Archive for septembre 2021

Steiner : spiritualisme intuitif ou fumisterie sectaire ?

30 septembre 2021

Il est des noms qui provoquent inévitablement la controverse. Celui de Rudolph Steiner et de ses fameuses écoles en fait assurément partie. Régulièrement, les médias de tous pays s’interrogent sur les fondement de ces fameuses écoles Steiner-Waldorf qui ne touchent pourtant qu’une infime minorité d’élèves. On compterait ainsi en France pas plus de 22 écoles affiliées à ce mouvement, avec de l’ordre de 2500 élèves concernées, 3 seulement de ces établissements étant sous contrat avec l’État et la plupart d’entre eux s’arrêtant au stade de l’enseignement primaire voire du jardin d’enfant. Au Québec, où l’enseignement Steiner fait l’objet de vives polémiques, seules 4 écoles sont concernées, tandis qu’on en recense 119 aux États-Unis et jusqu’à 232 en Allemagne où elles sont plutôt bien intégrées dans le système éducatif officiel.

Dans les écoles Steiner, l’accent est mis sur les activités artistiques et ludiques (source © Fédération des écoles Rudolf Steiner de Suisse / Le Courrier)

En 2000, un rapport de la Mission interministérielle de lutte contre les sectes, se basant sur une inspection des écoles françaises qui se réclament de cette approche pédagogique, pointait notamment des risques d’endoctrinement ainsi qu’un taux de vaccination anormalement bas au sein de ces établissements. Un ancien professeur d’une école Steiner, Grégoire Perra, publie de son côté depuis 2009 un blog critique sur l’approche anthroposophique et ses « délires cosmologiques » qui sous-tendent les enseignements dispensés dans ces écoles, dont la dimension spirituelle, qui mélange allégrement concepts hindous, influence chrétienne et théories new age, n’est pas forcément explicite pour les parents d’élèves.

Rudolf Steiner sur la colline de Dornach lors de la construction du Goetheanum (source © Société anthroposophique de France)

Pour comprendre l’origine de ce mouvement anthroposophique dont l’influence va bien au-delà des seuls écoles Steiner, il faut sans doute remonter à l’histoire même de son fondateur, Rudolf Steiner, né en 1961 en Croatie, alors partie intégrante de l’empire austro-hongrois. Étudiant à l’École supérieure technique de Vienne, il ne termine pas ses études, s’intéresse à la philosophe, puis s’attache à l’exégèse des œuvres scientifiques de Goethe avant de soutenir en 1891 son doctorat de philosophe sous le titre pompeux de « Vérité et science ». Installé à Berlin comme journaliste et conférencier, il s’imprègne des milieux littéraires bohèmes d’avant-garde, du mouvement ouvrier naissant et des approches religieuses réformatrices au sein de la Société théosophique, devenant en 1907 le dirigeant du rite de Memphis-Misraïm en Allemagne.

C’est en 1913 que le docteur Steiner, qui multiplie les conférences un peu partout dans le monde, quitte ce mouvement pour fonder la Société anthroposophique, dont le siège se trouve, aujourd’hui encore au Goetheanum à Dornach, près de Bâle en Suisse, dans une sorte de temple en béton armé, reconstruit à partir de 1925 sur la base de plans dessinés par Steiner lui-même, après que le premier bâtiment ait été détruit par un incendie criminel. C’est d’ailleurs à Dornach que Steiner s’est éteint, en mars 1925, laissant inachevée le rédaction de son autobiographie…

Façade du Goetheanum à Dornach en Suisse (source © Société d’histoire de Mutzig)

Il est bien difficile aujourd’hui de faire abstraction dans l’approche anthroposophique de ce qui relève des croyances et connaissances de l’époque, la dimension raciste par exemple n’étant pas absente de la pensée de Steiner et certaines de ses affirmations pseudoscientifiques faisant forcément sourire. Chez Steiner, la dimension spirituelle, qui est très marquée, découle principalement de la réalité perceptible par les organes sensoriels de l’homme mais est prédominante sur la rationalité matérielle. Il est persuadé qu’il existe, derrière le monde visible, un monde invisible, de prime abord inaccessible aux sens, et il croit fermement en la réincarnation, au karma, et à l’unité du cosmos. Selon lui, la nature de l’homme est une combinaison de son corps physique, soumis au lois mécaniques du règne minéral, de son corps de vie, où opèrent les forces de la croissance et de la reproduction comme dans le règne végétal, de son corps astral occulte, animé par les pulsions, désirs et passions du règne animal, et enfin son corps individuel qui se réincarne.

Steiner était notamment persuadé que chacun peut, par la méditation, accéder aux mondes supérieurs de la pensée. Au cours de son apprentissage, l’élève abandonne la forme conceptuelle de la pensée ordinaire et atteint le stade intuitif de la « vision claire et exacte ». C’est cette intuition qui a guidé Rudolf Steiner dans tous les domaines où il a tenté de s’investir, la pédagogie n’étant que l’un d’entre eux. C’est en 1919, dans l’ambiance révolutionnaire qui règne alors dans l’Allemagne en crise, qu’il inaugure ainsi un établissement scolaire mixte à Stuttgart, pour 256 élèves issus principalement des familles ouvrières de la fabrique de cigarettes Waldorf-Astoria.

Projet de nouvelle école Steiner à Saint-Genis-Laval près de Lyon (source © Pierre Piessat – Tectus Architectes / La Tribune)

Cet établissement, dont la première promotion prépare le baccalauréat lorsque Steiner disparaît en 1925, connaîtra finalement un incontestable succès. Les premières années sont basées sur un enseignement avant tout oral, symbolique et artistique, l’apprentissage de la lecture et de l’écriture étant volontairement repoussés à plus tard et les notions abstraites dont les mathématiques pas introduites avant l’âge de 12 ans alors que l’apprentissage des langues étrangères débute dès 7 ans. Les matières scientifiques sont abordées principalement par l’observation et le vécu, mais il est couramment reproché à cet enseignement de ne pas accorder la place nécessaire à certaines théories scientifiques de base comme le modèle physique de l’atome, la théorie de l’évolution ou la tectonique des plaques.

Mais Rudolf Steiner a abordé bien d’autres domaines que l’élaboration de cette approche pédagogique particulière et qui fait débat, beaucoup y voyant une pratique plutôt fructueuse basée sur des bases théoriques très douteuses. Il est notamment à l’origine d’une véritable médecine anthroposophique non conventionnelle, dans laquelle les maladies infantiles sont considérées comme « dette karmique », ce qui justifie le refus de la vaccination. Le cancer y est traité à l’aide d’un extrait de gui blanc, sur la foi d’une intuition de Rudolf Steiner, produit commercialisé par l’entreprise suisse Weleda, fondée en 1921, qui continue à développer des produits cosmétiques mais aussi à visée pharmaceutique et diététique, toujours selon les préceptes de l’anthroposophie.

Champ de vigne en biodynamie (source © Bio à la une)

Steiner s’est aussi aventuré dans le domaine de l’agriculture en inventant la biodynamie, système de production agricole dont il a posé les bases dogmatiques en 1924. Réfutant a priori toute vérification expérimentale, la biodynamie se contente d’ajouter à l’agriculture biologique classique certains principes ésotériques liés notamment à l’influence supposée des rythmes lunaires et planétaire, qui relèvent simplement de la pensée magique et dont nul n’a jamais pu démonter l’efficacité. Cela n’empêche pas qu’en France, l’association Demeter, créée en 1979, annonce avoir certifié en 2019 pas moins de 400 exploitations en biodynamie, dont les deux-tiers en viticulture : un beau succès pour ce qui ne repose que sur de simples intuitions d’un philosophe autrichien du siècle dernier, largement autodidacte en la matière, et dont les conceptions spirituelles paraissent pour le moins étranges à un esprit rationnel contemporain…

L. V.

Il suffit de passer le pont…

28 septembre 2021

Georges Brassens le clamait déjà, dans sa ritournelle un peu coquine : « Il suffit de passer le pont / C’est tout de suite l’aventure ! ». Sauf que parfois, oser s’engager sur le pont, c’est déjà l’aventure…

Dans le Tarn, les plus intrépides s’engageront sans hésiter sur la passerelle de Mazamet pour une belle balade au pied de la Montagne Noire qui, par une ancienne voie romaine, permet de rejoindre le village médiéval d’Hautpoul, perché sur un piton rocheux, de l’autre côté des gorges de l’Arnette. Et pour traverser ces gorges, il suffit d’emprunter cette belle passerelle toute neuve, de 140 m de long, inaugurée en 2018, qui surplombe de 70 m le lit de la rivière. Malgré son aspect aérien et quelque peu arachnéen, la structure métallique munie de garde-corps inspire confiance et la traversée ne pose pas de problème, même pour ceux qui sont sensibles au vertige.

Passerelle de Mazamet, dans le Tarn (photo © Mairie de Mazamet / Actu.fr)

Il en est d’ailleurs de même pour les deux belles passerelles himalayennes qui permettent de traverser le lac de barrage de Monteynard-Avignonet, près de Grenoble. Celle qui enjambe le Drac mesure 220 m de longueur et le dénivelé, qui varie selon la cote des eaux dans le lac, peut atteindre au maximum 85 m, de même d’ailleurs que sa jumelle qui permet de franchir l’Ebron, sur une longueur plus modeste de 180 m.

Passerelle de l’Ebron, au dessus du lac de Monteynard dans l’Isère (photo © V. Thiébault / Trièves – Vercors)

Et pour ceux qui ne voudraient pas aller aussi loin pour éprouver cette douce sensation de vertige en traversant une passerelle qui tangue légèrement sous le poids des promeneurs, tout en jetant un œil inquiet sur le vide abyssal entraperçu au travers du tablier ajouré, les gorges de la Nartuby, à Trans-en-Provence, tout près de Draguignan sont la destination idéale. Longue de 70 m seulement et surplombant de 30 m les eaux de la Nartuby en contrebas, l’ouvrage, tout récemment inauguré en avril 2021, permet du moins d’imaginer comment cette petite rivière affluent de l’Argens, a pu le 10 juin 2010, grossir brusquement au point de ravager ses berges et causer de nombreuses victimes.

Passerelle au dessus des gorges de la Nartuby à Trans-en-Provence (photo © S. F. / Var Matin)

Assurément, les plus aventuriers n’hésiteront pas à franchir les frontières pour aller chercher plus loin des sensations encore plus fortes. En Suisse par exemple, près de Zermatt, où se trouve le plus long pont suspendu piétonnier des Alpes, une passerelle étroite, où l’on ne peut se déplacer qu’à a file indienne, et qui se déploie sur une longueur de près de 500 m. L’ouvrage, inauguré en 2017 sur la commune de Randa et qui porte le nom de son sponsor principal, Charles Kuonen, un commerçant en vins du Valais, domine la vallée de 85 m à son point le plus haut et donne accès à un panorama exceptionnel.

La passerelle suspendue de Randa en Suisse, longue de 494 m (source © Zermatt)

Mais depuis avril 2021, cet ouvrage, bien qu’exceptionnel, a perdu son titre de passerelle la plus longue du monde qui revient désormais à un autre ouvrage de franchissement piétonnier, de 516 m de longueur, construit à Arouca, au Portugal, et qui surplombe le Rio Palva, à une hauteur qui atteint 175 m. Un beau pont à haubans, de 4 m de largeur, dont le tablier métallique est suspendu par des câbles en acier et dont l’accès est payant et uniquement possible après réservation sur internet.

Passerelle d’Arouca, au dessus du Rio Palva, au Portugal (photo © AFP / 24 heures)

Et pourtant, il semblerait que la passerelle la plus longue du monde ne soit pas celle-ci mais celle de Baglung Parbat, au Népal, qui franchit la rivière Kaligandaki à une hauteur maximale de 122 m et dont la portée atteint 576 m de longueur ! Un ouvrage moderne avec tablier métallique et haubans en acier également, inauguré récemment en 2020, dans un pays où les passerelles vertigineuses sont légions.

La passerelle entre Baglung et Parbat, au Népal, la plus longue du monde (source © Reddit)

Un pays où les accidents ne sont pas rares non plus, comme celui qui s’est produit le 25 décembre 2017 à Chunchu, un village de l’ouest du pays, à 500 km de Katmandou, où une passerelle pourtant récente a brusquement cédé sous le poids cumulé d’environ 500 personnes qui se rendaient simultanément au marché voisin et qui ont été brusquement précipités dans les eaux glacées de la rivière Bheri qui tourbillonnent 30 m plus bas et qui a emporté au moins une centaine de corps.

