Archive for janvier 2021

Jardins-forêts : des oasis urbaines en devenir

30 janvier 2021

C’est une tendance irrépressible à laquelle on assiste : l’arbre est en train de reprendre sa place en ville. Partout les architectes et les urbanistes ont compris que le citadin avait besoin de retrouver la présence d’un peu de nature entre les immeubles, voire sur la façade même des bâtiments ou sur les toitures… Une tendance qui touche même la ville de Marseille où l’on commence à voir fleurir des terrasses arborées sur la nouvelle résidence construite en face du Conseil Départemental.

Espérons qu’elles dureront davantage que le mur végétalisé qui avait été aménagé en 2009 sur le pignon d’un immeuble du Vieux Port. Son propriétaire, le bailleur social ICF, filiale de la SNCF, avait alors eu l’idée de confier au publicitaire Jean-Claude Decaux l’aménagement d’un vaste mur végétalisé sur l’ensemble de cette façade aveugle.

Marseille 2013 à cœur, la vaste fresque publicitaire aménagée en forme de mur végétalisé sur le Vieux-Port (source © Tourisme Marseille)

Quelques mois à peine après son inauguration en octobre 2009, une bonne partie des 1700 plants d’espèces vivaces méditerranéennes accrochés en façade et arrosés par un dispositif automatique de goutte-à-goutte, étaient déjà desséchées, mais l’œuvre a néanmoins survécu jusqu’en mars 2018, ornée d’un gros cœur rouge et d’une esquisse de la silhouette de Notre-Dame de la Garde pour servir de totem à la manifestation Marseille, capitale de la culture 2013. Elle a depuis laissé la place à de vulgaires bâches publicitaires.

Mais pour autant, les citadins se montrent de plus en plus friands d’espaces naturels arborés en ville comme l’ont montré les vives réactions de collectifs citoyens marseillais qui se sont récemment mobilisés contre le réaménagement de la place Jean-Jaurès à la Plaine où l’abattage des pins d’Alep autour de la porte d’Aix.

Une tendance que l’on retrouve dans l’autre grande ville méditerranéenne qu’est Montpellier. Un reportage vidéo publié par Actu-Environnement faisait ainsi état récemment d’une nouvelle initiative de l’association Réseau des semeurs de jardins, rassemblée en janvier 2021 sur une petite parcelle publique de 200 m², dans le quartier Malbosc, pour y planter pas moins de 40 arbustes et arbres fruitiers.

La municipalité élue l’an dernier avait donné son accord pour mener à bien ce projet sur l’espace public et a même pris en charge la clôture complète de la parcelle au moyen de solides ganivelles en bois qui resteront en place pour protéger les plantations le temps que les arbres grandissent. Il faut dire que l’association est lauréate du budget participatif de la Région Occitanie et a reçu à ce titre une aide financière de 40 000 €. Six autres parcelles du même type ont ainsi pu être aménagées à Montpellier.

Plantation dans le quartier de Malbosc à Montpellier en janvier 2021 (photo © Baptiste Clarke / Actu-Environnement)

L’originalité de ces micro-forêts installées en site urbain réside dans la prédominance des espèces fruitières qui sont plantées : on sort de la logique des jardins municipaux d’ornement gérés par des professionnels qui changent continuellement les plants pour fleurir l’espace et taillent à tour de bras, pour adopter une démarche d’appropriation citoyenne où les plus motivés se mobilisent pour venir planter eux-mêmes et où chacun pourra, quand les arbres seront à maturité, cueillir une cerise ou un abricot en passant.

Au delà de cette approche participative, l’intérêt de la démarche est aussi de réintroduire en ville, même sur de petites superficies, des espaces naturels fortement végétalisés, source de refuge et de garde-manger pour la biodiversité, et où l’eau peut facilement s’infiltrer, de quoi lutter efficacement à la fois contre les îlots de chaleur en ville et contre le ruissellement urbain qui peut faire des ravages en climat méditerranéen.

Les différentes strates d’un jardin forêt (source © jardin-forêt)

Dans le quartier Malbosc, les semeurs de jardins ont ainsi fait appel aux techniques les plus pointues de l’agroforesterie pour optimiser la disposition dans l’espace des différentes espèces, en tenant compte des exigences de chacune en termes d’exposition à la lumière ou au vent. Comme dans une forêt naturelle, l’agencement se fait selon plusieurs strates, les arbres à plus haute tige allant chercher la lumière au dessus des arbustes et le tout permettant de garder le sol frais et humide même au cœur de l’été.

Jardin des fraternités ouvrières à Mouscron en Belgique (source © Veille permaculture)

Une démarche qui séduit de plus en plus en Europe où l’on connaît des expérience déjà anciennes comme le Jardin des fraternités ouvrières créé il y a plus de 40 ans à Mouscron, en Belgique, sur à peine 1800 m² et cultivé en permaculture. C’est une véritable jungle qui ressemble davantage à une forêt fertile qu’à un jardin classique mais où l’on dénombre plus de 2000 arbres et arbustes fruitiers de 1300 variétés différentes ! Le jardin est d’ailleurs à l’origine d’une grainothèque d’une incroyable richesse puisqu’on y dénombre pas moins de 6500 sortes de semences dont 800 types de tomates…

La notion de forêt-jardin qui paraît totalement naturelle dans bien des contrées où il est habituel de mélanger espèces fruitières arborées et légumes cultivés, est en train de prendre de l’essor dans nos climats tempérés où l’on redécouvre progressivement toutes les vertus de l’agroforesterie après avoir frénétiquement arraché les haies qui délimitaient depuis des générations les jardins et les parcelles agricoles. C’est d’ailleurs le titre d’un livre publié récemment aux éditions Ulmer, signé du Britannique Martin Crawford, directeur de l’Agroforestery Research Trust, et sous-titré « Créer une forêt comestible en permaculture pour retrouver autonomie et abondance ». Une petite révolution culturelle qui séduit bien des urbains mais est aussi en train de se répandre dans le milieu agricole selon le précepte classique que le naturel revient au galop…

L. V.

Radar-poubelle : le vrai du faux…

27 janvier 2021

Dans le cas de la bombe atomique, dixit un expert, Boris Vian, la seule chose qui compte, c’est l’endroit où ce qu’elle tombe… Pour ce qui est du radar routier, son efficacité est aussi liée à son emplacement puisque l’objectif avoué est de faire respecter les limitations de vitesse sur les tronçons de voirie les plus accidentogènes. Mais si on veut que l’engin soit aussi efficace en termes de rapport financier, ne serait-ce que pour couvrir les frais de maintenance qui sont colossaux, mieux vaut aussi qu’il ne soit pas trop visible…

Et pour ne pas trop exposer le radar aux yeux de l’automobiliste rancunier, surtout en ces temps de révolte populaire où certains Gilets jaunes n’hésitent pas à larguer leur bombe de peinture sur la caméra de ces petits bijoux de technologie, rien ne vaut un bon camouflage.

Un radar mobile artistiquement décoré près de Manosque (source © radars-autos)

La police belge, qui contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, ne manque ni d’humour ni d’imagination, applique depuis bien longtemps ce principe, n’hésitant pas à camoufler ses radars dans d’innocentes poubelles nonchalamment disposées en bord de route. Testés dès l’été 2008, ces radars-poubelles disposés dans des containers à roulettes que l’on peut déplacer à sa guise et qui sont reliés par câble à une voiture de police bien camouflée elle aussi, font merveille sur les routes belges où elles éblouissent régulièrement les automobilistes.

Installation d’un radar dans une poubelle par la police belge à Huy-Waremme (photo © E.D. / La Meuse)

Évoqué sur ce blog en 2013, le dispositif s’est généralisé outre-Quiévrain. En 2017, France-Inter faisait ainsi état d’une nouvelle acquisition par la police belge de 15 nouveaux radars ultra-modernes du modèle NK7, de fabrication australienne dernier cri, qui se dissimulent aisément dans le mobilier urbain. Capables d’enregistrer jusqu’à six excès de vitesse simultanément dans les deux sens de circulation le tout sans même émettre de flash donc sans se faire repérer des automobilistes distraits, ces radars ont été notamment installés le long de le RN 58, certains d’entre eux étant disposés juste de l’autre côté de la frontière française dans la petite ville de Comines-Warneton.

Un radar belge camouflé dans une poubelle (photo © Bastien Deceuninck / Radio France )

Forcément, la police française ne peut rester indifférente à un engin aussi sophistiqué qui fonctionne grâce à la technologie infra-rouge, de jour comme de nuit, et qui n’exige même pas la présence d’un humain à proximité puisqu’il peut être piloté à distance via la 4G. La société belge qui le commercialise, Securoad, a d’ailleurs engagé une procédure de demande d’homologation auprès du Laboratoire national de métrologie et d’essais, à toutes fins utiles… D’autant que ce radar n’est pas nécessairement destiné à finir dans une poubelle comme en Belgique, mais peut aussi être fixé plus conventionnellement sur un vulgaire trépied.

Devant un tel engouement de la police belge pour les radars poubelles et en attendant que leurs homologues français cèdent à cette mode contagieuse, certains petits malins ont eu l’idée de déguiser leur propre poubelle en faux radar. La presse s’était déjà fait l’écho en septembre 2016 de l’initiative d’un habitant de Castelnau-le-Lez, près de Montpellier, qui avait collé sur sa poubelle un autocollant en forme de face avant de radar. Un procédé jugé extrêmement dissuasif paraît-il, qui incitait la majorité des automobilistes à ralentir leur vitesse dans ce tronçon de route limité à 50 km/h le long des voies du tramway.

Une poubelle déguisée en radar à Castelnau-le-Lez, près de Montpellier
(photo © N. Bonzom / Maxele Presse / 20 minutes)

Et depuis, de nombreux autres l’ont imité, d’autant que ces stickers en forme de radar sont en vente libre sur internet. Le dernier en date est un habitant de la petite commune de Longues-sur-Mer, près de Bayeux, dans le Calvados. Excédé de voir les voiture traverser à vive allure le hameau du Planet où il réside alors que la vitesse sur ce tronçon de la RD 514 en direction du Port-en-Bessin y est limitée à 70 km/h, il a donc collé sur sa poubelle le fameux autocollant offert par son beau-frère pour Noël. Et force est de constater que ça marche ! Outre le fait d’alimenter toute les conversations du bistrot local et d’attirer nombre de médias à l’affût d’un sujet original, la poubelle customisée produit un effet bœuf sur les automobilistes de passage qui ne peuvent s’empêcher de donner un grand coup de frein quand ils l’aperçoivent.

Un automobiliste freine devant la poubelle déguisée en faux radar à Longues-sur-Mer (photo © La Renaissance Le Bessin / actu.fr)

Alors que certains s’inquiètent de constater que la peur du gendarme n’est plus ce qu’elle était, il suffit peut-être tout bonnement de remplacer les braves pandores par de simples poubelles recouvertes d’un autocollant : de sérieuses économies en perspective pour la Sécurité routière…

L. V.

Alexeï Navalny, l’opposant qui n’a pas froid aux yeux

25 janvier 2021

Comme chacun sait, la Fédération de Russie est une démocratie présidentielle dont la constitution, adoptée en 1993, garantit l’égalité de tous les citoyens devant la loi, l’indépendance des juges et et la pluralité des partis politiques. Cette même constitution prévoit que le Président est élu au suffrage universel pour une période de 4 ans renouvelable une seule fois.

