harmonie d’Aubagne, M. Karim Ghendouf, vice-président du Cercle Républicain de La Ciotat, M. Michel Motré, président du Cercle Progressiste Carnussien et le représentant de l’association « Carrefour Citoyen » de Roquefort-la-Bédoule.

Michel Motré (à droite) avec les représentants des autres Cercles républicains du secteur (photo © CPC)

Après avoir rappelé l’attachement au Cercle du Maire, M. Marc Del Grazia, M. Dallest a regretté le report pour cause de pandémie de cette manifestation qui aurait dû se tenir en 2020. Il a ensuite mentionné les personnalités marquantes du Cercle à commencer par Louis Guibert, les membres du Cercle morts pour la France lors des deux guerres mondiales, les résistants et résistantes dont Pacifique Rovali, membre des F.T.P., qui fut tué par les Allemands. Il a aussi rendu hommage aux adhérents décédés avant que l’assemblée respecte une minute de silence.

Une plaque commémorant les membres du Cercle, tombés pour la France en 1914-18 (photo © CPC)

Après ce moment de recueillement, le président a tracé plusieurs objectifs pour le Cercle dans les années à venir : favoriser le progrès social et l’émancipation citoyenne avec notamment un renforcement de l’Éducation Populaire. Que le Cercle constitue toujours un lieu ouvert à la culture et au débat d’idées ! Il aussi a appelé à la persistance du bar associatif et remercié la salariée ainsi que les membres qui se mobilisent pour que ce lieu de convivialité soit toujours aussi vivant et qu’il favorise le tissage de liens sociaux entre tous les habitants de la cité, cela sans exclusive.

Une colombe de la paix pour fêter les 140 ans du Cercle (photo © CPC)

Pour conclure, et avant de dévoiler une peinture représentant la Colombe de la Paix de Pablo Picasso réalisée par un adhérent pour fêter les 140 ans du Cercle, Alain Dallest a souhaité une longue vie au Cercle Républicain des Travailleurs de Roquefort-la-Bédoule et aux valeurs qu’il promeut : liberté, égalité et fraternité.

S’en sont suivis un apéritif et de nombreux échanges dont la perspective de créer une réunion régulière des Cercles locaux. A suivre…

M. M.

N.B. Les références historiques sont issues de l’ouvrage de Marius Aimonetto, Roquefort la Bédoule, 100 ans du cercle Républicain des Travailleurs, édité pour le compte de l’association Marius Aimonetto en 1984.

De l’instruction civique à l’enseignement moral et civique

19 novembre 2020

L’assassinat de Samuel Paty, professeur d’Histoire-Géographie, perpétré après un cours d’’éducation morale et civique (EMC) portant sur la liberté d’expression dans un Etat laïc, a ébranlé la communauté éducative et l’ensemble des français attachés aux valeurs de la République.

Comment peut-on en venir à tuer un professeur qui n’a fait qu’assurer sa mission ?

La formation scolaire en France comporte quelques disciplines et enseignements qui sont le fruit de son histoire. Ainsi, l’enseignement de la philosophie, s’il ne constitue pas une exception au regard d’autres pays, diffère par sa conception basée sur la réflexion personnelle alors qu’ailleurs ce sont les cours d’histoire des idées et de religion qui tendent à remplacer la philosophie, celle aux questions existentielles que nous connaissons. C’est là un des héritages des Lumières. L’éducation morale et civique constitue aussi une spécificité française. Il nous semble alors nécessaire de réfléchir aux raisons qui ont conduit le législateur français à instaurer un enseignement moral et civique.

Cours au collège (photo © Damien Meyer / AFP / France TV info)

Les plus anciens se remémorent qu’à l’école primaire, chaque matinée de classe débutait par une séquence de morale initiée par une phrase écrite au tableau noir du type : « Tous les membres d’une famille ont des devoirs les uns envers les autres. Ils doivent s’assister mutuellement. » Cette séquence de quinze minutes permettait dans l’échange de faire émerger des expériences personnelles qui donnaient sens à un principe ou une maxime qui était ensuite recopié sur le cahier du jour. Cela participait de la constitution de repères civiques et moraux transposables dans la vie de chacun pour faire société.

Qu’indiquent les programmes actuels ?

L’objectif de l’enseignement moral et civique est d’associer dans un même mouvement la formation du futur citoyen et la formation de sa raison critique. Ainsi l’élève acquiert-il une conscience morale lui permettant de comprendre, de respecter et de partager des valeurs humanistes de solidarité, de respect et de responsabilité.

Avant d’aborder l’étude de l’Instruction civique devenue enseignement moral et civique, on peut d’abord remarquer la présence successive des substantifs Instruction, Education et enfin Enseignement pour nommer cette formation. Nous constaterons que le vocable a évolué dans le temps, tout comme celui du ministère en charge de la formation des élèves.

Pourquoi instaurer un tel enseignement  en France ?

Pour répondre à cette question, voyons d’abord les bases sur lesquelles s’est construite l’Instruction publique devenue Éducation nationale ….

Comme le note Pierre-Eugène Muller dans un article paru en 1999 et intitulé Les mots en politique et plus précisément au chapitre De l’Instruction publique à l’Education nationale, il faut remonter au XVIIIème siècle pour trouver l’expression « éducation nationale ». Elle appartient au titre d’un ouvrage de Caradeuc de La Choletais (1701-1785), procureur général au parlement de Rennes qui publie en 1763 un Essai d’éducation nationale et explique ainsi son projet : «  Je prétends revendiquer pour la nation une éducation qui ne dépende que de l’Etat, parce qu’elle lui appartient essentiellement ; parce que toute nation a un droit inaliénable et imprescriptible d’instruire ses membres ; parce qu’enfin les enfants de l’Etat doivent être élevés par des membres de l’Etat ». Pour l’auteur, il s’agit de réagir contre la mainmise du clergé sur l’enseignement. Les lois Ferry des années 1880 entérineront ce choix avec le vocable Instruction publique.

En 1932, le gouvernement d’Édouard Herriot décide de rebaptiser l’instruction publique « éducation nationale ». Cette dénomination sera remise en cause pendant les premiers mois du gouvernement de Vichy, où l’instruction publique fait sa réapparition, mais l’appellation « éducation nationale » sera rétablie dès le 23 février 1941. Elle avait d’ailleurs été conservée à Londres, puis à Alger, par les gouvernements du général De Gaulle. Depuis, elle perdure.

puis à partir de quelques repères historiques et pédagogiques comment cet enseignement s’est progressivement installé et comment il a évolué.

Dans le rapport du séminaire national des doyens des groupes (disciplinaires) de l’Inspection Générale de l’Éducation Nationale d’avril 2015 consacré à Valeurs de la République et Laïcité, les grandes étapes de la formation civique des élèves sont rappelées.

« La Révolution française affiche sa volonté, dès la Constituante, d’instaurer un enseignement à caractère civique, c’est-à-dire de développer une éducation morale et sociale se substituant à l’éducation religieuse, dans un contexte de lutte entre l’Église et l’État républicain » (projet Talleyrand, 1791). Mais ce projet n’aboutit pas et il faut attendre presque un siècle pour que soit instaurée une instruction civique.

IIIème République : Affirmer le caractère laïc de l’Instruction publique

Les années 1880 sont marquées par des changements fondamentaux dans le système éducatif français, changements essentiellement portés, du moins au début, par Jules Ferry et son principal conseiller Ferdinand Buisson. Les lois Ferry  qui rendent l’école laïque, obligatoire et gratuite sont l’aboutissement d’un mouvement de laïcisation de l’école. Ainsi, Paul Bert affirme en 1880 sa volonté de remplacer l’enseignement religieux par l’éducation civique en disant: « c’est notre église laïque à nous, où l’on enseigne des vérités scientifiques et démontrables où l’on enseigne les vertus civiques et la religion de la Patrie ». La laïcité, proclamée dès 1881 avec la suppression de l’éducation religieuse dans l’enseignement public, est renforcée par la loi Goblet (1886), qui interdit aux religieux d’enseigner dans le public. La laïcité ne fut toutefois pas appliquée à l’Alsace et la Moselle, annexées en 1871 à l’empire allemand.

L’école d’autrefois…(source © Manuels anciens)

Cette instauration de la morale laïque dans des ouvrages scolaires souvent écrits par des libre penseurs indigne les catholiques français et va déclencher en 1882 la première guerre des manuels à la suite à la mise à l’Index de quatre livres scolaires.

Les maîtres, que l’on nomme  « Hussards noirs de la République » sont les figures emblématiques de cette époque. Ces instituteurs, souvent d’origine modeste, inculquent aux écoliers les valeurs de la République par l’enseignement de l’histoire, de la morale et de l’instruction civique.

La loi du 28 mars 1882 met en place « l’instruction morale et civique », qui remplace « l’instruction morale et religieuse » prévue par la loi Guizot de 1833. Il s’agit donc à la fois de laïciser les programmes et d’asseoir la citoyenneté républicaine.

Manuel d’instruction civique datant de 1881 (photo © M. Motré)

Les Instructions de 1887 précisent le but et le caractère de l’enseignement de la morale. « L’enseignement moral est destiné à compléter et à relier, à relever et à ennoblir tous les enseignements de l’école. Tandis que les autres études développent chacune un ordre spécial d’aptitudes et de connaissances utiles, celle-ci tend à développer dans l’homme, l’homme lui-même, c’est-à-dire un cœur, une intelligence, une conscience ». A l’école primaire surtout, ce n’est pas une science, c’est un art, l’art d’incliner la volonté libre vers le bien. »

Plus loin, il est précisé que l’enseignement moral laïc se distingue donc de l’enseignement religieux sans le contredire. Cet enseignement doit insister sur les devoirs qui rapprochent les hommes et non sur les dogmes qui les divisent. Le caractère concret de l’enseignement moral est recommandé. Suite à la Loi de 1905 de séparation des églises et de l’État ces principes se trouveront renforcés..

Les instructions données aux enseignants du premier degré en 1923 reprennent en les développant ces principes qui fonderont l’instruction civique et morale jusqu’en 1940.

IVème République : Affermir la cohésion de la Nation

L’inspecteur général d’histoire-géographie Louis François porte en 1945 l’introduction de l’instruction civique dans le second degré : cette extension est fille de la Résistance.

Vème République : de Connaitre le fonctionnement de l’État et de ses services à Renforcer la compréhension et la pratique des valeurs de la République, Liberté, Egalité, Fraternité et Laïcité dans l’Education Nationale

Comme le décrit le rapport des inspecteurs généraux, « la réforme Haby, qui met en place en 1975 le collège unique, remplace l’instruction civique, fort délaissée dans les années 1960 (car limitée à des contenus descriptifs et essentiellement administratifs) par un « enseignement d’initiation à la vie économique et sociale » qui se développe autour de grands thèmes, mais n’est plus un enseignement séparé muni d’un programme. »

Les programmes scolaires en collège de 1965 (source © Ministère de l’éducation nationale)

Avec l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981, l’interrogation sur le modèle républicain aboutit en 1985 (avec le ministre Jean-Pierre Chevènement) « à l’introduction d’une Education civique confiée aux professeurs d’histoire-géographie, avec un programme auquel s’ajoute la possibilité, restée lettre morte dans les faits, de traiter de manière interdisciplinaire des thèmes transversaux (consommation, environnement…) ».

Au cours des années 1990, le ministère de l’Education nationale tente de développer une démocratie lycéenne avec la création en 1995 d’un Conseil national de la vie lycéenne (CVL) et une grande consultation des lycéens lancée en 1998, amplifiée par les manifestations lycéennes de la même année, met en avant une volonté des jeunes de pouvoir débattre de grands sujets de société. Les programmes de 1998-2000 mettent donc en place l’éducation civique, juridique et sociale. Elle doit développer la citoyenneté au lycée en trois temps : la mise en place des règles, la connaissance des institutions et enfin la mise en rapport des évolutions de la citoyenneté et des transformations du monde contemporain. L’outil pédagogique privilégié est le débat et la culture juridique est privilégiée. Les heures prévues « sont assurées par des professeurs volontaires de différentes disciplines ». Parallèlement, une épreuve d’éducation civique est créée en 1997 au brevet des collèges.

Les programmes de 2010-2011 sur l’ECJS (Education Civique, Juridique et Sociale) au lycée général opèrent un recentrage sur la République. En 2010, un enseignement de lettres-histoire-géographie-éducation civique a été introduit au lycée professionnel et est évalué au CAP, au BEP et au baccalauréat professionnel.

Mobilisation historique le 11 janvier 2015 place de la République à Paris, après l’attentat contre Charlie Hebdo (photo © Charles Platiau / Reuters / RFI)

Suite aux attentats de Paris et à l’assassinat de journalistes, de policiers et d’usagers d’un magasin casher, la grande mobilisation de l’école pour les valeurs de la République et la laïcité décidée par le Président de la République, et détaillée le 22 janvier 2015 à travers onze mesures par la ministre de l’éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, se caractérise par un ensemble de développements pédagogiques intégrés et un lien affirmé avec la recherche. Pour les premiers, il s’agit d’un triptyque articulant un enseignement moral et civique à tous les niveaux, pour toutes les voies et dans tous les degrés, un enseignement laïc des faits religieux, et une éducation à la laïcité (à laquelle s’ajoute une éducation aux média et à l’information).

La suite des étapes de la constitution d’un enseignement moral et civique met en évidence le souci de construire une solide culture civique tout en réagissant aux soubresauts voire aux défis que rencontre la société. Si la dimension laïque en constitue l’épine dorsale, on constate que les valeurs républicaines que l’on pensait acquises requièrent d’être constamment réaffirmées.

Où en est-on à ce jour et que prescrivent les programmes pour l’enseignement obligatoire ?

Le texte paru au Bulletin Officiel de l’Éducation nationale N°31 de juillet 2020 fixe les finalités (voir ci-dessous) et les contenus de l’Enseignement moral et civique:

Enseignement moral et civique Les finalités de l’enseignement moral et civique du cycle 2 au cycle 4 (de la grande section de maternelle à la 3ème)

L’enseignement moral et civique poursuit trois finalités qui sont intimement liées entre elles.

1) Respecter autrui Respecter autrui, c’est respecter sa liberté, le considérer comme égal à soi en dignité, développer avec lui des relations de fraternité. C’est aussi respecter ses convictions philosophiques et religieuses, ce que permet la laïcité.

2) Acquérir et partager les valeurs de la République Le code de l’éducation affirme « qu’outre la transmission des connaissances, la Nation fixe comme mission première à l’école de faire partager aux élèves les valeurs de la République » (article L 111-1). Cette mission est réaffirmée dans le Socle commun de connaissances, de compétences et de culture : « L’École a une responsabilité particulière dans la formation de l’élève en tant que personne et futur citoyen. Dans une démarche de coéducation, elle ne se substitue pas aux familles, mais elle a pour tâche de transmettre aux jeunes les valeurs fondamentales et les principes inscrits dans la Constitution de notre pays … Les quatre valeurs et principes majeurs de la République française sont la liberté, l’égalité, la fraternité, et la laïcité. S’en déduisent la solidarité, l’égalité entre les hommes et les femmes, ainsi que le refus de toutes les formes de discriminations. L’enseignement moral et civique porte sur ces principes et valeurs, qui sont nécessaires à la vie commune dans une société démocratique et constituent un bien commun s’actualisant au fil des débats dont se nourrit la République.