Rupture de la passerelle de Chunchu le 25 décembre 2017 au Népal (source © La Croix)

On retrouve d’ailleurs encore dans ces régions montagneuses reculées des ponts traditionnels qui sont loin de répondre aux normes de construction actuels et dont le franchissement relève donc largement de l’acte de foi ou de l’inconscience. C’est le cas par exemple du pont suspendu Husseini, qui franchit au Pakistan la rivière Hunza. Bricolé par les habitants eux-mêmes à l’aide de câbles et de planches de récupération, cet ouvrage de franchissement qui ne devait être que provisoire, est toujours en place.

Pont Husseini au Pakistan : un ouvrage manifestement hors-normes… (source © Planet.fr)

Il subsiste dans le monde nombre de ces ponts construits en cordage, comme le pont de Carrick-a-Rede, en Irlande du Nord, même si la version actuelle, qui ne date que de 2004, est nettement plus sécurisée que celle qui était en place depuis 350 ans au moins. C’est d’ailleurs le point faible de ces ouvrages de franchissement en corde tressée qui doivent faire l’objet d’un entretien très régulier. Les ponts traditionnels Incas que l’on retrouve encore au Pérou, dont celui de Q’eswachaka, qui franchit sur 28 m de longueur les gorges de la rivière Apurimac, doivent en effet être refaits chaque année pour s’assurer de leur solidité. Les communautés Quechua locales se retrouvent donc tous les ans depuis au moins 5 siècles, pour refaire entièrement le pont à l’aide de cordes tressées à partir d’une herbe qui pousse sur l’Altiplano.

Pont en corde de Q’eswachaka au Pérou (source © Fibra award)

Dans d’autres contrées, cette utilisation de matériaux locaux biosourcés, dont les architectes du monde entier se gargarisent désormais, a été poussée à l’extrême avec l’édification de ponts vivants en racines d’arbres ! Cette pratique se retrouve notamment en Indonésie et surtout au nord-est de l’Inde, sur le plateau de Shillong où les peuples Khasi et Jaintia ont mis au point une méthode de construction astucieuse qui consiste à guider au dessus d’un cours d’eau les racines du Ficus elastica, souvent en les tressant entre elles pour renforcer leur résistance. Leur croissance naturelle finit par transformer ces racines fines et flexibles en un réseau suffisamment solide pour supporter le poids des piétons. Tant que continue à se développer l’arbre dont les racines aériennes ont ainsi été détournées de leur usage premier, le pont ne fait ainsi que gagner en résistance, ce qui ne manque en effet pas d’intérêt.

Ponts en racines tressées de Ficus, à Nongriat en Inde (photo © Rex Features / Daily mail)

Quant aux techniques de construction, elles sont très variables, certains ponts de ce type étant en fait édifiés à partir d’une structure préexistante en bois ou en bambou, servant à guider les racines dont la croissance viendra peu à peu renforcer et pérenniser l’échafaudage provisoire initial au fur et à mesure que celui-ci se dégrade. Une belle illustration d’un mode de construction durable basé sur des solutions proches de la nature et qui valorisent des matériaux naturels locaux…

L. V.

Éruption à La Palma : une menace pour le climat ?

26 septembre 2021

Un volcan vient d’entrer en éruption à nos portes et, pour une fois ce n’est ni en Islande ni en Italie, même si l’Etna, en Sicile, qui en est déjà à plus de 50 éruptions successives depuis le début de l’année 2021, était encore surmonté, le 21 septembre 2021, d’un impressionnant panache de cendres qui s’élevait à 4500 m d’altitude, tandis que des fontaines de laves étaient observées près du sommet.

Panache de fumée au dessus de l’Etna en Sicile, le 21 septembre 2021 (photo © Reuters / Paris Match)

Mais l’Etna n’est pas le seul volcan européen à offrir en ce moment un tel spectacle. Dans l’archipel espagnol des Canaries, qui se situe en réalité au large des côtes de l’ancien Sahara espagnol, désormais revendiqué par le Maroc, le volcan Cumbre Vieja, sur l’île de La Palma, est lui aussi le siège d’une éruption spectaculaire depuis le 19 septembre 2021. Cette île de La Palma, la plus humide et la plus boisée des 7 îles principales qui constituent l’archipel des Canaries, est formée de trois volcans dont les racines plongent dans le plancher océanique, à plusieurs milliers de mètres de profondeur. Plus de 80 000 habitants résident sur l’île dont l’activité principale, outre le tourisme, est liée à la culture de la banane, mais aussi des tomates, des amandes, du tabac…

Progression d’une coulée de lave sur l’île de La Palma le 21 septembre 2021 (photo © Emilio Morenatti / AP / SIPA / 20 minutes)

Le Cumbre Vieja, autrement dit « le vieux sommet », situé au sud de l’île, est un stratovolcan qui culmine à 2 426 m d’altitude. Ses éruptions sont plutôt espacées puisque l’Histoire, depuis l’installation des Espagnols au XVe siècle n’en a retenu qu’une petite dizaine. La dernière en date remonte à 1971. Cinquante ans plus tard, le 11 septembre 2021 donc, l’Institut volcanologique des Canaries, commence à enregistrer de très nombreux séismes en cascade qui déclenchent l’alerte. Le lendemain, 12 septembre, ce sont pas moins de 315 tremblements de terre qui sont ainsi enregistrés en 24 heures, tous provenant d’une profondeur située entre 8 et 13 km, nettement plus superficielle que ce qui est observé habituellement. Deux jours plus tard, le 14 septembre, le nombre de séismes recensés dans la journée atteint 2935 et les mesures topographiques montrent une déformation du dôme volcanique de 1,5 cm.

Le 19 septembre, on en est à plus de 25 000 séismes en 24 heures, avec une magnitude maximale enregistrée qui atteint 4,2. Aucun doute n’est plus permis et les volcanologues à ce stade savent qu’ils assistent à une remontée d’environ 11 millions de m³ de magna, de quoi préparer une belle éruption ! C’est à 15h15 ce jour-là que de la lave commence à apparaître en surface, surgissant d’une fissure au dessus du village d’El Paraíso, au nord-ouest du volcan, près du col qui le sépare de son voisin de la Cumbre Nueve.


Fontaine de lave sur l’île de Palma sur les flancs du Cumbre Vieja (photo ©
Carlos de Saa / EPA / MaxPPP / La Dépêche)

Des fontaines de lave de plusieurs dizaines de mètres de hauteur se forment rapidement, alimentant une coulée de lave qui progresse à grande vitesse dans la pente. En quelques heures, la coulée atteint les routes et les premières habitations en contrebas, toutes déjà évacuées préventivement. .

Dès le lendemain, lundi 20 septembre, une seconde coulée apparaît un peu plus au nord, au dessus du village de Tancande, obligeant les autorités à évacuer 500 personnes supplémentaires. A cette date, ce sont plus de 6000 habitants qui ont déjà dû être évacués et, le 20 septembre au soir, on dénombre déjà une centaine d’habitations détruites par les coulées de lave. Jeudi 23 septembre, les scientifiques constatent que l’une des deux coulées a cessé d’avancer, mais l’autre, dont la largeur atteint désormais 500 m, continue sa lente progression vers la mer, avec un risque d’émission et de projection de vapeurs nocives chargées en acide chlorhydriques et en gouttelettes de verre auxquelles il est considéré comme dangereux de s’exposer.

Arrivée d’une coulée de lave sur des maisons de Los Lianos de Aridane, sur l’île de La Palma, le 20 septembre 2021 (photo © Reuters / France 24)

Le 24 septembre, on dénombre un total de 390 bâtiments détruits par la lave et les dégâts sont d’ores et déjà estimés à plus de 400 millions d’euros, même si l’on ne déplore toujours aucune victime. Et l’activité éruptive ne faiblit toujours pas, avec un panache de cendre et de gaz qui s’élève jusqu’à 4500 m d’altitude, tandis que les volcanologues estiment que l’éruption pourrait durer plus d’un mois. Chaque jour, on estime qu’il se dégage ainsi dans l’atmosphère entre 6 000 et 12 000 tonnes de dioxyde de soufre, un gaz irritant et potentiellement toxique susceptible de provoquer de graves brûlures de la peu et des yeux.

Un pompier face au panache de fumées provoqué par l’éruption du Cumbre Vieja le 21 septembre 2021 (photo © Andres Gutierrez / Anadolu Agency / France TV info)

Chacun fait donc tourner ses modèles de simulation numérique pour déterminer comment ce panache de gaz se disperse dans l’atmosphère. Le Maroc et le sud de l’Espagne sont naturellement les plus exposés aux risques induits par la propagation de ces particules poussées sur de longues distances par les vents d’altitude. Le nuage a atteint le sud de la France à partir du samedi 25 septembre mais les dilutions sont telles que l’impact pour la santé humaine reste du même ordre de grandeur que celui de la pollution ordinaire liée à l’activité industrielle et aux transports. Les pluies survenues ce week-end ont d’ailleurs contribué à faire retomber au sol le soufre ainsi maintenu en suspension à haute altitude.

Pas de quoi s’inquiéter outre mesure donc avec cette propagation jusqu’à chez nous de ce panache volcanique. Mais il n’en est pas toujours ainsi et l’Histoire, même récente, a gardé le souvenir de panaches de cendres et de gaz d’origine volcanique nettement plus impactant. Beaucoup ont ainsi encore en mémoire l’éruption de ce volcan islandais au nom imprononçable d’Eyjafjallajökull qui, en avril 2010, avait éjecté dans l’atmosphère à 10 km d’altitude une masse monstrueuse de cendres volcaniques à raison 100 000 tonnes par seconde, de quoi bloquer pendant une semaine entière tout le trafic aérien au dessus de l’Europe…

Panache de cendres au dessus du volcan Eyjafjallajökull en Islande le 14 avril 2010 (photo © Jon Gustafsson / Reuters / L’Express)

La même année d’ailleurs, en octobre 2010, une forte éruption du volcan Mérapi en Indonésie, avait déclenché non seulement des coulées pyroclastiques occasionnant la mort de plus de 150 personnes, mais avait aussi été à l’origine d’émission d’un panache éruptif qui avait aussi fortement perturbé le trafic aérienne, jusqu’à Jakarta, situé pourtant à plus de 400 km de là. Si aucun crash aérien dû à un panache volcanique n’est recensé, plusieurs incidents graves ont déjà été répertoriés, notamment lors de l’éruption plinienne du Galunggung, sur l’île de Java en 1982, au cours de laquelle deux Boeing 747 ont vu leurs réacteurs se bloquer lors de la traversée du nuage de cendres.

Panache de cendres au dessus du mont Saint Helens, aux États-Unis le 18 mai 1980 (source © Universetoday / Futura Science)

Le panache géant observé lors de l’éruption volcanique du mont Saint Helens le 18 mai 1980 aux États-Unis s’était ainsi élevée à environ 19 km d’altitude, retombant sur pas moins de 11 États américains avant de parcourir une partir du globe. Et l’Histoire a retenu bien d’autres effets atmosphériques majeurs liés à des éruptions volcaniques comme celle survenue en Islande en 1783, connue sous le nom de Laki, qui avait entraîné la formation sur une bonne partie de l’Europe d’un brouillard sec à l’odeur sulfureuse, avec, au cours de l’été 1783, une coloration rouge sang du ciel au lever et au coucher du soleil. Le dioxyde de soufre émis en grande quantité du fait de l’activité effusive islandaise jusqu’à une altitude de 9 à 12 km s’est propagé sous l’effet du jet polaire et a stationné au dessus de l’Europe du faut de conditions anticycloniques exceptionnelles.

Flint Castle, huile sur toile peinte par le Britannique William Turner alors que l’atmosphère mondiale était perturbée par les suites de l’éruption du Tambura (source © Slate)

Plus près de nous, en 1883, c’est un autre volcan indonésien, le Krakatoa, dont l’éruption brutale a fait plus de 35 000 morts dans ce qui était alors les Indes orientales indonésienne, qui a permis aux scientifiques de constater à quel point l’impact de tels phénomènes naturels pouvait se faite sentir dans le monde entier, avec, là encore, des teinte inhabituelles et des couchers de soleil exceptionnellement colorés observés en Amérique comme en Europe. C’est d’ailleurs à une autre éruption antérieure, celle du volcan Tambora, survenue également en Indonésie, en avril 1815, que l’on attribue l’inspiration qui a guidé le peintre britannique Turner pour certaines de ses toiles aux couleurs de ciel extravagantes : au moins un effet positif de tels événements traumatisants…

L. V.

Métropole : Martine Vassal dans la nasse

24 septembre 2021

Lors de sa visite très médiatisée à Marseille, début septembre 2020, le Président de la République, Emmanuel Macron, s’est entretenu avec Martine Vassal avec qui il a même partagé un déjeuner dans les vastes bureaux paysagers de la tour La Marseillaise, dont plusieurs étages sont loués par la Métropole. Pour autant, il n’a guère ménagé la Présidente de la Métropole Aix-Marseille-Provence, fustigeant cette structure qui, cinq ans après sa création officielle au 1er janvier 2016, « ne fonctionne pas », incapable de vision ni action stratégique à l’échelle de l’agglomération métropolitaine, et empêchée de faire le moindre investissement d’intérêt général, que ce soit dans les logements ou les transports publics, pourtant priorités n°1 aux yeux de la population.