Par un heureux hasard de l’Histoire, il se trouve que le Président en exercice, un certain Vladimir Poutine, élu triomphalement en 2018 dès le premier tour avec 76,7 % des voix est en réalité au pouvoir depuis 22 ans. Il y avait en effet été nommé en 1999 suite à la démission de Boris Eltsine, élu une première fois en 2000 puis confortablement réélu en 2004. Resté président du gouvernement de 2008 à 2012, le temps de faire semblant de laisser le pouvoir officiel à son ami et obligé Dimitri Medvedev, il reprend sa place en 2012, en profite pour allonger de deux ans la durée de son mandat et est donc reconduit à cette fonction en 2018.

Vladimir Poutine, nouveau tsar de l’empire russe (photo © Sergueï Ilnitsky / AFP / Europe 1)

Cette longévité exceptionnelle force l’admiration quand on voit à quelle vitesse nos propres dirigeants politiques des autres démocraties occidentales sont discrédités et voient leur potentiel de confiance s’éroder face à l’exercice du pouvoir. Il faut dire à sa décharge que Vladimir Poutine n’a jamais laissé beaucoup de place à son opposition politique qui n’a quasiment aucun accès aux médias officiels et ne peut que rarement se présenter aux élections. En 2015, son principal opposant, Boris Nemtsov, qui s’apprêtait à publier un brûlot contre le rôle de l’armée russe en Ukraine, est ainsi malencontreusement assassiné à quelques pas du Kremlin, sans que l’enquête officielle n’ait pu en déterminer les raisons.

Quant à l’autre opposant le plus déterminé à Vladimir Poutine, l’avocat Alexeï Navalny, il n’avait tout simplement pas été autorisé à se présenter à l’élection présidentielles de 2018 : on n’est jamais trop prudent ! Il faut dire que cet ancien gouverneur de Kirov, agace les autorités ruses depuis un certain temps déjà. Animateur d’un blog qui dénonce des faits de corruption en Russie, il s’était illustré dès 2010 en accusant la société Transneft d’avoir détourné la bagatelle de 2,9 milliards d’euros lors de la construction d’un oléoduc en Sibérie : un pinailleur, doublé d’un insolent qui avait eu le culot en 2011 de dénoncer l’irrégularité des élections législatives de février 2011, gagnées haut la main par le parti Russie unie de Vladimir Poutine, que Navalny avait osé qualifié de « parti des voleurs et des escrocs ».

Alexeï Navalny en juillet 2019 à Moscou (photo © Pavel Golovkin / AP / La Croix)

Bien que réputé pour sa magnanimité et son flegme imperturbable d’ancien officier du KGB, Poutine n’avait pas apprécié et avait jeté l’avocat en prison. Arrêté de nouveau en mai 2012 à la suite d’une manifestation, il est condamné en septembre 2013 à 5 ans de camp avec sursis, par prévention car il avait eu l’outrecuidance de se porter candidat à l’élection municipale de Moscou et avait bien failli mettre en ballottage le candidat de Poutine. Assigné à résidence en février 2014, il est de nouveau condamné en avril puis libéré début 2015, sans toutefois être autorisé à participer aux obsèques de son amis Boris Nemtsov. Arrêté de nouveau en mars 2017 alors qu’il avait annoncé sa candidature à l’élection présidentielle de 2018, il retourne en prison en juin puis en septembre et de nouveau en mai 2018.

Condamné une nouvelle fois en août 2018, il se trouve opportunément derrière les barreaux lors des manifestions timides contre la réforme des retraites et il est d’ailleurs arrêté dès sa sortie de prison pour prolonger de quelques semaines sa détention. Rebelote en juin 2019 alors même que la Cour européenne des droits de l’Homme avait condamné la Russie pour sa détention arbitraire et injustifiée de 2014. Condamné à un mois de prison, il sort de prison fin août 2019, et en août 2020 le monde entier apprend avec stupéfaction la tentative d’empoisonnement dont il a été victime alors qu’il se rendait en avion à Omsk.

Sauvé in extremis après 24 jours de coma grâce à un transfert médicalisé organisé par une ONG allemande, Alexeï Navalny a bel et bien été victime d’une tentative d’empoisonnement par le FSB à l’aide de l’agent neurotoxique Novitchok comme le confirment les analyses réalisées par plusieurs laboratoires indépendants, allemands mais aussi français et suédois. Une allégation que nie bien sûr farouchement Vladimir Poutine, lequel a affirmé le 14 septembre dernier à son homologue Emmanuel Macron, que cela ne pouvait être qu’une tentative d’auto empoisonnement, bien dans le style en effet d’un opposant aussi acharné…

Alexeï Navalny escorté par la police moscovite le 18 janvier 2021, après sa dernière arrestation (photo © Evgeny Feldman / Meduza / Reuters / Le Monde)

Un acharnement qui l’a conduit à retourner en Russie sitôt rétabli. Embarqué le 13 janvier 2021 à bord d’un vol régulier pour Moscou, Navalny voit son avion détourné à l’arrivée et il est immédiatement arrêté et jeté en prison où il croupit toujours. Il faut dire que la justice russe, dont on ne louera jamais assez l’indépendance, lui avait adressé le 28 novembre une convocation exigeant qu’il se présente dès le lendemain pour satisfaire aux exigences de sa libération conditionnelle et que cette forte tête de Navalny, luttant alors contre la mort sur son lit d’hôpital berlinois devant les caméras du monde entier, avait eu la mauvaise grâce de ne pas obtempérer immédiatement…

Alexeï Navalny dans la vidéo qu’il a postée sur YouTube

Malheureusement pour le Kremlin, ce retors d’Alexeï Navalny, avait tourné avant son retour à Moscou, une vidéo que ses amis de sa Fondation anti-corruption, ont publié sur YouTube le 19 janvier 2021. Cette vidéo, en russe sous-titrée en anglais, connaît un beau succès puisqu’elle a été visionnée par pas moins de 53 millions de personnes en 2 jours. L’avocat Navalny y expose avec force détails et preuves à l’appui comment Vladimir Poutine a profité de son accession au pouvoir depuis tant d’années pour s’enrichir avec ses proches et certains de ses amis qu’il traîne depuis son séjour à Dresde dans les années 1980.

Une démarche qui se résume en trois préceptes simples : « le mensonge et l’hypocrisie sont les méthodes les plus efficaces », « la base de la confiance, c’est la corruption : tes meilleurs amis sont ceux qui volent depuis des années à tes côtés » et « on n’est jamais trop riche ». Navalny décortique la démarche avec force pédagogie : « dès que Poutine s’est consolidé au pouvoir, c’est à dire qu’il a assujetti les chaînes de télévision et les tribunaux, et a mis en place un système de falsification des élections, alors a commencé (et dure encore) la plus grande opération de partage et d’appropriation de la Russie ».

La modeste datcha de Vladimir Poutine sur les bords de la mer Noire (capture video YouTube / A. Navalny / FBK)

Les révélations de l’enquête de Navalny qui se succèdent dans cette vidéo de près de 2 heures sont vertigineuses. Elles mettent notamment en exergue le beau palais que Poutine s’est fait construire à partir de 2005 à Guelendjik, sur les bords de la mer Noire et dont on découvre avec effarement la magnificence. Un projet à 1,2 milliards d’euros selon les estimations de la Fondation anti-corruption de Navalny, s’étendant sur un vaste domaine grand comme 39 fois la principauté de Monaco, dans une zone interdite de survol et d’approche maritime avec un palais époustouflant, assorti à proximité d’un immense domaine viticole avec héliport et dépendances luxueuses.

Des révélations qui ne sont pas vraiment du goût de Vladimir Poutine car ces accusations de corruption et d’enrichissement personnel éhonté heurtent de nombreux Russes, lesquels n’ont pas hésité à se rassembler dans les rues, ce samedi 23 janvier 2021, pour manifester leur soutien à Navalny et leurs protestation contre les méthodes mafieuses du pouvoir. Des manifestations évidemment interdites et qui se sont soldées par de multiples arrestations, parfois violentes comme à Vladivostok. La plupart des sympathisants de Navalny, dont sa porte-parole Kira Yarmysh, se sont d’ailleurs immédiatement retrouvés sous les barreaux. Alexeï Navalny fait vraiment partie de ces gêneurs qui ont le don d’agacer les responsables politiques…

L. V.

Lhyfe va produire de l’hydrogène vert en Vendée

23 janvier 2021

L’hydrogène sera-t-il le carburant du futur ? L’avenir le dira sachant que l’Histoire ne manque pas d’exemples de technologies qui paraissaient prometteuses et qui sont ensuite tombées, plus ou moins brutalement, dans les oubliettes. Même en passant par les filières classiques de production à partir de gaz naturel, l’hydrogène coûte cher à produire et ce n’est pas demain la veille que les automobilistes disposeront d’un réseau suffisamment dense, fiable et sécurisé de stations services pour faire fonctionner leur voiture à l’hydrogène.

Pour autant, de nombreuses collectivités utilisent désormais l’hydrogène comme carburant pour une partie de leur flotte captive qu’il est possible d’alimenter à partir d’une station de distribution centralisée. Et du coup, on commence à voir fleurir des initiatives comme celle de la start-up nantaise baptisée Lhyfe qui s’est mis en tête de lancer en France la production industrielle d’hydrogène vert.

Pose de la première pierre du site de production d’hydrogène vert à Bouin le 26 septembre 2020 (photo © Franck Dubray / Ouest France)

Créée en 2017, la jeune pousse a levé pour 8 millions d’euros de fonds en 2020 et a posé en septembre dernier la première pierre de son tout premier site de production d’hydrogène par électrolyse, en collaboration avec le Syndicat d’énergie de Vendée (SyDEV) et sa société d’économie mixte Vendée Énergie, ainsi que la Communauté de communes de Challans Gois.

Un projet original puisqu’il prévoit de produire de l’hydrogène à partir d’un parc de 8 éoliennes de 102 m de hauteur, installées en 2003 sur la commune de Bouin et exploitées par le SyDEV. Ces éoliennes ont bénéficié pendant 15 ans du tarif de rachat préférentiel accordé par EDF mais cette clause a pris fin en 2017. Dès lors, le SyDEV avait le choix entre deux options : renouveler les éoliennes pour bénéficier à nouveau d’un tarif de rachat garanti ou se contenter de revendre l’électricité au tarif du marché, lequel fluctue d’heure en heure, ce qui n’est guère favorable à la filière éolienne par nature soumise aux caprices du vent.

Parc éolien de Bouin à proximité des parcs à huîtres (source © Ouest France / La Roche-sur-Yon)

Renouveler des éoliennes encore en parfait état de marche aurait certes permis d’installer du matériel plus performant car plus moderne, mais au prix d’une empreinte carbone globale très défavorable et d’un investissement important qui n’aurait pas forcément été très judicieux, d’autant que les tarifs de rachat sont nettement moins lucratifs qu’en 2003. La chute accidentelle et spectaculaire d’une des 8 éoliennes, cisaillée net à sa base lors du passage de la tempête Carmen le 1er janvier 2018 aurait certes pu faire pencher la balance dans ce sens. Mais le SyDEV a préféré garder ses éoliennes et réserver trois d’entre elles (au moins dans un premier temps) pour produire directement de l’hydrogène par électrolyse, ce qui présente l’avantage majeur de produire de l’hydrogène vert garanti décarboné, sans avoir à passer par le système contraignant des certificats d’origine comme lorsqu’on utilise de l’électricité du réseau.

