Archive for février 2019

Un cas de macrocéphalite aiguë à Carnoux

27 février 2019

Un dessin de Coco publié dans le Ravi le 7 novembre 2013

En ces temps de révolte des gilets jaunes, la démocratie participative à la Française avec ses barons locaux omniprésents semble avoir vécu. La loi a enfin eu raison de cette exception politique française qu’était le député-maire ou le sénateur-maire, qui trustait tous les mandats électifs locaux et nationaux.

Il reste le cas des élus professionnels qui enchaînent mandat après mandat, à l’exemple de l’inamovible et pathétique Jean-Claude Gaudin, élu depuis 1965 à la Ville de Marseille et qui fêtera en 2020 ses 81 ans dont 25 à la tête de la cité phocéenne : il s’en est joué de peu qu’il ne se représente lors des prochaines élections municipales et il a fallu l’effondrement des immeubles de la rue d’Aubagne pour qu’il se rende enfin compte que son immobilisme et son clientélisme finissaient par lasser même une population habituellement passive…

Mais il faudra sans doute attendre une loi pour que les élus professionnels de cette trempe ne finissent par admettre qu’en république le pouvoir se partage et ne s’exerce pas indéfiniment : être élu pour gérer le bien public au nom de ses concitoyens est une charge et un honneur ; le faire à vie comme si c’était une activité professionnelle, est généralement source de dérive et contribue à affaiblir la vitalité du débat démocratique.

Jean-Pierre Giorgi, maire de Carnoux, entouré de ses amis politiques lors de la cérémonie des vœux à l’Artea le 7 janvier 2019 (photo © Corine Matias / La Provence)

Mais exercer le pouvoir est une drogue et nombreux sont ceux qui ont bien du mal à décrocher d’une telle addiction. Le maire de Carnoux-en-Provence, Jean-Pierre Giorgi, fait manifestement partie de cette dernière catégorie. Élu sans discontinuer au conseil municipal de Carnoux depuis 1983, dont déjà trois mandats comme maire (depuis 2001), il ne vient pas moins d’annoncer lors de la cérémonie des vœux début janvier 2019 à l’Artea, qu’il comptait bien briguer un septième mandat et qu’il se représentera donc lors des prochaines élections en mars 2020.

S’il parvient au terme de ce nouveau mandat, il aura 80 ans en 2026 et aura donc passé 43 ans comme élu à Carnoux : un bel exemple d’immobilisme pour celui qui explique dans la pleine page que La Provence vient de lui consacrer, dans son édition du 23 février 2019, qu’il s’était présenté en 1983 justement pour insuffler du dynamisme dans la gestion communale !

Extrait de l’article paru dans La Provence le 23 février 2019

Le maire de Carnoux reconnaît d’ailleurs bien volontiers dans son interview à la Provence, qu’il ne reste plus grand-chose à faire à Carnoux, la commune ayant vu la plupart de ses compétences transférées à la Métropole, et tout ce qui pouvait être construit l’ayant déjà été.

Le rond-point des Barles à Carnoux refait à grands frais grâce au financement du Département

Depuis des années d’ailleurs, le rôle du maire de Carnoux se résume surtout à monter des dossiers de demandes de subventions auprès du Département, un rôle dans lequel il excelle et qui a permis de financer tout ce qui pouvait l’être : pendant que les écoles de Marseille tombent en ruine faute de financement public, des tombereaux de subvention se déversent sur Carnoux où l’enfouissement de la totalité des réseaux aériens est sur le point de s’achever, où la mairie pourtant l’une des plus récentes des Bouches-du-Rhône est sur le point de laisser la place à un véritable palace, et où l’on en est même à refaire les ronds-points pour y planter l’olivier centenaire que tout parvenu rêve de posséder…

Mais si le maire de Carnoux souhaite se représenter encore une fois (au moins) en 2020, c’est parce qu’il vise en réalité le coup d’après, celui des élections de 2021 qui marqueront très probablement la disparition du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône et sa fusion avec la Métropole Aix-Marseille-Provence. Comme il l’explique d’ailleurs clairement à La Provence, « Lors des prochaines élections en 2021, le scrutin se fera au suffrage universel pour les représentants à la Métropole. C’est un enjeu formidable ».

Effectivement, surtout pour lui qui se présente comme un expert incontournable du sujet et qui se montre persuadé que sans ses lumières et son niveau de connaissance inégalable, jamais la Métropole n’arrivera à surmonter de telles difficultés : « C’est un sujet délicat, technique, complexe, nécessitant de l’expertise pour préserver au mieux les intérêts de Carnoux et éviter tout alourdissement de la fiscalité. Il va y avoir des évaluations financières à faire, commune par commune, des transferts de compétences. C’est un sujet que je connais bien en ma qualité de président de la Commission locale d’évaluation des charges transférées (CLECT) depuis 2015, et j’entends que ma commune passe ce cap sans turbulence ».

Le chantier de l’hôtel de ville de Carnoux, victime d’un coup de chaud le 19 juillet 2018 (photo © SDIS des Bouches-du-Rhône / France bleu)

La ville de Carnoux n’a pas suffisamment conscience de la chance qu’elle a de posséder en son sein un tel expert qui va donc s’employer à partir de 2021 à faire en sorte de siphonner les finances de la Métropole après avoir généreusement puisé depuis des années dans les fonds du Département. Le maire de Carnoux avait jusque-là habitué ses concitoyens et électeurs à davantage de modestie, mais on comprend bien que, en pareilles circonstances et face à de tels enjeux, il importe de donner carte blanche à un tel talent au service de la collectivité. A se demander néanmoins si le retard accusé par le chantier de l’hôtel de ville de Carnoux et les lourds surcoûts annoncés ne sont pas liés aux nécessaires ajustements de la largeur des portes afin de laisser le passage sans encombre à un tel cerveau ?

L. V.

Un musée sous-marin bientôt à Marseille ?

25 février 2019

Récif artificiel immergé dans le Parc marin de la Côte Bleue (photo © Laurent Piechegut / BIOS / PMCB)

A Marseille, on adore immerger toutes sortes de structures au fond de la mer. Les premières expériences datent de 1983 sur la Côte Bleue, même si l’idée n’est pas nouvelle : les Romains déjà immergeaient des amphores au fond de la mer pour y attirer le poulpe et les Japonais se sont fait une grande spécialité de cette approche qui consiste à mettre en place, sur les fonds marins, des structures immergées durables destinées à favoriser le développement et la fixation de nombreuses espèces animales et végétale qui s’en servent de support et d’abris.

Entre 1986 et 1990, ce sont ainsi 183 structures artificielles en béton qui ont été immergées au large de Carry-le-Rouet et Sausset-les-Pins pour y recréer un habitat favorable au développement de certaines espèces halieutiques. Puis, à l’automne 2007, ce sont pas moins de 401 récifs artificiels de toutes formes et de toutes tailles qui ont été déposés par la Ville de Marseille à 25 m de profondeur entre la Corniche et les Iles du Frioul, afin d’essayer de redonner un peu de vie aux fonds marins totalement ravagés par la construction de la plage du Prado dans les années 1970 et par des années de déversements de toutes sortes. Plus de 10 millions d’euros ont ainsi été investis pour construire et mettre en place près de 30 000 m3 de récifs artificiels sur 220 ha, mais aussi pour assurer un suivi scientifique afin d’étudier l’impact d’un projet aussi ambitieux.

Récifs artificiels immergés au large du Prado dans la rade de Marseille (photo © DR / Made in Marseille)

Dix ans plus tard, la Ville de Marseille a fêté bruyamment la réussite d’un tel pari qui, malgré de nombreuses critiques, a permis de faire revenir de nombreuses espèces qui avaient déserté ces fonds marins et d’augmenter la biodiversité de ce secteur, le nombre d’espèces de poissons ayant été multiplié par trois en 10 ans. Une réussite qui tient sans doute aussi en grande partie au fait que la zone en question est désormais protégée par arrêté préfectoral, interdisant toute pêche, plongée, ou même simple mouillage.

Des plongeurs déposent des récifs artificiels « hôtel à poissons » d’une dizaine de tonnes à 30 mètres de profondeur au large des calanques de Marseille, le 30 janvier 2018 (photo © Boris Horvat / AFP)

C’est en tout cas fort de ce succès que la Ville de Marseille s’est lancée l’an dernier dans l’immersion de nouveaux récifs artificiels, cette fois dans les Calanques, au niveau de l’exutoire de Cortiou qui rejette en mer les eaux issues de la station d’épuration de toute l’agglomération marseillaise, Carnoux y compris. Un secteur où la qualité des eaux reste très médiocre avec des concentrations en métaux lourds, mais aussi en résidus médicamenteux ou en fragments de plastiques qui n’incitent guère à la baignade, comme l’évoque Sciences et Avenir. Une situation qui explique d’ailleurs les critiques soulevées par de nombreux défenseurs de l’environnement, craignant que le fait d’attirer artificiellement la faune aquatique à se fixer dans ce secteur, ne se traduise en réalité par une fragilisation de ces espèces soumises à un environnement très pollué.