Emmanuel Macron s’entretenant avec des élus locaux à Marseille le 1er septembre 2021 (photo © Franck Pennant / La Provence)

La raison de cette incurie est simple et déjà largement analysée en son temps par la Chambre régionale des Comptes qui mettait ces dysfonctionnements sur le compte du mode d’organisation choisi par les élus locaux qui n’ont aucun sens de l’intérêt général métropolitain et ne se soucient que de leur propre intérêt électoral local. Ce que le chef de l’État a traduit en ces termes : « 60 % du budget est redistribué aux maires » sous forme de subventions pour la réalisation de leurs petits projets locaux, l’enfouissement des lignes électriques, la réfection d’un rond-point ou l’embellissement de l’hôtel de Ville, à Carnoux, par exemple… Autant d’argent qui ne peut servir pour financer des bus entre Carnoux et Marseille !

Les transports publics : une compétence métropolitaine quelque peu négligée… (source © Agir pour la Métropole)

Le diagnostic de cette « métropole tribale » est connu depuis bien longtemps. Mais reconnaissons au moins au Président de la République le mérite de n’avoir pas hésité à mettre les pieds dans le plat, selon son habitude, et de dire tout haut ce que beaucoup murmurent tout bas, assortissant les promesses d’aides de l’État de conditions exposées sans détour : « nous devons financer à la condition qu’on règle les problèmes d’organisation et de gouvernance. Sinon, je mets plus d’essence dans un système qui continue à garder les mêmes freins. C’est non ».

Emmanuel Macron a d’ores et déjà annoncé qu’il reviendra très vite à Marseille, peut-être dès le 15 octobre et de nouveau en décembre, et il exige que les choses bougent rapidement. Faute de quoi, il menace à mots couverts de passer en force en réformant par la loi la structure bancale de la Métropole et de ses six Conseils de territoire, vestiges des anciennes intercommunalités et bastions des maires des communes périphériques, à l’image du CT1, l’ancienne communauté urbaine Marseille Provence Métropole et son millions d’habitants, dont le Président est Roland Giberti, élu à Gémenos, un gros village de 6500 âmes, et le premier vice-président Jean-Pierre Giorgi, le maire de Carnoux-en-Provence, dont l’absence de vision métropolitaine est patente…

Roland Giberti élu président du Conseil de territoire Marseille-Provence le 15 juillet 2020 (source © Made in Marseille)

C’est surtout ce dernier point, en réalité, qui crispe les élus locaux, habitués désormais à recevoir de la part de la Métropole ces chèques dont la justification est quelque peu surprenante. De par la loi, la Métropole est en effet tenue d’exercer sur l’ensemble de son périmètre la totalité des compétences dévolues de droit à l’intercommunalité. C’est bien le cas pour la plupart d’entre elles, notamment tout ce qui relève du développement économique, de la mobilité urbaine, de la voirie, des infrastructures et réseaux de télécommunication, de l’habitat, de la gestion des déchets, de l’eau, de l’assainissement, etc.

Mais si la voirie a bien été globalement transférée à la Métropole lors de sa création, cela n’a pas été le cas de la gestion de l’éclairage public ou des arbres d’alignement par exemple. Les communes continuant d’exercer ces missions, reçoivent donc de la part de la Métropole, ces fameuses attributions de compensation, dont le montant relève d’un calcul aussi complexe que discutable, ces compétences leur étant temporairement confiées dans le cadre de conventions.

Séance du Conseil métropolitain Aix-Marseille-Provence (source © GoMet)

Quant aux infrastructures dont la gestion a été transférée à la métropole, il s’agit dans certains cas d’éléments d’intérêt purement local, que des petites communes périphériques n’auraient jamais eu la possibilité de financer et d’entretenir seules, mais qu’elles ont eu l’opportunité de se faire payer par la Métropole, au détriment d’investissements qui, eux, seraient réellement d’intérêt métropolitain. La Chambre régionale des Comptes a largement fustigé ce choix des communes de lancer subitement moult projets coûteux juste avant la création de la Métropole, sachant que ce serait à cette dernière d’en assumer les frais de construction et d’entretien, de quoi plomber les comptes métropolitains pour longtemps !

Reste qu’il n’est pas facile de sortir d’un tel système qui arrange bien tous ceux qui soutiennent Martine Vassal et qui lui ont assuré sa réélection dans un faute, il i y a à peine plus d’un an. C’est le cas notamment de Maryse Joissains, l’ex-maire démissionnaire d’Aix-en-Provence, qui s’est fendue d’une lettre assassine à la Présidente de la Métropole, histoire de faire monter la pression : « tu as là une chance unique de respecter tes engagements. Je te demande une dernière fois de respecter ce pourquoi tu as été élue (…). Je te demande de respecter ta parole en général, et de ne pas diminuer la part de retour de compensation que les présidents de territoire ont toujours accordé aux mairies ». On croirait entendre Margaret Thatcher réclamant son argent à l’Union européenne…

Martine Vassal et Maryse Joissains en 2018 (photo © Cyril Sollier / La Provence)

Martine Vassal est donc prévenue, et de ce fait totalement coincée par cette position radicale de ses soutiens. D’autant que l’incontrôlable Maryse Joissains n’est pas la seule à fulminer ainsi. Le maire d’Eyguilles, Robert Dagorne, qui s’était déjà distingué en étant à deux doigts de faire capoter le projet de Métropole fin 2015, en remet une couche en prévenant qu’il n’acceptera jamais de payer davantage pour des projets d’intérêt métropolitain. Martine Vassal sait à quoi s’en tenir et risque d’avoir bien du mal à convaincre ses troupes pour tenter de répondre aux exigences de réorganisation posées par Emmanuel Macron. La construction métropolitaine est décidément tout sauf un long fleuve tranquille…

L. V.

Les chèvres déboulent à Septèmes-les-Vallons

22 septembre 2021

Le feu qui s’est déclaré le 16 août 2021 sur la commune de Gonfaron, à proximité d’une aire d’autoroute et qui a ravagé une partie du département du Var, détruisant plus de 7000 ha de forêts et de cultures, causant deux morts, obligeant à évacuer plus de 10 000 personnes en urgence et mobilisant pendant 10 jours plus de 1000 pompiers, n’a pas laissé que des cendres et des carcasses d’arbres calcinés. Il a aussi provoqué une belle polémique comme on les adore en France, déclenchant la colère de certains habitants et élus locaux toujours prompts à dénoncer les excès de zèle de l’administration et des écologistes qui s’acharnent depuis des années à préserver ce qu’il subsiste des zones naturelles du Massif des Maures.

Incendie d’août 2021 près de Gonfaron, dans le massif des Maures (photo © Nicolas Tucat / AFP / France TV Info)

Ce massif, qui doit son nom à la forêt sombre qui le recouvre, s’étend sur une soixantaine de kilomètres entre Hyères et Fréjus. Faiblement habité sinon par quelques villages comme Collobrières, et bien que très régulièrement ravagé par des feux de forêt dont celui de 2003 qui a réduit en cendres de l’ordre de 17 000 ha, le massif forestier a su conserver une végétation arborée dense où dominent notamment le chêne-liège et le châtaigner, mais aussi de nombreux pins d’Alep et pins maritimes, beaucoup plus vulnérables aux incendies.

Créée en 2009, la Réserve nationale naturelle de la Plaine des Maures, qui s’étend sur plus de 5000 ha au nord du massif dans des habitats très variés, dont ceux de la fameuse tortue d’Hermann, est gérée depuis cette date par le Conseil départemental du Var sous la responsabilité de l’État. Et forcément, les gestionnaires de la réserve se retrouvent désormais sous le feu roulant des critiques des riverains, des agriculteurs et de certains élus locaux qui dénoncent les règlements tatillons et les contrôles sévères opérés sur le territoire de la réserve pour protéger la flore locale au détriment des activités économiques.

Zone boisée dans la Plaine des Maures (photo © V. Damourette / Cœur de nature / SIPA / Réserves Naturelles de France)

Dans ce contexte, l’incendie du mois d’août ne pouvait que mettre le feu aux poudres, chacun s’épanchant dans Var-Matin contre ces défenseurs de l’environnement qui rendent le débroussaillement « ultra-limité, voire interdit », s’opposent au pastoralisme hivernal et freinent l’entretien des pare-feu et des pistes de défense contre les incendies. Comme toute polémique, l’affaire a du moins le mérite d’amener les gestionnaires de massifs forestiers en zone méditerranéenne, traditionnellement fortement vulnérables au risque de feu de forêt, a fortiori dans le contexte actuel de réchauffement climatique, à s’interroger sur la recherche de cet équilibre nécessaire entre préservation de l’environnement et travaux de débroussaillement pour faciliter la lutte contre l’incendie.

Après le passage du feu dans le massif des Maures (photo © Florian Escoffier / ABACA / Paris Match)

La réponse est loin d’être simple. Certes, le pastoralisme est une réponse intéressante, chèvres et moutons pouvant contribuer à maintenir ouverts certains milieux forestiers, à condition qu’il soit pratiqué de manière contrôlée. Mais le contexte économique de l’élevage en France ne rend pas la choses aussi simple qu’on pourrait le croire. De ce point de vue, l’expérience menée depuis quelques années sur la commune de Septèmes-les-Vallons, aux portes de Marseille, mérite d’être soulignée.

En 2002, un premier chevrier, Guy Chauvelot, s’était installé dans le vallon de Freyguières alors que la Ville réfléchissait depuis des années à l’idée de relancer le pastoralisme dans ce secteur, suite au gigantesque incendie de 1989, suivi en 1997 par un autre incendie, parti également de la même décharge de Septèmes-les-Vallons et qui ravage 4650 ha de forêts en 3 jours. Dès cette époque, une étude du CERPAM, le Centre d’études et de réalisation pastorales Alpes-Méditerranée, s’intéresse à la faisabilité de développer l’élevage caprin dans le secteur. L’intérêt économique du projet n’est pas démontré et, dix ans plus tard, lorsque le chevrier passe la main à son successeur, Eric Prioré, la ville en profite pour confier à ce dernier un troupeau de chèvres du Rove, mises à disposition pour faciliter l’écopâturage du massif.

En 2014, la municipalité décide d’aller plus loin en lançant la construction d’une chèvrerie municipale, sur une parcelle appartenant au comité d’entreprise de la RTM et mis à disposition dans le cadre d’un bail de longue durée. Pour un budget global de 380 000 €, très largement subventionné par la région et le Département, la Ville mène à bien la construction du bâtiment édifié à base de pins d’Alep, en faisant participer les jeunes de la commune dans le cadre de chantiers participatifs.

La chèvrerie de Septèmes-les-Vallons et une partie du troupeau de chèvres du Rove (source © Ville de Septèmes-les-Vallons)

Les objectifs du projet sont multiples. Il s’agit bien sûr de contribuer à l’entretien des ouvrages de défense contre les incendies dans ce secteur forestier particulièrement exposé en bordure du massif de l’Étoile, mais aussi de participer au maintien de milieux ouverts qui favorisent la biodiversité et l’entretien des paysages. Au delà, l’objectif est aussi économique, en facilitant le développement de l’activité fromagère, le lait produit étant principalement transformé en brousse du Rove et en fromages vendus pour l’essentiel en circuits courts sur place et via plusieurs AMAP locales. Enfin, le but est pédagogique, la chèvrerie servant de vitrine pour permettre aux enfants des écoles de découvrir le fonctionnement d’une fromagerie et les enjeux liés au pastoralisme en zone périurbaine boisée.

Les chèvres du vallon de Freyguières, sur les chemins du massif de l’Étoile (source © Département des Bouches-du-Rhône)

Depuis 2017, la chèvrerie de Septèmes-les-Vallons abrite ainsi un troupeau de 130 chèvres et accueille chaque année une vingtaine de classes. Cette année, une extension des bâtiments a même vu le jour, édifiée à l’aide de pins d’Alep issus de la forêt locale, pour stocker le foin et abriter les boucs et les chèvres malades. Et la commune ne compte pas en rester là puisqu’elle envisage désormais de développer aussi le maraîchage sur son territoire où cette activité avait quasi totalement disparu dans les années 1980, souhaitant participer ainsi, via une production locale relancée, à l’approvisionnement des cantines de la Ville.

Un bel exemple qui pourrait aisément être suivi par notre commune de Carnoux, soumise aux mêmes contraintes, et qui pourrait également développer, sur le terrain de l’ancien arboretum en déshérence, et à côté du jardin partagé déjà aménagé, une activité agricole et pastorale, permettant de participer à l’entretien de la forêt aux alentours, en lieu et place des coûteux marchés d’entretien confiés à l’ONF : une idée à creuser pour les années à venir ?