L’éolienne n°7 du parc de Bouin, cisaillée net lors de la tempête Carmen le 1er janvier 2018 (photo © Emmanuel Sérazin / Radio France / France Bleu)

C’est donc la société Lhyfe qui sera en charge de cette production et qui louera à la Communauté de communes Challans Gois deux bâtiments situés à proximité du parc éolien et pour lesquels un permis de construire a été délivré le 11 mars 2020 : l’un de 700 m² qui accueillera l’installation d’électrolyse et l’autre qui abritera des bureaux et un centre de recherche et développement. Les travaux sont en cours, le tout représentant pour la collectivité un investissement de 2,1 M€.

Maquette du futur site de production et d’exploitation d’hydrogène vert sur la parc éolien de Bouin (source © SYDEV / France 3 Régions)

L’installation, qui devrait être opérationnelle à partir de l’été 2021, permettra de produire 300 kg d’hydrogène par jour en visant une montée en puissance jusqu’à 1 tonne d’hydrogène quotidien. L’autre originalité de cette installation est qu’elle puisera directement en mer l’eau destinée à l’électrolyse et qu’elle procédera à sa désalinisation préalable toujours en utilisant l’électricité produite localement par les éoliennes. Cette étape ne consommera que 0,1 % de l’électricité totale nécessaire sachant que l’oxygène issue de l’électrolyse servira aussi à réoxygéner l’eau de mer en améliorant sa qualité. Un cycle vertueux donc par rapport à la production classique d’hydrogène « gris » à partir d’hydrocarbures.

C’est en tout cas le pari que fait la société Lhyfe qui espère déployer rapidement sur d’autres sites, en France et dans d’autres pays européens, cette technologie nouvelle qui consiste à piloter l’électrolyse de l’hydrogène à partir d’une énergie éolienne intermittente. Son idée serait d’ailleurs de déployer cette production directement sur des plateformes en mer, sans lien avec le réseau électrique. Lauréate de l’appel à manifestation d’intérêt SeaGrid lancé par Centrale Nantes, RTE et Enedis, Lhyfe va pouvoir mener des essais en mer sur un site au large du Croisic et espère ainsi disposer d’un démonstrateur performant d’ici quelques années.

Schéma de principe d’une installation de production off shore d’hydrogène (source © Lhyfe)

Reste à savoir quoi faire de l’hydrogène vert ainsi produit. Sur le site de Bouin, c’est le SyDEV qui se chargera de la distribution en approvisionnant un réseau de stations services dont les deux premières pourraient être opérationnelles dès 2021 à La Roche-sur-Yon et Les Sables-d’Olonne. En attendant que la demande se développe, l’hydrogène alimentera des bus et des bennes à ordures ménagères que plusieurs collectivités locales envisagent d’acquérir tandis que les pompiers s’intéressent aussi à cette technologie pour faire rouler leurs véhicules : un usage qui serait de nature à rassurer le grand public quant aux enjeux de sécurité associés à cette technologie encore balbutiante…

L. V.

La grotte Cosquer prépare sa réplique

20 janvier 2021

A Marseille tout le monde se demande depuis des années, en réalité depuis sa construction, à quoi allait bien pouvoir servir cette Villa Méditerranée bizarrement conçue avec son immense porte-à-faux en forme d’équerre juste à côté du Mucem. Après bien des tergiversations, il semble bien cette fois que les dés soient jetés et que la Région, propriétaire du bâtiment, ne reviendra pas sur son projet d’en faire un centre d’interprétation de la Grotte Cosquer.

Le futur centre d’interprétation de la Grotte Cosquer à la Villa Méditerranée (extrait vidéo Région PACA)

Découverte en 1985 par le plongeur cassidain Henri Cosquer, cette grotte sous-marine dont l’entrée s’ouvre par 37 m de fond, à proximité du Cap Morgiou, dans la calanque de la Triperie, est un long boyau noyé de 175 m de long qui remonte progressivement jusqu’à déboucher dans des salles hors d’eau où le plongeur avait eu la surprise, lors de ses premières explorations en solitaire, de découvrir des empreintes de main et des silhouettes d’animaux peints sur les parois.

Officiellement déclarée en 1991 seulement, après que trois plongeurs y aient trouvé accidentellement la mort, et classée dès lors comme monument historique, la grotte est depuis 1992 totalement inaccessible en dehors des besoins de recherche scientifique.

Des traces de main sur une paroi ornée de draperies dans la grotte Cosquer (
photo © Michel Olive / DRAC / Archéologie.culture.fr)

Une quarantaine de datations au carbone 14 ont été effectuées sur des fragments de charbon de bois retrouvés sur place. Il en ressort que le site semble avoir connu deux périodes successives de fréquentation humaine. La première qui date d’il y a plus de 27 000 ans a laissé un grand nombre d’empreintes de mains dont les contours apparaissent en noir ou en ocre selon la technique du pochoir. La seconde, plus récente, datée d’environ 19 000 ans, comporte surtout des gravures et peintures figuratives représentant principalement des animaux : un bestiaire exceptionnellement riche puisqu’on y a dénombré au moins 177 figures issues de 11 espèces différentes, principalement des chevaux, des bouquetins, des cerfs, des chamois, des bisons, des aurochs, des mégaceros, mais aussi des phoques, des grands pingouins, des méduses ou encore des cétacés.

A l’époque préhistorique, les hommes qui fréquentaient le site n’y habitaient pas mais semblaient l’utiliser plutôt comme un sanctuaire. Le climat était alors périglaciaire, ce qui explique la présence de nombreuses espèces aujourd’hui disparues mais plutôt typiques des régions froides. Surtout, le niveau de la mer Méditerranée se trouvait au moins 120 m plus bas et le rivage était donc à plusieurs kilomètres de l’entrée par laquelle on pénétrait à pied sec. La remontée du niveau de la mer à l’issue de la dernière glaciation, il y a environ 10 000 ans a noyé une bonne partie du réseau et fait perdre sans doute les quatre cinquièmes des représentations pariétales qui se sont définitivement effacées sous les dépôts algaires et les encroûtements.

Des peintures menacées par la montée des eaux… (photo © Michel Olive / DRAC / Marsactu)

Malgré ces vicissitudes, la grotte Cosquer reste l’une des principales grottes ornées de France, au même titre que Lascaux (en Dordogne) ou la grotte Chauvet (en Ardèche). Totalement inaccessible au public et inéluctablement vouée à disparaître sous l’effet de la pollution et de la montée des eaux (évaluée à 3 mm par an en moyenne dans le secteur mais qui peut atteindre plusieurs dizaines de centimètres lors de certains épisodes atmosphériques), la grotte fait l’objet de campagnes périodiques de fouilles et va surtout être l’objet de l’établissement d’une réplique, comme ses deux homologues, réplique qui sera donc visible dans les sous-sols de la Villa Méditerranée à partir de 2022.

C’est d’ailleurs la société Kléber Rossillon, qui exploite, parmi une douzaine de sites touristiques, la réplique de la grotte Chauvet à Vallon-Pont d’Arc, qui a obtenu le contrat de concession du futur centre d’interprétation de la grotte Cosquer. L’investissement projeté est colossal puisqu’il s’élève à 23 millions d’euros dont 9 millions apportés par la Région PACA. Le site espère recevoir 500 000 visiteurs par an, ce qui paraît ambitieux mais pas irréaliste, comparé aux 350 000 qui se pressent chaque année pour visiter la réplique de la grotte Chauvet.

Vue du futur hall d’entrée du centre d’interprétation de la grotte Cosquer avec son ponton dans le hall de la Villa Méditerranée (source © Kléber Rossillon)

Les futurs visiteurs traverseront sur un ponton le bassin d’eau de mer qui occupe le hall du bâtiment avant de s’immerger dans l’ambiance du club de plongée d’Henri Cosquer à Cassis puis d’embarquer, casque audio sur les oreilles, à bord de petits véhicules électriques guidés qui les feront cheminer en 40 minutes à travers les parties reconstituées de la grotte Cosquer pour admirer ses ornements pariétaux mais aussi ses gours d’eau limpide et ses stalactites somptueuses, avant de déambuler dans des salles du centre d’interprétation archéologique consacré à l’art pariétal préhistorique et à la montée du niveau de la mer.

Une reconstitution totalement artificielle bien entendu, qui est en cours de réalisation, dispersées dans trois ateliers distincts, à partir d’un relevé numérique complet de la grotte. A Montignac, près de la grotte de Lascaux, la société créée par le plasticien Alain Dalis et joliment nommée Arc&Os fabrique des panneau de polystyrène armé de résine pour reconstituer fidèlement les différentes parties de la grotte avec une précision de l’ordre du dixième de millimètre. Les représentations pariétales sont dessinées en partie dans l’atelier d’Arc&Os et en partie par la société Déco Diffusion, située à l’Union, au nord de Toulouse. Dans les deux cas, il s’agit de reproduire à l’identique des dessins réalisés par nos ancêtres en retrouvant la même dynamique des tracés et du rendu, ce qui demande parfois plusieurs tentatives.

L’archéologue et préhistorien Gilles Tosello en train de reproduire des peintures de la grotte Cosquer sur un panneau de la future réplique, dans l’atelier de la société toulousaine Déco Diffusion (photo © Corentin Belard / FranceTélévision)

Les éléments de coques ainsi décorés seront ensuite assemblés les uns et autres et accrochés à une armature en béton destinée à reconstituer l’ouvrage. Pour restituer l’ambiance générale de la grotte, il reste à reproduire les stalactites, stalagmites, et autres spéléothèmes de la galerie souterraine. C’est l’œuvre de Stéphane Gérard, installé dans l’ancienne friche industrielle des Frigos, dans le 13e arrondissement de Paris. Ancien sculpteur du musée Grévin, lui aussi s’est fait la main pendant 4 ans sur la réplique de la grotte Chauvet et il a mis au point ses recettes personnelles à base de polymères et de composés organiques pour rendre l’éclat particulier d’une paroi rocheuse mouillée ou d’une concrétion de calcite.

Chacun pourra constater de visu, à partir de juin 2022 si le calendrier prévisionnel est respecté, le résultat de cette œuvre titanesque et minutieuse. Nul doute en tout cas que cette réplique de la grotte Cosquer devrait attirer les curieux et permettre de justifier, enfin, l’édification de cette Villa Méditerranée qui intrigue tant.

L. V.

Mais où est passé le vaccin français ?

18 janvier 2021

« Pourquoi la France, le pays de Pasteur, n’a pas son vaccin ? », telle est la question posée par le député François Ruffin sur son blog. D’autant plus que nous hébergeons un géant du domaine, SANOFI. Cette société française, occupe le troisième rang mondial dans le secteur de la santé. C’est un poids lourd dont le chiffre d’affaire était de 34 milliards d’euros en 2018. Troisième capitalisation boursière de la Bourse de Paris, elle emploie 100 000 personnes et a distribué près de 4 milliards d’euros de dividendes à ses actionnaires en 2018.