3) Construire une culture civique La conception républicaine de la citoyenneté insiste à la fois sur l’autonomie du citoyen et sur son appartenance à la communauté politique formée autour des valeurs et principes de la République. Elle signale l’importance de la loi et du droit, tout en étant ouverte à l’éthique de la discussion qui caractérise l’espace démocratique. Elle trouve son expression dans le Socle commun de connaissances, de compétences et de culture, selon lequel l’École « permet à l’élève d’acquérir la capacité à juger par lui-même, en même temps que le sentiment d’appartenance à la société… La culture civique portée par l’enseignement moral et civique articule quatre domaines : la sensibilité, la règle et le droit, le jugement, l’engagement. –

Modalités pratiques et méthodes de l’enseignement moral et civique L’enseignement moral et civique articule des valeurs, des savoirs (littéraires, scientifiques, historiques, juridiques, etc.) et des pratiques. Il requiert l’acquisition de connaissances et de compétences dans les quatre domaines de la culture civique et donne lieu à des traces écrites et à une évaluation. L’enseignement moral et civique s’effectue, chaque fois que possible, à partir de l’analyse de situations concrètes. La discussion réglée et le débat argumenté ont une place de premier choix pour permettre aux élèves de comprendre, d’éprouver et de mettre en perspective les valeurs qui régissent notre société démocratique. Ils comportent une prise d’informations selon les modalités choisies par le professeur, un échange d’arguments dans un cadre défini et un retour sur les acquis permettant une trace écrite ou une formalisation. L’enseignement moral et civique se prête particulièrement aux travaux qui placent les élèves en situation de coopération et de mutualisation favorisant les échanges d’arguments et la confrontation des idées. L’enseignant exerce sa responsabilité pédagogique dans les choix de mise en œuvre en les adaptant à ses objectifs et à ses élèves. L’enseignement moral et civique dispose réglementairement d’un horaire dédié permettant une mise en œuvre pédagogique au service de ses finalités.

Ce texte mérite d’être connu de tous, enseignants comme parents.

Que ce soit une instruction civique, une éducation ou un enseignement moral et civique, la formation aux valeurs de la République est cruciale.

Comme le montrait déjà en 2004 le rapport OBIN ( Inspecteur Général de l’Education nationale, groupe Etablissements et Vie scolaire), en pointant du doigt les symptômes que représentaient les attaques croissantes contre le respect de la laïcité dans nos établissements, et, comme l’ont confirmé de nombreux rapports depuis, dont celui produit par le Haut conseil à l’intégration en 2011, il y a dans notre pays un malaise du « vivre ensemble », une difficulté à « faire Nation », un problème d’intégration de nombre de jeunes Français dans notre société. Et les raisons de cette non-affiliation ne sont pas à aller chercher uniquement dans les relations qu’entretiennent les religions avec la République.

Source © Café pédagogique

Ce rapport longtemps ignoré par les gouvernements successifs constitue une base de réflexion toujours actuelle et il insiste sur la nécessité de renforcer la formation des élèves aux questions de la Laïcité mais aussi et d’abord, de former tous les enseignants, et pas seulement pour le second degré ceux d’Histoire-Géographie qui sont en charge de l’EMC, ainsi que les personnels de direction, afin qu’ils soient tous intellectuellement et pédagogiquement équipés pour répondre aux atteintes à la laïcité et aux contestations portant sur des contenus d’enseignement. Les enseignants d’Education Physique et Sportive (EPS) et ceux de Biologie quand ils abordent la question de l’évolution témoignent de réactions d’élèves et de familles qui s’opposent à la mixité dans les piscines pour les premiers ou qui opposent des approchés créationnistes pour les seconds. Les Conseillers principaux d’éducation veillent aussi au respect de la loi sur le port de signes ostentatoires.

L’école républicaine est discutée par des familles, voire remise en question. Ainsi que le démontrent les incidents enregistrés dans les classes et surtout le tragique assassinat de Samuel Paty, l’École de la République n’est plus un sanctuaire, malgré l’investissement des personnels de l’Éducation nationale soutenus par des élus républicains.

Attention au risque de déformation professionnelle… (source © Pinterest)

Pour mesurer combien l’Ecole constitue un enjeu de formation pour beaucoup et un « ennemi » pour quelques-uns, on pourra se référer à l’article paru sur le site de France info le 17 novembre 2020  Assassinat de Samuel Paty : du cours sur la liberté d’expression à l’attentat, les 11 jours d’un engrenage mortel.

Le livre au titre prémonitoire Qui veut tuer la laïcité ?, récemment paru aux éditions Eyrolles, montre à partir de l’étude de nombreux exemples dont plusieurs concernent l’École, combien la tâche des éducateurs est ardue et que l’ambition citoyenne instaurée par Jules Ferry demeure un enjeu permanent !

M. M.

Présidentielles américaines : alors ?…

7 novembre 2020

Décidément, ces élections présidentielles américaines entretiennent un suspens incroyable… Tous les sondages annonçaient que l’éviction du trublion Donald Trump était pliée d’avance et que les Américains allaient enfin exprimer un choix plus raisonnable en faveur d’un dirigeant suprême plus en phase avec les valeurs de démocratie, de solidarité et de responsabilité que le Monde attend d’une démocratie aussi puissante et influente que celle des États-Unis.

« Ça y est : il est parti ? » (source © Pinterest)

Mais c’était sans compter l’esprit individualiste, ultra-nationaliste et, disons-le, égoïste, qui fait des ravages dans le Peuple américain tout comme dans la plupart des autres pays y compris la France. Quand les frustrations économiques et sociales s’accumulent alors que les médias, la publicité et les réseaux sociaux nous font miroiter à longueur de journée un idéal d’hédonisme, d’opulence, de liberté et d’oisiveté, il est bien difficile de résister aux sirènes de ces discours populistes qui promettent la lune pour tout de suite en se moquant bien des conséquences à long terme de leurs décisions : pourquoi se gêner à exploiter le gaz de schiste au prix d’une catastrophe écologique sans doute irréversible si cela peut nous permettre de continuer à rouler sans entrave au volant d’une belle voiture ? Et tant pis pour ceux qui n’ont pas la chance d’être né dans un pays aussi riche et gaspilleur, il suffit de s’en protéger en construisant des murs…

Un match serré entre Joe Biden et Donald Trump (source © BBC)

Force est en tout cas de constater que rarement sans doute l’Amérique n’a été autant divisée en deux camps aussi inconciliable. Malgré la crise sanitaire, le taux de participation à ces élections présidentielles a atteint partout des valeurs très élevées. Et partout, les deux candidats se retrouvent au coude à coude. Le système électoral américain si particulier qui pousse la logique majoritaire à son extrême en faisant dans le tout ou rien, donne l’illusion d’une Amérique coupée en deux avec des États ruraux ou en déclin économique acquis au candidat Républicain et d’autres, plus urbains et plus opulents, délibérément Démocrates.

Carte provisoire des résultats de l’élection présidentielle américaine du 3 novembre 2020, mise à jour le 6 novembre 2020 à 23 h (source infographie © Le Figaro)

Mais cette carte en rouge et bleu masque une réalité bien différente avec des écarts en réalité très faibles entre les deux candidats dans la quasi totalité des États. Les catégories sociales plus aisées et mieux éduquées ont massivement voté pour Joe Biden et on les retrouve dans toutes les villes du pays, mais partout aussi les Américains adeptes du repli sur soi, nostalgiques d’une Amérique triomphante et opulente, ont voté avec enthousiasme pour un Donald Trump capable de tenir tête aux élites mondialisée et à la Chine arrogante, avec sa promesse de « make America great again ».

Un dessin signé Kak, en novembre 2018, mais toujours d’actualité (source © L’Opinion)

Au gré de ces élections, les États-Unis sont devenus bipolaires et c’est peut-être cette scission inédite qui a abouti à ce scénario catastrophe d’une grande démocratie, habituée à donner des leçons de morale à la planète entière, désormais ridiculisée par un Président sortant qui, après s’être autoproclamé un peu prématurément, vainqueur de ces élections, accuse sa propre administration de fraudes massives et demande tout simplement d’arrêter de compter les bulletins de votes qui ne sont toujours pas dépouillés, quatre jours après le scrutin du 3 novembre 2020…

Le Monde entier se délecte de ce feuilleton pathétique et retient son souffle pendant que les États traditionnellement Républicains que sont le Nevada ou l’Arizona se sont lancés dans une course de lenteur pour faire durer le dépouillement des derniers bulletins pour ne pas risque de faire basculer la situation en faveur du candidat Démocrate. Bref, samedi 7 novembre, on ne sait toujours pas qui sortira vainqueur de ces élections à suspens, sans compter le risque que le résultat, quel qu’il soit, se retrouve contesté devant les tribunaux et qu’il fasse l’objet, in fine, d’un arbitrage des juges de la Cour suprême…

En tout cas, ces élections qui se prolongent au-delà du raisonnable pour faire émerger un vainqueur, dans une ambiance de frustration et de soupçons de fraude, ne va sans doute pas favoriser la cohésion de la Nation américaine et risque de laisser des traces, même si, dans l’immédiat, c’est surtout la faillite d’un processus électoral inadapté qui est mise en évidence.

Un duel électoral serré, qui pourrait donner l’idée de recourir à d’autres méthodes plus efficaces ? Un dessin signé Chapatte (source © Le Temps)

Une faillite qui n’est pas sans rappeler celle qu’a connu il y a quelques mois seulement la ville de Marseille à l’occasion du second tour des élections municipales. Comme aux États-Unis et pour les mêmes raisons, la ville a bien failli se retrouver avec à sa tête un maire ayant recueilli au global, moins de voix que son adversaire. Comme aux États-Unis, le choix du responsable de l’exécutif s’est fait attendre pendant plusieurs jours après les élections et à l’issue d’une séance mémorable et interminable au cours de laquelle chacun s’est laissé allé aux spéculations les plus folles. Comme aux États-Unis, chaque camp s’est renvoyé à la figure des accusations de fraudes et le résultat de ce scrutin reste toujours suspendu à des décisions de justice qui tardent à venir, plusieurs mois après la fin des opérations électorales…

Winston Churchill aimait à dire que « La démocratie est la pire forme de gouvernement à l’exception de toutes celles qui ont été essayées au fil du temps », un aphorisme qu’il est toujours imprudent de sortit du contexte dans lequel il a été exprimé mais qui a au moins le mérite de rappeler que son usage n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît et que l’affaire peut vite déraper si l’on n’y prend pas garde…

L. V.

Ultracrepidarianiste toi-même !

12 septembre 2020

Bon, le terme n’est pas encore franchement entré dans la langue courante et fleure bon le pédantisme. Pas si facile de glisser dans la conversation courante ce mot à rallonge qu’est l’ultracrepidarianisme. Même les joueurs les plus avertis auront bien du mal à le caser sur une grille de scrabble avec leur sept malheureuses lettres. On entendra plus fréquemment une cagole marseillaise traiter son vis-à-vis de « bouffon », mais tout compte fait, l’esprit n’est pas si différent, et elle aura nettement plus de chance de se faire comprendre de son interlocuteur…

Portrait de l’essayiste britannique William Hazlitt (source © Wikipédia)

A en croire Wikipedia, la version anglaise du terme, ultracrepidarian, aurait été utilisée pour la première fois en 1819 par le critique littéraire britannique William Hazlitt, en référence à la locution latine quelque peu tombée en désuétude depuis : « Sutor, ne ultra crepidam », autrement dit : « Cordonnier, tiens-t’en à la sandale ». Une expression un peu énigmatique mais qui renvoie à une anecdote savoureuse rapportée par Pline l’Ancien dans son Histoire naturelle. Il y raconte comment le peintre grec Apelle de Cos s’est retrouvé interpellé par un cordonnier signalant qu’il avait fait une erreur dans la représentation d’une sandale, ce que le peintre corrigea aussitôt. Encouragé, le cordonnier se permit alors de critiquer d’autres éléments de la fresque, ce à quoi le peintre vexé répondit vertement « ne supra crepidam sutor judicaret », ce qu’on pourrait traduire par « un cordonnier ne devrait pas donner son avis au delà de la sandale », à l’origine de la locution latine que le bon sens paysan a transcrit de manière tout aussi imagé par : « chacun son métier et les vaches seront bien gardées ».

Alexandre le Grand et Campaspe dans l’atelier du peintre Apelle, tableau peint vers 1740 par Giambattista Tiepolo (source © Getty Center, Los Angeles)

Toujours est-il que l’actualité médiatique et le développement des réseaux sociaux n’arrêtent pas de remettre au goût du jour cette maxime antique. C’est ainsi que le physicien et philosophe des sciences Étienne Klein consacrait justement sa chronique, le 3 septembre dernier, sur le média en ligne Brut, à cette notion d’ultracrepidarianisme, qui, selon lui, se répand fortement grâce au développement des réseaux sociaux et encore plus à l’occasion des débats scientifiques comme ceux qui agitent la société depuis le début de la crise sanitaire du Covid-19.

« Alors que le confinement avait commencé depuis quelques jours », témoigne ainsi le philosophe, « je voyais des tweets écrits par des personnalités politiques, parfois de très haut rang, qui commençaient par : “Je ne suis pas médecin, mais je pense…” etc. Et, après cette déclaration honnête d’incompétence, s’ensuivaient des injonctions sur ce qu’il fallait faire ou penser à propos de tel ou tel traitement au tout début de l’épidémie. Et ça m’avait étonné qu’on puisse avoir autant d’assurance alors même qu’on vient de déclarer qu’on est incompétent »…

Le philosophe des sciences Étienne Klein (source © France Inter)

Affirmer une opinion sur un sujet auquel on ne connaît pas grand-chose relève de l’activité quotidienne et de l’art même de la conversation entre amis. Il n’en reste pas moins que quand cette affirmation provient de quelqu’un qui fait autorité et qui possède une grande notoriété du fait de ses engagements politiques, de ses exploits sportifs ou de ses succès artistiques ou littéraires, la parole n’a pas le même impact et ses répercussions peuvent même faire des ravages si la personne en question se permet de dire n’importe quoi. Les saillies d’un Jair Bolsonaro ou d’un Donald Trump à l’occasion de cette crise sanitaire en sont de bons exemple, mais de nombreuses personnalités françaises se sont aussi récemment illustrées dans cet exercice…

En poussant le raisonnement, Étienne Klein met justement en avant la prudence qui, par contraste, caractérise généralement la compétence véritable. Un expert scientifique qui connaît parfaitement son sujet mettra justement un point d’honneur à exprimer ses doutes et les lacunes de connaissances ou les points qui restent à établir, tout en sachant définir de manière très précise ce qui relève de la certitude et ce qui reste à démontrer ou à déterminer.