L. V.

Gaël Giraud, l’économiste iconoclaste

20 septembre 2021

L’homme n’est pas forcément très connu du grand public. Et pourtant son nom fait partie de ceux qui émergent dans le cadre du processus de la Primaire Populaire, ce mouvement citoyen qui s’inspire quelque peu du Printemps Marseillais et dont les militants étaient justement réunis le week-end du 11-12 septembre 2021 dans les locaux du centre associatif marseillais Coco Velten.

Réunion de la Primaire Populaire dans les locaux associatifs de Coco Velten à Marseille en septembre 2021 (photo © Clara Lalanne / France TV info)

L’objectif de la démarche, initiée par des sympathisants de l’écologie politique et de l’économie sociale et solidaire, est de faire émerger, sans forcément passer par le carcan désuet des partis politiques, un candidat qui puisse défendre lors de la prochaine élection présidentielle de 2022, un socle commun de 10 mesures phares destinées à enclencher une véritable transition écologique, une évolution majeure de l’agriculture, une politique fiscale et une répartition des revenus du travail plus justes, ainsi qu’une évolution vers une Sixième République modernisée, plus démocratique et plus participative.

Un programme ambitieux dans lequel se retrouvent néanmoins plusieurs personnalités dont certaines ont déjà fait part de leur candidature à la Présidentielle, comme Arnaud Montebourg, Anne Hidalgo, Fabien Roussel ou encore Pierre Larrouturou mais aussi les cinq candidats engagés dans la primaire écologique qui se déroule en parallèle. D’autres personnalités néanmoins émergent spontanément de cette démarche dans laquelle chaque citoyen qui s’inscrit peut mettre en avant un candidat de son choix.

Le processus devrait se poursuivre jusqu’au 11 octobre 2021 mais plus de 100 000 personnes se sont d’ores et déjà inscrits sur la plateforme, ce qui se rapproche du nombre de participants à la primaire écologiste dont le premier tour, qui s’est achevé le 19 septembre 2021, a rassemblé plus de 122 000 votants !

Les cinq candidats en lice pour la primaire écologiste :  Yannick Jadot, Sandrine Rousseau, Delphine Batho, Eric Piolle et Jean-Marc Governatori. (photo © Geoffroy Van Der Hasselt et Valery Hache / AFP / Les Echos)

C’est ainsi que certaines personnalité rencontrent un beau succès dans le cadre de cette Primaire Populaire, dont l’ancienne garde des Sceaux de François Hollande, Christiane Taubira, qui vient pourtant de déclarer qu’elle ne sera pas candidate, elle qui n’avait recueilli que 3,2 % des suffrages lors de la Présidentielle de 2002. D’autres figures politiques rencontrent aussi un beau succès dans le cadre de cette démarche assez inédite. C’est le cas en particulier du député de la France Insoumise, François Ruffin qui se place pour l’instant en tête des potentiels candidats masculins.

Mais son challenger actuel est donc Gaël Giraud, cet inconnu qui pour l’instant fait mieux que Yannick Jadot, Benoît Hamon ou même Jean-Luc Mélenchon, dont la notoriété est pourtant incontestablement supérieure. A 51 ans, ce prêtre jésuite, économiste de profession, ancien économiste en chef de l’Agence Française de Développement, qui enseigne la théorie des jeux et l’économie mathématique à la Sorbonne et à l’École polytechnique, et qui n’a jamais détenu le moindre mandat électif, fait un peu figure d’OVNI parmi cet aréopage de militants politiques chevronnés…

Gaël Giraud, le jésuite économiste iconoclaste (photo © Clément Tissot / Revue Projet)

Cet enseignant-chercheur, formé à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm puis à l’École nationale de la statistique et de l’administration économique (ENSAE), entré au CNRS en 1999 et qui a refusé en 2003 un poste de trader à New York avant d’entrer dans les ordres et de soutenir une thèse de doctorat en théologie politique, est pourtant, malgré son cursus atypique, un militant incontestable de la transition écologique, membre du conseil scientifique de la Fondation Hulot et du Shift Project, qui alerte sans relâche depuis 2012 sur les risques liés au réchauffement climatique et à l’utilisation de ressources énergétiques non renouvelables.

Dans la chronique régulière qu’il livre depuis 2007 à la revue Projet sur l’actualité économique et financière, il insiste notamment sur la nécessité d’investir massivement en faveur d’une transition écologique ambitieuse, de plafonner les revenus, d’annuler les dettes souveraines détenues par la Banque centrale européenne (BCE), ou encore d’instaurer davantage de protectionnisme aux frontières de l’Europe.

Le prêtre jésuite Gaël Giraud dialoguant avec Nicolas Hulot dans la cathédrale Notre-Dame de Paris en novembre 2015 (photo © Corinne Simon / La Croix)

En juillet 2021, celui qui n’est pas candidat déclaré mais dont le nom figure néanmoins en bonne position de cette Primaire Populaire, faisait ainsi état sur son blog de 12 mesures phares qu’il souhaite mettre en avant et qui sont pour le moins iconoclastes. Adepte d’une démocratie citoyenne redynamisée, il propose ainsi un rapporteur citoyen chargé de présenter devant l’Assemblée tout amendement élaboré par la formation citoyenne du Conseil économique, social et environnemental, ou issu d’une pétition citoyenne rassemblant au moins 50 000 voix. Pour renforcer les capacités de projections militaires et humanitaires de la France, il suggère le lancement d’un projet d’avion gros porteur qui fait toujours défaut à la défense nationale, tandis qu’il souhaite tendre progressivement vers un futur service national obligatoire.

Le blog de Gaël Giraud, une source de réflexion sur l’actualité économique et politique, et de propositions pour la prochaine présidentielle…

Pour faire face à l’hégémonie américaine des GAFAM, il préconise le lancement d’une suite numérique européenne sécurisée et simple d’utilisation. Il propose des solutions pour reprendre en main la BCE et favoriser l’investissement public. Il envisage la mise en place d’une protection sociale alimentaire pour répondre aux besoins de millions de Français qui rencontrent des difficultés au quotidien pour se nourrir. Il suggère la création d’une banque publique de l’eau pour répondre aux besoins d’investissement majeurs en vue de sécuriser et optimiser les réseaux de distribution, notamment dans les DOM-TOM. Pour favoriser l’efficacité thermique des bâtiments dans un contexte de changement climatique global, il estime nécessaire d’investir de l’ordre de 20 milliards d’euros par an.

Inscrire les préoccupations environnementales au cœur des enjeux de l’Éducation nationale, revoir la tarification des actes médicaux, rééquilibrer la pression fiscale pour un impôt progressif plus juste en faveur des classes moyennes, ou encore renforcer le statut des salariés face à l’actionnariat au sein des entreprises, sont autant de mesures humanistes et progressistes émises par ce prêtre jésuite et économiste averti qui se penche ainsi au chevet de notre société sans craindre de mettre les mains dans le cambouis. Une belle révélation de cette Primaire Populaire, et peut-être un des acteurs politiques des prochaines élections présidentielles ?

L. V.

La rade de Marseille, patrimoine de l’humanité ?

18 septembre 2021

Décidément, ce fameux Congrès mondial de la nature qui s’est tenu début septembre 2021 à Marseille a été l’occasion d’annonces tonitruantes. Le Président de la République en personne y a notamment évoqué sa volonté de porter, d’ici 2027, à 5 % la part de l’espace maritime méditerranéen en France bénéficiant d’une « protection forte », et peut-être de l’étendre ensuite à 10 % d’ici 2030, ce qui est considéré comme un seuil minimal pour que cela ait un impact réel sur la biodiversité. Il faut dire que cette part n’excède pas 0,2 % actuellement, ce qui est tout à fait insuffisant, surtout lorsque des braconniers profitent des zones de non pêche pour y faire leur marché, comme cela a été le cas pendant des années au cœur même du Parc national des Calanques !

Emmanuel Macron au Congrès mondial de la nature à Marseille le 3 septembre 2021 (photo © Patrick Gherdoussi / Libération)

Mais le maire de Marseille, Benoît Payan, n’est pas non plus passé inaperçu à ce même Congrès mondial de la nature qui se tenait pour la première fois dans la cité phocéenne, en y annonçant son projet de faire classer la rade de Marseille au patrimoine mondial de l’UNESCO. « C’est quelque chose d’extraordinaire que l’on a à Marseille, avec 57 km de littoral, de biodiversité et d’histoire à protéger, c’est un espace naturel urbain incroyable, avec un passé industriel. Il s’agit pour nous de le sanctuariser et de le protéger pour savoir véritablement le léguer et le transmettre à ceux qui viendront après nous » s’est ainsi enflammé le maire à la tribune du congrès.

Benoît Payan au Congrès mondial de la nature organisé par l’UICN à Marseille le 3 septembre 2021 (source © Twitter)

Une annonce qui a produit son effet, ce linéaire de 57 km de littoral pour la deuxième ville de France étant en soi de nature à frapper les esprits car peu de communes françaises peuvent s’enorgueillir d’un tel patrimoine, d’autant que certains n’hésitent pas à porter ce linéaire total à 115 km en comptant toutes les îles éparpillées au large de l’agglomération. Et le Maire n’a pas tort de mettre en avant la richesse patrimoniale de ce littoral exceptionnel à plus d’un titre, tant pour la beauté sauvage de ses paysages des calanques aux falaises abruptes tombant dans la Grande Bleue, que pour la profondeur historique de cette rade qui servait déjà de sanctuaire aux hommes préhistoriques venus y laisser l’empreinte de leur main il y a plus de 27 000 ans avant d’y voir s’implanter une petite colonie grecque issue d’Asie mineure et venant y créer, 600 ans avant J.-C., un comptoir commercial au pied des oppidums celto-ligures qui occupaient alors les points hauts du territoire.

Les îles de l’archipel du Frioul dans la rade de Marseille avec la ville en arrière-plan (photo © Camille Moirenc / 438)

Au fil des siècles, l’emprise urbaine sur ce littoral de rêve ne s’est pas faite sans heurts. L’industrialisation, justement reléguée le long des côtes rocheuses jugées alors inhospitalières et hors des limites de la ville, y a fait des ravages, avec ses usines de soude et ses installations métallurgiques laissant d’immondes crassiers de sols pollués en bordure même de la mer tandis que les fonds marins se chargeaient en plomb, zinc, arsenic et autres joyeusetés. Les rejets en mer des fameuses boues rouges issues de l’usine d’alumine de Gardanne et qui se sont accumulées année après année au large de Cassis ont bien contribué aussi à la dégradation de la biodiversité autrefois d’une richesse extrême.

Les excès de la pêche industrielle et du braconnage de loisir ont fortement contribué aussi à cette perte irréversible de la biodiversité locale, de même que l’explosion du trafic maritime avec ses multiples impacts sur la qualité de l’air et des eaux, mais aussi les nombreux déchets et pollutions générés par les bateaux de croisière comme par les tankers ou les porte-containers, sans même parler des nuisances sonores qui perturbent la faune marine ou des ancres qui arrachent les posidonies et favorisent le développement des espèces invasives.

Une bétonisation de la frange littorale marseillaise (ici le Cercle des Nageurs, sur la plage des Catalans) qui s’est faite au mépris de la préservation du rivage (source © Tourisme Marseille)

Et encore faudrait-il ajouter à ce tableau déjà bien sombre les effets de l’urbanisation et de la bétonisation qui n’hésite pas à empiéter sur le domaine maritime, mais aussi des activités balnéaire qui contribuent à souiller les criques baignables, et surtout les multiples déchets et pollutions charriés par les cours d’eau dont l’Huveaune et les Aygalades ainsi que tout ce qui provient du réseau d’eaux pluviales, des rejets d’eau usées via l’exutoire de Cortiou en plein cœur du Parc national des Calanques et des envols de déchets urbains qui finissent tous par atterrir dans la Méditerranée qu’ils contribuent largement à rendre impropre au développement de la flore et de la faune qui en faisaient la richesse naturelle.

Déchets sur le littoral méditerranéen, une source majeurs de dégradation de l’écosystème… (source © You matter)

Bref, il serait grand temps en effet d’attraper le sujet à bras le corps et d’engager sans tarder les actions de nature à préserver un tant soit peu cette richesse exceptionnelle du littoral marseillais pour les générations futures. L’idée d’un classement de ce littoral au patrimoine mondial de l’UNESCO, pour symbolique qu’elle soit, relève assurément de cette logique qui consiste à braquer les projecteurs sur un problème qui concerne tout un chacun puisque chaque habitant de l’agglomération marseillaise est nécessairement à la fois responsable de cette dégradation inexorable de ce patrimoine et en même temps bénéficiaire des efforts qui pourront être faits pour le préserver.