François Ruffin devant le site industriel de Sanofi à Mourenx en octobre 2018 pour protester contre l’affaire de la Depakine (photo © Jean-Philippe Gionnet / La République des Pyrénées)

Alors pourquoi, après une subvention de 200 millions d’euros annoncée par Emmanuel Macron à l’été de 2020, le vaccin Sanofi-GSK ne sera-t-il donc pas disponible avant… fin 2021 ? En attendant, Sanofi est incitée par le gouvernement à mettre son outil industriel à disposition des laboratoires concurrents pour accélérer la production des vaccins qui fonctionnent. Comment en est-on arrivé là ? Pays de Pasteur, la France se voit condamnée à vacciner sa propre population avec des vaccins étrangers…

Le centre de recherche et de production de l’entreprise Sanofi à Vitry-sur-Seine dans le Val-de-Marne (photo © Charles Platiau / Reuters / France 24)

Sanofi invoque des erreurs techniques, des déconvenues de réactifs, des lourdeurs imprévisibles. Mais la raison, souligne François Ruffin, n’est pas à rechercher de ce côté-là. En fait, « en dix ans, Sanofi a licencié près de la moitié de ses chercheurs, quatre mille dans le monde, deux mille en France : les effectifs de la « Recherche et développement » sont passés de 6350 à 3500. Le groupe s’est désengagé d’un tas de domaines, les antibiotiques, la cardio, la neurologie, la maladie d’Alzheimer, le diabète. Dès cette année, avec les fermetures annoncées de Strasbourg et d’Alfortville, il restera que trois labos de recherche en France, contre onze il y a dix ans ». En parallèle, Sanofi perçoit, de la part de L’État, le Crédit Impôt Recherche, entre 100 et 200 millions d’euros par an, et, comme le 16 juin dernier, est félicitée par Emmanuel Macron… Des subventions destinées à la recherche pour supprimer des emplois de chercheurs. Bravo, quand-même !

Emmanuel Macron en visite à l’usine de production de vaccins de Sanofi Pasteur à Marcy-L’Étoile près de Lyon en juin 2020 (photo © Gonzalo Fuentes / Le Progrès)

Et si la France montre son impuissance dans la course au vaccin, si Sanofi continue, avec l’aide de l’État, à diminuer son effort de recherche, si le pays est devenu totalement dépendant en matière de santé, est-ce vraiment l’essentiel ? « En pleine crise du Covid, en avril 2020, les dividendes de Sanofi étaient [encore] en hausse, comme toujours depuis 26 ans, à 4 milliards d’euros. Et même temps, en pleine pandémie, les dirigeants annonçaient à nouveau 1700 suppressions de postes, dont 1000 en France ».

JBx

Covid-19 : un vaccin messager d’espoir ou de crainte ?

16 janvier 2021

Peut-être est-ce l’effet de ce confinement mondialisé par éclipses qui nous brouille le cerveau ou celui de ce battage médiatique intense qui fait que depuis bientôt un an, on ne parle plus que de « ça » : ce coronavirus SARS-CoV 2 qui entraîne chez chacun des réflexes de peur et de repli sur soi… Toujours est-il que malgré les distanciations sociales, le télétravail et le confinement à domicile, toutes les conversations ne tournent plus qu’autour de cette pandémie de Covid-19 qui joue les prolongations en 2021, et sur la manière de sortir enfin de cette crise sanitaire qui fait des ravages sociaux.

« Tester, alerter, isoler », tels sont les piliers de la stratégie officielle. Mais les autorités sanitaires françaises ont été un peu prises de court par le développement d’une réponse vaccinale qu’elles n’attendaient pas aussi vite. Quand le 9 novembre dernier Pfizer et BioNTech annoncent au monde entier les bons résultats de leur vaccin, toute l’énergie du gouvernement est concentrée sur la gestion de la seconde vague épidémique qui n’avait guère été anticipée et qui oblige à développer une nouvelle stratégie de confinement ciblée.

Un dessin signé Fred Sochard (source : Opinion internationale)

Du coup la France s’est engagée avec une prudence de sioux sur la mise en œuvre de cette campagne de vaccination qu’elle n’avait pas imaginée aussi précoce et alors même que l’opinion publique française se disait opposée à plus de 60 % à cette injection vaccinale. Au vu du fiasco qu’avait été la campagne de vaccination contre la grippe H1N1 en 2009 avec ses millions de doses commandées pour rien et ses centres de vaccination restés déserts, il est compréhensible que les autorités sanitaires du pays se soient montrées prudentes, avec un début de campagne vaccinale médiatisée mais timide.

Un dessin signé Zaïtchick publié le 5 janvier 2021 dans Le Point (source : Blagues et dessins)

Au point que la France se réveille début janvier en constatant qu’elle est en queue de peloton des pays européens avec seulement 516 personnes vaccinées au 1er janvier 2021 alors qu’on en dénombre déjà plus plus de 47 000 à la même date en Pologne, 114 000 en Italie, 238 000 en Allemagne et 944 000 en Grande-Bretagne, sans compter les plus 4 millions de doses administrées aux États-Unis ou en Chine ! Ce ne sont pourtant pas les stocks qui manquent puisque c’est l’Union européenne elle-même qui s’est chargée de passer les commandes pour 2 milliards de doses après avoir négocié un prix de gros plutôt avantageux.

De quoi déclencher l’agacement de chef de l’État qui accuse son ministre de la Santé de lenteur coupable, au point que la stratégie vaccinale elle-même a dû être revue en catastrophe. Alors que seuls les résidents en EHPAD et leur soignants âgés de plus de 65 ans ou atteints de comorbidités étaient visés dans un premier temps, le gouvernement a finalement étendu la cible à tous les professionnels de santé de plus de 50 ans, puis aux pompiers et aux aides à domicile, promettant même que tous les Français de plus de 75 ans pourraient en bénéficier dès fin janvier.

Un dessin signé Sanaga publié le 13 janvier 2021 dans Blagues et dessins

Il n’en reste pas moins que ce vaccin commercialisé par Pfizer et son concurrent développé par Moderna et désormais également homologué en Europe depuis le 6 janvier, sont des vaccins à ARN messager qui font l’objet de réticences, beaucoup de voix s’élevant contre le fait qu’ils auraient été développés trop rapidement et administrés sans un recul suffisant. Des critiques largement injustifiées car tout le processus de test réglementaire a bien été respecté comme le détaille notamment le médecin du travail Thierry Bonjour dans une vidéo très pédagogique.

Pour ce qui est du vaccin développé par Pfizer et BioNTech, ce sont près de 44 000 personnes de plus de 16 ans qui ont participé à ces essais cliniques réalisés en double aveugle et les résultats sont éloquents avec un taux d’efficacité de 95 %. Celui de l’Américain Moderna, testé lui sur plus de 30 000 personnes selon un protocole comparable, conduit à une efficacité de 94 %, mais qui est légèrement inférieure pour les plus de 65 ans. Un inconvénient largement compensé par le fait que ce produit doit être conservé à – 20 °C seulement alors que celui de Pfizer exige une logistique très lourde avec des supercongélateurs réglés à – 71 °C. Dans les deux cas, les effets indésirables observés jusqu’à présent sont très limités et à peine supérieurs à ceux observés dans le groupe placebo des essais cliniques.

Les congélateurs de l’usine Pfizer, à Puurs en Belgique, où sont stockés les vaccins contre le Covid-19 (photo © Reuters / La Croix)

Pourquoi alors une telle crainte face à ces nouveaux vaccins ? Elle semble pour l’essentiel liée aux fantasmes classiques qui surgissent dès que l’on parle de biologie cellulaire et de matériel génétique. Pourtant, comme l’explique un article très détaillé du Monde, le recours à cette technologie n’est pas si récente puisque on est capable depuis 1989 d’introduire dans une cellule un fragment d’ARN messager englobé dans une nanoparticule à base de lipide et qu’on a pu observer dès 1990 que des souris pouvaient fabriquer des protéines à partir de l’instruction codée sur de l’ARN injecté en intramusculaire.

Le concept d’ARN messager a été identifié par les biologistes français Jacques Monod et François Jacob en 1960, ce qui leur a valu le Prix Nobel de médecine en 1965. Son rôle est souvent comparé à celui d’une instruction qui serait copiée à partir de l’ADN contenu dans le noyau de chacune de nos cellules, ADN qui constitue une sorte de grand livre de recettes de cuisine : la photocopie d’une de ces recettes est donc exportée du noyau et transmise au ribosome, situé dans le cytoplasme de la cellule, servant de guide pour synthétiser une protéine particulière. Le fait d’injecter un fragment d’ARN messager dans la cellule revient donc à lui donner l’instruction de fabriquer la protéine correspondante, selon la recette indiquée.

Principe de fonctionnement du vaccin à ARN messager contre la Covid-19 (infographie source L’Express)

Ainsi que le détaillent de nombreux articles pédagogiques dont celui rédigé par le collectif d’éducation à la recherche Tous chercheurs, le vaccin à ARN messager comme celui développé par Pfizer permet à la cellule réceptrice de déclencher le codage de la protéine Spike qui constitue une sorte de clé présente à la surface du virus SARS-CoV2 et qui lui permet de pénétrer dans les cellules humaine. Le fait de produire cette protéine déclenche par anticipation les défenses immunitaires classiques qui permettront au corps de se défendre en cas d’infection. Le principe est donc très similaire à celui d’un vaccin classique mais présente beaucoup d’avantages par rapport à une technologie plus traditionnelle comme celle que développe actuellement Sanofi Pasteur basé sur l’injection d’un fragment de virus désactivé (en l’occurrence la protéine Spike elle-même).

Le principal est la rapidité d’élaboration d’un tel vaccin : il n’a fallu que 10 semaines entre le séquençage du SARS-CoV 2 et la participation des premiers volontaires aux essais cliniques, un record ! En 2013, des chercheurs n’avaient mis que 8 jours pour produire un ARN messager anti-influenza une fois obtenu le séquençage du virus responsable, alors qu’il faut habituellement au moins 6 mois pour mettre au point un vaccin conventionnel contre la grippe… Il est en fait possible très rapidement de produire de l’ARN messager pour coder n’importe quelle protéine, ce qui permet de s’adapter rapidement à de nouvelles infections virales. On explore même désormais la possibilité de développer des vaccins de ce type qui permettraient de lutter de manière individualisée contre les cellules cancéreuses.

Dose de vaccin contre la Covid-19 (photo © AdobeStock / Actu.fr)

Pourquoi alors autant de craintes quant à la mise en œuvre de tels vaccins ? Le risque que l’ARN messager ainsi introduit ne vienne interférer avec le matériel génétique du receveur est inexistant car il n’y a pas de contact avec l’ADN stocké dans le noyau des cellules. De plus, l’ARN messager est un élément très fragile qui se dégrade rapidement, ce qui explique pourquoi les conditions de conservation de ces vaccins restent aussi contraignantes et pourquoi les chercheurs ont mis si longtemps avant de trouver les parades technologiques pour permettre à l’ARN messager de pénétrer dans les cellules et de s’y maintenir assez longtemps pour être utilisé à bon escient. Quant aux risques d’allergies qui conduisent à déconseiller ce vaccin à certains profils, ils semblent liés à la molécule de polyéthylène glycol qui est justement utilisé comme enveloppe lipidique pour emballer l’ARN messager.

Cette crise sanitaire d’ampleur mondiale aura eu en tout cas pour effet une formidable accélération des recherches scientifiques et force est de constater que les résultats de cette course au vaccin dépassent toutes les espérances. Reste maintenant à faire preuve d’autant d’efficacité en matière de logistique et de mise en œuvre de politiques publiques adaptées pour en faire bon usage…

L. V.

Mobilité métropolitaine : ça phosphore !