Mais cela n’a pas empêché l’immersion en février 2018 de 300 t de récifs artificiels sous forme de blocs de béton déposés par 20 m de fond, sous le pilotage de la start-up montpelliéraine Seaboost et pour un budget de 1 million d’euros. Là aussi, un programme de suivi scientifique est prévu et l’avenir dira si les résultats sont à la hauteur des espérances malgré le contexte a priori guère favorable.

Plan de situation du futur musée sous-marin de la plage des Catalans (source : enquête publique / Made in Marseille)

En tout cas, immerger des objets en béton au fond de la mer est devenue une habitude bien ancrée dans la cité phocéenne puisqu’on y étudie également la faisabilité de créer un musée sous-marin au large de la plage des Catalans, un projet qui devait voir le jour dès le printemps 2017, mais qui a été retardé le temps de recevoir toutes les autorisations réglementaires nécessaires. C’est désormais chose faite puisque le Préfet a finalement donné son accord à l’issue de l’enquête publique qui s’était déroulée entre mai et juin 2018.

En l’occurrence, il s’agit d’immerger par 5 m de fond, à une centaine de mètres du rivage, une dizaine de statues entre lesquelles les visiteurs munis de palmes et de tubas pourront librement se promener, des statues qui serviront elles-aussi de récifs artificiels puisque la faune et le flore sous-marines pourront les coloniser.

Musée subaquatique d’art de Cancun

L’idée n’est d’ailleurs pas nouvelle puisqu’un musée de ce type est ouvert depuis 2009 près de Cancún, sur la presqu’île du Yucatán au Mexique. L’artiste britannique Jason de Caires Taylor y a réalisé 400 sculptures dont certaines particulièrement spectaculaires que l’on peut découvrir au gré de ses plongées. Toutes réalisées avec du ciment alcalin, de la fibre de verre et différentes substances résistantes et écologiques, ces œuvres d’art ont été transportées sur des plateformes flottantes et immergées avec précision dans différents endroits, près de récifs naturels de manière à créer des salles de différentes thématiques.

Et ce n’est pas le seul site de ce genre puisque le même artiste, qui avait déjà créé un premier projet de ce type en 2006 sur l’île de la Grenade dans les Caraïbes, a récidivé cette fois au large de Lanzarote, dans les Canaries, où le Museo Atlántico a ouvert ses portes sous-marines début 2017 après 3 ans de travaux nécessaires pour installer ses 250 sculptures par 12 m de fond.

Lampedusa, une œuvre immergée de l’artiste Jason de Caires Taylor au Museo Atlántico de Lanzarote (photo © Jacon DeCaires Taylor / Underwater sculpture)

Le résultat est saisissant d’autant que les effigies réalisées dans un béton spécifiquement adapté ont été moulées directement sur des habitants de l’île. Certaines sculptures représentent les migrants de Lampedusa venus s’échouer sur les plages des îles Canaries : « Ce travail ne se veut pas un hommage ou un mémorial aux nombreuses vies perdues, mais un rappel brutal de notre responsabilité collective. » explique d’ailleurs l’artiste. L’installation principale, appelée Rubicon, est constituée d’un groupe de 35 personnes marchant vers une porte, un point de non-retour, qui fait référence aux menaces pesant sur les océans de la planète.

Rubicon, œuvre magistrale de l’artiste Jason de Caires Taylor au Museo Atlántico de Lanzarote (photo © Jacon DeCaires Taylor / Underwater sculpture)

Reste que le futur musée sous-marin de la plage des Catalans ne sera probablement pas constitué d’œuvres de Jason de Caires Taylor car l’artiste anglais a semble-t-il perdu patience en attendant la fameuse autorisation préfectorale que l’association des “Amis du musée subaquatique de Marseille” a finalement reçue fin novembre 2018 seulement, comme l’indique Made in Marseille, et ceci pour une durée de 15 ans. L’association qui porte le projet est donc désormais à la recherche d’un nouvel artiste pour meubler les fonds de ce qui sera le premier musée sous-marin en Méditerranée : avis aux amateurs…

L. V. 

ISF : une proposition de Jacques Boulesteix

23 février 2019

Alors que la question du rétablissement ou non de l’Impôt de solidarité sur la fortune fait débat entre la majorité des Français, qui estiment que cela fait partie des urgences pour restaurer un minimum d’équité fiscale, et le Président de la République et son gouvernement qui refusent d’envisager une telle solution et l’excluent du champ des discussions, Jacques Boulesteix, ancien président et co-fondateur du Cercle Progressiste Carnussien, et ancien président du Fonds public PACA Investissement, a publié cette semaine la tribune suivante dans Le Monde, dans la lignée d’une proposition déjà développée le 9 février dernier dans Le Monde des Idées : une contribution constructive au débat qui permettra peut-être de réconcilier ces deux positions divergentes et pourrait même offrir au Président de la République, embourbé dans une position idéologique intenable, une porte de sortie vers le haut, qui sait ?

Changement d’heure : l’autre grand débat…

21 février 2019

Alors que le grand débat national bat son plein avec ses discussions à n’en plus finir dans la moindre salle des fêtes et des déplacements tous azimuts du Président de la République et de ses ministres pour prêcher la bonne parole auprès des Gilets jaunes et prouver qu’ils sont à l’écoute, voilà qu’on aurait presque tendance à oublier un autre débat qui porte pourtant sur un sujet crucial pour l’avenir de l’humanité : faut-il ou non revenir sur le passage à l’heure d’été ?

Un dessin signé Philippe Geluck

La question peut paraître futile, et pourtant elle fait partie de celles qui alimentent toutes les conversations et concentrent l’attention, surtout au printemps et à l’automne lorsqu’approche le moment fatidique où il s’agit d’avancer ou de retarder sa montre d’une heure. Les motifs de se plaindre ne manquent pas et on entend chaque année les mêmes récriminations contre ces changements intempestifs d’heure qui viendraient perturber le rythme biologique des vaches laitières ou celui des enfants en âge scolaire, ou encore venir compliquer inutilement la vie des voyageurs ne sachant plus à quelle heure leur train ou leur avion va bien partir…

Les affres du djihadiste : un peu d’humour noir signé Chaunu

Le sujet ne date pas d’hier puisque de nombreux pays européens ont adopté l’heure d’été à la fin des années 1960, poursuivant en cela un objectif bien précis et très louable, à savoir adapter au mieux les rythmes de vie de la majorité pour limiter la consommation énergétique. Au printemps, le dernier dimanche de mars, les horloges sont avancées d’une heure, ce qui revient à ce que, dès lors, le soleil se lève et se couche une heure plus tard. Cela ne change rien le matin puisque la plupart des gens se lèvent alors qu’il fait déjà jour. En revanche, cela se traduit par des soirées où il fait jour beaucoup plus tard, ce qui permet des gains significatifs sur l’éclairage électrique.

Soldat allemand dans une gare française en 1940 (source © Archives fédérales allemandes)

L’idée n’est d’ailleurs pas nouvelle puisque Benjamin Franklin, génial précurseur, l’a, paraît-il, évoquée dès 1784, déjà dans le but de faire des économies d’énergie. Il a fallu cependant attendre 1916 pour que l’Allemagne l’adopte, rapidement suivie de l’Angleterre puis de la France. Entre 1947 et 1949, les Allemands poussent même le zèle jusqu’à instaurer un second décalage d’une deuxième heure au cœur de l’été entre le 11 mai et le 29 juin. Sous l’occupation allemande, la France passe d’ailleurs à l’heure allemande en adoptant un décalage d’une heure par rapport au fuseau horaire de Greenwich dans lequel se situe pourtant l’essentiel du pays, à l’exception de l’Alsace.

A la Libération, en 1945, curieusement la France abandonne l’heure d’été mais conserve l’heure allemande qui reste toujours notre référence actuelle, la France étant décalée d’une heure par rapport à l’heure réelle au soleil. Il faut attendre le 28 mars 1976 pour que les Français reviennent à leur tour au principe de l’heure d’été, suite au choc pétrolier de 1973 qui avait remis au goût du jour la nécessité de faire des économies d’énergie. Jusqu’en 1995, le retour à l’heure d’hiver se faisait le dernier dimanche de septembre, mais depuis c’est le dernier dimanche d’octobre qui détermine ce passage.

Un dessin signé Goubelle, publié dans La Charente libre

A partir de 1980, l’Union européenne a jugé que l’adoption de l’heure d’été était devenue un must et depuis 2001, les dates de changement d’heure ont été harmonisées entre tous les pays européens. Sauf que désormais, on se prend à douter de tout… Les critiques se sont multipliées contre ces changements d’heure deux fois par an qui viendraient perturber les rythmes biologiques naturels et compliquer la vie quotidienne sans pour autant se traduire par des économies d’énergies aussi mirobolantes qu’on ne l’aurait imaginé.