Certes, l’inscription sur cette liste du patrimoine mondial de l’humanité n’aura pas d’effet direct, ni en termes de réglementation (déjà bien fournie, mais pas toujours appliquée avec la rigueur nécessaire), ni en termes de financement. Voir demain figurer la rade de Marseille au rang de cette liste mondiale de « biens culturels et naturels présentant un intérêt exceptionnel pour l’héritage commun de l’humanité » , parmi plus de 1000 sites actuellement classés dont 49 déjà en France, aurait néanmoins la vertu d’inciter tous les acteurs concernés – et ils sont nombreux ! – à mieux prendre en considération ce patrimoine jadis exceptionnel et aujourd’hui en danger, qu’il convient de préserver voire de régénérer pour le bénéfice de toute l’humanité.

Bien sûr, certains pointent les effets pervers d’une telle inscription qui pourrait inciter à augmenter la notoriété et donc la fréquentation du site déjà très vulnérables et où l’on envisage au contraire de limiter l’accessibilité dans certaines calanques. L’exemple du golfe de Girolata et de la réserve de Scandola, en Corse, qui bénéficient déjà d’un tel classement incitent de fait à la prudence. Pour autant, affirmer l’intérêt patrimonial majeur de la rade de Marseille aurait du sens et obligerait sans doute à regarder d’un autre œil cette beauté qui s’étale à nos portes et dont nous avons trop tendance à négliger la vulnérabilité ; chiche ?

L. V.

Solaire flottant : une nouvelle source d’énergie renouvelable

14 septembre 2021

N’en déplaise aux détracteurs des énergies renouvelables qui ne jurent que par le nucléaire, la production d’électricité par capteurs photovoltaïques connaît un beau développement en France. Selon un rapport de l’ADEME, la puissance totale de production photovoltaïque installée en France atteignait, fin 2019, 9934 MW, pour l’essentiel raccordé au réseau, à l’exception d’environ 30 MW produit en site isolé pour les besoins locaux. Bien sûr, rapportée à l’ensemble de la capacité de production d’électricité française qui s’élevait en 2019 à 135,3 GW, cela reste faible. La part des énergies renouvelables dans cette capacité de production représente néanmoins désormais 53,6 GW, soit un peu plus de 40 % du total, ce qui commence à être très significatif, même si cette capacité de production d’électricité renouvelable provient majoritairement de l’hydraulique et de l’éolien.

Moutons pâturant au milieu de la centrale solaire de Vinon-sur-Verdon, qui s’étend sur plus de 9 ha (source © Le Moniteur)

En termes d’énergie produite, on estime ainsi qu’en 2019, on a produit en France 11,6 TWh, en augmentation de 14 % par rapport à l’année précédente, ce qui confirme le dynamisme de la filière photovoltaïque en France. Rapportée à la consommation totale d’électricité en France, qui était de 474 TWh en 2019, cela ne représente encore que moins de 2,5 % des besoins électriques du pays. Mais force est de constater que l’équipement en photovoltaïque solaire se développe rapidement en France. Vingt ans plus tôt, en 1999, la puissance photovoltaïque installée n’était ainsi que de 9 MW en France et,10 ans plus tard, elle était passée à 371,2 GW. Une capacité de production qui a donc été multipliée par 1000 en 20 ans et par près de 30 au cours des 10 dernières années !

Bien entendu, la production d’électricité solaire n’est pas près de répondre à tous nos besoins, d’autant qu’elle présente deux handicaps majeurs : le fait d’être intermittente mais aussi les superficies au sol qu’elle mobilise, même si nombre d’installations se font en toiture ou sous forme d’ombrières. Sur ce dernier point cependant, des solutions existent. Nombre d’installations photovoltaïques au sol se font désormais sur d’anciens sites industriels pollués, voire d’anciennes décharges comme c’est le cas sur celle d’Entressen par exemple, sites dont la réhabilitation pour d’autres usages coûterait très cher et qui peuvent ainsi être valorisés à moindre coût.

Centrale photovoltaïque mise en service en 2012 sur le site de l’ancienne décharge d’Entressen à Saint-Martin de Crau, sur 29 ha (photo © EDF-EN / L’Usine nouvelle)

Mais les plans d’eau peuvent aussi devenir un support pratique pour des panneaux photovoltaïques à condition d’installer ces derniers sur des flotteurs, sous forme de radeaux ancrés au fond. La technologie, développée notamment au Japon connaît depuis un grand succès mondial. En mai 2017, la Chine a ainsi mis en service une centrale solaire flottante de 40 MWc sur un lac artificiel implanté à l’emplacement d’une ancienne mine de charbon dont les eaux polluées étaient totalement impropres à tout autre usage. Depuis, de nombreuses autres fermes photovoltaïques flottantes de grande taille ont fleuri sur d’autres sites chinois, mais aussi en Inde et en Australie notamment.

Centrale photovoltaïque flottante mise en service en Chine en 2017 au droit d’une ancienne mine de charbon (photo © Anhui Energy Administration / Maison de l’énergie)

En France, c’est la PME lilloise Ciel & Terre qui a, la première, importé la technique en développant son propre dispositif breveté sous le nom d’Hydrelio, lequel a fait l’objet d’un premier test en vraie grandeur sous la forme d’une installation pilote de 15 kWc sur un ancien lac de gravière à Piolenc, dans le Vaucluse. Fruit d’un partenariat avec le producteur français d’énergie renouvelable, Akuo Energy, ce projet a abouti en 2019 à l’inauguration de la centrale photovoltaïque flottante alors la plus grande d’Europe, implantée sur cette même gravière de Piolenc : 47 000 panneaux solaires flottant déployés sur 17 ha, en attendant d’autres réalisations comparables en particulier à Raissac d’Aude, toujours à l’emplacement d’anciennes carrières en eau.

Centrale photovoltaïque flottante de Piolenc dans le Vaucluse (photo © Akuo energy / France Bleu)

Bien évidemment, la région PACA est particulièrement adaptée pour le développement de ce type d’installations. Outre le site de Piolenc, c’est celui du Vallon Dol, une réseau d’eau brute exploitée par la Société du Canal de Provence , située sur les hauteur de Marseille près de l’usine de traitement des eaux de Sainte-Marthe, qui pourrait ainsi être équipée au moyen de panneau photovoltaïques flottants. Le projet, à l’étude depuis quelques années et qui vise une puissance installée de 12 MWc pour une superficie de 10 à 12 ha de panneaux et un coût estimé à 10 M€, vient d’obtenir le feu vert de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation qui s’inquiétait des interférences éventuelles des radeaux flottants en matière plastique sur une réserve d’eau destinée à l’alimentation en eau potable.

La réserve d’eau de Vallon Dol sur les hauteurs de Marseille (photo © Camille Moirenc / SCP / GoMet)

En parallèle, un autre site au moins est en train de voir le jour, dans le sud des Hautes-Alpes cette fois, sur le lac de barrage de Lazer. C’est la société EDF renouvelables qui pilote ce projet dont la mise en service est prévue pour le printemps 2022. La puissance de cette installation sera de 20 MWc et les panneaux seront déployés sur une superficie totale de 24,5 ha, soit les deux tiers de l’étendue du lac. L’idée est séduisante puisque la part d’électricité produite par cette future centrale photovoltaïque sera sensiblement équivalente à celle issue de la centrale hydroélectrique déjà alimentée par ce lac de barrage artificiel. Sur place, les ancrages des futurs flotteurs ont déjà été posés au printemps dernier et, cet été, Enedis a enfoui une nouvelle ligne électrique sur 9 km pour raccorder la futur centrale au réseau de distribution électrique.

Mise en place des ancrages pour la future centrale flottante de Lazer (photo © Enedis Provence Alpes sud / Actu.fr)

Nul doute que cette technologie qui se développe à grands pas dans le monde entier a de beaux jours devant elle en France où les sites à équiper ainsi ne manquent pas…

L. V.

Marseille, pas encore vraiment en marche…

12 septembre 2021

Rarement déplacement présidentiel aura eu autant d’échos que les trois jours complets que le Président de la République, Emmanuel Macron vient de passer à Marseille, bras dessus bras dessous avec le nouveau maire de la ville, Benoît Payan, et venu lui confirmer que l’État participera bien au financement du vaste plan de rénovation des écoles publiques laissées en déshérence complète depuis des décennies par Jean-Claude Gaudin qui avait bien d’autres priorités.

Emmanuel Macron avec Benoît Payan à Marseille le 2 septembre 2021 (photo © Guillaume Horcajuelo / AFP / Le Dauphiné libéré)

Un plan ambitieux à 1,2 milliards d’euros mais qui n’est malheureusement pas la seule préoccupation de la cité phocéenne, confrontée à la violence qui se déchaîne des certaines citées des quartiers nord, à l’absence de logements sociaux et à la dégradation de l’habitat dans le centre-ville, mais aussi aux dysfonctionnements de la métropole et au retard monstrueux pris dans le développement des transports publics.

Assurément, Emmanuel Macron a mouillé la chemise lors de ce déplacement et pas seulement sous l’effet de la violente averse qui s’est abattue sur les jardins du Pharo alors qu’il tentait difficilement de se faire entendre. Il aurait pu se contenter de faire un discours convenu à l’occasion du congrès mondial de la nature organisé au parc Chanot par l’UICN, mais il a tenu à enchaîner les déplacements sur le terrain, entre visite d’école, rencontre avec les habitants de la cité Bassens, entretien avec les élus locaux, passage au commissariat, déjeuner avec Martine Vassal et même sortie en mer dans les Calanques.

Le Président de la République sur le voilier 7e Continent à Marseille le 3 septembre 2021 (photo © Daniel Cole / EPA / MaxPPP / La Croix)

Pour autant l’énergie débordante dont a fait preuve le Président « en Marche » lors de ce long séjour méridional ne peut suffire à masquer le fait que l’agglomération marseillaise traîne globalement les pieds, et pas seulement sur le plan de son organisation institutionnelle malgré la pluie de critiques que n’a pas hésité à déverser le Président de la République évoquant les multiples blocages « parce qu’à Marseille, c’est trop compliqué. Parce que c’est le seul endroit où on a créé une Métropole qui passe beaucoup trop de temps à redistribuer, qui a gardé la complexité d’avant, avec des coûts de fonctionnement trop importants et qui, du coup, a, elle aussi, du mal à porter les projets d’intérêt métropolitain. Tout cela doit se régler (…) Sinon, je ne mets plus d’essence dans un système qui continue à garder les mêmes freins... »

Le 7 septembre 2021, le collectif Place aux piétons qui regroupe plusieurs associations, parmi lesquelles rue de l’Avenir et 60 millions de piétons a rendu publics les résultats d’une étude réalisée en collaboration avec la Fédération française de la randonnée pédestre, et qui résulte d’une large consultation nationale des Français amenés à se prononcer sur leur ressenti en tant que piéton dans leur ville. Plus de 43 000 personnes ont répondu de manière exploitable à ce questionnaire, ce qui permet d’avoir une vision assez représentative de la réalité pour 200 villes qui figurent donc dans ce premier baromètre des villes « marchable », celle où il fait bon se balader à pied.

Forcément, à cette aune, on se sera pas surpris de retrouve en tête de ce palmarès des petites villes comme Acigné ou Cesson-Sévigné, en Bretagne, qui figurent aux premières places, classées selon des critères de sécurité, de confort mais aussi en tenant compte des efforts faits par les communes pour rendre plus agréable les déplacements des piétons. Inutile de chercher dans ce classement la ville de Carnoux-en-Provence avec ses trottoirs minuscules et souvent encombrés de voitures en stationnement, où le piéton est frôlé par les voitures et les camions lancés à pleine vitesse quand il ne risque pas carrément l’électrocution

Des trottoirs trop souvent encombrés par un stationnement illicite et du mobilier urbain inadapté (source © 60 millions de piétons)

Seules les communes pour lesquelles au moins 40 personnes ont renvoyé un questionnaire exploitable sont prises en compte dans cette analyse, pour des raisons statistiques évidentes, mais toutes les catégories de villes sont bien représentées, ce qui permet de constater que des communes de taille moyenne, comme Chambéry, Bourges, Vannes ou Vincennes tirent plutôt bien leur épingle. Dans la catégorie des villes de plus de 200 000 habitants, c’est Rennes qui arrive en tête du classement, suivie, sans surprise par des villes comme Strasbourg, Nantes, Lyon ou Bordeaux. En revanche, la ville de Marseille se classe bonne dernière de ce palmarès national avec une note de ressenti global des piétons qui ne dépasse pas 5,2 sur 20, tandis que la note qui évalue la perception par les habitants des efforts faits par la municipalité pour rendre la marche en ville plus sûre et plus agréable atteint le triste record de 3,2 sur 20.