12 janvier 2021

Comment développer les transports en commun du futur sur l’aire métropolitaine Aix-Marseille-Provence ? Tout le monde a son idée sur le sujet même si chacun reconnaît que ce n’est pas si simple sur un territoire où l’habitat est aussi dispersé et où chacun a pris l’habitude depuis des années de se déplacer principalement en voiture, ce qui en fait une des agglomérations de France où l’air est le plus souvent pollué et où les bouchons sont les plus fréquents.

Contrairement à d’autres métropoles, celle-ci est polycentrique. Alors qu’en région parisienne ou lyonnaise, la majorité habite en banlieue et vient travailler dans la ville centre, il n’en est rien à Marseille. Toutes les études sur lesquelles se base notamment le Plan de déplacement urbain, arrêté en 2019, insistent justement sur ce constat que les déplacements pendulaires sont multiples et complexes, les trois corridors principaux (Marseille-Aubagne, Marseille-Aix et Marseille-étang de Berre) ne représentant finalement que 50 % des déplacements métropolitains. Une chose est sûre : 96 % de ces flux d’échange métropolitains (sur des distances supérieures à 7 km) sont réalisés en voiture, faute de transports en commun fiables et adaptés.

Répartition des principaux déplacements métropolitaines (source © PDU Aix-Marseille-Métropole)

C’est donc tout l’enjeu de demain : comment développer enfin sur ce territoire des modes de déplacements plus durables afin de réduire l’usage de la voiture individuelle qui congestionne les axes routiers et empoisonne l’air ambiant ? L’agglomération lyonnaise a répondu depuis des années à cet enjeu en développant un réseau performant de bus, métros et tramways tandis que le Grand Paris est en train de réaliser une extension sans précédent de son réseau de métros pour irriguer sa grande banlieue.

Extrait de la Une de La Provence en date du 4 janvier 2021 (source © Twitter / LoopAM)

Et pendant ce temps-là, à Marseille les idées fusent ! La dernière en date qui a eu les honneurs de La Provence le 4 janvier 2021 provient de deux financiers locaux, Guillaume Nicoulaud et Mathieu Morateur, qui ont lancé une petite start-up du nom de Loop Aix-Marseille, pour promouvoir le développement d’un réseau maillé de transports en communs haute fréquence vaguement inspiré de l’Hyper-loop que le milliardaire Elon Musk cherche à développer tout en projetant la colonisation de la planète Mars.

Vue d’artiste du projet de navette électrique imaginé par LoopAM (source © La Provence)

Leur credo est qu’il faut développer un système de navettes rapides sous forme de petits véhicules électriques autonomes de 25 places montés sur pneus et se déplaçant à grande fréquence (toutes les 10 minutes voire davantage aux heures de pointe) sur les principaux axes de la métropole pour relier à terme Aubagne, Marseille, Aix, Marignane… Pour pouvoir assurer un cadencement aussi rapide et une desserte Aix-Marseille en 15 mn comme l’annonce La Provence, la solution imaginée est de faire circuler ces véhicules en tunnel ! On s’affranchit ainsi de tous les obstacles urbains qui encombrent l’espace, mais bien sûr, la facture est salée : nos deux financiers visionnaires l’estiment au minimum à 6 milliards d’euros et sont en train de faire chauffer leurs calculettes pour étudier comment rentabiliser un tel investissement qui serait bien entendu supporté par le privé, dans le cadre de concessions de service public.

A ce stade, ce n’est pas gagné d’autant que, au-delà de ces coûts d’investissement colossaux, l’exploitant devra prendre en charge les frais de fonctionnement qui risquent d’être particulièrement élevés sur un territoire où l’habitat est aussi dispersé. Un projet un peu fou que ce Loop qui fait partie des idées plus ou moins farfelues que le collectif Tous acteurs, animé par la Chambre de commerce et d’industrie métropolitaine, dévoilait dès mars 2020, en pleine campagne électorale des municipales.

Outre ce projet de Loop, il y était question de voies réservées pour les bus sur certains grands axes de circulation, d’un projet de RER d’Aubagne à Marignane en passant par Aix et Vitrolles, mais aussi de navettes maritimes côtières hybrides et même de taxis volants, soyons fous !

Maquette du projet de Val’tram de Valdonne qui pourrait desservir la vallée de l’Huveaune en amont d’Aubagne à l’échéance 2024 (source © Made in Marseille)

Pas sûr que tous ces projets innovants résistent à une analyse un peu sérieuse comme l’a montré l’abandon du projet de réouverture de la voie ferrée Aix-Rognac sur lequel la région et la Métropole ont pourtant investi plus de 2 millions d’euros en études de faisabilité avant de conclure à un projet non rentable au vu de la fréquentation attendue. Le projet de Val’tram envisagé entre Aubagne et La Bouilladisse sur une autre voie ferrée désaffectée, avait déjà été abandonné pour les mêmes raisons par la Métropole avant que Martine Vassal ne se ravise à la veille des élections et ne vienne ressortir des cartons poussiéreux ce vieux serpent de mer contesté.

Maquette du projet d’AirAixpress imaginé par Anne-Laurence Petel (source © GoMet)

De son côté, la candidate LREM aux élections municipales à Aix-en-Provence, Anne-Laurence Petel, avait lancée l’idée plutôt originale d’un système de navettes électriques autonomes de 8 places ressemblant vaguement à des cabines de téléphérique et qui se déplaceraient suspendues à des structures aériennes couvertes de panneau photovoltaïques en surplomb des grands axes routiers comme l’autoroute entre Aix et Marseille. Baptisé du doux nom à consonance typiquement provençale AirAixpress et en cours de développement par la société lyonnaise Supraways, laquelle envisage un coût de construction de 15 à 25 millions d’euros au km, soit moins élevé que le tram, le concept ne manque pas d’originalité et pourrait se placer en bonne place de ce concours Lépine des modes de transport métropolitains du futur…

L. V.

Trump : du Capitole à la roche Tarpéienne

10 janvier 2021

Décidément, ces élections présidentielles américaines de 2020, tant attendues et scrutées par le monde entier après quatre années passées sous le mandat pour le moins déroutant d’un Donald Trump totalement décomplexée et prêt à tout, auront tenu leurs promesses ! Après avoir tenu en haleine toute la planète par un dépouillement interminable, voilà que l’affaire se termine par un épisode tragi-comique totalement inédit avec cette prise du Capitole par des militants trumpistes déchaînés.

C’est le journaliste Christophe Deroubaix, correspondant du journal l’Humanité à Marseille depuis 2004 et grand spécialiste des États-Unis dont il décortique la vie politique depuis près de 25 ans, qui a imaginé ce titre dans un article publié le 8 janvier 20121. A Rome, le Capitole était cette colline sacrée sur laquelle était édifié un temple consacré à Jupiter capitolin, haut-lieu symbole de puissance et d’honneur vers lequel un général romain victorieux pouvait être autorisé par le Sénat à y conduire son char en grandes pompes.

Le bâtiment du Capitole à Washington DC (source © Structurae)

Dans l’État de Washington, le Capitole est le nom du bâtiment dont la première pierre fut posée en 1793 et qui abrite le Congrès fédéral, détenteur du pouvoir législatif. Séparé par une simple place du « Temple de la Justice » qui abrite la Cour suprême de l’État, ce site prestigieux représente sans conteste un haut-lieu de la démocratie américaine.

Lorsque Donald Trump, pourtant clairement battu dans les urnes mais refusant toujours de reconnaître sa défaite, deux mois après le scrutin, chauffe à bloc des milliers de sympathisants près de la Maison Blanche en ce mercredi 6 janvier 2021, il met clairement le feu aux poudres. « Nous ne céderons jamais » clame-t-il haut et fort, dénonçant pour la n-ième fois une « élection volée » et une « fraude massive », alors même que le Congrès doit se réunir le jour même pour certifier la victoire électorale du Démocrate Joe Biden pourtant élu par plus de 81 millions d’Américains et avec près de 7 millions de voix d’avance par rapport à son adversaire Républicain. Un écart incontestable même si cela signifie que plus de 74 millions d’électeurs ont préféré voter pour Donald Trump, alors qu’ils n’étaient que 63 millions à avoir fait ce choix en 2016. Rarement la grande démocratie américaine n’aura été autant polarisée en deux camps inconciliables…

Donald Trump en meeting en Georgie le 4 janvier 2021 (photo © Mandel Ngan / AFP / France Inter)

Il n’a donc pas fallu à Donald Trump beaucoup d’efforts pour que les militants les plus virulents de sa cause, sitôt son discours terminé, se rendent au Capitole situé à 2 km seulement, bien décidés à en découdre avec les Congressistes pour les empêcher de reconnaître officiellement le résultat du vote américain. Et le monde entier a assisté, médusé, à un spectacle que l’on aurait jamais imaginé, avec le Capitole, à peine gardé par un dispositif de sécurité a minima, alors que les lieux sont habituellement sécurisés par une armada de la Garde nationale, mobilisée pour la moindre manifestation.

Des sympathisants de Trump prenant d’assaut le Capitole le 6 janvier 2021 (photo © Shannon Stapleton / Reuters / Ouest-France)

La centaine de militants déterminés n’a eu aucun mal à sauter les barrières et à pénétrer dans le bâtiment, certains en brisant des fenêtres, d’autres tout simplement en entrant par la grande porte. Les putschistes en herbe se sont rués à travers les couloirs et les escaliers du bâtiment officiel, alternant coup de force et selfies rigolards. On les a vu pourchasser des gardes armés isolés, bravant les gaz lacrymogènes et assiégeant la Chambre des Représentants défendue, arme au point par des agents de sécurité acculés. Des coups de feu ont été tirés et deux morts sont à déplorer dont un parmi les forces de l’ordre. Les manifestants ont fini par pénétrer de force dans les deux Chambres du Congrès, se faisant photographier hilares au perchoir du Sénat ou les bottes sur le bureau de la présidente démocrate de la Chambre des Représentants. Des bombes artisanales ont aussi été retrouvées dans des immeubles voisins et il a fallu instaurer le couvre feu pour permettre le retour au calme. Une situation digne d’une véritable tentative de coup d’État !


Militants pro-Trump dans l’enceinte du Capitole le 6 janvier 2021 : au centre, Jake Angeli avec ses cornes de vache et ses tatouages néo-nazis (photo © Saul Loeb / AFP / La Croix)

Cette intrusion de militants chauffés à blanc par un Président toujours en exercice dans une des plus anciennes démocraties du monde, jamais avare de leçon de morale à l’encontre du reste de la planète, laissera certainement des traces. Comme l’analyse Christophe Deroubaix, « l’Histoire retiendra que celui qui voulait rendre sa grandeur à l’Amérique a été l’instigateur de la profanation de ce qu’une immense majorité d’Américains considère comme un sanctuaire ».