Des dizaines d’études ont été engagées sur les incidences de ce dispositif sur le marché intérieur européen, les relations commerciales transfrontalières, l’organisation des transports, des communications et des voyages ainsi qu’en matière d’économie d’énergie, de sécurité routière, d’activités de loisirs en extérieur, de santé et d’impact sur le biorythme humain. Et tout cela pour conclure que tout compte fait, cela ne vaut finalement peut-être pas la peine de s’étriper pour si peu…

Dans sa grande sagesse, la Commission européenne a donc proposé une nouvelle directive mettant fin aux changements d’heure saisonniers dans l’Union européenne. Les ministres des transports européens, réunis le 3 décembre 2018, ont proposé la date de 2021 pour abandonner ce système : chaque État membre devra alors faire le choix de rester à l’heure d’été ou d’hiver.

Et pour préparer une telle révolution transnationale, rien de mieux qu’un bon vieux débat ! C’est dans l’air du temps et la Commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale a décidé de lancer une grande consultation de tous les Français sur un dossier qui ne devrait pas manquer de soulever les passions. Les réponses seront bien entendu analysées, disséquées et présentées en Commission puis relayées auprès des institutions européennes afin que la décision finale puisse répondre au mieux aux attentes du bon peuple.

Infographie publiée dans Le Parisien du 31 août 2018

La consultation est en ligne sur le site de l’Assemblée nationale et chaque citoyen a jusqu’au 3 mars 2019 à minuit pour apporter une réponse aux 7 questions qui lui sont posées. A chacun désormais de s’exprimer sur un sujet aussi brûlant, de juger avec toute la nuance nécessaire si son « expérience du changement d’heure en vigueur » est « satisfaisante » ou « très négative », d’évaluer les raisons pour lesquelles il faudrait « maintenir le changement d’heure deux fois par an » ou au contraire « interdire tout changement d’heure », et même de se prononcer, en cas d’abandon du changement d’heure, quant à la pertinence de rester à l’heure allemande ou de se rapprocher de l’heure anglaise malgré le Brexit qui se profile.

Des choix stratégiques donc et fortement engageants pour la vie quotidienne des générations futures. On ne remerciera jamais assez les parlementaires à l’origine de cette initiative d’avoir eu le courage de lancer un tel débat au travers d’une aussi large consultation et sur un sujet qui tient autant à cœur de chacun d’entre nous. Quel régal que la véritable démocratie participative ! Espérons du moins que le taux de réponse à cette consultation cruciale pour l’avenir de notre pays sera à la hauteur des espérances et permettra à nos dirigeants de prendre en toute connaissance de cause les décisions éclairées qui s’imposent. N’oubliez-pas de remplir votre questionnaire…

L. V.

Décharges sauvages du BTP : comment lutter ?

19 février 2019

Chacun l’a déjà constaté, il existe des multitudes de lieux, parfois à proximité des villes, souvent en rase campagne dans les endroits les plus bucoliques, toujours en bordure de route ou parfois au bout d’un petit chemin moins fréquenté, dans lesquels le promeneur bute contre des tas de gravats et de déchets divers, manifestement déversés par un camion : ces décharges sauvages en pleine nature constituent non seulement une pollution visuelle intolérable en pleine nature, mais elles contiennent souvent des déchets plus ou moins toxiques que la pluie lessive consciencieusement et qui viennent polluer les sols et les nappes en profondeur.

La presse dénonce régulièrement ce phénomène particulièrement répandu dans l’aire métropolitaine marseillaise. France Bleu s’élevait ainsi en mars 2018 contre les tas de déchets culminant parfois à plus de 3 m de hauteur qui s’étendent sur le plateau d’Arbois à proximité de la gare TGV le long de la route et qui intriguent tant les touristes de passage : malgré les opérations de nettoyage réalisées périodiquement par les collectivités concernées, les tas se reconstituent très rapidement : gravats, matériaux de démolition, déblais de terrassement, déchets verts, vieux pneus, électro-ménager usager, tout y est déversé jour après jour en bordure de route sans la moindre gêne…

Décharge sauvage sur le plateau de l’Arbois en mars 2018 (photo © Adrien Serrière / France Bleu)

Les raisons de telles pratiques sont multiples, de même que le profil de ceux qui s’y adonnent : simples particuliers voulant s’éviter de faire un détour par la déchetterie aux heures ouvrables, petits artisans travaillant sur des chantiers plus ou moins déclarés et cherchant à se débarrasser de leurs gravats de manière discrète, ou entreprises de BTP ayant pignon sur rue mais préférant s’éviter de payer pour mettre en décharge contrôlée leurs déchets de chantier…

Il est vrai qu’évacuer en décharge autorisée les gravats issus d’un chantier de démolition ou de rénovation peut coûter cher pour un entrepreneur et l’obliger parfois à de longs déplacements, surtout dans les départements où les déchetteries ouvertes aux professionnels ne sont pas légion. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’on voit fleurir autant de décharges non autorisées, installées sur des terrains privés et où les entreprises viennent benner leurs déchets à moindre coût.

Dans la basse vallée de l’Argens dans le Var, c’est même devenue une spécialité locale : de petits malins décapent la terre végétale particulièrement fertile de cette plaine alluviale enrichie par les débordements fréquents du fleuve, terre qu’ils revendent à bon prix et ils remblayent ensuite l’excavation avec des déchets de démolition venus souvent des Alpes-Maritimes et qu’ils accueillent à des tarifs très inférieurs à ceux pratiqués dans les décharges contrôlées.

Quelques procédures judiciaires ont bien été initiées pour freiner de telles pratiques mais la mise en application des règles de droit environnemental reste balbutiante. La Provence signalait d’ailleurs tout récemment, dans son édition du 10 janvier 2019, un jugement inédit du Tribunal correctionnel d’Aix-en-Provence qui vient de condamner à de lourdes peines 3 frères de la famille Palomares qui s’étaient justement spécialisés depuis une trentaine d’années dans ce trafic juteux et qui ont ainsi permis de déposer, en toute illégalité mais au vu et au su de tous, plus de 100 000 t de gravats et de déchets de chantier sur différents sites des communes de Martigues et Châteauneuf-les-Martigues, contre rétribution naturellement et sur des terrains qui étaient ensuite plantés d’olivier pour maquiller les déchets. Selon une étude de l’Observatoire régional des déchets, ce sont ainsi au moins 1,8 millions de tonnes de déchets inertes issus du BTP (soit 12 % de leur production totale) qui auraient été déversés directement dans la nature en dehors des décharges autorisées dans toute la région PACA pour la seule année 2016 : mais que fait la police ?

Dépôts sauvages sur la plaine agricole de Carrières-sous-Poissy (photo © Alban Bernard / ABPhotos / Actu78)

D’ailleurs, cette pratique n’a rien d’une spécialité régionale et on la retrouve sur tout le territoire national. Que l’on se remémore par exemple le cas de l’ancienne plaine maraîchère de Carrières-sous-Poissy dans les Yvelines, couverte sur plus de 40 hectares par des dépôts d’ordures illégaux apportés par des entreprises locales du BTP : des milliers de tonnes de détritus qui attendent d’être évacués, pour un coût estimé à plus d’un million d’euros, comme le rappelait Actu Environnement en décembre 2018, citant aussi le ras-le-bol de l’Office National des Forêts, lequel vient d’annoncer en septembre dernier qu’il arrêtait dorénavant de ramasser les dépôts sauvages qui s’accumulent dans les forêts domaniales de Saint-Germain et Marly. Au niveau national, l’ONF annonce ramasser chaque année 1.500 tonnes de déchets pour un coût de 900.000 € !

Afin de chercher une solution à cette mauvaise habitude prise par certains de se débarrasser dans la nature de leurs déchets encombrants, la secrétaire d’État Brune Poirson avait lancé en mai 2018 un groupe de travail réunissant élus, associations, administration et l’ADEME pour « proposer des outils de contrôle et de sanction renforcés » afin de « trouver enfin des solutions concrètes à ce fléau environnemental ». Rappelons au passage qu’il peut en coûter aujourd’hui, selon le Code de l’Environnement, 75 € à un particulier surpris à jeter ses déchets dans la nature, et même 1.500 € en cas de dépôt depuis un véhicule, voire 75.000 € s’il s’agit de déchets professionnels, assortis le cas échéant d’une peine de 2 ans de prison. Mais les verbalisations sont rares, car les pollueurs sont souvent discrets et les forces de polices concentrées sur d’autres types de délits.

On notera néanmoins le cas de ce maire de Vélizy-Villacoublay (Yvelines), Pascal Thévenot, rapporté en novembre 2017 par Bati-Actu. Excédé de voir les tas de déchets de démolition s’amonceler sur l’un des grands chantiers en cours de réaménagement sur sa commune, le maire a fait installer une caméra mobile et demander à la police municipale de multiplier les patrouilles, ce qui a permis d’identifier en flagrant délit plusieurs contrevenants, particuliers et entreprises, lesquels écopent non seulement d’une amende salée mais se voient retourner leur tas de gravats directement devant leur porte !