Et force est de constater que ce qui semble évident pour le commun des mortels n’est pas forcément aussi simple qu’il n’y paraît pour qui s’astreint à approfondir le sujet. On se heurte alors rapidement, surtout en matière de risque, qu’il soit sanitaire, naturel, technologique et de tout autre nature à la notion d’incertitude. Comment définir des politiques publiques adaptées, qui soient à la fois efficaces mais aussi acceptables par la société, lorsque l’on ne connaît pas avec certitude l’ampleur du risque et encore moins l’effet des mesures qui sont envisagées ?

Même les sommités scientifiques peuvent être tentées par un peu d’ultracrepidarianisme (dessin signé Antoine Chéreau / source © Urtikan)

Dans son dernier ouvrage publié en juillet 2020, Le goût du vrai, Étienne Klein cite l’exemple d’une vérité scientifique parfaitement contre-intuitive qui explique justement pourquoi le citoyen lambda mais aussi l’homme politique en vue se laisse parfois aller à des affirmations péremptoires qui lui paraissent être basées sur le bon sens même, alors qu’elles relèvent en réalité d’une erreur d’analyse.

Ainsi qu’il l’expose dans un texte accessible sur le site Les mardis de la philo, « Imaginons que dans une population donnée apparaisse une nouvelle maladie, qui affecte une personne sur mille. Les symptômes de cette pathologie n’étant ni visibles ni ressentis, nul ne sait dire qui est malade et qui ne l’est pas. Mais les chercheurs s’activent et finissent par mettre au point un test de dépistage dont l’efficacité est de 95 %. Cela signifie que sur cent personnes positives à ce test, en moyenne quatre-vingt-quinze sont effectivement malades et cinq sont ce qu’on appelle des «faux positifs» (c’est-à-dire sont positifs au test sans être malades). Soit maintenant une personne qui se révèle positive au test : quelle est la probabilité qu’elle soit malade? Si vous réalisez un sondage dans votre entourage, vous constaterez que la proportion de ceux qui répondent «95 %» à cette question est très élevée. Or, la bonne réponse est… seulement de 2 % ! 

Test de dépistage du Covi-19 à Provins : toute ressemblance avec la situation imaginée serait bien entendu purement fortuite… (photo © Arnaud Journois / Le Parisien)

Autrement dit, une personne positive au test a quatre-vingt-dix-huit chances sur cent de ne pas être malade ! Ce résultat violemment contre-intuitif s’obtient à l’issue d’un raisonnement qui est pourtant simple : si l’on applique le test de dépistage à mille personnes, en moyenne 5 % d’entre elles – c’est-à-dire cinquante – seront des faux positifs, alors qu’une seule parmi elles est vraiment malade. La proportion de malades parmi les personnes positives au test sera donc bien égale à un cinquantième, soit 2%. Conclusion : pour le cas de figure ici envisagé (qui ne correspond pas, je le précise, à la situation actuelle), il apparaît qu’un test efficace à 95 %, ce qui semble être un bon score, en réalité ne sert à rien, contrairement à ce que notre cerveau tend à croire spontanément. Preuve que ce dernier peut être victime, ici ou ailleurs, de biais cognitifs. Preuve également que la science ne se confond ni avec la déclinaison en roue libre de l’intuition, qu’elle prend souvent à contre-pied, ni avec le fameux « bon sens », qu’elle contredit presque toujours ».

Une réflexion à méditer et à garder en mémoire lorsque l’on assiste aux débats pseudo-scientifiques qui fleurissent de nos jours sur les médias de toutes sortes…

L. V.

Le port du masque suscite des résistances…

31 août 2020

Emmanuel Macron, masqué… aux couleurs de la France (photo © John Thys / AFP / L’Internaute)

Dès le 14 juillet 2020, constatant que le respect des gestes barrières contre la pandémie de CoVid-19 s’était sensiblement relâché depuis la fin du confinement, Emmanuel Macron l’a annoncé sans ambages, affirmant : « je souhaite que dans les prochaines semaines on rende obligatoire le masque dans les lieux publics clos ». Une mesure qui est en train d’entrer progressivement en vigueur, avec même un champ d’application qui dépasse largement cette notion d’espace public clos.

A Marseille, le port du masque est désormais obligatoire dans toute la ville et la mesure a été étendue à de nombreuses autres villes dont Paris et la Petite Couronne, mais aussi à Strasbourg et dans toutes les villes de plus de 10 000 habitants du Bas-Rhin, ainsi que dans le centre-ville de Toulouse, Nice ou Bordeaux pour ne citer que quelques exemples. A compter du 1er septembre, le port du masque sera également obligatoire dans toutes les entreprises publiques et privées, à la seule exception des privilégiés qui disposent d’un bureau individuel sur leur lieu de travail.

Touristes asiatiques à Paris (photo © Stéphane de Sakutin / AFP / CNews)

De telles mesures auraient paru totalement extravagantes à la majorité des Français il y a quelques mois encore, alors que chacun se gaussait bruyamment de ces touristes asiatiques que l’on croise parfois dans le métro ou dans la rue, affublés de leur masque de protection, comme s’ils se déplaçaient dans un milieu éminemment hostile contre lequel ils devaient impérativement se protéger.

Au début de l’épidémie de CoVid-19, début mars, alors même que le confinement généralisé avait été imposé à toute la population, il n’était d’ailleurs aucunement question d’imposer une telle mesure. La porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, expliquait alors doctement, le 20 mars 2020, que le port du masque était un acte réservé au personnel médical hautement spécialisé et tout à fait inadapté pour le commun des mortels. A l’époque, cette approche était certes dictée par la pénurie de masques disponibles en France, mais aussi très largement par la certitude que les règles les plus urgentes et les plus efficaces de lutte contre la transmission du virus passaient par le confinement des personnes, surtout les plus fragiles d’entre elles, le lavage fréquent des mains et le respect d’une certaine distanciation entre personnes.

Des affiches qui fleurissent un peu partout… (source © BeBoost)

Et pourtant, dès son allocution du 13 avril, Emmanuel Macron a nettement infléchi le discours gouvernemental en laissant entendre qu’une possible systématisation du port du masque était envisagée. Depuis, les stocks de masques se sont accumulés et leur mise à disposition n’est plus un frein, ce qui explique sans doute en partie ce revirement et cette généralisation de leur imposition.

La psychose qui est en train de se développer face à l’annonce d’une nouvelle vague de l’épidémie en France, contribue aussi très largement à faciliter l’acceptation sociale de cette mesure qui présente, aux yeux de beaucoup, un aspect visuel rassurant. Contrairement aux autres gestes barrières qui supposent de faire confiance à autrui quant à sa rigueur à les appliquer, le port du masque est immédiatement visible et rassure les plus anxieux, persuadés que si l’autre est masqué il n’est plus une menace pour ma propre santé. Ceci est particulièrement vrai chez les personnes les plus vulnérables et les plus âgées, qui sont les principales victimes de cette épidémie et qui voient les plus jeunes comme des menaces pour leur santé, surtout depuis que l‘on sait que nombre de jeunes peuvent être porteurs sains totalement asymptomatiques.

Pourtant, l’évolution actuelle de l’épidémie en France st loin d’être aussi inquiétante qu’elle ne l’était en mars-avril dernier. Rappelons qu’on a dénombré en France près de 34 000 hospitalisation consécutives au CoVid-19 en mars dernier et plus de 61 000 au cours du mois d’avril, avec 11 721 décès enregistrés à l’hôpital suite à cette maladie pour le seul mois d’avril 2020. Par comparaison, il n’y a eu qu’à peine plus de 3 000 hospitalisation pour la même cause en juillet pour seulement 284 décès. Les chiffres ne sont pas encore connus pour le mois en cours, mais à la date du 25 août et selon Le Monde, les chiffres sont à peine supérieurs avec moins de 3 500 hospitalisation et 234 décès enregistrés. Après le pic de mortalité très net observé entre mi-mars et mi-avril, la mortalité en France est retombée à son niveau habituel, plutôt inférieure d’ailleurs à celle constatée les deux années précédentes à la même époque, autour de 1500 décès par jour en moyenne, dont moins de 10 liés au coronavirus donc.

Evolution du nombre de décès quotidiens du CoVid-19 en France au 25 août 2020 (source © Infographie Le Parisien)

Cette deuxième vague tant annoncée et qui sature tous les médias depuis des semaines, a donc plutôt tout d’une vaguelette puisqu’elle occasionne nettement moins de 1 % de la mortalité nationale. Mais si la pression médiatique est telle, au point de polariser toutes les attentions et de créer un très fort sentiment d’insécurité auprès d’une majorité de la population, c’est que les chiffres des nouveaux cas confirmés de CoVid-19 sont fortement repartis à la hausse avec plus de 60 000 cas détectés en août 2020 contre un peu plus de 78 000 durant le mois d’avril, au plus fort de la crise sanitaire.

La grosse différence, c’est qu’on teste désormais à tour de bras alors qu’en mars-avril dernier, les tests étaient strictement réservés aux personnes présentant une forte suspicion de contamination. On testait alors au plus fort de l’épidémie jusqu’à 20 000 personnes par jour, dont un tiers environ étaient positifs, ce qui représentait de l’ordre de 7 000 nouveaux cas détectés quotidiennement, mais on estime désormais que le nombre réel de nouveaux cas était alors plus proche des 100 000 par jour, la plupart asymptomatiques. On pratique désormais pas moins de 90 000 tests chaque jour, cinq fois plus qu’en avril donc, et on détecte de l’ordre de 5 000 nouveaux cas par jour, ce qui montre que le taux de prévalence de la maladie reste donc très inférieur à celui observé au printemps, et avec surtout un niveau de gravité qui n’est plus du tout comparable.

Visuel du collectif appelant à manifester contre le port du masque obligatoire (source © Covidinfos.net)

C’est d’ailleurs ce constat qui est à l’origine de mouvements de protestation contre le port du masque rendu obligatoire alors qu’il est perçu par certains comme une mesure attentatoire aux libertés individuelles. On a ainsi vu apparaître quelques centaines de personnes manifester, le samedi 29 août à Paris, contre « le port du masque obligatoire et les violences sanitaires », considérant qu’il s’agit rien de mois que l’expression de « la coercition et l’oppression du pouvoir en place »…

Un mouvement qui déborde d’ailleurs largement les frontières nationales puisqu’on a vu à Berlin une manifestation qui a rassemblé le 1er août dernier au moins 20 000 personnes (1,3 million selon les organisateurs qui semblent compter large…). Selon le Huffington Post, les manifestants, qui avaient été rappelés à l’ordre à plusieurs reprises par la police du fait de leur absence totale de respect des règles de distanciation sociale – et pour cause ! – étaient un assemblage assez hétéroclite de libres penseurs, de militants anti-vaccins, de conspirationnistes et de sympathisants d’extrême droite. Des militants en tout cas bien décidé à récidiver et qui ont de nouveau appelé à manifester le 29 août, toujours à Berlin, un rassemblement interdit par la Ville mais finalement autorisé par la Justice selon Le Figaro.

Manifestation anti-masques à Berlin, le 1er août 2020 (photo © John MacDougall / AFP / Europe 1)

On peut penser ce qu’on veut de cette propension des autorités sanitaires à imposer le port du masque dans les espaces publics, une mesure sans doute excessive et dont l’objectif est peut-être avant tout de rassurer pour permettre à la population de poursuivre ses activités malgré l’épidémie toujours bien présente. De là à organiser des manifestations pour protester contre de telles mesures de santé publique, au risque de contribuer, par de tels rassemblements non protégés, à favoriser la propagation de la maladie, il y a un pas qu’il paraît bien difficile de justifier et qui dénote pour le moins une absence totale de sens des responsabilités et de gestion des risques. La liberté mérite d’être protégée certes, mais elle ne consiste pas pour autant à mettre en danger la vie d’autrui…

L. V.

Erdogan, adepte de la provocation religieuse ?

22 août 2020

Le président turc Recep Tayyip Erdogan (photo © Attila Kisbenedek / AFP / DNA)

A quoi joue donc le président turc, Recep Tayyip Edogan ? Nommé Premier ministre en mars 2003 puis élu à la Présidence de la République en août 2014, cet ancien maire d’Istanbul (de 1994 à 1998) et fondateur en 2001 du parti nationaliste et conservateur AKP, semble entraîner son pays dans une dérive impérialiste et islamiste de plus en plus décomplexée.

La tentative de coup d’état à laquelle il a dû faire face en 2016 a de fait considérablement renforcé sa position, lui donnant prétexte à procéder à plus de 50 000 arrestations dont de nombreux députés d’opposition et à licencier plus de 100 000 employés du secteur public : une véritable purge qui lui a permis d’avoir les mains libres pour instaurer de nombreuses réformes sécuritaires et verrouiller son pouvoir. Réélu à l’issue des présidentielles de 2018, après un référendum constitutionnel qui lui a permis de mettre en place un régime présidentiel, il est désormais le maître incontesté du pays, même si son parti a perdu les villes d’Istanbul et d’Ankara à l’occasion des dernières municipales.

Offensive turque en Syrie contre les milices kurdes en 2019 (photo © Delil Souleiman / AFP / Le Parisien)

Une position de force qui conduit Erdogan à infléchir radicalement la position géostratégique de la Turquie, laquelle se positionne, jour après jour, dans une logique de reconstitution de l’empire ottoman, démantelé à l’issue de la Première guerre mondiale. Cela se traduit concrètement par une multiplication des partenariats avec les pays arabes voisins, des démonstrations de force tant vis-à-vis de ses voisins européens qu’envers les Russes et les Américains, une intervention militaire directe en Libye, mais aussi par une politique très engagée en Syrie où la Turquie a largement soutenu les rebelles djihadistes et profité du conflit pour affaiblir les mouvements kurdes via des incursions militaires sanglantes au-delà de ses frontières.

La récente découverte d’un important gisement de gaz naturel en Mer Noire, annoncée cette semaine à grands renforts de tambours et trompettes par Erdogan en personne, vient conforter cette position de la Turquie qui se positionne en « roi du pétrole » au sein de la région. Cela ne fait que renforcer le sentiment de toute puissance de la Turquie qui multiplie ces derniers mois les incursions agressives en Méditerranée, n’hésitant pas à envoyer ses navires d’exploration pétrolière dans les eaux territoriales grecques, lourdement escortés par des navires de guerre de la marine turque. Cette situation crée de fortes tensions en Méditerranée orientale où la Grèce a appelé l’Union européenne à organiser un sommet d’urgence tandis que la France annonçait, début août, le déploiement de forces militaires navales et aériennes en soutien de la Grèce, s’attirant aussitôt les foudres d’Erdogan, accusant la France, selon les Échos, de « dépasser les bornes » et de « chercher la guerre », et la sommant de « ne pas se croire plus grand qu’il n’est ».

Le navire de prospection pétrolière Oruc Reis, escorté par des bateaux de guerre de la marine turque, le 10 août 2020 dans les eaux territoriales grecques (source © Ministère de la Défense de la Turquie / L’Humanité)

Des menaces dont Erdogan est coutumier, lui qui n’avait pas hésité en 2008, à l’occasion d’une visite officielle en Allemagne à affirmer avec force devant des milliers de ses compatriotes immigrés dans ce pays que « l’assimilation est un crime contre l’humanité », et qui avait traité en 2017 les Pays-Bas de « pays nazi » et les dirigeants néerlandais de « fascistes » parce qu’ils s’inquiétaient de la campagne électorale agressive que menait le gouvernement turc sur son propre sol auprès des communautés turques immigrées, à l’occasion du référendum constitutionnel de 2017.