Un épisode douloureux qui interroge sur les dérives du débat démocratique, même s’il a de fait plutôt servi d’électrochoc, incitant sans doute le vice-président Mike Pence à entériner officiellement la victoire de Joe Biden qui s’est du coup engagé à consacrer les quatre prochaines années à « la restauration de la démocratie, la décence, l’honneur, le respect, l’état de droit ». Le sénateur républicain Lindsey Graham, pourtant fervent soutien de Trump, a de son côté réclamé des poursuites contre ceux qui se sont ainsi attaqué au gouvernement, estimant que « leurs actions sont répugnantes dans une démocratie ». Même Georges Bush a condamné cette « insurrection » digne, selon lui d’une « république bananière »…

Une potence menaçante édifiée non loin du Capitole par les manifestants pro-Trump (photo © Andrew Caballero-Reynolds / AFP / Le Figaro)

Donald Trump lui-même a fini par reconnaître dans un communiqué, sans toutefois concéder sa défaite qu’il continue à contester, qu’ « il y aura cependant une transition ordonnée le 20 janvier ». C’est donc bien cette fois le début de la fin pour le trublion qui aura fait trembler la planète avec ses volte-face et ses inconséquences et qui aura donc même fait craindre pour le fonctionnement démocratique des États-Unis.

Les Romains aimaient à rappeler que le général Marcus Manlius Capitolinus qui avait courageusement sauvé la ville d’une incursion menée par les Gaulois de Brennus et avait connu pour cela les honneurs d’un défilé au Capitole, s’était retrouvé peu après accusé de complotisme à visée populiste et avait été condamné à mort puis exécuté en étant précipité du haut de la roche Tarpéienne, laquelle se trouve justement à faible distance du Capitole : un sort auquel Donald Trump devrait du moins pourvoir échapper, autres temps, autres mœurs…

L. V.

Difficile ravitaillement pour le centre-ville de Carnoux !

8 janvier 2021

Le centre-ville de Carnoux-en-Provence est organisé autour de la place Lyautey. Cet aménagement urbain a offert, pendant plusieurs décennies, un ensemble de petits commerces de bouche (boulangerie, boucherie-charcuterie…) et de service (santé, pharmacie, optique, coiffure, tabac-journaux, bar-brasserie, fleuriste, bijouterie, cadeaux….) auxquels s’ajoutent les stands des marchés forains des jeudis et samedis matins.

Ces commerces de proximité qui avaient été complétés par un petit supermarché situé dans la résidence des Lauriers, offraient la possibilité de se ravitailler dans des conditions satisfaisantes.

La supérette Dia, en centre-ville de Carnoux, désormais fermée (photo © CPC)

Outre la fermeture de plusieurs boutiques d’alimentation dans un contexte de forte concurrence avec les centres commerciaux locaux ou voisins (Aubagne), depuis le 25 mars 2020, l’enseigne Carrefour City qui avait succédé aux enseignes Ed puis Dia est fermée.

Ce petit supermarché Ed puis Dia rendait bien des services aux personnes âgées ainsi qu’aux familles aux revenus modestes qui, dépourvues de véhicules et faute de transports en commun adaptés, ne pouvaient se rendre au supermarché Intermarché situé avenue Lavoisier dans le haut de la zone industrielle de Carnoux. De plus, les prix compétitifs pratiqués constituaient un atout majeur. La création du magasin Lidl avenue Gay Lussac près de la route de Cassis a constitué un palliatif mais son positionnement éloigné du centre n’en facilite pas pour tous l’accès. Il existe aussi, toujours rue Gay-Lussac, le magasin Biocoop spécialisé dans les produits biologiques et équitables, Le magasin Dia fermé, c’est l’enseigne Carrefour avec son Carrefour City qui a pris le relais mais avec des tarifs plus élevés que ceux pratiqués par son prédécesseur.

Le magasin Biocoop à Carnoux, rue Gay-Lussac (source © Le Chéquier Vert)

Cet état des lieux témoigne d’une offre marchande réduite pour les habitants aux revenus modestes du centre-ville qui conduit de fait à négliger les quelques commerces subsistant. Cela n’est pas sans effets sur la vitalité du cœur de la cité !

Le schéma urbain d’implantation des espaces de chalandises à Carnoux conduit, comme dans bien d’autres villes du secteur, à un glissement des principaux commerces vers les périphéries des villes. Pour Carnoux, les deux espaces de commerce les plus vivants se situent désormais dans la zone d’activités économiques Les Barles à la sortie de l’autoroute et à la galerie du stade à la sortie vers Cassis.

Centre commercial des Barles à l’entrée de Carnoux (source © Souchon Immobilier)

A La Ciotat, et après avoir perçu ce phénomène de désertification des rues commerçantes du centre-ville, le conseil municipal a décidé de prendre en charge la location de boutiques pour proposer à des commerçants potentiels et à des loyers compétitifs, des locaux restés fermés trop longtemps. Cette démarche volontariste et citoyenne, telle qu’elle a été initiée dans des zones rurales, vise à redynamiser des secteurs populaires.

L’offre de services alimentaires dans des boutiques de Carnoux répond-elle au slogan porté par l’affichage municipal qui prône l’achat carnussien ? Rien n’est moins certain.

Le magasin Au goût de la Provence, désormais fermé, à côté de la boulangerie Le Moulin des Calanques, fermée également (photo © CPC)

On a ainsi récemment constaté la fermeture de l’enseigne Au bon goût de la Provence située avenue de Cassis qui proposait des fruits, des légumes et des fromages dont de très nombreux articles produits dans la région, à Salon de Provence et Pertuis principalement. Faute de renouvellement du bail du local jouxtant le Moulin des Calanques, boulangerie aussi fermée, Djamel Chelloum avait choisi de s’installer sous les arcades et de proposer la vente de paniers de fruits et de légumes qu’il se proposait aussi de porter au domicile des clients. Là encore, faute de pouvoir s’installer et d’offrir quotidiennement un large choix de fruits et de légumes régionaux ou autres en centre-ville, il a dû renoncer à son projet mais reste disponible, par téléphone ou via internet, pour des livraisons à domicile sous le nom Aux fruits de saison.

Djamel Cheloum veillant sur ses étals de fruits et légumes Au goût de la Provence en 2015 (photo © La Provence)

Le bilan qui ressort de ces constats et de l’évolution du commerce en centre-ville de Carnoux met en évidence une présence importante de banques et de services (Poste, santé, pharmacie, coiffure, agence immobilière, fleuriste, bars et brasseries….. et même pompes funèbres), mais une faible offre alimentaire.

Une action volontariste encouragée par la municipalité pour permettre aux personnes modestes et peu mobiles de se ravitailler au quotidien est devenue nécessaire.

Maroiller

Pistes cyclables : la métropole AMP déraille…

5 janvier 2021

L’agglomération marseillaise n’est pas connue pour être particulièrement favorable à la pratique cycliste. Jusqu’à présent et depuis une bonne dizaine d’années, les différentes enquêtes successives confirment que seuls 1,2 % des déplacements totaux se font à bicyclette sur le territoire métropolitain alors que cette proportion dépasse désormais les 4 % à Paris et se situe depuis des années déjà autour de 7,5 % à Strasbourg. Pour l’ensemble des grosses agglomérations urbaines françaises, ce sont en moyenne autour de 6 % des actifs qui utilisent le vélo pour aller travailler.

Une piste cyclable tracée à la va-vite sur le Prado pendant le confinement en mai 2020, entre voie de circulation et couloir de bus (photo © Georges Robert / La Provence)

Si ce pourcentage est aussi faible à Marseille et continue de stagner malgré une prise de conscience globale que les modes doux de déplacement sont les plus adaptés en agglomération urbaine, c’est en partie parce que les infrastructures n’y sont guère favorables à la pratique du vélo. Dès 2010 pourtant, l’ancienne Communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole recensait un certain nombre d’itinéraires structurants sur lesquels développer des pistes cyclables adaptées.

Mais depuis, pas grand-chose n’a été fait pour atteindre ces beaux objectifs. Des fragments de pistes cyclables ont bien été aménagés, mais souvent uniquement sur de très courtes distances entre deux ronds-points, comme cela a été le cas à Carnoux où la traversée complète de la ville n’est toujours pas possible de manière sécurisée pour les deux-roues. A Marseille, on a même vu fleurir des pistes cyclables signalées directement sur les trottoirs, au risque de multiplier les risques de collision avec les piétons. D’autres ont été simplement dessinées sur la chaussée en empiétant sur une des voies de circulation, à l’exemple de celles qui sont apparues cette année dans la zone industrielle et commerciale des Paluds à Aubagne : le pauvre cycliste qui souhaiterait s’y engager s’expose à se faire coincer entre une voiture et la bordure du trottoir avec chute spectaculaire garantie…

Piste cyclable dessinée à l’été 2020 sur la chaussée entre la gare d’Aubagne et la zone commerciale des Paluds
(photo © François Rasteau / La Provence)

Changement de ton pourtant à la Métropole lorsque Martine Vassal a inauguré en grandes pompes la piste cyclable de la Corniche, à l’occasion de la 14e Fête du vélo, en ce dimanche 16 juin 2019. Les grandes lignes d’un ambitieux Plan Vélo 2019-2024 sont esquissées et on apprend que les quelques 140 km de pistes cyclables répertoriées officiellement sur Marseille (contre 600 km à Strasbourg dont la superficie est pourtant trois fois plus faible) devraient augmenter de 107 km d’ici 2030 ! A grands renfort de panneaux publicitaire, l’objectif affiché est bien de sortir enfin de ce classement infamant qui place Marseille en dernière position des 40 plus grandes villes françaises pour la pratique du vélo selon l’évaluation de la Fédération des usagers de la bicyclette.

Affiche de la Métropole Aix-Marseille-Provence pour la Fête du Vélo 2019 (source ©
Métropole Aix-Marseille-Provence)

A cette occasion, la Métropole annonce qu’elle compte consacrer pas moins de 60 millions d’euros d’ici 5 ans à la réalisation de nouvelles pistes cyclables, dont la moitié pour le territoire marseillais, en plus des 40 millions d’euros déjà programmés par le Département. De quoi créer 16 lignes vélo sécurisées pour irriguer l’agglomération marseillaise et assurer les interconnexions avec les villes voisines. Au total, ce sont pas moins de 280 km de pistes cyclables supplémentaires qui devraient voir le jour d’ici 2030, dont une de 23 km allant d’un seul tenant de l’Estaque jusqu’aux Goudes.

Objectifs de développement des pistes cyclables sur Marseille prévu dans le Plan Vélo de la Métropole d’ici 2024 et 2030
(source © Métropole Aix-Marseille-Provence)

Les cyclistes marseillais restent sceptiques quant à la capacité de la Métropole à tenir ses promesses, d’autant qu’ils contestent l’appellation de « pistes cyclables » à ce qui n’est souvent qu’un simple marquage au sol non sécurisé sur la chaussée ou sur le trottoir, mais les chiffres sont néanmoins impressionnants. Reste à savoir comme un tel budget sera utilisé. Pour une simple bande cyclable matérialisée sur la chaussée, le coût se limite en effet à environ 10 000 € le km. En revanche, pour une voie cyclable séparée physiquement de la chaussée et matérialisée comme telle, on approche plutôt les 200 000 € du km, très loin cependant du coût de réalisation d’une route neuve, lequel varie plutôt entre 2 et 5 millions d’euros le km selon la largeur de la chaussée et la configuration du terrain. Au vu des chiffres annoncés de 60 millions pour 280 km de pistes cyclables, on retrouve d’ailleurs cet ordre de grandeur d’un peu plus de 200 k€ le km.