Des priorités clairement identifiées pour faciliter la marche en ville… (source © dossier de presse Place aux piétons)

Assurément, la marge de progression pour que Marseille se mette enfin à la marche à pied, reste élevée et nul doute que la municipalité actuelle va regarder de près cette enquête pour tenter de remédier à cette situation peu glorieuse, elle qui a déjà instauré des journées sans voitures sur le Vieux-Port et sur la Corniche.

Des élus de Marseille, dont le maire, Benoît Payan, à l’occasion de la première édition de La voie est libre , sur la Corniche le 23 mai 2021, édition renouvelée depuis le 13 juin et le 12 septembre 2021 (photo © Julie Rampal-Guiducci / GoMet)

D’ailleurs, ce constat des difficultés à se déplacer à pied en ville est globalement assez partagé au niveau national et est loin d’être une spécificité marseillaise puisque la moyenne des notes en terme de ressenti global ne dépasse pas la moyenne avec une valeur de 9,2 sur 20 sur l’ensemble des 200 villes classées. Trottoirs trop étroits, mal entretenus et encombrés par du mobilier urbain inutile, stationnement sur les trottoirs, conflits d’usage avec les deux-roues et les trottinettes, mauvaise qualité de l’air, absence de bancs et de toilettes publiques, carrefours dangereux, etc. Les chantiers pour rendre la vie du piéton en ville sont innombrables et le sujet devrait encore être amplement débattu à l’occasion des premières assises de la marche piétonne qui se tiendront le 17 septembre 2021, à… Marseille justement !

L. V.

Comment réformer une métropole « tribale » ?

9 septembre 2021

Ancien président du Conseil de développement de Marseille Provence Métropole et élu d’opposition à Carnoux-en-Provence depuis mars 2020, Jacques Boulesteix est notamment l’auteur de l’ouvrage « Entre peur et raison, La métropole Aix-Marseille-Provence » (éditions de l’Aube, 2015), dans lequel il analysait en détail les forces et les faiblesses de la construction métropolitaine marseillaise. Dans cette tribune rédigée le 3 septembre 2021 et publiée par GoMet, il réagit aux annonces du président de la République, Emmanuel Macron, à l’issue de déplacement de ce dernier à Marseille, au cours duquel il a présenté plusieurs initiatives dans le cadre d’un plan d’actions intitulé « Marseille en grand ».

Emmanuel Macron détaillant son plan d’action Marseille en grand depuis les jardins du Pharo le 2 septembre 2021 (photo © Théo Giacometti et Hans Lucas / Le Monde)

Le Président de la République est donc venu à Marseille pour réaffirmer que l’État apportera toute son aide à la seconde ville de France et à son aire métropolitaine. C’est un élément majeur. En leur temps les premiers ministres Jean-Marc Ayrault (2013), puis Manuel Valls (2015 et 2016) avaient déjà promis quelques milliards qui se font toujours attendre. Cette fois-ci, c’est le Chef de l’État en personne qui a annoncé des investissements « massifs » de l’État pour un territoire qu’il considère en situation d’urgence « sécuritaire, sociale et sanitaire ».

Ces trois urgences sont évidentes. Le scandale de la catastrophe de la rue d’Aubagne, la mise au grand jour du délabrement inouï des écoles et la ghettoïsation insécuritaire d’un tiers toujours plus appauvri de la ville, ont visiblement changé la donne. Pendant 20 ans, les responsables politiques locaux avaient préféré « mettre la poussière sous le tapis » et repousser les problèmes. Et pas que les responsables municipaux ! Rappelons-nous du saugrenu projet de « pont transbordeur » enjambant le Vieux Port, soutenu par le Président de la Région à la veille des dernières élections municipales.

Emmanuel Macron accompagné de Jean-Michel Blanquer dans une école de Marseille le 2 septembre 2021 (photo © Daniel Cole / France TV Info)

Car, à l’incurie de la gestion municipale des deux dernières décennies, s’ajoutent les incohérences des financements des autres collectivités, soit pour des raisons politiques soit pour des raisons structurelles. L’État a également joué à l’autruche, alors qu’il aurait pu, depuis longtemps, initier une stratégie à l’échelle de l’aire métropolitaine. Toutes ces années, chacun a voulu, en quelque sorte, tirer profit de la faiblesse des autres. Durant 50 ans, nous n’avons élaboré aucun projet à l’échelle métropolitaine. Et pour cause ! Si certaines communautés urbaines ont été constituées dès la fin des années 1960, Marseille a été la dernière grande ville française à voir son aire métropolitaine politiquement structurée, en 2016. Et encore, largement avec l’opposition d’une majorité de communes… Cela nous a coûté cher. Lyon a 50 ans d’expérience métropolitaine. Sa métropole a fusionné avec une partie du département du Rhône dès 2015. Corrigée du nombre d’habitant, la région lyonnaise affiche une activité économique 20 % plus importante et presque 100 000 emplois de plus que dans la métropole marseillaise. Le taux de pauvreté est de 18,6 % pour la métropole marseillaise, contre 16,1 % pour celle de Lyon.

Reconnaissons au Président de la République d’avoir analysé que, sans l’effort de l’État, et sans doute sans son autorité, il n’y aura pas de rétablissement. Il a été également clair sur un point : la Métropole est inefficace et « a du mal à porter des projets d’intérêt commun ». C’est le point central. Dans un style très direct, il a insisté sur la nécessité de régler « les problèmes d’organisation et de gouvernance ». « Sinon, je ne mets plus d’essence dans un système qui continue à garder les mêmes freins. C’est non. » … « Il faudra peut-être modifier la loi et moderniser à un rythme forcé. Sinon ça ne marchera pas. »

Le Président de la République après son discours du 2 septembre 2021 à Marseille (photo © Reuters / La Tribune)

Reste à voir si le chef de l’État se donnera les moyens politiques de faire évoluer la législation afin de donner enfin un véritable sens à la Métropole. Aujourd’hui, celle-ci se réduit à une « métropole des maires » paralysée par un localisme politique suranné. Ceux-ci l’ont compliquée à l’extrême, par exemple en exigeant la création, unique en France, de six Conseils de Territoire, strate artificielle, coûteuse et totalement inutile, où néanmoins, les présidents et vice-présidents sont confortablement indemnisés. Ils l’ont vidée de toute logique globale : lors des transferts des équipements communaux en 2017, par exemple, de petits équipements locaux, qui ne sont pas à l’évidence de nature métropolitaine, ont été transférés à la Métropole alors que ceux qui le sont à l’évidence ne l’ont pas été. De même, des transferts de financements d’équipements locaux, votés en urgence par les municipalités quelques mois avant la mise en place de la métropole, ont durablement hypothéqué les nouveaux projets d’intérêt général, notamment en matière de transports.

Passée la période d’opposition stérile et les multiples recours administratifs, la plupart des maires tirent en fait aujourd’hui un large bénéfice de cette Métropole redistributive qui privilégie l’intérêt municipal plutôt que l’intérêt métropolitain. Les maires sont donc pour le statu quo et réticents à tout rééquilibrage territorial. Certes, tant bien que mal, mais avec grande lenteur, le conseil métropolitain a pu élaborer les grands schémas dont il a la compétence exclusive, mais peu ont encore été approuvés, et les plans ne suffisent pas.

Des relations qui restent tendues entre le maire de Marseille, Benoît Payan, et la présidente du Département et de la Métropole, Martine Vassal (photo © Frédéric Speich / La Provence)

Le mélange des élections a également favorisé cette situation malsaine en entraînant une absence de débat métropolitain lors des dernières élections municipales. Ce scrutin particulier fait souvent des maires les seuls conseillers métropolitains de leur commune. Il ne leur impose aucun bilan ou discussion en conseil municipal. Quelque part, cela réduit la métropole à une institution « tribale », territoriale ou politique, souvent les deux, avec ses alliances et ses guerres, ses souverains et ses vassaux, que les politologues dissèquent avec une patience d’ethnologues.

La Métropole ne réussira que si elle constitue une collectivité de plein exercice, avec une élection au suffrage direct indépendante. Il y a nécessité à de véritables débats démocratiques autour de programmes politiques et de listes de candidats à son échelle. La situation actuelle, dans laquelle les seules listes sont communales n’a aucun sens. Elle morcelle la métropole et éloigne les citoyens de la démocratie à l’échelle métropolitaine, alors que celle-ci constitue aujourd’hui leur véritable aire sociale, culturelle et économique d’emploi, d’activités, de loisirs, de commerces, d’études et d’habitat.

Le Président de la République au chevet de Marseille : après la pluie de critiques, le soleil des retrouvailles ? (photo © AFP / L’Express)

La Métropole, c’est d’abord l’affaire des citoyens. Elle ne pourra se développer qu’avec eux et pour eux. Cet espace de vie commun ne peut supporter plus de disparités sociales et territoriales. La Métropole doit être d’abord un espace de solidarités pour être un espace de développement. Il est illusoire de penser que cela ne se fera pas sans une nouvelle légitimité, celle de la démocratie, et donc d’un changement dans le mode d’élection. La concrétisation des promesses présidentielles ne se fera qu’à ce prix.

J. Bx.

Végétalisation, phylogénie et Charlemagne…

7 septembre 2021

Pourquoi ces termes hétéroclites rassemblés dans ce titre ? Car un lien existe bien entre ces sujets, rattachant le présent, la botanique et le passé.

Végétalisation : un récent article paru sur ce blog évoquait un aspect d’une reconquête des espaces urbains afin de répondre à la prise de conscience des enjeux de développement durable, liés en particulier au dérèglement climatique et à la perte de biodiversité en milieu urbain. Les arguments écologistes prennent un relief nouveau avec ces tentatives de végétalisation. De New York à Marseille, de Madrid à Milan, dans de nombreuses métropoles on assiste à un verdissement des villes sous l’impulsion des municipalités, des collectivités ou d’initiatives d’associations locales. C’est même le cas à Carnoux-en-Provence avec « Un jardin se crée à Carnoux » qui contribue à l’initiation des jeunes élèves, à la découverte des plantes de notre région, en plantant divers végétaux faisant découvrir, avec les enseignants de l’école élémentaire, à l’occasion d’ateliers, les vertus de la permaculture et des différentes techniques de jardinage.

Exemple d’agriculture urbaine en toiture, la ferme Nature Urbaine (photo © Remon Haazen / SIPA / Madame Figaro)

Pour les citadins il est difficile de s’adonner au jardinage, l’espace foncier étant limité, mais des solutions ont été trouvées et nombreux sont les toits terrasses, toits de parkings, balcons, bacs dans les cours d’immeubles qui permettent des cultures hors sol, pour un simple agrément personnel ou exploiter un potager ou fournir des herbes aromatiques.

Mais, savons-nous comment nos plantes actuelles sont apparues et ont évolué pour fleurir nos jardins ou participer à notre alimentation?

Phylogénie : c’est l’étude des liens de parenté (relations phylogénétiques ou phylétiques) entre les êtres vivants et ceux qui ont disparu. C’est ainsi que les botanistes, à partir du classement des familles de végétaux par leurs caractéristiques, ont pu remonter le temps et estimer l’apparition des premiers végétaux terrestres à environ 500 millions d’années. Une équipe scientifique britannique fonde ses hypothèses sur l’horloge moléculaire, c’est-à-dire sur le fait que les génomes de différentes espèces divergent en raison des mutations génétiques à une vitesse constante. C’est en combinant les données génétiques des espèces actuelles et en reliant leur histoire à celles des fossiles, connus et datés, que les chercheurs ont été conduits à revoir la chronologie des plantes terrestres. Ainsi selon Mark Puttick, biologiste évolutionniste, « nos résultats montrent que l’ancêtre des plantes terrestres était vivant au milieu de la période cambrienne, ce qui correspond à un âge similaire à celui des premiers animaux terrestres connus ».

Une liste exhaustive classe selon une hiérarchie codifiée (ordre, famille, genre, espèce) les végétaux qui existent sur notre terre. Dès l’Antiquité les hommes ont accordé une grande importance aux végétaux qui assurent leur nourriture. Dans la Bible, le livre des Nombres – chapitre 11, verset 5 – évoque ainsi « les concombres, les melons, les poireaux, les oignons et l’ail ».

Détail d’une fresque murale égyptienne datée du XIII au XIe siècle avant notre ère, évoquant les premières cultures céréalières (source © Le Point)

Des vertus autres que nourricières sont accordées aux plantes. Le poireau était cultivé dans l’Égypte ancienne où il symbolisait la victoire : le pharaon Kheops en offrait à ses meilleurs guerriers. Hérodote rapporte que le premier conflit social connu de l’histoire de l’humanité fut provoqué par la ration d’ail supprimée aux ouvriers égyptiens construisant la pyramide de Khéops.