Une politique qui prend de plus en plus des allures de guerre de religion, comme si Erdogan cherchait à effacer à tout prix le virage courageux vers la laïcité que Mustafa Kemal Atatürk, premier Président de la Réublique de Turquie de 1923 à 1938, avait tenté de faire prendre à son pays. C’est sous son gouvernement que Sainte-Sophie avait perdu en 1934 son statut de lieu de culte musulman pour devenir un musée. Une décision symbolique mais lourde de sens pour cet édifice religieux, construit au VIe siècle à l’initiative de l’empereur byzantin de Constantinople, Justinien, à l’emplacement d’une précédente basilique chrétienne, incendiée en première fois en 404 puis de nouveau détruite en 532 après une nouvelle émeute qui embrasa la ville pendant 6 jours. Consacrée le 23 décembre 562, la nouvelle basilique Haghía Sophía, qui signifie « sagesse de Dieu » en grec, devint alors le siège du patriarche orthodoxe de Constantinople.

Intérieur de Sainte-Sophie (photo © Leemage / La Croix)

Gravement endommagée à plusieurs reprises par des incendies et des séismes, pillée par les croisés lors du sac de Constantinople en 1204, la basilique chrétienne fut immédiatement convertie en mosquée lors de la prise de la ville par les Ottomans en 1453. Les fresques murales ont été recouvertes de voiles puis badigeonnées d’un lait de chaux pour les masquer. L’édifice a bénéficié depuis de nombreux travaux de confortement et restaurations qui se poursuivent d’ailleurs jusqu’à ce jour. Les grands panneaux circulaires portant les noms d’Allah, de Mahomet et des califes, qui avaient été déposés par Atatürc en 1934 avaient été remis en place dès 1951, mais c’est donc Erdogan qui a franchi le pas en publiant, le 10 juillet 2020, un décret transformant Sainte-Sophie en mosquée, malgré les protestations des autorités religieuses de l’Église orthodoxe grecque et russe et les condamnations de l’UNESCO, qui l’avait classée au Patrimoine mondial de l’Humanité, des États-Unis, de la Russie et de l’Union européenne.

Le 24 juillet de cette année a donc eu lieu la première prière musulmane depuis bien longtemps dans cette ancienne basilique orthodoxe redevenue mosquée, l’accès des visiteurs y étant désormais limité. Dix jours plus tard, le 2 août 2020, le muezzin bénévole qui se chargeait de l’appel à la prière du haut du minaret de la nouvelle mosquée, un certain Osman Aslan selon le Greek City Times, décédait brutalement d’une attaque cardiaque en plein office, marquant lourdement les fidèles prompts à y voir un signe divin défavorable.

Mosaïques de l’église Saint-Sauveur in Chora à Istanboul (source © Toutistanbul)

Mais pas de quoi refroidir les ardeurs islamistes du Président Erdogan qui a ordonné par décret présidentiel, le 21 août 2020, la reconversion en mosquée d’une autre église byzantine emblématique, Saint-Sauveur in Chora. Édifiée au Ve siècle, à l’époque en dehors des murs de la ville, délimitée alors par les fameux remparts de Constantin, cette église a en réalité été largement reconstruite à la fin du XIe siècle et ornée entre 1315 et 1321 de magnifiques mosaïques qui en font un lieu tout à fait exceptionnel qui attire de très nombreux visiteurs depuis sa conversion en musée, ouvert au public depuis 1948.

Cette nouvelle transformation en mosquée d’un édifice religieux, initialement chrétien puis laïcisé depuis de nombreuses années, apparaît comme une véritable provocation qui rappelle les temps qu’on croyait révolus de la Reconquista espagnole, lorsque le roi Ferdinand de Castille consacra comme église en 1236 la grande mosquée de Cordoue édifiée en 786 à l’initiative d’Abd al-Rahman 1er, le fondateur omeyyade de l’émirat Al-Andalus.

La romancière turque Asli Erdogan, ici en 2018 à Francfort, qui était accusée de soutien au mouvement kurde du PKK, acquittée en février 2020 (photo © Daniel Roland / AFP / RTS)

Transformer églises en mosquée ou vice versa était alors pratique courante, de même que les anciens temples greco-romains avaient régulièrement servi de base à l’édifice d’église lors du développement du christianisme. Mais dans le contexte actuel de forte tension avec les voisins grecs, ces décisions successives du président turc, présentée selon Le Monde comme « la touche finale d’une conquête » et destinées à montrer à son électorat islamo-conservateur qu’il est prêt à reprendre le flambeau de l’ancien empire ottoman, apparaissent aux yeux de la romancière Asli Erdogan comme « une gifle délibérée au visage de ceux qui croient encore que la Turquie est un pays séculier ». Pas très rassurant pour l’avenir…

L. V.

Qui veut acheter le stade Vélodrome ?

6 août 2020

Certes, il ne s’appelle plus officiellement Vélodrome mais Orange, du nom d’une société privée de télécommunication qui verse pour cela la modique somme de 2,8 millions d’euros par an à une autre société privée, AREMA, filiale du groupe Bouygues Construction, lequel a aussi bénéficié des droits à construire pour édifier tout un nouveau quartier à proximité du stade historique. Rappelons que cette société AREMA a été créée de toutes pièces, en partenariat avec deux établissements financiers, pour porter le projet de reconfiguration du stade en vue de l’Euro 2016, dans le cadre d’un partenariat public-privé conclu en 2010 pour une durée de 35 ans, et se charger ensuite d’en assurer l’exploitation pendant une trentaine d’années.

Le stade Vélodrome dans sa configuration actuelle (photo © Shutterstock / Génération Voyage)

Une simple affaire de gros sous entre partenaires économiques donc, mais qui porte quand même sur la gestion d’un équipement public de premier plan, cher au cœur de bien des Provençaux, et qui est toujours officiellement la propriété de la Ville de Marseille. Un droit de propriété qui se résume en réalité à la signature de très gros chèques, au nom du contribuable marseillais.

Jean-Claude Gaudin aux côtés du président de l’OM Frank Mc Court (photo © B. Langlois / AFP / 20 minutes)

La Chambre régionale des comptes (CRC) dénonce depuis des années ce scandale permanent que représente le montant colossal versé chaque année par la Ville de Marseille sous forme de subventions déguisées à une autre société privée, au capital de 116 millions d’euros, en l’occurrence la Société anonyme sportive professionnelle Olympique de Marseille, dont l’actionnaire majoritaire est, depuis 2016, l’Américain Frank Mc Court.

La rénovation du stade en vue de l’Euro 2016 avait particulièrement attiré l’attention. Le montant de l’investissement réalisé, 267 millions d’euros, était l’un des plus élevés de tous les chantiers engagés à cette occasion avec un coût de plus de 4000 € la place, quatre fois plus que pour la rénovation du stade de Toulouse et deux fois plus que pour celui de Bordeaux, pourtant reconstruit à neuf.

Mais c’est surtout le montage financier retenu par la Ville de Marseille qui laissait baba : Les deux-tiers de l’investissement initial ont été apportés par des fonds publics de l’État, de la Région, du Département, de la Communauté urbaine et de la Ville de Marseille (qui a contribué à elle seule à hauteur de 44,7 millions), la société AREMA / Bouygues se contentant de mettre 100 millions d’euros au pot tout en bénéficiant du marché de travaux. En remerciement de cet apport, la Ville de Marseille s’engageait à verser chaque année à AREMA pendant 31 ans la modique somme annuelle de 12,6 millions d’euros par an pour couvrir les frais d’exploitation, soit un joli pactole de près de 400 millions d’euros au final. A l’époque, la CRC avait calculé que la Ville aurait pu économiser au bas mot 93 millions d’euros en se chargeant elle-même de la maîtrise d’ouvrage des travaux de rénovation du stade plutôt que de la confier au privé !

Un montage d’autant plus étonnant que la société privée SASP OM qui est la principale bénéficiaire de cette infrastructure sportive exceptionnelle, ne paye presque rien. Jusqu’en 2011, elle ne versait qu’un modeste loyer de 50 000 € par an à la Ville de Marseille pour l’utilisation quasi exclusive du stade. En 2014, pour obéir aux injonctions plus qu’insistantes de la CRC, la Ville avait fini par augmenter le loyer annuel à 4 millions d’euros. Enfin, en décembre 2018, dans le cadre d’un nouvel accord passé entre la SASP OM et AREMA, le club a accepté de porter ce loyer annuel à 5,5 millions d’euros moyennant la gestion exclusive du stade à son seul bénéfice.

Déjà en 2014, une mission sénatoriale conseillait à la Ville de Marseille de se montrer plus vigilante sur la gestion du stade Vélodrome et encourageait son transfert au club de l’OM qui, en tant qu’exploitant exclusif, devrait en toute logique être chargé de son entretien et en devenir le propriétaire à terme, comme c’est le cas pour la plupart des clubs sportifs professionnels de ce niveau et de cette envergure financière. Une orientation d’autant plus logique que les collectivités territoriales sont incitées, via les engagements pris auprès de l’État, à ne pas augmenter inconsidérément leurs budgets de fonctionnement. Réduire les subventions accordées ainsi aux sociétés sportives professionnelles aurait donc du sens, surtout dans une ville aussi endettée que Marseille, qui a bien du mal à investir dans la rénovation de ses écoles publiques.

Le stade Vélodrome un soir de match (source © La Provence)

Avec une dette supérieure à 1900 € par habitant, Marseille fait partie des villes les plus endettées de France. Le montant de ses remboursements annuels, qui devrait atteindre 200 millions d’euros en 2021, est le deuxième poste budgétaire de la Ville, juste derrière la gestion des établissements scolaires, ce qui obère grandement ses marges de manœuvre en matière d’investissement public, comme le reconnaissait bien volontiers l’ancien adjoint aux finances, Roland Blum à Marsactu en février dernier. Il rappelait à cette occasion que 150 millions d’euros avaient été empruntées par Marseille en 2012, pour préparer l’organisation de Marseille-Provence capitale de la culture 2013, mais aussi pour apporter la participation de la Ville aux travaux de rénovation du stade, et que le remboursement de cette somme arrive à échéance justement en 2021.

Benoît Payan lors du Conseil municipal du 27 juillet 2020 (source © Ville de Marseille)

Rien de surprenant donc, dans un tel contexte, que Benoît Payan, premier adjoint de la nouvelle maire de Marseille, Michèle Rubirola, se soit exprimé lors du dernier Conseil municipal, le 27 juillet 2020, pour proposer que la Ville se dessaisisse du stade Vélodrome au profit soit de la SASP OM, soit de la Métropole Aix-Marseille-Provence. La logique voudrait en effet que le club professionnel et son actionnaire Frank Mc Court, qui lorgne par ailleurs, selon Made in Marseille, sur la reprise à son profit de la délégation de service publique du parc Chanot, se porte acquéreur de cette infrastructure dont il est déjà l’exploitant exclusif. Dès 2021, lorsque l’accord commercial signé avec AREMA arrivera à terme, la Ville compte bien renégocier à la hausse le montant du loyer annuel versé par le Club en incitant ce dernier à devenir à terme propriétaire du stade, ce qui allégerait considérablement la charge financière pesant sur les comptes de la Ville.

Martine Vassal, présidente reconduite à la tête de la Métropole, future propriétaire du stade ? (photo © Christophe Simon / AFP / L’Express)

A défaut, Benoît Payan verrait bien la Métropole se porter acquéreur d’un stade auquel Martine Vassal a encore exprimé en octobre dernier tout son attachement sentimental, expliquant dans un communiqué officiel à l’occasion du départ du dernier Marseille-Cassis : « le Stade Vélodrome fait partie à part entière de notre patrimoine. Il n’est donc pas question de le vendre au tout venant et je suis scandalisée que l’on puisse dire que la Ville va vendre le stade ».

La Métropole bien entendu n’est pas le « tout-venant » et il serait en effet cohérent que cette structure intercommunale qui gère déjà de nombreux équipements sportifs d’intérêt communautaire comme le stade de Miramas ou la piscine de Venelle étende sa compétence à la gestion du stade Vélodrome : quel autre infrastructure sportive locale possède en effet une attractivité et une renommée supérieure à celles de cette enceinte mythique qui fait vibrer le cœur des Provençaux bien au-delà des seuls habitants de Marseille ?

L. V.

La Villa Valmer fait des vagues…

2 août 2020

Destruction à l’explosif des vieux quartiers de Marseille en 1943 (photo © Wolfgang Vennemann / Archives fédérales allemandes / France Culture)

Le patrimoine architectural de Marseille n’est pas franchement exceptionnel par rapport à bien d’autres villes historiques pourtant fondées plus récemment. Les vestiges accumulés en 2600 ans et qui ont résisté à l’épreuve du temps ne sont pas si nombreux. Certes, les Allemands n’ont pas fait dans la dentelle durant l’occupation en détruisant à l’explosif, en février 1943, environ 1500 immeubles situés en contrebas du Panier, sur la rive nord du Vieux port, dans ce qui constitue le centre historique de la ville mais que les Nazis considéraient alors comme « la verrue de l’Europe ».

L’hôtel de Cabre, maison Renaissance, déplacée pour faciliter la reconstruction du quartier rasé en 1943 (source : Made in Marseille)

Deux bâtiments datant de la Renaissance, la « Maison diamantée » et l’Hôtel de Cabre, avaient alors miraculeusement échappé à la destruction. Ce dernier, dont la construction remonterait à 1535, a été carrément déplacé en bloc de 15 m et tourné de 90 degrés pour respecter les projets d’urbanisme lors de la reconstruction du quartier en 1954…

Mais leurs successeurs n’ont pas été beaucoup plus respectueux de l’Histoire en érigeant un Centre commercial en lieu et place des anciens quais du port phocéen. Ce quartier vétuste s’étendant en arrière du Palais de la Bourse avait commencé à être rasé dès 1912 et ressemblait à un immense terrain vague en 1953, lorsque Gaston Defferre décide d’y implanter des tours d’habitation, un immense parking souterrain et un centre commercial. Les excavations ont rapidement mis à jour les anciennes fortifications grecques du 6e siècle avant J.C., des enclos funéraires et un bateau romain en bon état de conservation. De quoi déclencher moult pétitions pour tenter de sauvegarder un tel héritage archéologique de premier plan. Mais il a fallu attendre un arrêté pris en octobre 1967 par André Malraux, alors ministre de la Culture, pour stopper enfin le chantier et essayer de conserver les éléments les plus significatifs.

Vue aérienne du chantier du Centre Bourse avec les vestiges des anciennes fortifications phocéennes et du port antique (archives DR / Made in Marseille)

Quant à Jean-Claude Gaudin, bien que professeur d’histoire de formation, on ne peut pas dire qu’il ait fait preuve de beaucoup d’égards pour le riche passé historique de la commune dont il a été maire pendant plus de 25 ans, n’hésitant pas à remblayer purement et simplement l’ancien oppidum celto-ligure de Verduron et à laisser les promoteurs immobiliers saccager l’ancienne carrière antique de la Corderie, ouverte au 5e siècle avant notre ère.