Selon Le Moniteur, le ministère de la transition écologique envisage plusieurs pistes pour essayer de mettre fin à ces pratiques, dont certaines pourraient trouver une traduction réglementaire dans le projet de loi en préparation sur l’économie circulaire : il s’agirait par exemple de développer davantage la vidéosurveillance dans les sites sensibles mais surtout d’augmenter le nombre d’agents en capacité de constater et verbaliser ces délits, tout en transférant le pouvoir de police en la matière au président de l’intercommunalité, généralement doté de davantage de moyens que le maire.

Mais le gouvernement envisage surtout de mettre en place un dispositif de « responsabilité élargie des producteurs » appliquée aux professionnels du BTP, lesquels pourraient, moyennant paiement d’une redevance, faire reprendre gratuitement leurs matériaux issus de chantiers. Un système qui suscite naturellement une très vive opposition de la part des entreprises concernées, craignant d’avoir à payer pour un service qui pour l’instant ne leur coûte guère, grâce aux différentes combines qu’elles ont pu développer. Les fédérations professionnelles tentent donc de proposer comme alternative la simple signature d’une charte incitant leurs membres à adopter des pratiques plus vertueuses plutôt que de se voir imposer un cadre réglementaire strict : le gouvernement se laissera-t-il amadouer par une telle promesse de Gascon ? Les paris sont ouverts…

L. V.

Jeanne Calment, l’Arlésienne des records ?

17 février 2019

Née le 21 février 1875 à Arles, Jeanne Calment fait partie de ces casaniers qui sont décédés dans leur ville de naissance après y avoir passé toute la vie. Une vie particulièrement longue puisqu’elle a duré exactement 122 ans, 5 mois et 14 jours.

Jeanne Calment lors de son 121ème anniversaire (photo © AFP)

C’est même très officiellement le record mondial de longévité pour un être humain dont la date de naissance a été enregistrée avec une fiabilité raisonnable dans un registre d’état-civil. Un record qui a d’ailleurs été enregistré deux fois dans le Livre Guinness des Records : en 1988, alors qu’elle est âgée de 112 ans, elle est désignée comme doyenne de l’humanité suite au décès à 114 ans de l’Américaine Florence Knapp. Mais ce titre lui est retiré en 1990 car une autre Américaine, Carrie White, qui prétend être née en 1874, lui conteste cette gloire. Il fallut donc, à l’Arlésienne plus que centenaire, patienter jusqu’à la mort de sa rivale en 1991 pour reconquérir ce titre et figurer de nouveau dans le Livre Guinness des Records à partir de 1993, reconnue même à partir de 1995 comme la personne la plus âgée ayant probablement vécu sur Terre à ce jour.

Tombe de Jeanne Calment dans le cimetière de Trinquetaille à Arles (photo © J. Saint-Marc / 20 minutes)

Une véritable gloire internationale donc pour cette Arlésienne qui est apparue pour la première fois à la télévision à l’occasion d’une interview où elle évoque ses souvenirs de la visite de Vincent Van Gogh à Arles en 1988, alors qu’elle avait 12 ou 13 ans, mais dont les apparitions médiatiques se sont ensuite multipliées, chacun de ses anniversaires étant fêté comme il se doit ainsi que l’évoquera devant les caméras de France 2, Michel Vauzelle, alors maire d’Arles, lors de sa disparition en août 1997 :  « On s’était fait à l’idée que Jeanne Calment ne nous quitterait jamais. Chaque année, on se retrouvait autour d’elle, sa grande famille arlésienne, et elle était notre grande sœur. Elle nous montrait le chemin de la vie, de la curiosité, de l’appétit de vivre, de la force de vivre ».

Née dans une famille aisée et ayant épousé à 21 ans un cousin, riche marchand à Arles et portant comme elle le patronyme de Calment, Jeanne n’a jamais eu besoin de travailler et a pu s’adonner à ses différentes passions parmi lesquelles le tennis, le vélo, le piano, l’opéra, ou encore, paraît-il le patin à roulettes. Sa fille Yvonne décède en 1934 et son mari en 1942, suivis en 1963 par son gendre et son unique petit-fils, le docteur Frédéric Billot.

Sans famille proche ni descendance, elle-même vivra donc seule dans sa maison d’Arles jusqu’à l’âge de 110 ans avant d’intégrer la Maison de retraite du Lac, toujours à Arles, où elle passera les dernières années de sa vie, répétant à qui voulait l’entendre que « Dieu l’avait oublié » tout en sirotant son verre quotidien de porto et en s’enfilant son kg de chocolat hebdomadaire si l’on en croit certains témoignages.

Carte d’identité de Jeanne Calment (source : Jeanne Calment, l’oubliée de Dieu, France Cavalié / Centenaires français)

La vente de son appartement en viager à son notaire, maître André-François Raffray, en 1965, alors qu’elle est déjà âgée de 90 ans, fait partie de ces histoires que tous les notaires ne peuvent s’empêcher d’évoquer avec angoisse : alors âgé de 47 ans, celui-ci était persuadé d’avoir fait une excellente affaire, s’engageant à verser à la quasi-centenaire et jusqu’à la mort de cette dernière une rente de 2 500 francs par mois en vue de devenir ensuite propriétaire de son bien. Sauf que lorsque le notaire est lui-même décédé en 1995 à l’âge de 77 ans, Jeanne Calment était toujours vivante et qu’il a fallu que l’épouse du notaire poursuive les versements pendant encore près de 2 ans avant de pouvoir enfin entrer en possession de l’appartement si longtemps attendu et finalement payé plus de deux fois sa valeur réelle !

Toujours est-il que l’image de cette aimable « plus-que centenaire », vénérée du côté de Saint-Trophime, se retrouve depuis quelque temps au centre d’une polémique dont même Le Monde s’est fait l’écho. Un gérontologue russe, Valeri Novosselov, qui s’intéresse depuis longtemps au cas de Jeanne Calment, a en effet publié début 2019, avec l’aide du mathématicien Nikolay Zak une étude sur le réseau social international scientifique ResearchGate, qui sème le doute sur cette belle histoire de longévité.

Selon ce spécialiste, dont les thèses ont notamment été largement reprises par l’agence de presse russe Sputnik, souvent accusée de complotisme et de propagande, de très nombreux indices concordant laissent en effet penser que, lors de son décès en 1997, Jeanne Calment est plus jeune qu’elle ne le prétendait, ainsi que le montrent l’analyse de son maintien exceptionnel à cet âge, de son absence totale de démence ou encore de la faiblesse d’indices d’ostéoporose.

Jeanne Calment et sa fille Yvonne (source : Les 120 ans de Jeanne Calment, Michel Allard et Jean-Marie Robine)

Mais les soupçons de ces chercheurs russes se trouvent surtout renforcés par l’analyse de certains faits troublants qui les amènent à penser qu’en 1934, ce n’est pas la fille de Jeanne, Yvonne alors âgée de 36 ans qui est décédée d’une pleurésie, mais sa mère qui avait alors 59 ans. Les arguments qu’ils mettent en avant sont multiples, allant de la ressemblance frappante entre les deux femmes sur les (rares) photos existantes, jusqu’à une incohérence dans la couleur des yeux en passant par l’absence de certificat médical produit en 1934 et surtout par le fait que Jeanne Calment a brûlé elle-même tous ses papiers et photos de famille alors que la Ville d’Arles envisageait les transférer aux archives municipales. Une substitution qui aurait pu être motivée par un souci de minimiser des frais de transmission et qui aurait d’ailleurs déjà attiré les doutes d’un expert d’assurance du vivant de Jeanne Calment si l’on en croit les investigations du Monde.

Une accusation qui bien sûr soulève de forts doutes de la part de deux spécialistes qui ont eu à examiner la plus-que centenaire avant sa disparition, en l’occurrence Jean-Marie Robine, directeur de recherche à l’INSERM, et Michel Allard, médecin spécialiste en gérontologie. Leur témoignage, publié notamment par France-Inter, montre néanmoins que au moins le second n’exclut pas totalement l’hypothèse d’une telle substitution, reconnaissant en tout cas n’avoir jamais abordé le sujet avec Jeanne Calment et admettant qu’il arrivait souvent à cette dernière de se tromper en évoquant son mari qu’elle appelait « mon père ». Mais quand on atteint un grand âge, ce type de confusion n’est pas rare.