Roland Giberti présidant le Conseil de territoire Marseille-Provence lors de sa séance du 15 décembre 2020 (source © Marseille-Provence)

Quelle n’a donc pas été la surprise de certains conseillers lors du dernier conseil de territoire métropolitain qui s’est tenu le mardi 15 décembre 2020, en visioconférence, sous la présidence de Roland Giberti, maire de Gémenos et Président du Conseil de territoire Marseille-Provence, de prendre connaissance, au hasard d’une des 191 délibérations soumise aux votes en moins d’une heure et demi, qu’un tronçon de 5,5 km de piste cyclable allait être aménagée entre Arenc et Mourepiane pour un montant de 16 millions d’euros !

Ce n’est pourtant pas la topographie du site qui justifie un montant de travaux aussi colossal puisque le tracé longe le littoral à cet endroit. Comment donc expliquer qu’une piste cyclable à cet endroit coûte 3 millions d’euro le km et que ce simple premier tronçon de 5 km vienne amputer la moitié du budget total prévu dans le plan vélo métropolitain pour créer plus de 100 km de pistes cyclables sur la ville de Marseille ?

Étienne Tabbagh, conseiller municipal de Marseille et conseiller métropolitain (source © Mairie du premier secteur de Marseille)

Les élus n’ont bien évidemment pas eu de réponse en séance à cette question pourtant élémentaire, et ceci malgré la présence du Premier Vice-Président du Conseil de Territoire, un expert en matière de dépense publique, d’ailleurs en charge de la délégation des Finances, un certain Jean-Pierre Giorgi par ailleurs maire de Carnoux. La réalité est malheureusement toute simple bien que difficilement avouable : la Métropole utilise tout bonnement ce crédit affecté officiellement au Plan Vélo pour financer la réalisation d’un tronçon de voirie urbaine classique dans lequel la piste cyclable adjacente n’est qu’un élément accessoire. Un joli tour de passe-passe qui a d’ailleurs failli passé inaperçu sans la vigilance de l’écologiste Étienne Tabbagh, élu du Printemps Marseillais. Il faut dire que les pistes cyclables à Marseille sont tellement rares qu’un tel coût aurait presque paru cohérent tant il est vrai que tout ce qui est rare est forcément cher…

L. V.

Pierre Cardin : feuilles, pierre, ciseaux…

3 janvier 2021

Le célèbre couturier français Pierre Cardin est donc décédé en cette fin d’année 2020, le 29 décembre, à l’âge de 98 ans et les médias du monde entier s’en sont largement fait l’écho. Dernier né d’une fratrie de 7 enfants d’un couple d’agriculteurs italiens émigrés en France pour fuir le régime fasciste de Mussolini, celui qui était devenu le doyen de la haute-couture française s’était de fait forgé une réputation internationale. « Une voyant m’avait dit que mon nom flotterait partout » avait coutume de rappeler celui dont le nom est de fait sans doute presque aussi connu à travers la planète que celui de Coca-Cola. Force est de constater que ce fils d’émigrés italiens a eu le don toute sa vie durant de faire parler de lui : on ne compte plus le nombre d’articles qui ont été écrits à son sujet et qui l’ont rendus aussi célèbre !

Pierre Cardin en novembre 2014 dans son propre musée (source © Joël Saget / AFP / France Culture)

Cette renommée internationale, il l’a doit d’abord à ses talents de couturier, un métier qu’il a appris un peu par hasard en poussant la porte à 14 ans d’un tailleur de Saint-Étienne où il est d’abord embauché comme comptable avant de commencer à toucher aux ciseaux. Des instruments qui ne le quitteront plus, pendant la guerre qu’il passe à Vichy, toujours chez un tailleur, à habiller la riche bourgeoisie locale et les occupants allemands, avant de rejoindre Paris où il débute chez Jeanne Paquin pour faire des costumes de scène destinés au film « La Belle et la Bête », auprès de Jean Cocteau.

Après un passage éclair chez une autre créatrice de mode, Elsa Schiaparelli, le voici fin 1946 premier employé recruté par Christian Dior qui vient d’ouvrir sa maison de haute-couture. Il participe au succès du style New Look avant de claquer la porte sur un coup de tête 3 ans plus tard pour racheter la maison Pacaud qui crée des costumes de scène et fonder ainsi sa propre maison de haute-couture. Dès 1953 il possède sa propre collection et devient rapidement membre de la Chambre syndicale de la couture parisienne.

Premier défilé de prêt-à-porter Pierre Cardin au Printemps en 1959 (source © Pierre Cardin)

En homme d’affaires avisé, Pierre Cardin a rapidement compris qu’il devait mener de front sa carrière de créateur de haute-couture, gage de sa renommée et de son prestige à l’international, tout en se lançant dans la diffusion de prêt-à porter beaucoup plus lucratif. Il est ainsi le premier à présenter, en 1959, un défilé de prêt-à-porter dans les allées du Printemps : succès et scandale garantis, de quoi faire parler de lui dans toutes les bonnes feuilles de l’époque…

Défilé organisé par Pierre Cardin dans le désert de Gobi en 2008, en Chine (source © Pierre Cardin)

Dès lors, Pierre Cardin jouera avec habileté de cette capacité à attirer sans cesse l’attention avec ses coups médiatiques tels que les défilés qu’il organise dans le désert de Gobi, dans la Cité interdite de Pékin ou sur la place Rouge à Moscou ou encore la première collection de vêtement masculins qu’il lance en 1960 en faisant poser des mannequins recrutés à la sortie des fac parisiennes… Son idylle avec l’actrice Jeanne Moreau qui a duré 4 ans, malgré l’homosexualité assumée de Pierre Cardin, a aussi contribué à asseoir sa notoriété internationale, lui qui n’a pas hésité en 1974 à poser torse nu en couverture du magazine Time.

Ce génie des affaires doit son immense fortune, estimée à environ 1 milliard d’euros, au système des licences qu’il a développé à l’extrême. Créateur insatiable, il faisait produire par des industriels du monde entier et se contentait d’apposer ses initiales PC sur cravates, briquets, vêtements, papiers peints mais aussi mobilier vendu un peu partout. Plutôt que d’ouvrir ses propres magasins, il vendait donc sa marque, ce qui lui a plutôt bien réussi puisqu’il a réussi à garder la tête de sa propre maison de couture jusqu’au bout, tout en exploitant plus de 700 licences allant du textile aux arts de la table en passant par l’eau minérale, les poêles à frire, les vélos, les sacs en plastiques, les briquets ou les tringles à rideaux.

Pierre Cardin signant son nom en 1978 sur le fuselage d’un avion dont il a conçu le design (source © Sputnik News)

Et l’homme, détenteur de 3 Dés d’or, ne s’est pas contenté de manier les ciseaux. Créateur de meubles et patron de théâtre, dont l’Espace Cardin qu’il a cédé à la Ville de Paris en 2016, il racheta en 1981 le restaurant Maxim’s à Paris avant d’en décliner le concept à Pékin, New York ou Rio tout en dupliquant le site parisien avec deux péniches amarrées l’une au pied de Notre-Dame de Paris (Bateau ivre Maxim’s) et l’autre près de la Tour Eiffel. En réalité, Pierre Cardin était attiré par la pierre au moins autant que par les étoffes et il n’a pas arrêté, sa vie durant, d’enchaîner les opérations immobilières sans jamais trop s’embarrasser des subtilités liées au droit de l’urbanisme.

C’est ainsi que fin 2000, Pierre Cardin rachète le château du marquis de Sade qui domine le village de Lacoste, dans le Luberon et ses 409 habitants. Une arrivée initialement plutôt bien vue par la population locale car le richissime couturier fait appel aux entreprises du coin pour rénover la bâtisse et y crée un festival d’art lyrique. Mais il se met en tête de transformer le village en Saint-Tropez du Luberon et rachète progressivement pas moins de 47 maisons ainsi que des dizaines d’hectares de terres attenantes. Au point de désertifier progressivement le village qui a même perdu sa boulangerie, transformée en lieu d’exposition de mobilier contemporain. De quoi finalement déclencher la colère de certains habitants, au point de pousser l’un d’entre eux, Cyril Montana, à se révolter contre cette fièvre acheteuse du milliardaire de la haute-couture, ce qui a même fait l’objet d’un documentaire réalisé par Thomas Bornot en avril 2020.

Affiche du film documentaire dénonçant l’interventionnisme de Pierre Cardin dans le village de Lacoste (source © Mr Mondialisation)

Mais les emplettes de Pierre Cardin ne se sont pas limitées à ce seul village du Vaucluse. Il a aussi fait ses achats dans le voisinage en s’appropriant au fil du temps le château des Quatre Tours à Goult, le château de la Falaise à Lioux ou encore le clos de Ventvert à Bonnieux. En janvier 2016, le couturier avait rencontré des élus de Bonnieux, toujours dans le Luberon, pour leur présenter son projet de réaliser un parcours de golf de 18 trous ornés de sculptures monumentales dans la plaine agricole de Bonnieux où il avait acquis, au fil des ans, une cinquantaine d’hectares, et ceci en contradiction complète avec le Plan local d’urbanisme de la commune qui interdit tout parc d’attraction, de jeux ou de sport dans cette riche plaine agricole irriguée.

Le Palais Bulles à Théoule-sur-Mer, un modeste pied-à-terre sur la Côte d’Azur (source © Palais Bulles)

En 1991, Pierre Cardin s’était aussi porté acquéreur du Palais Bulles, une œuvre architecturale contemporaine façon maison des Barbapapas, édifiée dans l’Estérel à Théoule-sur-Mer où il s’achète également une propriété en bord de mer, qu’il fait transformer sans le moindre permis de construire. Mis en vente en 2016 au prix modique de 350 millions d’euros, le Palais Bulles n’a semble-t-il jamais trouvé preneur : on se demande bien pourquoi…

Sa nostalgie de fils de paysan vénitien l’avait même poussé à s’acheter son palais à Venise, en l’occurrence le Ca’Bragandin Carabba, une demeure de laquelle Casanova en personne se serait échappé par une porte dérobée donnant sur le canal. En revanche, son projet fou de construire un « palais Lumière » sous la forme d’une tour contemporaine de 250 m de hauteur édifiée dans le port de Venise à quelques encablures de la cité des Doges n’a jamais pu se concrétiser. Comme quoi, même un créateur milliardaire qui maîtrise aussi bien les jeux du pouvoir, de la renommée et de l’argent se heurte parfois à des obstacles infranchissables…

L. V.

2020 : la page est tournée (enfin ?..)

1 janvier 2021

Ça y est, l’année 2020 est enfin terminée. Après une pandémie mondiale qui aura fait au moins 1,7 million de morts dans le monde dont plus de 60 000 en France, suivie d’une crise économique et sociale majeure, agrémentée de son lot de conflits armés et d’attentats aveugles, certains n’en seront pas fâchés… Après tout, c’est une question de point de vue. On a certes connu bien pire, mais il est incontestable que 2020 ne restera pas dans les mémoires comme une année majeure de bonheur collectif et de prospérité partagée !

Heureusement, quand tout va mal, il reste l’humour et la dérision. Les dessinateurs de presse font partie de ces métiers indispensables pour soutenir le moral et redonner le sourire. Rire de ses malheurs et se moquer des situations qui nous effraient : l‘Homme n’a jamais rien trouvé de mieux pour supporter son quotidien parfois bien morose.