Vue de l’Hôtel-Dieu de Marseille transformé en hôtel 5 étoiles (source IHG)

On pourrait citer aussi l’Hôtel-Dieu de Marseille dont la construction a débuté en 1753 et qui fut ensuite réaménagé à partir de 1860 avant de devenir propriété de la Ville de Marseille en 2003. Cette dernière y fit quelques travaux de restauration mais préféra finalement livrer l’édifice, pourtant inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques, au groupe hôtelier britannique Intercontinental Hotels group, dans le cadre d’un bail de 99 ans. Depuis 2013, l’ancien hôpital historique de la ville sert donc de lieu de villégiature pour touristes fortunés : un bel exemple de privatisation au profit des plus aisés d’un patrimoine historique pourtant en principe inaliénable et commun à tous.

Façade de la Villa Valmer (photo © Stéphane Stasi / L’hôtellerie restauration)

Et la municipalité compte bien poursuivre sur sa lancée en privatisant de la même manière la Villa Valmer. Construite en 1865 sur la corniche du Président JF Kennedy, cette demeure luxueuse de style Renaissance, dont le nom actuel est une déformation de son appellation initiale « Vague de mer », servait initialement de résidence d’été pour le fabricant d’huiles Charles Gounelle avant d’abriter jusqu’en 1967 l’École nationale de la marine marchande. Propriété de la Ville de Marseille, celle-ci y installe jusqu’en 2002 ses services de l’urbanisme avant de la louer à différentes organisations internationales.

Vue aérienne du site, extrait de l’avant-projet sommaire édité par 331 Corniche Architectes en réponse à l’appel d’offres de la Ville de Marseille, clôturé en février 2017 (source : Marsactu)

En 2016, la ville lançait un appel à projet pour tenter de valoriser ce site exceptionnel constitué de la bastide originelle, d’un bâtiment moderne attenant et surtout d’une immense parc arboré surplombant la corniche et descendant jusqu’à la mer. En novembre 2017, La Provence révélait le projet retenu par la Ville à l’issue de cette mise en concurrence : un nouvel hôtel de grand luxe avec 31 chambres dont 26 situées dans l’ancienne bâtisse historique, mais aussi un immense bar, un restaurant gastronomique de 60 couverts, un spa en sous-sol, une piscine extérieure, un parking souterrain et, pourquoi se gêner, une plage privée aménagée dans la petite crique en contrebas, d’où les clients privilégiés pourront même embarquer pour une petite balade en mer

Ce projet d’hôtel 5 étoiles, porté par le promoteur Pierre Mozziconacci et le cabinet d’architecture 331 Corniche, soulève immédiatement de nombreuses interrogations de la part des riverains et du collectif Sentinelles qui avaient déjà lancé une pétition pour tenter de conserver le caractère public du jardin de la Villa Valmer et qui s’étranglent en découvrant ce projet de privatisation du littoral, à proximité, qui plus est, d’un jardin d’enfants. Hervé Menchon, alors conseiller municipal d’opposition écologiste dénonce à grands cris ce projet conçu en catimini, sans le moindre débat public, et qui va priver les Marseillais de l’accès à la partie haute du parc où les jeunes mariés ont pris l’habitude de venir se faire photographier tant la vue y est splendide.

Plan de masse du projet, extrait de l’avant-projet sommaire édité par 331 Corniche Architectes en réponse à l’appel d’offres de la Ville de Marseille, clôturé en février 2017 (source : Marsactu)

Adopté en l’état par le Conseil municipal le 8 octobre 2018 malgré les protestations de l’opposition, le projet fait désormais l’objet d’un permis de construire signé le 25 juin 2019, trois jours avant le deuxième tour des élections municipales, alors même que le président du groupe socialiste de la Ville, Benoît Payan, avait déposé un recours contre le projet en mai 2019, devant le Tribunal administratif. Selon Marsactu, ce dernier se plaignait en effet d’avoir reçu une information insuffisante quant aux incidences financières du projet lors de son adoption en Conseil municipal. Le montant annuel du bail accordé par la Ville au promoteur s’élèverait en effet à 330 000 € par an, deux fois moins que ce que la Ville perçoit actuellement de la location des lieux à différentes organisations internationales, parmi lesquelles le Conseil mondial de l’Eau, l’Organisation des Nations-Unies pour le développement industriel, l’Office de coopération économique pour la Méditerranée et l’Orient ou encore le Centre de Marseille pour l’intégration en Méditerranée, administré par la Banque mondiale, institutions qui ont désormais quitté les lieux pour la Tour La Marseillaise. Le bail prévoit bien une clause de rémunération complémentaire en fonction du chiffre d’affaire, mais conçue de telle manière qu’elle ne sera vraisemblablement pas activée.

Hervé Menchon, nouvel adjoint en charge de la mer et opposant au projet de privatisation de la Villa Valmer (source : DeboutMarseilleEcologisteCitoyenne2020)

Désormais, Benoît Payan, chef de file des opposants à ce projet de privatisation douteux, est devenu premier adjoint au maire de Marseille et Hervé Menchon est adjoint en charge de la mer, du littoral, de la biodiversité marine et des plages. De quoi reconsidérer quelque peu le projet, comme l’ont laissé entendre La Provence et Marsactu, même si la renégociation avec le promoteur ne s’annonce pas des plus aisées, maintenant que les accords ont été signés et le permis de construire accordé par l’ancienne municipalité. Encore un cadeau empoisonné que l’équipe de Jean-Claude Gaudin a laissé à ses successeurs…

L. V.

Carnoux : la mairie a fini par tomber…

27 juillet 2020

Un gros tas de gravats : voilà tout ce qui reste de la mairie de Carnoux… Déjà en septembre 2017, alors que les terrassements pour l’extension de l’hôtel de ville battaient leur plein, l’édifice paraissait bien menacé avec ses fondations totalement déchaussées et ses murs à moitié cassés surplombant l’abîme, à la verticale d’un trou béant. Une situation qui avait d’ailleurs vaguement inquiété le maître d’œuvre et avait incité ce dernier à réclamer des investigations géotechniques complémentaires en vue de vérifier la bonne stabilité de l’édifice, construit un peu à la va-vite dans l’euphorie qui avait suivi l’érection de la ville pionnière de Carnoux-en-Provence au rang de nouvelle commune de plein droit.

Un tas de gravats, voilà tout ce qu’il reste de l’ancienne mairie de Carnoux-en-Provence (photo © CPC – 26 juillet 2020)

Un léger correctif qui venait à l’époque en complément de plusieurs autres et qui expliquait pourquoi le montant prévisionnel global du projet, chiffré initialement à 2,9 millions d’euros passait alors officiellement à 3,7 millions d’euros, alors même que le montant de l’opération était déjà à cette date en réalité de 5 millions d’euros comme le confirme sans la moindre ambiguïté le panneau légal d’information qui figure le long des palissades du chantier. C’est d’ailleurs bien sur cette base de 5 millions que le Conseil Départemental des Bouches-du-Rhône a accordé sa subvention de 2,2 millions d’euros.

Vue du panneau affichant les caractéristiques du projet, dont le coût est de 5 millions d’euros et précisant que le permis de démolir est accordé pour une surface de 31 m² (photo © CPC)

Il faut dire aussi que le maître d’ouvrage avait assez mal anticipé certains éléments du projet, oubliant notamment de tenir compte de la présence potentielle d’amiante dans les locaux de l’ancienne poste et des locaux associatifs situés à l’arrière de la mairie, ce qui avait considérablement retardé leur démolition, pourtant préalable à tout le reste de l’opération.

Depuis, les travaux ont bien avancé malgré quelques aléas de chantiers dont un incendie spectaculaire qui a bien failli faire partir tout l’édifice en fumée et obliger à tout recommencer à zéro, sans oublier la faillite de l’entreprise qui n’a pas survécu à un tel chantier et qu’il a fallu remplacer à la suite d’un nouvel appel d’offres. Des vicissitudes malheureusement fréquentes dans un projet public d’envergure qui est en gestation depuis des années et qui commence à être bien placé sur la liste des prétendants pour égaler le record du chantier le plus long de l’agglomération marseillaise, pour l’instant détenu haut la main par la L2…

La nouvelle mairie de Carnoux en cours de construction à côté de l’hôtellerie de la Crémaillère (photo © CPC – 26 juillet 2020)

Sauf que l’on commence à s’interroger sur le caractère évolutif de ce projet. En janvier 2017, la revue officielle de la municipalité, dans son n°46 du Messager, qualifiait ce projet d’ « extension de la mairie et construction du Point accueil tourisme », une appellation qui figure sur tous les dossiers de consultation des entreprises et sur les demandes de permis de démolir et de construire. Le calendrier des travaux prévoyait alors quatre phases successives : après la démolition de l’ancienne poste devaient s’engager la construction du point accueil et celle de l’extension de la mairie, suivies, « d’avril à décembre 2018 », par « la réhabilitation de la mairie existante ». Il est alors bien précisé que cette dernière consistera en un « réaménagement des locaux actuels ». D’ailleurs, le permis de démolir accordé alors et toujours affiché le long du mail évoque une démolition sur une emprise de 31 m² qui correspond a priori à celle de l’ancienne poste et des anciens locaux du CCAS situés à l’arrière de la parcelle.

Il n’avait donc jamais été question jusque-là, dans les organes de communication officiels de la municipalité d’une démolition complète de l’ancienne mairie puisqu’il s’agissait de simplement de reconfigurer l’ancien bâtiment en le raccordant au nouveau. Mais manifestement le projet a encore évolué entre temps et il a finalement été décidé de raser complètement l’ancienne mairie pourtant solidement construite en béton armé il y a une petite cinquantaine d’années. C’est donc chose faite depuis cette semaine et il ne reste plus qu’un gros tas de gravats à la place de la mairie de Carnoux. Pour une simple reconfiguration de l’aménagement intérieur, telle que le prévoyait le projet, voilà qui est bien radical…

Chantier de démolition de l’ancienne mairie de Carnoux-en-Provence (photo © CPC – 26 juillet 2020)

Une bonne manière de faire table rase du passé et d’incarner le renouveau architectural sinon politique de cette municipalité au pouvoir depuis si longtemps, Jean-Pierre Giorgi y étant élu sans discontinuer depuis 37 ans. On construisait jadis pour plusieurs générations, surtout pour les bâtiments publics sensés affirmer la continuité de l’administration. A l’heure où Carnoux s’enorgueillit de célébrer chaque année la semaine du développement durable, voilà un bien mauvais signal donné à ce souci de pérennité et d’économie de moyens en réduisant ainsi en miettes et à grands coups de pelle mécanique un bâtiment public qui, une fois réhabilité et réaménagé, devait s’intégrer dans un nouveau projet architectural précisément conçu dans ce but. Le maire connaît sans doute les raisons d’un tel revirement. Peut-être daignera-t-il un jour en faire part à ses concitoyens ?

L. V.

René Dumont, un précurseur de l’écologie politique

13 juillet 2020

Les dernières élections municipales ont montré un réel succès de l’écologie politique puisque sur les 10 plus grandes villes françaises, 4 ont désormais un maire qui se revendique écologiste, à Marseille, Lyon, Bordeaux et Strasbourg. Les écologistes sont aussi partie intégrante des majorités qui gèrent la ville de Paris (où ils sont désormais à la tête d’une mairie de secteur) mais aussi Nantes, Montpellier, Lille et Rennes notamment tandis que des villes majeures comme Grenoble, Poitiers, Tours, Besançon ou Annecy se sont également choisi un maire écologiste.

Michel Rubirola, nouvelle maire écologiste de Marseille (photo © France Keyser / Le Monde / The World news)

Une situation qui était totalement inimaginable en 1974, à une période où l’économie française tournait à plein régime et que les Français étaient, dans leur immense majorité, complètement fascinés par la société de consommation, chacun s’équipant à tour de bras en voiture individuelle, électro-ménager ou téléviseur.

C’est l’époque de l’opulence en Europe et de l’explosion des loisirs alors que les voyages en avion à l’autre bout de la planète se démocratisent à grande vitesse, même si le premier choc pétrolier, qui voit le prix du pétrole multiplier par quatre en quelques mois à partir d’octobre 1973, constituait déjà un sujet d’inquiétude. Les remises en cause de mai 1968 et les réflexions du Club de Rome qui commençait à s’interroger sur les limites d’une telle croissance économiques dans une planète aux ressources limitées, n’émouvaient pas grand monde à cette époque…

Et c’est pourtant précisément en 1974, à l’occasion des élections présidentielles qui succèdent à la mort de Georges Pompidou, qu’émerge sur la scène politique française un acteur qui se revendique ouvertement de l’écologie. Les partis écologistes d’alors ont une audience totalement marginale et le candidat qu’ils se choisissent pour essayer de porter leurs idées à l’occasion de cette échéance nationale est un inconnu du grand public. Il ne fera d’ailleurs qu’un score symbolique de 1,32 % lors du premier tour de ces élections : pas de quoi inquiéter Valéry Giscard d’Estaing qui sera élu chef de l’État à l’issue du suffrage !

Et pourtant, ce candidat voué à l’échec a fortement marqué les esprits grâce à son talent inné de la communication, et a réussi à imposer de manière durable l’écologie dans le paysage politique français, non seulement comme un enjeu sectoriel à prendre en compte, mais d’abord comme une vision globale et cohérente de la société, selon des valeurs très différentes de celles en vigueur dans les partis traditionnels.

René Dumont lors de la campagne présidentielle de 1974 (source © Médias citoyens)

René Dumont, premier candidat écologiste à une élection présidentielle en France, ne passait pas inaperçu avec ses yeux bleus, sa longue crinière blanche et son éternel pull over rouge… Né en 1904, il intègre en 1922 l’institut national agronomique de Paris-Grignon où il deviendra enseignant à partir de 1933 et y dirigera dès 1953 la chaire d’agronomie comparée et de développement agricole qu’il occupera jusqu’à sa retraite, précisément en 1974, mais dont il restera professeur honoraire jusqu’à sa mort, en 2001.

René Dumont à Paris en 1993 (photo © Ulf Andersen / SIPA / Nouvel Obs)

Pacifiste convaincu, le service militaire est pour lui une véritable épreuve. Au lieutenant qui l’interroge sur son premier réflexe s’il se trouve face à une mitrailleuse ennemie, il répond du tac au tac : « je cours mettre les chevaux à l’abri » : pas vraiment la bonne réponse… Il vivra très mal cette épreuve au contact des militaires et ce sentiment pacifiste guidera toute sa vie, lui qui a signé la Déclaration sur le droit à l’insoumission lors de la guerre d’Algérie et qui anima plus tard le Mouvement pour le désarmement, la paix et la liberté. Fortement opposé, comme Théodore Monod, à l’utilisation de la force de frappe nucléaire, il réclamera, durant la campagne présidentielle de 1974, la fin des essais nucléaires et la démilitarisation du plateau du Larzac. Lors de son enterrement en 2001, conformément à l’une de ses dernières volontés, l’on entendit ainsi Boris Vian chanter Le Déserteur

C’est en 1929 que le jeune agronome René Dumont s’embarque pour le Tonkin où il découvre les techniques paysannes locales de culture du riz et se heurte de plein fouet aux autorités coloniales persuadées que ces techniques ancestrales ne valent pas un clou et qu’il faut imposer des approches plus rationnelles pour augmenter la production et alimenter la métropole. Démissionnaire dès 1932, il en tire un ouvrage intitulé La culture du riz dans le delta du Mékong. Le premier d’une très longue série puisque cet auteur prolifique publiera jusqu’à sa mort une quarantaine d’ouvrages et en cosignera de nombreux autres ainsi que d’innombrables notes, rapports et compte-rendus de voyages.