Comparaison entre une photo de Jeanne Calment âgée (à droite) et de sa fille Yvonne (à gauche) et tentative de superposition (source : Nikolay Zak / RessearchGate)

Faudra-t-il alors exhumer les restes de l’Arlésienne et procéder aux analyses ADN de vigueur pour lever enfin le doute qui titille l’humanité toute entière, à savoir s’il on est bien en droit d’espérer pouvoir encore faire du vélo à 100 ans passés et savourer des chocolats à 115 ans révolus ? Tout compte-fait, peut-être vaut-il mieux laisser planer le doute sur le sujet et laisser quelque espoir à ceux qui escomptent encore vivre quelques années supplémentaires en bonne santé…

L. V.  

A qui son plus beau rond-point ?

15 février 2019

Ils fleurissent partout les ronds-points. Le moindre village en compte plusieurs : les uns très simples, en talus recouverts d’herbes sauvages, d’autres très sophistiqués, de vrais petits mausolées à la gloire de je ne sais qui, bâtis de bories, plantés d’oliviers centenaires, de vignes ou autres essences.

Celui des Barles, à l’entrée de Carnoux, avec sa vasque, n’avait pas à rougir ! Un petit rafraichissement aurait peut-être suffi. Mais non. On casse et on refait ! Coût : 52.000 € HT subventionné à 70 % par le Conseil départemental des Bouches-du-Rhône.

Ce Conseil départemental, il est formidable ! C’est le vrai Papa noël des maires. Il les cajole en subventionnant à tire larigot des travaux dont on se demande parfois l’utilité et l’urgence.

Au moment où il faudrait investir massivement des fonds publics dans la transition énergétique, isoler tous les bâtiments publics et privés, développer les énergies renouvelables pour sauver la planète voilà une maigre consolation. Nous allons succomber au réchauffement climatique mais nous aurons dans chaque ville et village des milliers de beaux ronds-points tout neufs.

De surcroît, celui de Carnoux n’est même pas stratégique : aucun groupe de gilets jaunes n’a estimé utile de l’occuper !!

                                                                                                                      A. B.

Barrage de Caussade : la bataille de l’eau a commencé…

13 février 2019

Avec l’évolution climatique en cours et comme l’a encore montré la forte sécheresse subie en 2018 sur une large partie du territoire national (Provence exceptée !), les agriculteurs irrigants vont devoir commencer à être plus économes des ressources en eau. Les plus optimistes souligneront que la consommation en eau des agriculteurs français a déjà diminué de 30 % depuis 15 ans, ce qui traduit une incontestable prise de conscience et surtout une forte optimisation des technologies à défaut d’une réelle amorce d’évolution des pratiques agricoles.

Irrigation par aspersion d’un champ de maïs en Haute-Garonne (source : Chambre d’Agriculture)

Les pessimistes en revanche constateront que l’irrigation prend de l’extension y compris sur des cultures comme celle de la vigne et que l’irrigation du maïs se poursuit malgré une légère réduction constatée suite à la réforme de la Politique agricole commune : plus de 40 % des surfaces irriguées en 2010 étaient encore consacrées à la culture du maïs et la superficie agricole irriguée est passée en France d’un peu plus de 500 000 ha en 1970 à 1,57 millions d’hectares en 2010, soit un triplement des surfaces concernées. Dans de nombreux bassins, l’agriculture reste en période estivale et de très loin le principal consommateur des ressources en eau, et l’un des principaux responsables des pollutions diffuses qui rendent progressivement les masses d’eau de plus en plus impropres à d’autres usages.

Cette compétition accrue pour l’accès à l’eau est plus ou moins régulée par de multiples dispositifs réglementaires ou conventionnels. Mais elle se traduit localement par des conflits qui peuvent être violents, comme celui qui avait causé la mort du militant écologiste Rémi Fraisse tué en octobre 2014 par une grenade offensive lors des manifestations contre le projet du barrage de Sivens dans le Tarn.

Affrontements sur le site du barrage de Sivens en 2015 (photo © Florine Galeorn / AFP / Le Point)

L’un de ces conflits, emblématique des tensions qui peuvent exister autour de ces sujets, concerne le barrage de Caussade, dans le département de Lot-et-Garonne, un projet initié dans les années 1980 puis relancé en 2011, et qui vise à construire, sur la commune de Pinel-Hauterive, un barrage de 378 m de long et de 12,5 m de hauteur en travers du lit du ruisseau de Caussade, peu avant sa confluence avec le Tolzac de Montclar, qui finit lui-même sa course dans la Garonne.

Schéma d’implantation du projet de barrage (extrait du dossier de demande d’autorisation environnementale établi en mars 2018)

En 2017, le Syndicat départemental des collectivités irrigantes de Lot-et-Garonne (SDCI) a déposé une demande d’autorisation pour la construction de cet ouvrage, destiné à retenir les eaux de la rivière pour y constituer une retenue de 920 000 m3 afin d’irriguer une vingtaine d’exploitations agricoles, produisant noisettes, pruneaux, betteraves, oignons, ail et maïs. Le projet, dont le coût est évalué à 3 millions d’euros est pré-financé par le syndicat et par la Chambre d’agriculture, aux mains de la Coordination rurale, pour le compte de l’ASA des Coteaux du Tolzac qui devrait se charger ensuite de l’exploitation de l’ouvrage. Le plan de financement initial prévoit par ailleurs que le projet soit subventionné à hauteur des deux-tiers par des fonds publics provenant pour l’essentiel du Département et de la Région.

Retenue d’eau à usage agricole à Beauville dans le Lot-et-Garonne (photo © Emilie Drouinard / Sud-Ouest)

A l’issue de l’enquête publique, le projet a bel et bien été autorisé par la Préfète du département, Patricia Willaert, qui a signé le 29 juin 2018 un arrêté préfectoral autorisant les travaux. Un arrêté pris cependant contre l’avis de deux Préfets de région et qui va à l’encontre de celui émis par l’Agence française de la Biodiversité, ce qui explique que le 18 septembre 2018, le ministre de l’agriculture et celui de l’environnement ont demandé conjointement l’annulation de cet arrêté après un recours déposé par l’association France Nature Environnement.

Tout indique en effet que ce projet de barrage va à l’encontre des dispositions du SDAGE, le Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux du bassin Adour-Garonne, lequel recense déjà pas moins de 6 000 retenues d’eau dans le département dont 135 sur le seul bassin versant du Tolzac, de multiples ouvrages réalisés essentiellement à des fins agricoles mais souvent inutilisés et qui perturbent gravement le fonctionnement naturel des milieux aquatiques déjà très dégradés.

Les travaux de terrassement en cours sur le site de Caussade fin novembre 2018, malgré leur interdiction (photo © Thierry Breton / Sud-Ouest)

Le 15 octobre, la Préfecture a donc retiré son accord, et le 13 novembre la Justice a rejeté le recours en référé des agriculteurs contre cette décision. La Préfète a d’ailleurs été démise de ses fonctions le 21 novembre, conséquence logique de son désaveu par sa tutelle, mais les agriculteurs ont décidé de passer outre et de s’assoir allègrement sur les procédures règlementaires. Dès le 22 novembre, une dizaine de pelleteuses louées par la Chambre d’agriculture et conduites par des agriculteurs eux-mêmes voire des employés de la Chambre sont entrées en action pour commencer à défoncer le terrain et édifier la digue dans un périmètre placé sous la protection de vigiles afin d’éviter tout risque d’intrusion de la part d’opposants au projet.

SLe président de la chambre d’agriculture du Lot-et-Garonne, Serge Bousquet-Cassagne (à droite), à Agen, en octobre 2014 (photo © Medhi Fedouach / AFP / Le Monde)

Depuis, on assiste ainsi à un véritable bras de fer entre les agriculteurs menés par le président de la chambre d’agriculture, Serge Bousquet-Cassagne (Coordination rurale), et l’État qui tente vainement de faire respecter la loi, y compris face à certains élus locaux qui n’hésitent pas à jeter de l’huile sur le feu à l’instar du sénateur Jean-Pierre Moga jugeant inévitable que les agriculteurs se comportent ainsi face à « la complexité des lois et des normes », ou sa consœur, la sénatrice Christine Bonfanti-Dossat, interpellant le ministre en fustigeant « les décisions aveugles prises depuis la capitale ».

Les gendarmes face aux agriculteurs sur le chantier du barrage de Caussade le 23 janvier 2019 (source : Sud-Ouest)

Le 30 novembre, une décision de justice a ordonné l’arrêt immédiat des travaux, ce qui n’a guère ému les agriculteurs et n’a en rien stoppé le rythme des pelleteuses sur le chantier. Freiné quelque temps non pas par les rappels à l’ordre mais plutôt par les conditions météorologiques peu favorables qui avaient transformé le chantier en un vaste bourbier, les travaux ont repris de plus belle et se poursuivaient toujours le 17 janvier 2019 comme le souligne un article paru ce jour-là dans La Dépêche. La gendarmerie nationale a bien tenté d’intervenir le 23 janvier pour faire respecter le jugement du Tribunal et apposer les scellés sur les engins de chantier mais a dû faire demi-tour face à 300 agriculteurs déterminés. La nouvelle préfète du département, Béatrice Lagarde, va devoir faire preuve de beaucoup de diplomatie pour arriver à se sortir sans tache d’un tel bourbier, au sens propre comme au sens figuré…

L. V.   

Tri sélectif des déchets : les mauvais élèves…

11 février 2019

Chaque année, les collectivités doivent présenter le bilan de la collecte et du traitement des ordures ménagères sur leur territoire. L’analyse des bilans pour l’année 2017, pour chacun des 6 Conseils de Territoires qui couvrent le périmètre de la Métropole Aix-Marseille-Provence, est désormais accessible et ne manque pas d’enseignement. Merci à Jean Reynaud qui a pris le temps de les analyser car leur observation ne manque pas d’intérêt pour tout citoyen un peu curieux !