Tout le monde n’a pas la largeur d’esprit nécessaire pour apprécier ce regard décalé et cette autodérision qui sont la marque des dessinateurs de presse et des caricaturistes talentueux. Certains de ces derniers l’ont d’ailleurs payé de leur vie, pas plus tard qu’en janvier 2015, à l’occasion de l’attaque contre Charlie Hebdo dont on a fait le procès des complices durant l’année 2020… Alors, profitons-en, tant que le climat le permet, pour une petite revue sélective et subjective de quelques uns des petits et grands événements qui ont fait l’année 2020 et qui ont inspiré ces dessins de presse savoureux.

Espérons que l’année 2021 qui vient de débuter apportera à chacun davantage de joie, de sérénité et de réussite que celle qui se termine. Restez connectés sur ce blog pour partager ensemble quelques réflexions plus ou moins légères au fil des évènements, et bonne année 2021 à tous !

Janvier 2020 :

Grosse colère des avocats qui manifestent vendredi 10 janvier pour protester contre l’harmonisation des régimes de retraites alors que la caisse de retraite de leur profession est excédentaire. Comme à Caen devant la Ministre de la Justice, Nicole Belloubet, venue évoquer la fusion envisagée des tribunaux d’instance et de grande instance, les avocats jettent leur robe à terre, en un geste symbolique de démission. Devant l’ampleur du mouvement de grogne, le gouvernement finit par annoncer la suspension de l’âge pivot mais les manifestations se poursuivent, en particulier le 3 février où infirmières, médecins et kinés rejoignent les troupes des avocats, pilotes de ligne et autres experts-comptables, tous opposés à cette réforme qui mettrait fin à leur régime spécifique de retraite. Une convergence des luttes qui ne va pas de soi..

Un dessin d’actualité signé Chaunu, publié dans l’Union

Février 2020 :

Le 1er février 2020 à 0 h, officiellement la Grande-Bretagne ne fait plus partie de l’Union européenne. Quatre ans après le référendum de juin 2016, à l’issue duquel une courte majorité de Britanniques avait décidé de tourner le dos à l’Europe communautaire, et alors que les négociations se poursuivent toujours en vue d’arriver à un accord de Brexit, la scission a donc eu lieu. Quelques jours auparavant, le 27 janvier, c’est l’ancien Roi des Belges, Albert II, qui, confronté aux résultats d’un test ADN positif, avait dû reconnaître officiellement sa fille illégitime Delphine Boel. Ayant abdiqué en faveur de son fils Philippe, en juillet 2013, après 20 ans de règne, voilà donc que l’étalage aux grand jour des frasques royales vient encore écorner sa crédibilité : pas suffisamment cependant pour demander l’exil politique au Royaume-Uni…

Un dessin d’actualité signé Oli

Mars 2020 :

Le 15 mars 2020, le premier tour des élections municipales est maintenu malgré la pandémie de Covid19 qui submerge la France. C’est Emmanuel Macron qui prend cette décision le 12 mars, après consultation et avis quasi unanime de tous les responsables des partis politiques. Le 14 mars au soir cependant, à la veille du 1er tour de scrutin, alors que la France compte déjà 4 500 malades atteints de Covid-19, Édouard Philippe annonce la fermeture de tous les lieux publics jugés non essentiel, écoles comprises. C’est le confinement qui commence mais qui ne sera décidé officiellement que le lundi 16 mars au soir, alors que des millions de Français sont appelés à faire leur devoir civique en se rendant dans les isoloirs. La cohérence des décisions pose question et le taux d’abstention record ne pourra que traduire cette incompréhension des citoyens français face à ces injonctions contradictoires…

Un dessin d’actualité signé Chéreau (source © Urtikan)

Avril 2020 :

Dur, dur de rester chez soi en plein confinement alors que les beaux jours reviennent… Le printemps arrive et les Français restent confinés à la maison avec les enfants qui n’en peuvent plus et le télétravail à gérer alors que chacun rêve d’un déjeuner sur l’herbe, d’aller gambader dehors sans avoir sans cesse à montrer son autorisation de sortie…

Un dessin d’actualité signé Cambon (source © Urtikan)

Mai 2020 :

Le 11 mai 2020, la France entre dans une phase de déconfinement progressif. Il n’est plus besoin de se munir d’une attestation pour s’autoriser soi-même à se déplacer et des millions de Français bloqués en chômage partiel ou en télétravail peuvent enfin reprendre le chemin du bureau. C’est le Premier Ministre, Édouard Philippe qui l’a annoncé le 7 mai, en précisant que le quart nord-est de la France, encore en tension, subira quelques mesures restrictives supplémentaires. Une stratégie de déconfinement toute en finesse élaborée par un « Monsieur Déconfinement », un certain Jean Castex que les Français apprendront bientôt à connaître, sinon à apprécier. Les entreprises se préparent à accueillir de nouveau leurs salariés sur site dans le respect des gestes-barrières avec sens unique de circulation dans les couloirs, marquage au sol, gel hydroalcoolique à tous les étages et masque obligatoire : de quoi perturber certains employés…

Un dessin d’actualité signé Wingz

Juin 2020 :

Le vendredi 12 juin au soir, la ville de Dijon est le siège de violents heurts qui opposent des membres de la communauté tchétchène à des habitants du quartier, d’origine maghrébine. Le point de départ de cette rixe qui durera pendant 3 nuits consécutives et se traduit par un déchaînement de violence sans précédent semble être le passage à tabac d’un adolescent tchétchène par des jeunes du quartier des Grésilles dans le cadre d’un différent lié au trafic de drogue. Voitures retournées et calcinées, plusieurs blessés à l’arme blanche, un gérant de pizzeria grièvement blessé par balles et des rues saccagées par des centaines de Tchétchènes déchaînés venus pour certains de Belgique ou d’Allemagne : le tableau est apocalyptique et d’autant plus saisissant que la police se voit dans l’impossibilité de s’interposer en attendant l’arrivée d’un escadron de gendarmes mobiles dépêchés sur place le lundi 15 juin au soir. Une scène de guérilla urbaine en Bourgogne qui interroge…

Un dessin d’actualité signé Zaïtchick (source © Blagues et dessins)

Juillet 2020 :

C’est les vacances mais avec la pandémie mondiale, difficile d’aller se balader à l’autre bout du monde. Chacun jongle comme il peut avec ses réservations d’avion prises à l’avance mais qu’il faut annuler à la dernière minute faute d’autorisation, en espérant arriver à se faire rembourser. Ce n’est pas le moment d’aller à Katmandou et la plupart des frontières restent fermées pour éviter d’aggraver la propagation du virus. Alors chacun se rabat sur des vacances de proximité tandis que le gouvernement invite les Français à s’inscrire sur l’application Stop Covid pour du tracking sanitaire afin de prévenir ceux qui auraient la malchance de s’approcher d’un peu trop près d’un cluster en formation. L’esprit d’aventure n’est plus ce qu’il était…

Un dessin d’actualité signé Mutio (source © Urtikan)

Août 2020 :

En Espagne, en ce mois d’août, la crise liée au Covid-19 est jugée critique. Durant la première semaine d’août, les autorités sanitaires espagnoles enregistrent près de 5 000 nouveaux cas chaque jour et comptent 108 cas pour 100 000 habitants contre 28 seulement en France à la même période. Le 20 août, on comptait ainsi 131 morts du coronavirus en une semaine. Le confinement strict avait pris fin le 21 juin mais depuis les foyers de contamination se multiplient de nouveau, obligeant à des reconfinements partiels en Catalogne, dans l’Aragon ou en Pays basque. Le port du masque se généralise, la fermeture des boîtes de nuit est décidée et il est désormais interdit de fumer dans la rue si une distance de sécurité de 2 m ne peut être respectée. Même les règles de la corrida pourraient évoluer…

Un dessin d’actualité signé Delucq (source © Est Républicain)

Septembre 2020 :

C’est la rentrée. A l’école comme au collège, le port du masque est devenu obligatoire, pour les élèves comme pour les enseignants. Pas facile pour les profs qui doivent donner de la voix pour se faire entendre au travers du masque tout en essayant d’imaginer l’expression d’un auditoire caché en permanence derrière son masque : une tenue de camouflage parfaite pour lancer des blagues potaches…

Un dessin d’actualité signé Nono (source © Le Télégramme)

Octobre 2020 :

Pour la rentrée après les vacances scolaires de la Toussaint, prévue lundi 2 novembre, les consignes transmises aux enseignants par le Ministre de l’Éducation Nationale, Jean-Michel Blanquer, manquent quelque peu de clarté. Entre respect des contraintes sanitaires et hommage rendu au professeur de collège Samuel Patty, sauvagement assassiné le vendredi 16 octobre, à la veille des vacances, c’est le cafouillage. Le Ministre avait initialement prévu de décaler la rentrée scolaire à 10 h en ce lundi matin, pour permettre aux équipes enseignantes de se concerter afin d’organiser une cérémonie d’hommage collectif dans la cour de l’école avec Marseillaise chantée en chœur. Mais à la toute dernière minute, le vendredi soir, il se ravise, conscient que tout cela n’est guère compatible avec les règles de distanciation sociale exigées par la situation sanitaire. Du coup, plus personne ne sait très bien ce qu’il doit faire, les enseignants eux-mêmes n’ayant reçu aucune consigne claire de la part du rectorat et chacun doit donc improviser le lundi matin, tenu simplement à une minute de silence en classe et la lecture d’un texte totalement incompréhensible pour les élèves. Mais qu’importe, c’est l’intention qui compte…

Un dessin signé Sanaga, publié le 30 octobre 2020 (source © Blagues et dessins)

Novembre 2020 :

Le 3 novembre 2020 a lieu l’élection présidentielle aux États-Unis. Rarement la participation a été aussi importante et le pays aussi polarisé entre un Donald Trump sortant, sûr de sa réélection et particulièrement offensif, et un Joe Biden plus discret. Du fait de la crise sanitaire, de très nombreux Américains votent par correspondance, au grand dam des Républicains qui contestent et exigent même l’arrêt du comptage. Le 7 novembre, 4 jours après la fin du scrutin, alors que les principaux médias américains annoncent la victoire du Démocrate Joe Biden, on en est encore à recompter les bulletins dans certains États indécis où l’on a l’impression d’assister à une course de lenteur pour faire durer le suspens tandis que Donald Trump refuse toujours de reconnaître sa défaite, qualifie les résultats de frauduleux, jette auprès de ses électeurs le doute sur l’intégrité de l’élection et lance des recours juridiques…

Un dessin signé Martin Vidberg publié par Le Monde

Décembre 2020 :

Après le vaccin russe Spoutnik V, le géant pharmaceutique Pfizer annonce le 9 novembre 2020 que son vaccin, développé en partenariat avec BioNTech, est efficace à 90 %, suivi le 17 novembre par l’annonce d’un autre vaccin, mis au point par Moderna. Le vaccin de Pfizer est homologué le 2 décembre par le Royaume Uni et le 11 décembre par les États-Unis. Chaque pays peaufine sa stratégie vaccinale en attendant l’homologation par l’Europe qui a déjà précommandé des millions de doses. En France, Jean Castex présente le 16 décembre la stratégie élaborée par la Haute autorité de santé, laquelle touchera en priorité les résidents et le personnel des EHPAD puis les personnes les plus âgées donc les plus vulnérables. La forte suspicion qui règne quant à l’efficacité et à l’innocuité de ces vaccins développés en un temps record fait craindre que les Français ne se montrent réticents à une campagne de vaccination massive, d’où l’idée de stratégies alternatives plus efficaces pour toucher certaines populations…

Un dessin signé Rust publié dans sortiraparis.com (source © Filpac CGT)