Certains de ses écrits sont devenus des grands classiques comme l’Afrique noire est mal partie, publiée en 1962, Paysans écrasés, terres massacrées (en 1978) ou encore Pour l’Afrique, j’accuse ! (en 1986). Trois de ses ouvrages, dont Terres vivantes. Voyage d’un agronome autour du monde, en 1961, sont publiées dans la collection Terre Humaine, dirigée par l’explorateur polaire Jean Malaurie, ce qui assure une grande audience de ses idées auprès d’un large public.

Agronome mondialement reconnu, René Dumont s’est passionné pour les techniques de cultures adaptées aux différents contextes sociaux, culturels, climatiques, pédologiques, observant sans relâche comment les paysans du monde entier avaient pu adapter leurs pratiques culturales au contexte local afin d’en tirer leur subsistance. Membre éphémère du cabinet de Georges Monet en 1937, alors ministre de l’agriculture du Front populaire, René Dumont réalisera, sa vie durant, d’innombrables missions officielles pour le gouvernement français mais aussi pour plusieurs institutions internationales dont la FAO où il fut expert. Alors qu’il est membre du Comité de direction du Fonds d’aide et de coopération, entre 1959 et 1961, sa liberté de pensée lui vaut une demande de sanction de la part du Premier ministre d’alors, Michel Debré, sanction que son ministre de tutelle, Edgar Pisani, refusera d’ailleurs d’appliquer…

C’est son observation des techniques culturales dans le monde et surtout dans les pays en voie de développement, qui a conduit René Dumont à remettre en cause ce qui ne s’appelait pas encore la mondialisation mais dont les conséquences étaient déjà visibles : productivisme à outrance avec ses effets dévastateurs sur la dégradation des sols, la pollution des eaux, les inégalités de revenus, l’explosion démographique, la désertification des campagnes et le développement des bidonvilles dans les mégapoles.

René Dumont à la télévision en 1974 avec son verre d’eau (source © archives INA / ARTE TV / Agter)

En 1974, alors que les écologistes cherchaient vainement un porte parole pour défendre leurs idées devant l’opinion publique à l’occasion de l’élection présidentielle, Théodore Monod et Jacques-Yves Cousteau ayant décliné, ainsi que le syndicaliste de LIP Charles Piaget, c’est donc cet agronome qui est allé au charbon et qui a su trouver les mots simples pour expliquer aux Français, avec une pomme et un verre d’eau, à quel point nous courrions à notre perte en cherchant toujours plus de croissance économique dans un monde où les ressources naturelles sont par nature limitées. Appuyé par son directeur de campagne, Brice Lalonde, qui reprendra le flambeau plus tard, René Dumont a su alors semé une graine dont on commence seulement à voir les fruits, plus de 45 ans après, à l’occasion de ces récentes élections municipales : le cheminement des idées, même dans une démocratie éclairée, prend assurément du temps…

L. V.

Métropole : les élus locaux à la manœuvre…

11 juillet 2020

En démocratie comme dans le secteur ferroviaire, la prudence est de mise : comme pour les trains, une élection peut en cacher une autre… L’année 2020 n’aura pas fait exception à la règle avec cette série d’élections à la tête des intercommunalités qui vient de se dérouler en toute discrétion, quelques jours après le deuxième tour des municipales. Déjà que ces dernières n’avaient pas rencontré un grand succès en termes de participation citoyenne avec un taux d’abstention jamais rencontré, au premier comme au deuxième tour… Et pourtant, l’élection du maire et de son conseil municipal constituent l’un des moments forts de la démocratie à la française, les citoyens restant très attachés à la figure tutélaire du Maire comme à celle du Président de la République.

Mais on ne peut guère en dire autant de l’intercommunalité qui, bien que trustant désormais la quasi totalité des compétences liées à la démocratie de proximité, reste le parent pauvre de la démocratie locale. Le fait est que, malgré le système de fléchage mis en place pour la désignation des élus communautaires, l’élection ne se fait pas au scrutin direct. Le citoyen est donc largement tenu à l’écart des tractations qui aboutissent à l’élection du Président et des Vice-Présidents des quelques 1258 établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre qui se partagent désormais entre métropoles, communautés urbaines, communautés d’agglomération et communautés de communes. De quoi laisser la voie libre à bien des arrangements entre élus locaux qui ne vont pas toujours dans le sens de l’intérêt public du territoire…

Martine Vassal réélue à la tête de la Métropole Aix-Marseille-Provence (photo © Nicolas Vallauri / La Provence)

Trois exemples pour l’illustrer…

Dans la métropole Aix-Marseille-Provence tout d’abord où Martine Vassal vient d’être réélue Présidente dès le premier tour de scrutin le jeudi 9 juillet 2020, alors même qu’elle avait perdu son pari de succéder à Jean-Claude Gaudin dans le fauteuil de maire de Marseille et qu’elle avait été très sévèrement battue par une quasi inconnue dans son fief pourtant acquis de longue date à la droite. Certes la droite était largement majoritaire dans ce nouveau conseil métropolitain issu des élections municipales du 15 mars et du 28 juin 2020, avec, selon les analystes, 109 élus classés à droite et seulement 90 se revendiquant de gauche, les autres étant considérés comme sans étiquette, centriste ou En Marche, sans compter les 8 élus du Rassemblement national marseillais.

Mais la surprise a été néanmoins de constater que Martine Vassal a été réélue avec pas moins de 145 voix tandis que le candidat de la gauche, le maire communiste de Martigues, Gaby Charroux, qui présentait un véritable projet métropolitain, ne recueillait que 61 voix sur son nom. Le maire LREM de la Roque d’Anthéron, Jean-Pierre Serrus, fortement impliqué jusque là dans le schéma de développement des mobilité sur l’espace métropolitain, était lui aussi balayé avec seulement 22 suffrages en sa faveur. Le RN Stéphane Ravier pouvait quant à lui se consoler de recueillir deux voix de plus que ce que lui promettait son propre camp…

Répartition des élus communautaires à la métropole Aix-Marseille-Provence (source © France 3)

Cette élection n’a guère été relayée par les médias malgré l’enjeu colossal que représente le fonctionnement de la Métropole avec son budget annuel de 4,8 milliards d’euros, ses 7 500 agents territoriaux et surtout l’étendue des compétences qu’elle détient. En toute discrétion, puisque le vote s’est fait à bulletin secret, la plupart des représentants, dont près de la moitié sont les maires des 92 communes du territoire métropolitain (78 d’entre eux étant l’unique représentant de leur commune, comme c’est le cas à Carnoux par exemple) ont donc choisi de reconduire Martine Vassal qui présente l’immense avantage à leurs yeux de détenir à la fois le carnet de chèque du Département et de la Métropole…

Les maires du groupe EPIC au conseil métropolitain, dont Jean-Pierre Giorgi, soutiens inconditionnels de Martine Vassal (photo © EPIC Métropole Facebook / GoMet)

En d’autres termes, pour l’ensemble des élus locaux du territoire, la Métropole n’est donc pas un outil d’intégration et de mise en cohérence des politiques publiques à l’échelle du territoire métropolitain mais simplement un guichet unique technique et financier qui leur permet d’assouvir leurs propres ambitions locales. Comme le regrette Jacques Boulesteix, ancien Président du Conseil de Développement de la Communauté urbaine Marseille Provence Métropole et désormais élus d’opposition à Carnoux, dans une tribune publiée notamment sur GoMet et sur le site Carnoux Citoyenne, « la somme des intérêts particuliers ne fait pas l’intérêt général »…

L’opinion publique, à l’occasion de ces élections municipale a montré qu’elle était fortement réceptive aux enjeux environnementaux et aux questions de mobilité urbaine, de l’aménagement du territoire, du maillage des services publics ou encore de la gestion durable des ressources en eau, qui tous figurent au cœur des compétences métropolitaines. A Marseille, qui regroupe à elle-seule près de la moitié des habitants du territoire métropolitain, ces récentes élections municipales ont été marquées par une très nette volonté de changement avec l’émergence d’un mouvement écologiste et citoyen désormais aux commandes de l’exécutif communal. Mais les élus métropolitains ont fait la sourde oreille à cette volonté d’inflexion des politiques publiques et ont préféré reconduire Martine Vassal massivement soutenue par les maires des communes périphériques qui se partagent donc les vice-présidences en attendant de se partager les subventions…La rénovation des écoles et du centre-ville dégradé de Marseille ainsi que le développement des transports publics métropolitaines attendront encore un peu !

Patrick Ollier, réélu président de la métropole du Grand Paris le 9 juillet 2020. (photo ©Twitter / GrandParisMGP / Actu.fr)

A Paris, le paysage n’est finalement pas si différent avec, là aussi des arrangements entre élus qui ne se préoccupent guère ni du résultat des élections municipales ni forcément du développement du territoire métropolitain. Comme à Marseille, la part des investissements véritablement communautaires reste marginale dans le fonctionnement de la Métropole qui reste d’abord et avant tout un outil de redistribution de l’argent public en direction des communes. A Paris comme à Marseille, la droite est largement majoritaire au sein du conseil communautaire bien que la ville centre soit également aux mains d’une coalition de gauche dirigée par Anne Hidalgo.

Assurée de sa victoire, la droite s’était payée le luxe de procéder à une primaire pour se choisir son champion, en la personne de Vincent Jeanbrun, un maire du Val-de-Marne très proche de Valérie Pécresse dont l’objectif avoué est de faire disparaître la Métropole qui fait de l’ombre à la région Ile-de-France. Sévèrement battu à la primaire, Patrick Ollier a néanmoins été reconduit à la présidence de la Métropole du Grand Paris alors qu’il ne s’était même pas présenté au premier tour de scrutin. Une élection surprise qui n’aurait bien évidemment pas été imaginable si le scrutin avait eu lieu dans le cadre d’un suffrage direct…

Cécile Helle, maire d’Avignon mais pas du Grand Avignon… (source © Ville d’Avignon)

Et on pourrait multiplier ainsi les exemples de ces exécutifs communautaires issus de tractations entre élus locaux au mépris total de la volonté initiale des électeurs et dans lesquels jouent surtout des règlements de comptes entre barons locaux et des rivalités entre communes voisines pour la répartition des subventions publiques.

Citons ainsi le cas de la Communauté d’agglomération du Grand Avignon. Bien que largement réélue à la tête d’Avignon, la socialiste Cécile Helle a échoué pour la deuxième fois à prendre la tête de l’intercommunalité qui échoit au maire de Vedène, élu avec l’appui des voix du Rassemblement national. Un schéma que l’on retrouve dans bien d’autres intercommunalités où les maires des communes périphériques ont tendance à s’allier contre la candidature du représentant de la ville centre, histoire de se partager le fromage des subventions communautaires. La défense de l’intérêt général ne peut pas tout régir…

L. V.

Une écologiste à Marseille, un sarkozyste à Matignon…

4 juillet 2020

A Marseille, il aura donc fallu attendre la troisième tour pour connaître enfin le nom du nouveau maire issu de ces élections municipales à suspens dont le scénario a tenu toute la France en haleine. Pourtant, tout ceci ne devait être qu’une formalité, une simple passation de témoin entre un Jean-Claude Gaudin vieillissant et à bout de souffle, et sa dauphine Martine Vassal à qui il avait déjà cédé les clés de la Métropole, après qu’elle eut pris la tête du Conseil Départemental des Bouches-du-Rhône.

Bruno Gilles (au centre), candidat dissident LR malgré l’investiture confiée à Martine Vassal avec la bénédiction de Jean-Claude Gaudin (photo © Les Républicains / France Bleu Provence)

Certes, son collègue LR Bruno Gilles, qui lui aussi avait été adoubé en son temps (comme tant d’autres) pour briguer la succession, ne voyait pas d’un très bon œil cette volonté de cumul poussée à l’extrême alors que les deux collectivités que Martine Vassal dirigeait représentaient déjà à elles deux 7 milliards de budget annuel et des dizaines de milliers de fonctionnaires territoriaux. Il avait donc décidé de présenter ses propres listes, mais cela n’empêchait pas Martine Vassal de caracoler en tête des sondages à la veille du premier tour, le 15 mars dernier.

La surprise a donc été grande de voir le Printemps marseillais virer en tête de ce premier tour, bâclé juste avant le confinement généralisé, et marqué par une abstention record. Les équipes de Martine Vassal avaient pourtant mis le paquet, ne lésinant pas sur le collage des affiches qui recouvraient les murs de toute la ville, ni même sur le recueil des procurations, allant jusqu’à innover dans les procédures de simplification administrative pour faire signer ces procurations sans passer par le commissariat ni même en avertir certains des bénéficiaires…

Bureau de vote rue Felix Pyat, attaqué par trois hommes armés lors du 1er tour des municipales 2020 (photo © Gilles Bader / La Provence)

Prises la main dans le sac, les équipes de Martine Vassal ont sans doute pâti de ces procédés d’un autre âge, d’autant que les élections elles-même ont été émaillées de nombreux incidents. Au point d’ailleurs que plusieurs recours ont été déposés à l’issue du deuxième tour, dans les 11e et 12e arrondissement où le maire LR sortant Julien Ravier est arrivé péniblement en tête après avoir été l’un des acteurs de cette opération de procurations extorquées en EHPAD, sans même en informer ceux dont l’identité avait été ainsi empruntée. Un recours a aussi été déposé par le Rassemblement national dans les 13e et 14e arrondissement où le général David Galtier a été élu d’extrême justesse alors que le second tour a été le théâtre de multiples incidents et provocations en tout genre, avec même un mystérieux minibus multipliant les allers-retours pour faire voter.

L’avenir dire si ces recours judiciaires viendront ou non modifier le résultat définitif de ces élections. Toujours est-il qu’à l’issue de ce deuxième tour, dimanche 28 juin, Marseille était la seule ville de France pour laquelle on était bien incapable d’identifier le nom du futur maire. Arrivée pourtant largement en tête avec près de 40 % des suffrages exprimées, la liste du Printemps marseillais conduite par l’écologiste Michèle Rubirola ne disposait que de 42 sièges sur 101, du fait d’un mode de scrutin par secteur particulièrement inique. Avec seulement 2,7 % des voix, Samia Ghali remportait quant à elle 8 sièges, presque autant que les 9 du Rassemblement national qui avait réussi à se maintenir dans tous les secteurs et frôlait la barre des 20 %.