Collecte des bacs en porte à porte sur le territoire de MPM (source : MPM)

Si l’on s’intéresse ainsi aux déchets collectés de manière séparative en vue de leur recyclage ou de leur valorisation, on constate que la quantité moyenne collectée en 2017 a été de 37,1 kg par habitant dont près des deux-tiers dans les points d’apport volontaire, les grands containers mis à disposition de chacun sur la voie publique pour y déposer le papier, le verre et les emballages, et le reste via la collecte en porte à porte dans les poubelles jaunes.

Globalement, la collecte via les points d’apport volontaires semble relativement stable d’une année à l’autre. En revanche, la collecte sélective en porte à porte ne cesse de diminuer. Ainsi sur le seul territoire des 18 communes de MPM, le tonnage récolté atteignait 12 000 t par an en 2011 alors qu’il dépasse à peine 11 000 t en 2017. On pourrait penser que les Français sont de plus sensibilisés à la nécessité de trier leurs déchets mais ce n’est manifestement pas le cas dans l’agglomération marseillaise, ce qui ne laisse pas d’interroger sur l’efficacité des campagnes d’information menées localement ces dernières années…

Container servant de point d’apport volontaire sur le territoire de MPM (source : MPM)

De surcroît, les disparités sont fortes d’un secteur à un autre. Ainsi, MPM fait office de mauvais élève de la classe avec moins de 30 kg de déchets trié collecté par habitant en 2017 alors que ce chiffre dépasse 50 kg sur le territoire du Pays d’Aix et sur celui du Pays salonais, se rapprochant davantage des standards que l’on peut rencontrer sur le reste du territoire national.

On notera d’ailleurs au passage que le Pays d’Aubagne et de l’Étoile a carrément supprimé la collecte en porte à porte pour le tri sélectif, sans pour autant que la collecte en point d’apport volontaire n’augmente, bien au contraire, ce qui montre qu’il existe un très net déficit de sensibilisation de la population locale quant à l’intérêt de trier ses déchets pour mieux les valoriser ! Même les conteneurs enterrés pourtant très coûteux quant à leur mise en place (16 000 € l’unité) n’ont pas permis d’enrayer cette baisse de volume liée à la collecte des déchets valorisables…

Déchetterie sur le territoire de MPM (source : MPM)

Les chiffres fournis permettent également de se faire une idée de l’utilisation des nombreuses déchetteries installées sur le sol métropolitain. Là aussi on est surpris de constater que les flux sont loin d’augmenter comme on pourrait s’y attendre. Ainsi, sur le territoire de MPM, la rapport 2017 totalise un peu plus de 97 000 t déposé dans les 17 déchetteries du territoire alors que ce chiffre atteignait 115 000 t en 2015.

Le taux de valorisation qui est de 76 % reste par contre inchangé, mais cela ne représente au final que 70 kg de matière valorisée par habitant, une misère ! On fait d’ailleurs à peine mieux sur le Pays d’Aubagne ou celui de Martigues. En revanche, on observe des résultats plus encourageants sur Aix ou encore à Salon-de-Provence où jusqu’à 325 kg par équivalent habitant sont valorisés grâce aux déchetteries, ce qui prouve qu’il existe une forte marge de progression sur le reste du territoire…

Installations de l’incinérateur de déchets Everé à Fos-sur-Mer

Tout compte fait, la quantité de déchets récoltée en 2017 sur le territoire métropolitain s’élève en moyenne à 595 kg par habitant et par an, ce qui reste colossal et confirme que notre société reste celle du gaspillage et de l’indifférence face à notre empreinte environnementale. Un chiffre qui monte d’ailleurs à 738 kg/an/hab. dans le Pays d’Aix et même 774 kg à Salon, un record !

Mais attention à ne pas interpréter à tort ces chiffres comme étant le reflet d’une irresponsabilité du citoyen lambda car si ces chiffres sont bien rapportés au nombre d’habitants, ils intègrent en réalité l’ensemble de la collecte donc également tous les déchets issus des petits commerces, des artisans, des marchés et même des collectivités, ce qui explique que l’on arrive à de tels chiffres alors qu’un foyer rejette généralement moins d’un kg par jour.

Sur ce total, la valorisation reste relativement faible, sauf paradoxalement chez les plus gros producteurs de déchets puisque le taux de déchets valorisés atteint 45 % à Aix et même 49 % à Salon, ce qui se rapproche des moyennes nationales. Mais ce taux ne dépasse pas 30 % en moyenne sur l’ensemble du territoire métropolitain, plombé par celui catastrophique de MPM qui stagne à 17 %.

A Marseille (mais cela vaut aussi pour les déchets de Carnoux qui sont d’abord transportés par camion puis par train jusqu’à l’incinérateur de Fos-sur-Mer), la majeure partie des déchets sert à alimenter l’incinérateur et on ne se soucie guère de leur valorisation. Un incinérateur qui relâche dans  l’atmosphère un certain nombre de produits peu ragoûtants et produit 25 % de mâchefers solides riches en métaux lourds et plus ou moins réutilisables en remblais routiers, mais aussi  près de 5 % de cendres très toxiques qui doivent être déposées en décharge à Bellegarde (Gard), donc encore transportées à plus de 60 km… Quant à Aubagne, le bilan global n’est guère plus favorable puisque l’essentiel des déchets non seulement ne sont pas valorisés mais finissent en décharge, transportés par camions vers les sites de La Fare-les-Oliviers ou de Septèmes-les Vallons au prix d’un bilan écologique et économique là aussi déplorable !

Décharge de Valsud à Septèmes-les-Vallons

Dernier angle d’analyse et non des moindres : le coût du service… Là aussi les chiffres contenus dans les rapports annuels ne manquent pas d’intérêt. On y apprend ainsi que le nombre d’agents affectés à la collecte des déchets est de 1,5 agents pour 1000 habitants à Aubagne ou sur MPM alors que ce taux ne dépasse pas 0,9 dans le Pays d’Aix et même 0,3 à Salon.

Le coût du service s’en ressent directement puisqu’il s’établit en moyenne à 181 € par habitant (hors subvention) mais qu’il varie du simple au double entre 128 € à Salon et 255 € sur MPM. Une belle démonstration que le coût du service public peut être très significativement optimisé grâce à une politique plus efficace de tri sélectif et de recyclage puisque les collectivités qui recyclent le plus sont aussi celles où le coût du service est le plus faible, surtout via le compostage qui permet de valoriser facilement tous les biodéchets qui constituent généralement de l’ordre de la moitié du tonnage de nos ordures ménagères. A bon entendeur…

L. V. 

Sauve qui peut, les frites raccourcissent !

9 février 2019

Les clichés ont la vie dure : difficile de se mobiliser contre le réchauffement climatique tant qu’on reste persuadé que c’est une lubie de bobo parisien, d’écolo attardé ou d’intellectuel alarmiste qui joue à se faire peur en prédisant les pires calamités alors qu’un degré de plus ou de moins n’a jamais tué personne… Chacun tente de se persuader que la catastrophe annoncée n’aura pas lieu, que seules les populations lointaines et les plus déshéritées du Sahel, du Bengladesh ou des îles Kiribati seront réellement impactées par les effets du changement climatique, et que de toute façon les progrès technologiques à venir compenseront largement ces petits désagréments liés au réchauffement global.

Sauf que les effets de ce changement climatique commencent à être sensibles y compris dans nos assiettes. L’heure est grave et il s’agit d‘un problème de taille : à cause du dérèglement climatique global, la longueur des frites est en train de diminuer de manière très significative !

C’est un rapport publié par The Climate Coalition, une fédération rassemblant 130 associations dont le WWF, National Trust ou Christian Aid, qui a tiré la sonnette d’alarme en publiant un rapport intitulé sobrement : Recette d’un désastre, comment le changement climatique impacte les fruits et légumes britanniques ? L’information s’est diffusée comme une trainée de poudre et même Le Monde s’en est fait l’écho dans son édition du 7 février 2019 : en 2018, les frites du Royaume-Uni, ces fameuses chips qui font la (modeste) renommée culinaire du pays depuis 1863 ont vu leur taille diminuer de 3 cm.