La joubarbe ou « barbe de Jupiter » (plante à fleurs roses), d’après une croyance populaire suggérait que la plante éloignait la foudre, attribut de Jupiter; c’est pourquoi la joubarbe des toits était plantée sur les toits des habitations autrefois.

La Joubarbe des toits, Sempervivum tectorum (source © Wikipedia)

L’histoire démontre que les hommes ont toujours voulu, par nécessité, au cours du temps développer l’agriculture, que se soit dans les champs ou dans de simples potager, leur survie en dépendait. Certains monarques éclairés, dans le passé ont encouragé le perfectionnement des techniques agricoles tandis que bien des responsables politiques contemporains modernes cherchent désormais à favoriser le « verdissement » des villes. Ainsi, à Lyon, dans l’entre-deux-guerres, les architectes Tony Garnier (bien connu à Carnoux) et Le Corbusier prônent un verdissement massif et indifférencié de l’environnement des villes, dans le cadre d’une politique sociale visant à améliorer les conditions de vie des classes populaires.

Beaucoup plus loin dans le passé Charlemagne fut un de ces monarques attaché au bien-être de ses sujets en assurant leur subsistance…

Charlemagne, l’empereur à la barbe fleurie, selon un portait de Louis-Félix Amiel peint en 1837 (source © L’Histoire par l’image)

Charlemagne : empereur à « la barbe fleurie ». Serait-ce là son seul lien à la végétalisation des espaces, celle de sa pilosité ? Non, « fleurie » signifiait dans les textes anciens « blanche ». Alors quel rapport avec nos espaces contemporains à verdir ?

Charlemagne est aussi le nom de l’un des quatre prestigieux lycées d’État créés en 1804 sur ordre de Bonaparte (loi du 11 floréal an X -1er mai 1802). Les bâtiments du lycée sont ceux de l’ancienne maison professe des Jésuites, construite à partir de la fin du XVIe siècle et qui fut le quartier général de la Ligue ainsi qu’un foyer d’intrigues contre Henri III. Située dans le Marais, rue Saint-Antoine, dans le 4ème arrondissement de Paris, cette bâtisse a ainsi été le témoin du passage d’illustres ecclésiastiques qui ont marqué l’Histoire de France au temps de l’Ancien régime et, depuis le début du XIXe siècle, a vu passer de nombreux élèves qui ont ensuite laissé leur nom dans la politique, les lettres, l’art, la science….

Le lycée Charlemagne dispose d’une grande cour, très minérale, avec peu, voire pas d’espaces verts. Dans le cadre des orientations pédagogiques visant à favoriser les initiatives d’éducation au développement durable, la direction du lycée a contacté l’association Veni Verdi afin d’accompagner les élèves dans un projet de végétalisation du lycée, à travers la construction de bacs de culture et la plantation de végétaux comestibles et d’ornement. Ces ateliers consisteront en la construction et l’aménagement de 6 bacs de culture dans la cour principale.

Simulation du volume des bacs prévus dans la cour du lycée Charlemagne (source © VeniVerdi)

Informé de ce projet, un ancien élève du Lycée, issu du Muséum d’Histoire naturelle de Paris, s’est proposé de s’associer à ce projet en suggérant de réintroduire les plantes cultivées à l’époque Carolingienne. Un retour vers futur en quelque sorte !

En effet Charlemagne fit promulguer le Capitulaire de Villis, ou plus exactement le Capitulare de Villis vel curtis imperii qui est un acte législatif datant de la fin du VIIIe siècle ou du début du IXe siècle contenant la liste d’une centaine de plantes, arbres, arbustes ou simples herbes dont la culture est préconisée, ordonnée, dans les jardins du domaine royal. C’est une longue énumération de plantes, d’herbes, d’arbres fruitiers, de plantes textiles et tinctoriales (pour la teinture) que les domaines royaux se doivent de cultiver.

Jardin médiéval de Castelnaud en Dordogne (source © perigord.com)

Pour en citer quelques unes : genévrier sabine, échalote, oignon, ciboule, poireau, ail, ciboulette, scille maritime, glaïeul & iris, lis, ammi élevé, aneth, cerfeuil, céleri, carvi, coriandre, cumin, carotte, fenouil, livèche, panais, persil, anis vert, chervis, maceron, bardane, aurone, estragon, balsamite, tanaisie, souci, chicorée, cardon, laitue, camomille, chou, chou-rave, roquette, cresson, radis & raifort, moutarde, sisymbre, bette, brède, arroche, coloquinte, melon, concombre, gourde, pois chiche, pois, fenugrec, fève, mongette, garance, menthes (mentha & mentastrum), pouliot (peludium), cataire, dictame de Crète, sauge, romarin, sauge sclarée, sarriette, épurge, lin cultivé, guimauve, mauve, mauve musquée, cabaret, pavot, nigelle, roses, rue, joubarbe des toits.

Ce projet de végétalisation de la cour du lycée Charlemagne est l’un des nombreux qui voient le jour dans le monde et dans notre environnement proche. En plus de son intérêt écologique et pédagogique, il nous permet de voyager dans le temps et dans notre histoire, enrichissant nos connaissances d’une façon ludique.

La Couronne de Charlemagne, près de Cassis, et un pied d’Origanum dictamnus

Pour ceux qui auraient l’opportunité de faire une balade au pied de « la Couronne de Charlemagne » (ou « Bau Redon », montagne située dans les Bouches-du-Rhône au dessus de Cassis), ils pourront certainement y trouver une des plantes citées dans le capitulaire de Villis, dont le dictame (Origanum dictamnus) proche de l’origan et de la marjolaine, plante emblématique de la Méditerranée.

C. M.

Les références scientifiques de cet article ont été aimablement fournies par Monsieur Louis Justin Joseph, retraité du Muséum d’Histoire naturelle.

Les lecteurs curieux de connaître la totalité des végétaux cités dans le Capitulaire, et les plantes des jardins médiévaux, peuvent inscrire un commentaire à la fin de cet article et il leur sera répondu.

Aix-en-Provence : une démission inévitable

5 septembre 2021

Certaines stratégies politiques sont tellement cousues de fil blanc que leur annonce, même médiatisée, a bien du mal à se faire passer pour un scoop… La démission annoncée de la maire d’Aix-en-Provence, Maryse Charton, ex-épouse Joissains et petite fille du Corse Masini dont elle s’est appropriée le patronyme, en fait partie. Annoncée le 1er septembre 2021, cette démission n’a pas surpris grand monde, alors même que cette figure du clientélisme aixois, surtout connue pour sa gouaille et son franc-parler, avait été confortablement réélue en juin 2020, avec 43 % des suffrages exprimés, à l’issue d’une triangulaire qui opposait sa liste LR-UDI à une liste LREM et à une liste d’union de la gauche menée par le professeur d’université Marc Pena.

Maryse Joissains, démissionne in extremis avant d’être inéligible (photo © Cyril Sollier / La Provence)

Pourtant, en juin 2020, Maryse Joissains, était quelque peu en délicatesse avec la Justice. Condamnée en juillet 2018 à 10 ans d’inéligibilité et un an de prison avec sursis pour prise illégale d’intérêt et détournement de fonds publics, elle avait vu sa peine réduite par la Cour d’appel de Montpellier à un an d’éligibilité et six mois de prison avec sursis.

Mais l’ancienne avocate auprès de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, qui s’était fait connaître au début des années 1980, pour ses plaidoiries contre l’État dans les affaires du sang contaminé et de l’amiante, connaît trop bien les rouages de l’institution judiciaire et a su habilement tirer partie de toutes les ficelles du métier pour ne pas s’avouer aussi aisément vaincue. Elle forme immédiatement un pourvoi en cassation pour bénéficier du caractère suspensif de la procédure et le 19 février 2020, à 3 semaines seulement du premier tour des élections municipales, elle réussit à faire annuler cette peine d’inéligibilité par la Cour de cassation pour une erreur de droit.

Un dessin signé Red (source © Blog d’Alexandre Castronovo)

La culpabilité de Maryse Joissains est confirmée par la Cour de cassation, plus haute juridiction de l’État, mais ce tour de passe-passe lui permet de se présenter malgré tout aux suffrages des électeurs qui, ravis de ce brio avec lequel la dame se joue des règles communes, lui accorde donc de nouveau sa confiance en la réélisant pour un quatrième mandat. Les Français disent se méfier de la probité de leurs représentants politiques mais adorent reconduire aux responsabilités des élus pourtant pris la main dans le sac et déjà lourdement condamnés : comprenne qui pourra…

Le 7 décembre 2020, six mois après sa réélection triomphale, Maryse Joissains est de nouveau condamnée par la Cour d’appel qui, cette fois alourdit sa sentence en la condamnant à 3 ans d’inéligibilité et 8 mois de prison avec sursis. Mais qu’à cela ne tienne : un nouveau pourvoi en cassation permet encore de gagner du temps et de suspendre l’application de la peine tout en restant en fonction.

Un dessin signé Charmag, publié dans Le Ravi en décembre 2020

On se doute bien que, malgré la grande patience de l’institution judiciaire, le petit jeu a ses limites et que le couperet va bien finir par tomber un jour. C’est pour devancer l’échéance, attendue avant la fin du mois de septembre, que Maryse Joissains a donc fini par envoyer au Préfet des Bouches-du-Rhône, sa lettre de démission dans laquelle elle prétend sans vergogne « C’est avec une vive émotion et un serrement de cœur que je me vois contrainte pour des raisons de santé de démissionner de mes fonctions de maire d’Aix-en-Provence ».

Pour un peu, on verserait une larme sur ce drame humain qui affecte la vieille dame de 79 ans, laquelle témoigne ainsi du calvaire que lui a valu cet acharnement judiciaire incompréhensible : « Cette décision improbable m’a valu une émotion si forte qu’elle a entraîné mon hospitalisation d’urgence, et ce pendant 10 jours. J’en suis ressortie quasi aveugle », tout en précisant que cette « convalescence encore longue » ne lui permettra pas « d’exercer pleinement son mandat ».

Maryse Joissains avec sa fille Sophie lors de son procès en appel à Montpellier en mars 2019 (photo © Pascal Guyot / AFP / le Progrès)

On ne peut bien entendu que souhaiter un prompt rétablissement à cette femme courageuse et admirable de dévouement pour le bien public de ses concitoyens, tout en se demandant s’il est bien raisonnable, dans un tel contexte, de la laisser pousser l’abnégation jusqu’à souhaiter rester adjointe au-delà du 15 septembre, ce qui lui permet, accessoirement de rester vice-présidente de la Métropole Aix-Marseille-Provence et toujours présidente du Conseil de territoire du Pays d’Aix, structure qui a remplacé formellement l’ancienne Communauté d’agglomération.

Heureusement, les Aixois se rassureront en sachant que la mairie reste en de bonnes mains puisque c’est la propre fille de Maryse, Sophie, qui devrait reprendre le flambeau. Nommée par sa mère dès 2001 directrice de cabinet à la tête justement de cette ex-communauté d’agglomération, Sophie Joissains a connu une ascension politique foudroyante en devenant, dès 2008, adjointe à la culture d’Aix-en-Provence et vice-présidente de l’agglomération puis, dans la foulée, sénatrice des Bouches-du-Rhône et vice-présidente de la Région PACA. Réélue avec sa mère en 2014 puis en 2020, elle est actuellement deuxième adjointe sur une liste taillée sur mesure pour lui permettre d’hériter à tout moment du fauteuil de maire sans qu’un autre colistier ne vienne lui faire de l’ombre.

Sophie Joissains avec sa mère (source © Archives Narjasse Kerboua / Made in Marseille)

Même en démocratie, le fonctionnement dynastique fonctionne parfaitement quand on a le sens de la famille, à défaut de celui de la probité. De ce point de vue, la famille Joissains fait très fort puisque la mère et la fille ne font jamais que poursuivre l’œuvre du père, Alain Joissains, élu maire d’Aix-en-Provence en 1978, déjà à la suite d’une bataille juridique, et qui avait dû laissé sa place en 1983 pour avoir financé la villa de ses beaux-parents avec des fonds publics. Condamné en appel à 2 ans de prison avec sursis pour recel d’abus de biens sociaux, il avait été nommé directeur de cabinet par son épouse dès la victoire de cette dernière aux municipales de 2001. A Aix-en-Provence, et quoi que puisse en penser la Justice, on a le sens des liens familiaux…

L. V.

Se mettre à table aux Baumettes…

3 septembre 2021

La prison des Baumettes à Marseille n’a pas forcément très bonne réputation. Construite entre 1933 et 1938, sur les plans de l’architecte Gaston Castel, architecte en chef des Bouches-du-Rhône jusqu’en 1941 et conçue pour abriter 1264 détenus dans des bâtiments d’un peu plus de 3 hectares, elle en hébergeait pas moins de 1770 en 2016, dans des conditions telles que que le Conseil de l’Europe l’a un jour qualifié « d’endroit répugnant » !