Martine Vassal aux côtés de Guy Tessier annonçant qu’elle lui laisse la place pour briguer le fauteuil de maire de Marseille, le 2 juillet 2020 (photo © France télévision)

Quant à la droite des Républicains, elle disposait sur le papier de 39 sièges, plus les 3 remportés par les listes de Bruno Giilles. Les tractations ont donc été intenses toute cette semaine pour préparer ce premier conseil municipal qui s’est tenu ce matin, samedi 4 juillet en vue d’élire le maire. Pour mettre toutes ses chances de son côté, la droite avait fini par se résoudre à écarter Martine Vassal puisque Bruno Gilles a toujours affirmé qu’il ne soutiendrait pas sa candidature. Pour être sûre de l’emporter au bénéfice de l’âge en cas d’égalité des voix, elle avait choisi le doyen de l’assemblée, Guy Tessier, 75 ans, lequel était d’ailleurs prêt à accepter les voix du Rassemblement national dont il a toujours été assez proche, au point même que son colistier, Lionel Royer-Perreaut s’en était ému et avait menacé de présenter sa propre candidature avant de se rétracter le matin même…

Mais à gauche, les discussions entre le Printemps marseillais et Samia Ghali n’avaient pas réussi à aboutir, cette dernière réclamant ni plus ni moins que le poste de 1er adjoint pour se rallier. Elle a donc présenté sa candidature au premier tour de scrutin, tandis que, coup de théâtre, les 9 élus du Rassemblement national, refusaient de prendre part au vote et quittaient ostensiblement l’hémicycle. De quoi donner des sueurs froides aux organisateurs qui devaient du coup se prononcer sur le nombre de voix nécessaire pour obtenir la majorité absolue. Après discussion, il a été admis que la majorité était du coup réduite à 46 voix.

Michèle Rubirola (à droite) remercie Samia Ghali pour son soutien à son élection (photo © Clément Mahoudeau / AFP / Le Parisien)

Le premier tour n’a pas permis de trancher, Michèle Rubirola remportant ses 42 voix attendues, Samia Ghali les 8 de son camp et Guy Tessier 41. Car bien entendu, une des élues s’est distinguée en s’abstenant : il s’agit de Lisette Narducci, pourtant élue sur la liste LR de Bruno Gilles. Mais elle fait partie de ces responsables politiques aux idées larges : ancienne socialiste, proche de Jean-Noël Guérini, elle avait retourné sa veste entre les deux tours des municipales de 2014 pour se rallier à Jean-Claude Gaudin et sauver ainsi sa mairie de secteur au prix d’un léger revirement idéologique…

Après plus de deux heures d’interruption de séance et d’intenses tractations en coulisse, Samia Ghali a finalement décidé de retirer sa candidature au profit de Michèle Rubirola qui a donc été élue maire de Marseille au second tour avec une majorité absolue de 51 voix, grâce à l’apport des colistiers de Samia Ghali et de Lisette Narducci qui a donc suivi le vent comme il se doit.

Le vieil homme et la maire… Jean-Claude Gaudin félicitant la nouvelle maire de Marseille, Michèle Rubirola (photo © Frédéric Speich / La Provence)

Pour la première fois de son histoire, Marseille se retrouve donc avec une femme à la tête de la municipalité, écologiste qui plus est, ce qui est un véritable séisme politique pour cette ville, depuis 25 ans aux mains de la droite. L’accouchement a été difficile et le suspens maintenu jusqu’au bout, mais la cité phocéenne s’inscrit pour une fois dans un mouvement de fond qui a touché plusieurs grandes villes française et montre un véritable intérêt des urbains pour ces questions de transition écologique et de participation citoyenne.

Jean Castex, nouveau premier ministre sarkozyste nommé par Emmanuel Macron (photo © Ludovic Marin / AFP / RTL)

Une évolution que ne semble pourtant pas avoir perçu le chef de l’État puisque Emmanuel Macron a choisi précisément ce moment pour annoncer la nomination d’un nouveau premier ministre en la personne de Jean Castex, un énarque marqué très à droite, membre de l’UMP puis de LR, ancien directeur de cabinet de Xavier Bertrand puis secrétaire général adjoint de l’Élysée auprès de Nicolas Sarkozy. Un tel choix à l’heure où la Convention citoyenne pour le climat vient de remettre ses conclusions et alors qu’une partie significative des Français vient de se choisir un maire écologiste ou proche de cette sensibilité laisse pantois et montre qu’il reste du chemin à parcourir pour que nos élites politiques prennent conscience des enjeux de société auxquels une part croissante des citoyens commencent à s’intéresser…

L. V.

Municipales : l’écologie citoyenne gagne du terrain

2 juillet 2020

Un bureau de vote à Marseille pour le deuxième tour des municipales, le 28 juin 2020 (photo © Christophe Simon / AFP / France TV info)

Décidément, ces élections municipales 2020 resteront dans les annales. Le premier tour réalisé en pleine pandémie mondiale de covid-19 avait été marqué par une abstention record. L’entre-deux-tours interminable en période de confinement généralisé a duré 15 semaines là où, en temps ordinaire les candidats n’ont qu’une petite semaine pour déposer leur liste et préparer le second tour.

Et forcément, le second tour en question, qui s’est finalement déroulé le 28 juin, à une période où chacun se croit déjà en vacances, n’a guère mobilisé les foules…Le taux de participation qui n’était déjà que de 44,7 % au premier tour a encore baissé pour finir à 41,6 % lors du deuxième tour : un chiffre jamais atteint pour des élections municipales qui d’habitude sont celles qui mobilisent le plus. En comparaison, le taux de participation atteignait 62,1 % en 2014 !

Au Havre, Edouard Philippe réélu maire bien que Premier ministre, un dessin signé Placide (source : Chalon TV Info)

Avec une aussi faible participation, les résultats sont forcément peu représentatifs mais ils n’en montrent pas moins des tendances tout à fait significatives. Le parti présidentiel de La République en Marche aimerait bien oublier rapidement ce scrutin, lui qui n’y a guère obtenu que des défaites humiliantes en dehors de la réélection triomphale du Premier Ministre, Édouard Philippe au Havre. Le Rassemblement National n’a guère connu de succès non plus à l’occasion de cette échéance électorale, en dehors de l’élection de Louis Alliot à Perpignan. Même la France Insoumise qui ne s’était pas trop investie lors de ce scrutin en dehors des coalitions de gauche préférera sans doute passer rapidement à autre chose, tandis que le PC a connu de nouvelles défaites avec la perte de villes où elle était ancrée de longue date comme Arles ou Gardanne.

Des élections municipales qui n’auront guère réussi au parti présidentiel face aux vieux chevaux de retour LR et PS, un dessin signé Kak (source : L’opinion)

Globalement, les grands partis de gouvernement que sont le Parti socialiste et Les Républicains, laminés lors des dernières élections présidentielles et législatives par la vague macroniste ont bien relevé la tête lors de ces municipales. Le PS se maintient sans difficulté à Paris, Nantes, Dijon, Rennes ou encore Avignon, et de justesse à Lille, mais s’impose brillamment à Nancy, Montpellier, Bourges ou Périgueux par exemple. Quant aux Républicains, ils gagnent des villes depuis longtemps à gauche comme Lorient ou Arles, mais aussi Metz ou Auxerre, tout en conservant sans difficultés leurs bastions de Nice, Cannes ou Aix-en-Provence et ceux plus récemment conquis comme Toulouse, Limoges, Saint-Étienne, Belfort, Reims, mais aussi, plus près de chez nous La Ciotat ou Aubagne.

Grégory Doucet, nouveau maire écologiste de Lyon, avec Bruno Bernard, futur président de la métropole du Grand Lyon (photo © Maxime Jegat / Le Progrès / Lyon Plus)

Mais l’étiquette qui a le plus brillé lors de ces élections municipales si atypiques est celle de l’écologie citoyenne, portée par le parti des Verts ou brandie par des coalitions se revendiquant de la gauche écologique, citoyenne et solidaire. En 2014, c’est une coalition de ce type qui avait emporté la mairie de Grenoble, conduite par Eric Piolle, lequel a reconduit l’exploit six ans plus tard et a conservé sans difficulté son siège. Mais en 2020, les succès des écologistes se sont multipliés avec en particulier cette victoire remarquable de l’écologiste Grégory Doucet qui arrache le fauteuil de maire de Lyon et renvoie Gérard Collomb dans les oubliettes de l’Histoire malgré ses contorsions pathétiques, tandis que l’autre écologiste, Bruno Bernard conquiert la tête de la métropole du Grand Lyon.

Léonore Moncond’huy, la nouvelle maire écologiste de Poitiers (source Info-Eco)

L’exploit est au moins aussi remarquable pour l’écologiste Pierre Hurmic qui a ravi le fauteuil de maire de Bordeaux, une ville pourtant traditionnellement à droite depuis plusieurs générations. Et le cas n’est pas isolé puisque la ville de Strasbourg s’est aussi choisi un maire écologiste en la personne de Jeanne Barseghian. A Poitiers, c’est une toute jeune écologiste à peine trentenaire qui a remporté les élections devant le socialiste à l’ancienne, Alain Clays, pourtant maire depuis 2008. Les Verts ont échoué d’un cheveu à Toulouse ou Lille, mais ils ont remporté de beaux succès dans des villes où on ne les attendait pas forcément comme à Tours, Annecy ou Besançon.

C’est donc un véritable virage politique qu’a connu la France à l’occasion de ce second tour inédit et au sortir d’une pandémie mondiale qui a frappé les esprits. L’écologie politique connaît enfin un succès incontestable dans les urnes à l’échelle locale, ce qui confirme qu’une part croissante de l’opinion publique est réceptive à ces questions liées à la perte de biodiversité, à l’impact du réchauffement climatique global, à la pollution de l’air, de l’eau et des sols, ou encore à la durabilité de nos modèles économiques dominants.

Même à Marseille, le Printemps marseillais qui s’inscrit totalement dans cette dynamique de l’écologie citoyenne et solidaire marquée à gauche, a connu un succès inespéré en remportant 39,9 % des suffrages contre moins de 30 % pour la liste conduite par Martine Vassal qui était pourtant donnée archi favorite de ce scrutin. Avec plus de 13 000 voix d’avance, et une majorité très confortable dans 4 des 8 secteurs de la ville, le Printemps marseillais a réalisé un score remarquable dans une ville aux mains de la droite et de Jean-Claude Gaudin depuis 25 ans, réussissant même au passage à faire perdre au Rassemblement national son fief des 13e et 14e arrondissements remporté en 2014.

Michèle Rubirola, tête de liste du Printemps marseillais, entourée par Olivia Fortin, Sophie Camard et Benoît Payan, lors de la soirée électorale le 28 juin 2020 (photo © Philippe Magoni / SIPA / 20 minnutes)

Mais c’était sans compter sur les effets pervers d’un scrutin par arrondissement qui brouille totalement ce résultat et fait dire à Martine Vassal : « ce soir, je n’ai pas perdu » alors même qu’elle s’est fait battre dans son propre secteur des 6e et 8e arrondissements par Olivia Fortin, une quasi inconnue, totalement novice en politique. Certes, la présidente du Conseil départemental et toujours présidente de la métropole Aix-Marseille-Provence, a finalement dû renoncer à se présenter pour briguer le fauteuil de maire lors de l’élection qui aura lieu samedi 4 juillet 2020. Tout laisse penser que c’est probablement Guy Tessier qui briguera la charge au nom des Républicains, comme nous l’avions déjà évoqué ici, lui qui est le doyen du conseil municipal nouvellement élu et qui peut donc espérer l’emporter au bénéfice de l’âge et avec les voix de son ami, le dissident Bruno Gilles. Reste que les Marseillais comprendraient mal que la gauche citoyenne et écologiste qui a si nettement remporté ces élections municipales pourrait ainsi se faire voler la victoire par des manœuvres politiciennes aussi grossières. Mais dans la cité phocéenne tout peut arriver…

L. V.

Biélorussie : une révolution en pantoufles…

26 juin 2020

En Europe, la démocratie s’est peu à peu imposée comme le modèle dominant, même si les comportements dictatoriaux et les dérives autoritaires ne sont pas totalement absentes de certaines pratiques locales du pouvoir. Il subsiste cependant au moins un pays, officiellement républicain, que chacun s’accorde à classer au rang des véritables dictatures : la Biélorrussie, ou Bélarus selon son nom officiel imposé par les autorités au monde entier…

On en parle peu, mais ce pays de près de 10 millions d’habitants, n’a vraiment rien d’un havre de démocratie républicaine. Coincé entre la Pologne, la Lituanie, la Lettonie, la Russie et l’Ukraine, ce pays plus étendu que la Grèce et presque autant que le Royaume Uni, est une vaste plaine continentale sans débouché maritime mais couverte en partie de forêts. Une partie de ces dernières, au nord de l’Ukraine, reste d’ailleurs partiellement inaccessible à cause de l’irradiation rémanente consécutive à l’explosion de Tchernobyl…

Vue de Minsk, la capitale biélorusse (source © Kayak)

L’indépendance du pays date du 25 août 1991, après l’effondrement de l’URSS mais l’intermède démocratique n’est que de courte durée. Son président actuel, Alexandre Loukachenko, y a été élu pour la première fois en juillet 1994, avec alors 80 % des suffrages, contre son prédécesseur, Stanislas Chouchkievitch qu’il avait réussi à faire chuter suite à des accusations, apparemment infondées, de corruption.

Le président biélorusse Alexandre Loukachenko le 9 mai 2020 à Minsk (photo © Sergueï Gapon / EPA / MAXPPP / La Croix)

En novembre 1996, après une campagne où les médias ont été fortement muselés, Loukachenko remporte haut la main un référendum qui lui permet d’étendre son mandat présidentiel de 4 à 7 ans et lui donne la possibilité de fermer le Parlement, ce qu’il s’empresse de faire. La police occupe le Parlement et emprisonne 89 des 110 députés considérés comme « déloyaux » et qui sont remplacés dans la foulée par des homes des main, tandis que les pouvoirs des services de renseignement, qui s’appellent toujours KGB en Biélorussie, sont considérablement renforcés.

L’Europe et les États-Unis protestent et refusent de reconnaître la légitimité d’un tel scrutin, d’autant que Loukachenko multiplie les provocations, jugeant en 1995 qu’Adolf Hitler n’avait pas eu que des mauvais côtés, et explusant à tour de bras en 1998 les ambassadeurs de la plupart des pays occidentaux ainsi qu’une délégation du FMI dont il avait traité les membres d’escrocs.

Réélu dès le premier tour en 2001, il l’est également en 2006, officiellement avec 82,6 % des voix, aux termes de campagnes tronquées et très éloignées des standards démocratiques internationaux. Sa quatrième réélection en décembre 2010 passe également comme une lettre à la poste avec un score officiel de 79,67 %, mais suscite néanmoins quelques manifestations populaires. Dès le lendemain, des centaines d’opposants sont arrêtés tandis que sept des neufs candidats à la Présidentielle sont purement et simplement jetés en prison.

Arrestation d’un manifestant le 19 juin 2020 à Minsk (photo © Sergueï Gapon / AFP / Le Monde)

A partir de 2011, des sanctions économiques sous forme de gels d’avoirs sont mises en œuvre par la communauté internationale à l’encontre des dirigeants biélorusses, mais cela n’empêche pas Loukachenko d’être réélu pour la cinquième fois en octobre 2015 avec plus de 80 % des voix. En novembre 2019, un simulacre d’élections législatives permet de purger du Parlement les deux seuls et uniques opposants à qui il a été tout simplement interdit de se représenter.