Et contrairement à ce que pourraient imaginer les partisans eurosceptiques les plus acharnés du Brexit, les règlements imaginés à Bruxelles n’y sont pour rien. C’est simplement la faute de la terrible sécheresse qui a frappé outre-Manche durant cette année 2018, laquelle fait partie des quatre les plus chaudes jamais enregistrées depuis que l’on suit avec fiabilité les températures mondiales, juste derrière 2016, 2015 et 2017… Au Royaume-Uni, certaines localités n’ont pas vu tomber une seule goutte de pluie pendant 58 jours : un record !

Pommes de terre : une récolte vulnérable au changement climatique

Il y a décidément quelque chose de pourri dans le Royaume… Du coup, les pommes de terre récoltées cette année et qui couvrent habituellement 80 % de la consommation nationale, ont vu leur rendement diminuer : la récolte 2018 est une des quatre plus mauvaises enregistrées depuis 60 ans avec une baisse de rendement de 20 à 25 %. Mais c’est aussi la taille moyenne des tubercules qui s’est fortement réduite. Or avec des patates plus petites et plus difformes, on fait des frites plus petites : CQFD…

Et il n’y a pas que les pommes de terre qui ont souffert de la sécheresse : la récolte de carottes a également connu une diminution de 25 % et celle des oignons de 40 %. C’est du coup toute l’agriculture britannique qui s’interroge sur son devenir pour peu que ces vagues de sécheresse deviennent plus fréquentes à l’avenir comme l’annoncent toutes les prévisions climatiques. Pour The Climate Coalition, « le réchauffement climatique pourrait rendre trois quarts des terres agricoles britanniques impropres à la culture d’ici à 2050 », un horizon bien sombre pour les amateurs de frites king size….

Et les Britanniques ne sont pas les seuls à s’inquiéter de l’avenir de la frite. Les Belges, nul ne s’en étonnera, se sont alarmés du sujet dès le mois de septembre 2018. Le 18 septembre, la chaîne belge Sud Info relayait ainsi le cri d’alerte lancé par le coordinateur de la filière wallonne de la pomme de terre, lequel indiquait que la récolte de patates belges serait inférieure de 25 % par rapport aux années précédentes, à cause de la sécheresse de l’été 2018, et que la taille des tubercules étant sensiblement inférieure à la moyenne, les frites s’en trouveraient nécessairement raccourcies.

Une information immédiatement reprise par Le Figaro qui, à l’issue d’une enquête approfondie sur un sujet aussi sensible, expliquait doctement à ses lecteurs que « généralement, pour avoir de longues frites, on travaille des tubercules avec un diamètre de plus de 50 mm. On arrive alors à avoir des frites de 8 à 9 cm. Cette fois, comme les tubercules sont plus petits, les frites seront plus petites ». On n’en sort pas et l’information alarmante a fait le tour de l’Europe, d’autant que d’autres pays dont la France et l’Allemagne avaient été aussi fortement touchés par ce même phénomène, laissant craindre un renchérissement inquiétant du cours de la patate.

Même nos voisins suisses se sont affolés, au point qu’un chroniqueur se lamentait dans Le Temps d’une situation aussi tragique : « Il a fait trop beau et trop chaud cet été, il n’a pas assez plu, du coup les pommes ont souffert sous une terre sèche : cette année, elles seront moins nombreuses et surtout plus petites, du coup les frites seront plus courtes. C’est comme ça, c’est tout bête, mais c’est bien réel. Observable, quantifiable et déplorable. Le Plat Pays va devoir s’y faire. Et nous, nous ne perdons rien pour attendre. Aujourd’hui la taille des frites belges, et demain quoi ? Le diamètre des spaghettis, que raboteront sans pitié d’incandescents avrils ? Ou pire, l’onctuosité de la fondue, défiée par l’assèchement graduel des Préalpes fribourgeoises ? »

Voilà en tout cas qui explique peut-être le spectaculaire élan qui a saisi la jeunesse belge, mobilisée comme jamais pour réclamer d’urgence des mesures contre le réchauffement climatique et donc, accessoirement, pour la sauvegarde des frites. Un mouvement parti de Suède, à l’initiative d’une jeune lycéenne de 16 ans, Greta Thunberg, venue manifester chaque vendredi devant le parlement suédois pour réclamer des dispositions contre les émissions de gaz à effet de serre, et qui est en train de contaminer l’Europe entière.

Etudiants manifestant en Belgique en faveur d’une mobilisation contre le changement climatique (photo © Bertrand Vandeloise / Hans Lucas / AFP)

Le mouvement est mondial puisqu’on le retrouve aussi en Australie, aux États-Unis, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Suisse, et même bientôt en France où 300 étudiants rassemblés dans un amphi de Jussieu ont voté pas plus tard que cette semaine, une mobilisation du même genre qui devrait débuter vendredi 15 février. L’avenir dira si le mouvement prend la même ampleur qu’en Belgique où les jeunes, qui étaient 3000 dans les rues de Bruxelles le 10 janvier 2019, s’y sont retrouvés pas moins de 35 000 le 24 janvier dernier, à l’appel de l’organisation Youth for Climate, tandis qu’une manifestation organisée par un collectif de 70 associations avait mobilisé de l’ordre de 100 000 militants dans les rues de Bruxelles le 2 décembre 2018, toujours pour réclamer des mesures plus énergiques en vue de lutter contre le réchauffement climatique.

Jeune étudiante manifestant à Bruxelles le 31 janvier 2019 (photo © Mathilde Dorcadie / Reporterre)

Nul doute que ce mouvement citoyen de grande ampleur ne devrait plus s’arrêter maintenant que chacun a bien compris qu’étaient en jeu des sujets aussi majeurs que la taille de nos frites…

L.V. 

La Réunion : un chantier routier hors du commun

5 février 2019

Pose de filets de protection contre les chutes de blocs au-dessus de la route du Littoral (photo © Ouest acro)

Pour qui s’est déjà rendu sur l’île de La Réunion, la route du Littoral entre Saint-Denis et La Possession est un véritable cauchemar aux heures de pointe. Long de 13 km seulement, ce tronçon de la RN 1 qui draine de l’ordre de 60 000 véhicules par jour en moyenne longe la côte ouest de l’île au pied d’une immense falaise basaltique de plus de 200 m de hauteur par endroits.

Les roches volcaniques qui forment cette falaise abrupte s’aboulent régulièrement et on ne compte plus les chutes de blocs qui se sont produites sur ce tronçon routier particulièrement exposé. Malgré les immenses filets et dispositifs d’ancrage de toute sorte qui enserrent la falaise, on déplorait ainsi, en 2008, au moins 19 morts suite à des éboulements rocheux sur ce seul tronçon de route depuis son ouverture en 1963.

Passée à 2 x 2 voies en 1976 grâce à un élargissement en corniche du côté de l’océan, la route du Littoral reste particulièrement exposée. A tel point que lorsque les conditions météorologiques sont menaçantes, notamment en cas de houle cyclonique, la route est fermée à la circulation, obligeant les automobilistes à faire un immense détour par la RD 41 qui serpente dans les hauteurs, sur le sommet du plateau. Et pour gérer le trafic routier sans cesse croissant, les services de la voirie en sont arrivés à mettre en place une circulation alternée en fonction des heures de pointe : le matin, on déplace les glissières de sécurité pour offrir 3 voies de circulation en direction de la ville de Saint-Denis, et le soir on les manipule dans l’autre sens pour faciliter le transit de ceux qui quittent la ville principale de l’île après leur journée de travail…

Eboulement en masse sur la route du Littoral le 24 mars 2006, tuant 3 personnes (photo © imaz press Réunion)

Pour tenter de pallier une situation en voie de dégradation accélérée, surtout depuis l’ouverture de la route des Tamarins en 2009, qui avait provoqué une augmentation supplémentaire du trafic de 15 %, un projet de nouvelle route du Littoral (NRL) a progressivement émergé. Le décret d’utilité publique a été signé en mars 2012 et les travaux sont en cours depuis 2015, en vue d’une mise en service en 2020.

Piles du nouveau viaduc en construction au large de la route du Littoral (source © Vinci construction)

Un chantier totalement hors du commun puisque la nouvelle route va longer les côtes, à une distance variant entre 80 et 300 m, sur un viaduc de 5,4 km de long, le plus long de France, lui-même prolongé à ses deux extrémités par deux digues construites en remblai sur la mer et dont la longueur est respectivement de 1 km et 5,7 km. Le coût du chantier est pharaonique lui-aussi puisqu’il devrait atteindre 1,6 milliards d’euros, soit 130 millions d’euros du kilomètre, là où le prix moyen de construction d’un kilomètre d’autoroute ne dépasse pas habituellement les 6 millions d’euros…

Chantier du viaduc de la NRL en juillet 2018 (photo © J. Balleydier / Région Réunion / Le Moniteur)

Il faut dire cependant que l’on a prévu large : 30 m exactement pour la largeur du tablier qui supportera non seulement 2 x 2 voies de circulation mais laissera aussi le passage à un transport collectif en site propre (bus ou tram-train) ainsi qu’une voie pour les piétons et les cyclistes. Il faudra pour cela construire en mer pas moins de 48 piles gigantesques, dont 45 sont déjà en place début février 2019 puisqu’il ne reste plus que 800 m à réaliser avant l’achèvement complet du viaduc. Le tablier du pont sera situé à une hauteur de 20 à 30 m au-dessus de l’océan pour être à l’abri des plus fortes vagues, même en cas de houle cyclonique.