La prison des Baumettes lors de sa mise en service à la fin des années 1930 (source © Crimino Corpus)

Mais ce haut-lieu de l’univers carcéral, construit selon le même plan que son homologue parisien de Fresnes, avec trois quartiers distincts, celui des hommes, celui des femmes et l’infirmerie, chaque quartier étant isolé par une enceinte et un chemin de ronde, est en pleine mutation. C’est Christiane Taubira, alors Garde des Sceaux, qui a posé en novembre 2013 la première pierre de l’extension, dénommée Baumettes II. Livré en 2017, ce nouvel ensemble accueille la maison d’arrêt pour femmes avec 94 places et une nouvelle maison d’arrêt pour hommes, pourvue de 479 places.

Maquette du projet des Baumettes 2 (à gauche), dans le prolongement du site historique (source © Tourisme-Marseille)

Cette première étape maintenant achevée, il est prévu de raser définitivement les bâtiments d’origine pour y édifier à la place un tout nouvel établissement, Les Baumettes III, dont le chantier, confié à Eiffage, devrait débuter en 2022 pour une livraison escomptée fin 2024. Cette nouvelle structure, qui comprend 30 000 m³ de surface de plancher sur un terrain de 4,3 ha, devrait permettre d’accueillir 740 détenus. La porte d’entrée emblématique du centre pénitentiaire sera conservée pour satisfaire les nostalgiques du patrimoine carcéral local, mais le mur d’enceinte sera rehaussé d’un écran pare-vu pour limiter les nuisances sonores et visuelles dans le voisinage.

L’enceinte historique des Baumettes conservée mais rehaussée dans le projet retenu (source © Groupe 6 / Agence publique pour l’immobilier de la Justice)

Mais il n’y a pas que l’architecture des Baumettes qui évolue. La prison s’ouvre aussi sur l’extérieur et devrait accueillir, dès 2022 si tout va bien, le premier restaurant d’application en milieu carcéral, sur le modèle du restaurant The Clink (qui signifie justement la prison en argot britannique), ouvert en 2014 au milieu de la cour de la prison de Brixton, dans le sud de Londres. L’établissement est ouvert à tous, à l’exception de la famille ou des proches des détenus, et les convives paient normalement leur repas comme dans n’importe quel autre établissement, sauf que les cuisiniers comme les serveurs sont des prisonniers, en fin de peine, qui préparent ainsi leur réinsertion.

Maquette montrant l’insertion paysagère des futurs bâtiments des Baumettes III (source © Groupe 6 / APIJ)

Le concept lui-même a déjà été partiellement mis en œuvre à la prison des Baumettes qui a lancé, il y a quelques années déjà, une formation professionnelle de pizzaïolo avec un four construit dans l’enceinte de la prison, pour former les détenus et faciliter leur réinsertion une fois purgé leur peine. En 2019, une expérience éphémère a été initiée sur le site de Coco Velten, près de la Porte d’Aix, dans les anciens locaux de la Direction des Routes, rue Bernard du Bois, transformés en un lieu d’accueil sous forme de résidence hôtelière à vocation sociale, artistique et économique.

Deux fois par semaine et jusqu’en juin 2019, une dizaine de détenus des Baumettes, sélectionnés au sein de la Structure d’accompagnement vers la sortie (SAS) et en formation avec l’AFPA (Agence nationale pour la formation professionnelle) se sont ainsi relayés en cuisine et en salle, épaulés par l’association d’insertion Les Tables de Cana, avec à la clé l’obtention d’un diplôme de commis de cuisine.

Détenus en aménagement de peine officiant dans la cuisine des Beaux Mets à Coco Velten (photo © Antoine Tomaselli / La Provence)

Ce restaurant éphémère, opportunément dénommé « Les Beaux Mets » , dont le concept a ainsi été testé hors les murs, va donc bientôt rouvrir, a priori au deuxième semestre 2022, mais cette fois dans l’enceinte même des Baumettes, au sein de la structure SAS, porté par l’administration pénitentiaire et l’association Départ, qui œuvre à la réinsertion des détenus. L’accès y sera réservé aux prisonniers purgeant des courtes peines ou à qui il ne reste plus qu’une peine de moins de 2 ans à accomplir, avec également une formation diplômante à la clé, dans le domaine de la restauration où les entreprises peinent souvent à recruter de la main d’œuvre.

Ouvert 4 jours par semaine et uniquement pour le déjeuner, le futur restaurant des Baumettes devrait permettre d’employer une vingtaine de détenus et une dizaine de personnes en phase de réinsertion, en cuisine comme en salle, avec, bien évidemment un protocole de sécurité très strict impliquant notamment de payer à l’avance puisqu’il est interdit d’introduire du liquide dans l’enceinte de la prison.

Le centre pénitentiaire des Baumettes, bientôt haut-lieu de la gastronomie marseillaise ? (photo © Frédéric Speich / La Provence)

Le projet devrait avant tout faciliter la réinsertion de ceux qui en bénéficieront et diminuer leur taux de récidive. L’expérience anglaise de The Clink, par laquelle sont passés pas moins de 1800 détenus, a ainsi permis de diviser par 4 le taux de récidive, ce qui est remarquable et a pu être vérifié sur d’autres expériences comparables, dont celle du restaurant In Galera, installé dans la prison de Bollate à Milan. Mais le projet a aussi pour ambition de changer le regard sur la prison des Baumettes en y faisant venir des personnes extérieures pour un bon repas servi par des détenus enfin désireux de se mettre à table…

L. V.

Qui pour succéder à Angela Merkel ?

1 septembre 2021

Le 26 septembre 2021, dans un peu plus de 3 semaines, nos voisins allemands sont appelés à voter pour le renouvellement de leurs représentants au Bundestag, l’équivalent de l’Assemblée nationale française. Pour la première fois depuis 1991, Angela Merkel, qui occupe depuis maintenant 16 ans sans discontinuer le fauteuil de chancelière, ne se représente pas à ces élections. Après 21 ans passée à la tête de son parti, la CDU (l’union chrétienne-démocrate), elle en avait quitté la présidence fin 2018, suite aux mauvais résultats des élections régionales en Bavière et en Hesse.

élue pour la première fois chancelière d’Allemagne, en novembre 2005, félicitée par son prédécesseur SPD, Gerhard Schröder (photo © John Macdougall / AFP / Challenges)

C’est donc forcément une page qui va se tourner avec ce retrait annoncé de la vie politique de celle qui fut, en octobre 2005, à 51 ans, la plus jeune chancelière d’Allemagne et la première femme à occuper ce poste. Alors élue très confortablement avec près des deux-tiers des suffrages, à la tête d’une coalition entre la CDU/CSU de droite et le SPD de gauche. Pour son deuxième mandat, en 2009, le SPD ayant été laminé aux élections législatives précédente, elle s’allie avec les libéraux du FDP pour une nouvelle coalition, avant de s’ouvrir, pour son troisième mandat en 2013, à une grande coalition avec les Verts et le SPD, alors même que son parti avait raté de peu la majorité absolue…

Quant au mandat qui s’achève, son quatrième donc, il avait plutôt mal commencé avec un résultat historiquement bas pour la CDU lors des élections de 2017, talonnée par le succès croissant de l’AFD, parti d’extrême droite qui surfe alors sur le rejet de la politique migratoire d’Angela Merkel. Après des mois d’incertitudes et d’intenses négociations, c’est finalement une nouvelle coalition entre le CDU et le SPD qui se met en place, mais avec des partis aussi affaiblis l’un que l’autre, sous l’effet de la percée politique de l’extrême droite d’un côté et des Verts de l’autre.

Décembre 2018 : Angela Merkel laisse la présidence de la CDU à Annegret Kramp-Karrenbauer (photo © Odd Andersen / AFP / The Conversation)

Le 7 décembre 2018, la chancelière fraîchement réélue pour son dernier mandat, a cédé la présidence de son parti à une autre femme, Annegret Kramp-Karrenbauer. Mais cette dernière a été contrainte de se retirer en février 2020, sous l’effet de la montée d’une tendance plus conservatrice au sein de la CDU, face au succès grandissant des idées de l’AFD. C’est donc désormais l’ancien journaliste Armin Laschet qui dirige la CDU et portera les couleurs de la droite CDU/CSU dans la course à la chancellerie. Quant aux libéraux du FDP, c’est son président, Christian Lindner, déjà candidat en 2017, qui se lance dans la course à la chancellerie.

Olaf Scholz, le candidat du SPD, au coude à coude avec la CDU pour les élections du 26 septembre 2021, ici le 10 août 2020 lors d’une conférence de presse (photo © Fabrizio Bensch / Reuters / Courrier International)

Pour la gauche, le principal parti reste celui des sociaux-démocrates du SPD, actuellement dirigé par le vice-chancelier sortant, Olaf Scholz, actuel ministre fédéral des finances, qui sera également candidat. Les Verts, désormais fusionnés avec leur homologue est-allemand d’Alliance 90, présentent quant à eux comme candidate leur co-présidente Annaelena Baerbock. Enfin, la tendance d’extrême gauche, die Linke, met en avant sa propre co-présidente, Janine Wissler.

Annaelena Baerbock, la candidate des Verts, dont le parti pourrait arriver en troisième position dans la course à la chancellerie (photo ©
Filip Singer / EPA-EFE / Euroactiv)

Et il faut aussi compter avec l’extrême droite de l’AFD (Alternative für Deutschland) avec ses deux co-candidats, l’ancienne banquière Alice Weidel et l’ex peintre en bâtiment Tino Chrupalla, tous deux ouvertement anti-Merkel, anti-Islam, anti-élite, anti-masques et bien entendu, anti-Europe…

Pour l’instant, les sondages semblent donner le CDU/CSU et le SPD sensiblement au coude à coude, autour de 22 à 23 % chacun, ce qui est un score très bas pour le parti de droite qui plafonnait encore à 36 % dans les intentions de vote en début d’année. Les Verts semblent avoir le vent en poupe avec pas loin de 18 % des intentions de vote, dopés par l’effet démonstratif des fortes inondations de cet été qui ont convaincu bon nombre de nos voisins d’Outre-Rhin que l’on ne pouvait pas continuer à rester sans rien faire face aux effets du changement climatique, mais qui sont à la peine ces derniers temps, au gré des révélations sur les incohérences de leur candidate. Les libéraux du FDP, quant à eux, sont crédités d’un peu plus de 10 % des intentions de vote, sensiblement au même niveau que l’extrême droite de l’AFD et nettement au dessus de die Linke, en baisse régulière au fil des mois.

Armin Laschet, candidat de la CDU/CSU (photo © Michael Kappeler / DPA / Picture alliance / DW)

A ce stade, il est bien présomptueux d’imaginer ce qu’il ressortira de ces élections, scrutées à la loupe par les autres pays européens, mais il semble d’ores et déjà assuré que l’on s’oriente en tout état de cause vers une nouvelle coalition. Le parti d’Angela Merkel est certes en mauvaise posture et son candidat, Armin Laschet, n’en finit pas de subir les assauts critiques de son rival bavarois du CSU, le charismatique Markus Söder, mais aucun autre parti ne se détache, même si certains sondages récents mettent le SPD légèrement au-dessus dans les intentions de vote…

Un dessin signé Soulcié, publié dans Marianne à l’occasion de la dernière élection de 2013 qui vit la formation d’une nouvelle coalition d’Angela Merkel avec le SPD de Martin Schulz (source © Cartooning for peace)

Il faut dire que le mode de scrutin utilisé en Allemagne pour l’élection des 598 députés est particulièrement astucieux et bien plus représentatif que celui qui prévaut en France, mais qu’il incite nécessairement davantage à la formation de coalitions car l’obtention de majorités y est plus difficile, surtout dans un paysage politique aussi éclaté. En fait, chaque électeur dispose de deux voix. Il utilise la première pour choisir le candidat de sa circonscription, dans le cadre d’un scrutin uninominal majoritaire à un tour, et il emploie sa deuxième pour voter pour une liste de candidats présentés à l’échelon régional (du Land).

A l’issue du dépouillement, les 598 sièges sont répartis à la proportionnelle entre les différents partis dont les listes régionales ont obtenu plus de 5 % des votes exprimés à l’échelle nationale ou qui l’ont emporté dans au moins 3 des 299 circonscriptions nationales. Une fois connu le nombre de sièges ainsi attribué à chaque parti, ceux-ci sont répartis entre les candidats effectivement majoritaires dans leur circonscription et on complète avec les suivants sur les listes régionales. Une idée à suivre pour réformer enfin notre mode de représentation électorale un peu désuet et pour obliger nos élus à davantage d’esprit de consensus et de responsabilité ?

L. V.