Et voilà qu’une nouvelle élection présidentielle se profile dans ce pays, prévue pour le 9 août 2020. Bien entendu, Loukachenko y fait figure de grand favori pour son sixième mandat consécutif. Depuis un an, un blogueur du nom de Sergueï Tikhanovski, dénonçait sur internet les dysfonctionnements d’un pays en voie de délabrement, n’hésitant pas à haranguer les passants lors de rassemblements improvisés et publiant des vidéo où il appelle à dire « Stop au cafard ». Bien entendu, le Président ne pouvait pas tolérer un tel désordre et il a fait jeter en prison, le 29 mai dernier ce trublion qui envisageait justement de présenter sa candidature à la Présidentielle. Une candidature désormais écartée puisque le casier judiciaire du citoyen Tikhanovski n’étant plus vierge, sa candidature est irrecevable : tout est tellement simple en dictature !

Le blogueur Sergueï Tikhanovski lors d’un rassemblement populaire le 24 mai 2020, 5 jours avant son arrestation (photo © Vasily Fedosenko / Reuters / Ouest France)

Le blogueur turbulent ne constitue cependant pas la seule menace potentielle pour le pouvoir en place qui craint aussi l’un des candidats déclaré à cette prochaine élection, un certain Viktar Babaryka, qui dirigea pendant 20 ans la banque russe Belgazprombank et qui avait recueilli sans difficulté quelque 400 000 signatures en appui de sa candidature aux Présidentielles, là où il en suffisait de 100 000. De quoi inquiéter suffisamment le Président Loukachenko qui, par précaution élémentaire, a donc fait arrêter son adversaire politique en l’accusant de corruption, profitant au passage de l’occasion pour prendre le contrôle de la banque : il n’y a pas de petit profit quand on est au pouvoir…

Cette fois cependant, une partie de la population a réagi et des manifestations se sont organisées, notamment dans les rues de la capitale Minsk, pour protester contre l’arrestation du blogueur Sergueï Tikhanovski qui avait manifestement réussi à acquérir une certaine popularité et à soulever quelques espoirs. Pour éviter la répression, selon France-Inter, ils se sont simplement massés silencieusement le long des trottoirs plutôt que de défiler dans les rues, certains d’entre eux brandissant des tongs ou des pantoufles et faisant mine d’écraser le cafard, conformément au mot d’ordre imagé de Sergueï Tikhanovski…

Manifestation de soutien aux potentiels candidats d’opposition, à Minsk le 31 mai 2020 (photo © Vasily Fedosenko / Reuters / Courrier International)

Bien entendu, le pouvoir ne pouvait rester inactif face à cette « révolution des pantoufles » et la répression contre les manifestants est impitoyable .140 d’entre aux ont été arrêtés et jetés en prison vendredi dernier, y compris, selon Le Monde un opposant notoire, Mikalay Statkevich, qui avait déjà purgé 5 ans de prison et qui se retrouve de nouveau sous les barreaux.

Étant donné le rapport de force, il n’est pas exclu que le Président Loukachenko parvienne à ses fins avec une n-ième réélection triomphale en août prochain, à condition de mater d’ici là toute velléité de révolte populaire. Il semble cependant que la jeunesse biélorusse soit cette fois bien décidée à ne pas s’en laisser conter, l’épisode de Covid-19 ayant poussé la population à comprendre à quel point le pouvoir était inconséquent. Pendant toute la crise sanitaire, le Président Loukachenko a traité le sujet avec désinvolture et minimisé le risque, au point que chacun a pu se rendre compte qu’il n’était guère crédible. Peut-être un espoir pour le retour vers un régime plus démocratique dans ce trou noir de l’Europe ?

L. V.

A Carnoux, le débat impossible, l’opposition muselée…

24 juin 2020

A Carnoux-en-Provence se tenait jeudi 18 juin 2020, le jour du 75ème anniversaire de l’appel à la résistance du Général De Gaulle, le second conseil municipal de la nouvelle mandature. Le premier, qui s’était tenu à huis clos le 28 mai dernier avait simplement permis d’élire le maire au sein du nouveau conseil municipal et de décider du nombre des adjoints. Vu les conditions sanitaires actuelles, cette deuxième réunion aurait pu être ouverte à un plus large public, mais le maire, Jean-Pierre Giorgi, en avait décidé autrement, menaçant même, au cas où des visiteurs s’invitent, de demander de nouveau le huis clos, quitte à ajourner purement et simplement la séance en cas de refus, jugeant le respect des règles de distanciation sanitaire plus important que celui du débat démocratique…

Une attitude très révélatrice de son choix des priorités pour cette séance dont l’ordre du jour prévoyait le fameux « débat des orientations budgétaires », un épisode primordial de la vie publique locale puisque ce débat, prévu par les textes réglementaires, est l’étape indispensable avant le vote du budget, lequel aura lieu le 2 juillet prochain. Lors de ce débat, le maire présente, comme la loi l’y invite, le contexte macroéconomique et l’état des marges de manœuvres financières locales ainsi que les grandes orientations qu’il compte mettre en avant pour établir le budget municipal pour l’année en cours.

Ce moment est l’un des temps forts de la démocratie communale puisque c’est le moment où se construit le futur budget de la commune, sur la base des propositions de la majorité mais sous la forme d’un véritable débat, ouvert et pédagogique, avec l’opposition. Le débat ne donne pas lieu à un vote, mais il doit nourrir la réflexion de l’équipe municipale en vue de procéder aux derniers ajustements du projet de budget, sur lequel en revanche, les élus devront se prononcer par vote.

Sauf que à Carnoux, en ce 18 juin 2020, le débat n’a pas pu avoir lieu ! Le maire a comme à son habitude détaillé très longuement les orientations budgétaires qu’il compte mettre en avant pour l’élaboration du budget communal, ne faisant en réalité que répéter le texte que tous les conseillers municipaux avaient eu le loisir de découvrir plusieurs jours avant la réunion. Il a ensuite passé la parole à la salle pour lancer le débat. Aucun des 24 autres conseillers élus de la majorité n’a souhaité ajouté le moindre mot, pas plus d’ailleurs que les deux représentants de la liste de Di Rosa.

Extrait du site internet http://www.carnoux-citoyenne.fr/

Jacques Boulesteix a donc pris la parole au nom des deux élus de la liste Carnoux citoyenne, écologiste et solidaire, ainsi qu’il le relate lui-même sur le site créé à l’issue des élections, précisément pour rendre compte de son action et des débats en conseil municipal. Il a notamment rappelé que toutes les hypothèses sur laquelle s’appuyaient ces orientations et le projet de budget en découlant dataient d’avant la crise sanitaire du Covid-19 et a fortiori avant la crise économique et sociale qui se profile. Alors même que toutes les collectivités tentent d’ajuster leur action pour anticiper autant que possible cette crise, rien de tel ne semble avoir été prévu à Carnoux.

Extrait d’un article publié par La Provence le 24 juin 2020

Mais le maire de Carnoux ne supporte pas qu’on puisse remettre en cause son expertise technique en matière de construction budgétaire et n’envisage pas de devoir justifier ses orientations budgétaires face à une opposition qu’il considère par principe comme incompétente.

Après quelques minutes seulement d’intervention, il a donc commencé par interrompre Jacques Boulesteix à chacune de ses phrases avant de lui couper définitivement la parole, sous l’œil narquois des autres élus de la majorité, manifestement tous convaincus qu’un débat n’est qu’une perte de temps parfaitement inutile, du moment qu’ils ont la possibilité d’imposer leur point de vue puisqu’ils disposent d’une écrasante majorité.

A Carnoux, une opposition bâillonnée…

Face à une telle obstruction et n’étant plus en mesure de s’exprimer, Jacques Boulesteix a été contraint de quitter la salle. Le débat des orientations budgétaires pour l’exercice 2020 n’a donc pas eu lieu à Carnoux. C’est d’autant plus regrettable que l’état des finances de la Ville avec ses excédents budgétaires colossaux qui se reportent d’année en année autorisait justement des marges de manœuvres importantes pour aider au mieux vivre des Carnussiens face à une situation économique et sociale qui menace de se dégrader dans les prochains mois.

Mais circulez, il n’y a rien à voir ! Tel est le mot d’ordre de Jean-Pierre Giorgi, tout-puissant en son fief, au point qu’aucun des élus de sa liste n’ose ouvrir la bouche en conseil municipal, et qui ne supporte tout simplement pas qu’un autre élu, d’opposition qui plus est, se permette d’émettre des propositions et de susciter le débat.

Toute similitude avec une situation locale serait purement fortuite….

A la rigueur, il est toléré que l’on pose une question, naïve de préférence, histoire de permettre au maître (pardon, au maire) d’étaler sa bonne connaissance des rouages administratifs et de donner, avec un petit chouïa de condescendance, une leçon au malheureux incompétent qui a osé s’exprimer. Mais aller jusqu’à laisser penser qu’on aurait pu peut-être envisager différemment les orientations budgétaires pour la ville de Carnoux relève d’une outrecuidance inadmissible que M. Giorgi ne saurait tolérer. Qu’on se le dise ! Et tant pis pour le débat démocratique et la participation citoyenne : pas de ça à Carnoux…

L. V.

A Carnoux, un nouveau site pour les citoyens

14 juin 2020

Jean-Pierre Giorgi, réélu maire de Carnoux-en-Provence pour son quatrième mandat successif (source : La Provence du 29 mai 2020)

Le 15 mars 2020, les habitants de Carnoux-en-Provence, comme ceux de plus de 30 000 communes en France, ont donc tranché le débat démocratique dès le premier tour des élections municipales, plaçant très nettement en tête la liste conduite par le maire sortant, Jean-Pierre Giorgi, avec plus de 67 % des suffrages exprimés. Sur les 29 conseillers municipaux que compte la commune, et par la grâce du scrutin majoritaire, 25 sont donc désormais issus de la liste Ensemble pour Carnoux, qui n’en comptait que 24 dans la mandature précédente.

Les deux autres listes se partagent donc les strapontins restant, avec deux conseillers municipaux chacune. Celle menée par Gilles Di Rosa, qui a perdu la moitié de ses élus par rapport à 2014, a vu ses principales têtes de liste jeter l’éponge et est donc désormais représentée au Conseil municipal par Jérôme Raffetto et Corine Mordenti, qui étaient respectivement en troisième et huitième position sur la liste.

Jacques Boulesteix et Cristèle Chevalier, les deux élus de la liste Carnoux citoyenne, écologiste et solidaire (source : Carnoux citoyenne)

Quant à la liste intitulée Carnoux citoyenne, écologiste et solidaire, qui présentait, pour la première fois depuis 50 ans que la commune de Carnoux existe, des orientations très nettement en faveur d’une meilleure prise en compte de l’environnement dans notre cadre de vie local, elle est représentée, comme il se doit, par ses deux têtes de liste, Jacques Boulesteix et Cristèle Chevalier.

Après trois mois et demi de mise en sommeil pour cause de pandémie mondiale et de confinement généralisé, le nouveau conseil municipal de Carnoux s’est finalement réuni le 27 mai 2020 pour procéder en son sein et à huis clos à l’élection du maire, reconduisant sans surprise à ce poste et jusqu’en 2026, Jean-Pierre Giorgi qui assume ces fonctions depuis 2001, suivant en cela les pas de son ami Jean-Claude Gaudin qui aura, lui aussi, occupé pendant 25 ans le fauteuil de maire de sa commune.

La première séance du Conseil municipal le 27 mai 2020 (source : Carnoux citoyenne)

Durant la campagne électorale, la liste Carnoux citoyenne, écologiste et solidaire avait constamment mis en avant son souhait d’une plus grande implication des citoyens dans les choix et les orientations de la vie publique locale. Jamais peut-être nous n’avons été confrontés à des défis aussi importants, dont certains d’ampleur planétaire, comme le changement climatique global et l’appauvrissement drastique de la biodiversité, qui menacent l’avenir même de l’humanité.

Pour faire face à de tels enjeux, compter sur le flair de nos seuls responsables politiques élus pour prendre les bonnes décisions est un pari pour le moins risqué. Au contraire, mobiliser l’intelligence collective de citoyens, qui n’ont jamais été aussi bien formés et informés, est sans doute plus efficace pour prendre ensemble les virages qui s’imposent et modeler notre cadre de vie local en s’inscrivant dans cette transition écologique, énergétique mais aussi sociale, économique et démocratique qui s’impose à nous.

C’est dans cette optique que s’est constituée la liste Carnoux citoyenne, écologiste et solidaire en faisant appel à toutes les bonnes volonté désireuses de s’impliquer dans la gestion responsable et durable de la commune. C’est avec cette même volonté de dialogue et d’échange que s’est construit le programme de la liste. C’est donc logiquement dans ce même esprit constructif et participatif que les deux élus envisagent leur mandat, en associant autant que possible les habitants de Carnoux aux choix qui les engagent.

Extrait du site internet www.carnouxcitoyenne.fr

Un site internet spécifique vient donc d’être créé, dans la continuité de celui qui avait fonctionné durant toute la campagne électorale à l’adresse www.carnouxcitoyenne2020.fr et qui reste consultable, permettant à chacun non seulement de prendre connaissance de la composition de la liste et des propositions des candidats, mais de participer activement aux échanges en vue de la finalisation du programme, de dialoguer et aussi de consulter un ensemble de dossiers et de documents particulièrement riches sur le fonctionnement et les enjeux de la commune et de son aire métropolitaine.

Ce nouveau site est ouvert au public depuis le 9 juin 2020 à l’adresse suivante www.carnouxcitoyenne.fr. Chacun y trouvera des informations sur l’actualité municipale et la vie dans la commune et ses environs ainsi que des dossiers pour favoriser la réflexion de chacun. Des compte-rendus de chacun des conseils municipaux de la mandature seront diffusés, dont celui du premier de la série, qui s’est tenu le 27 mai et auquel seuls les élus ont pu assister, crise sanitaire oblige. L’ordre du jour des séances à venir, dont celle du 18 juin qui verra notamment l’approbation du compte de gestion et le vote du compte administratif pour l’année 2019, ainsi que le débat des orientations budgétaires pour l’exercice 2020.

Les élus du nouveau Conseil municipal de Carnoux le 27 mai 2020 (source : Carnoux citoyenne)

La ville de Carnoux s’est distinguée jusque là par une extrême opacité dans sa gestion des affaires communales et une très grande discrétion dans la diffusion des comptes-rendus de séance de son Conseil municipal, comptes-rendus qui se résument au strict minimum, au point de valoir à la municipalité sortante un rappel à l’ordre de la part de la Chambre régionale des Comptes. Sur le site officiel de la commune, seuls les comptes-rendus des dernières séances restent accessibles. Le nouveau site de la liste Carnoux citoyenne, écologiste et solidaire permet quant à lui d’ores et déjà de consulter les archives de ces documents pour l’ensemble de la mandature écoulée car chacun a le droit de savoir ce qui se décide en son nom dans cette instance par les représentants que nous nous sommes collectivement choisis. La transparence démocratique fait peu à peu son chemin dans Carnoux…

L. V.