Pour la construction du viaduc, le groupement d’entreprises piloté par Vinci construction a choisi de procéder à la préfabrication à terre des piles en béton armé qui sont ensuite acheminées à bon port directement équipés des 7 premiers voussoirs permettant l’amorce du pont de part et d’autre. Pour cela, une immense barge a été construite. Baptisée du doux nom de « zourite » (la pieuvre en créole), cette méga-barge de 107 m de longueur et 48 m de largeur, est capable de soulever jusqu’à 2 500 tonnes avec son pont roulant de 33 m.

Vue aérienne du chantier de la Nouvelle route du Littoral (source © Vinci construction)

Par ailleurs, une poutre de lancement de 278 m de longueur permet également de placer les 1386 voussoirs de la section courante du viaduc, produits à raison de 3 à 4 pièce par jour dans les deux usines de préfabrication installée dans la zone du Port et qui sont alimentées par trois centrales à béton tournant en permanence. Le souci du détail a été poussé jusqu’à prévoir une usine permettant de produire jusqu’à 45 tonnes de glace par jour afin de refroidir le béton pendant sa phase de prise en cas de chaleur extrême ! Sur un tel chantier qui devrait mobiliser au total de l’ordre de 300 000 m3 de matériaux uniquement pour la construction du viaduc, rien ne doit être laissé au hasard…

L. V. 

Chine : on a marché sous la dune, et bientôt sur la lune…

3 février 2019

Les Chinois n’ont pas fini de faire parler d’eux… Dernièrement, c’est un musée enterré sous une dune qui vient d’ouvrir ses portes en octobre 2018 : conçu par l’équipe d’Open Architecture, basée à Pékin, l’UCCA Dune (Ullens Center for Contemporary Art) est, comme son nom le suggère, un petit musée d’art contemporain niché en grande partie sous une dune, en bordure de la côte septentrionale de la Chine à Qinhuangdao.

Vue aérienne du UCCA Dune Art Museum caché sous la dune (photo © Wu Qingshan)

Le concept est pour le moins original. L’espace bâti en béton est constitué comme un réseau de grottes aux formes arrondies organisé en 7 galeries intérieures, sur une superficie totale de 930 m2, le tout ayant ensuite été recouvert par le sable de la dune qui avait été au préalable excavée. Trois entrées à flanc de dune ainsi que plusieurs puits de lumière et des belvédères émergeant du sable donnent un peu de clarté à cet espace souterrain quelque peu atypique et qui permet au visiteur de déambuler en toute sécurité sous la dune.

Les architectes concepteurs de cette curiosité dont s’est notamment fait l’écho le Journal du design, planchent d’ailleurs désormais sur un autre projet sur le même site, le Sea Art Museum, lequel sera partiellement immergé sous l’eau et ne sera accessible qu’à marée basse.

Dans le même style, un autre projet architectural chinois, conçu par le cabinet pékinois MAD architects, avait aussi beaucoup fait parler de lui. Comme l’expliquait Le Moniteur en 2013, ce projet de musée d’art doit être implanté sur l’île de Pingtan, la cinquième plus vaste de Chine, située dans la province de Fujian, juste en face de Taïwan et destinée à devenir un important centre de développement touristique, commercial et culturel.

Maquette du Pingtan Art Musem (photo © MAD architects)

Cet édifice, dont la construction était prévue en 2016, se présente comme une presqu’île flottante en béton de 40 000 m2, implantée dans un plan d’eau et accessible depuis une jetée. Il semble bien cependant que cette structure en forme de trois dunes flottantes émergées à quelques encablures du rivage et à l’intérieur desquelles le visiteur devait se promener de salle en salle, soit à ce jour resté à l’état de maquette…

Ce n’est pas le cas en revanche des projets chinois qui visent non pas la dune mais carrément la Lune. Car l’Empire du Milieu ne cache pas ses ambitions en matière de conquête spatiale. C’est ainsi que le module d’exploration Chang’e 4, qui avait quitté le sol terrestre le 7 décembre 2018 s’est posé dans la nuit du 2 au 3 janvier 2019, sur la face cachée de la Lune, un exploit inédit qui vient prouver s’il en était encore besoin, que la Chine est désormais en pointe en matière de prouesses technologiques.

Une vue de la face cachée de la Lune prise lors de la mission Apollo 16 (source © NASA)

Si les Américains et les Russes se sont déjà posés à plusieurs reprises sur la Lune, du côté qui est tourné en permanence du côté de la Terre, personne n’avait en effet été voir de près ce qui se passait de l’autre côté de notre satellite naturel, sur le versant invisible, dont la surface est d’ailleurs constellée de profonds cratères, bien davantage que sur la face visible largement recouverte de grands épanchements tabulaires de lave. C’est un satellite russe qui avait photographié pour la première fois cet hémisphère invisible de la Lune et il avait fallu attendre 1968 pour que les premiers hommes puissent l’admirer en direct, en l’occurrence ceux de l’équipage d’Apollo 8 en rotation autour de la Lune.

Pour parvenir à guider et faire atterrir un engin spatial sur la face cachée de la Lune, il fallait prévoir un relai positionné derrière la Lune mais restant en contact avec la Terre afin de pouvoir transmettre au futur robot explorateur les ordres venant du plancher des vaches. C’est ce qu’on fait les Chinois en lançant, en mai 2018, le satellite Queqiao (qui signifie « le pont des pies » en Mandarin) placé en orbite à 65 000 km de la Lune.

Le module lunaire lui-même s’est posé au pôle sud de la face cachée de la Lune, dans le cratère Von Kármán, baptisé ainsi en l’honneur d’un astrophysicien tchèque. Tout s’est bien passé et il est même prévu qu’un robot d’exploration parcourt une dizaine de kilomètres pour investiguer la nature du sol dans le secteur. Les nouvelles arrivent au compte-goutte mais on sait déjà que les nuits lunaires sont particulièrement fraîches dans le secteur : – 190 °C, tout de même ! Une nuit lunaire qui n’en finit pas d’ailleurs puisque celle-ci a duré 14 jours, obligeant le robot Yutu-2 à se mettre en hibernation en attendant que le jour se lève enfin, le 31 janvier.

Le robot explorateur Yutu-2 quittant sa rampe de débarquement (source © CNSA / Numerama)

Les premières photos diffusées dès le 4 janvier 2019 du petit robot de 140 kg à 6 roues se dandinant sur le sol lunaire à l’extrémité de ses rails de débarquement avec ses deux ailes déployées recouvertes de panneaux solaires, obligent d’ailleurs à s’interroger sur le petit nom que lui ont octroyé les ingénieurs chinois puisque Yutu signifie « lapin de jade »… L’engin ressemble à tout sauf à un lapin, mais il porte sur ses épaules une lourde responsabilité puisque l’une de ses missions est de déposer sur la face cachée de la Lune un récepteur radio destiné à écouter l’Univers avec une longueur d’ondes que les interférences avec la Terre ne permettent pas ailleurs. « C’est une nouvelle fenêtre qui s’ouvre sur l’univers », explique ainsi aux Echos Francis Rocard, responsable du programme d’exploration du système solaire au CNES. Après les caméras à reconnaissance faciale dans les rues de Pékin et l’espionnage à grande échelle, voilà que la Chine déploie désormais ses grandes oreilles à l’échelle de l’Univers…

L’espace lunaire dans lequel s’aventure le « Lapin de Jade » : image prise depuis le module Chang’e 4 (source © CNSA / Le Figaro)

Et ce n’est pas tout car les Chinois ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin. Dès cette année, une nouvelle mission, Chang’e 5 (Chang’e étant le nom de la divinité lunaire dans le Panthéon chinois), est prévue avec au programme le recueil d’échantillons de sol lunaire, sur la face visible de la Lune mais dans un secteur que l’on pense avoir été soumis à des éruptions volcaniques plus récentes.

En même temps, la Chine se prépare à envoyer ses taïkonautes sur la Lune vers 2036 et s’active à produire pour 2022 sa première grande station spatiale, pompeusement baptisée « Palais céleste » et qui pourrait prendre le relai de la Station spatiale internationale, l’ISS, dans laquelle Russes, Américains, Européens et Japonais sont associés mais dont la retraite est programmée en 2024. Voilà qui sent de plus en plus la course de vitesse entre puissances en quête d’hégémonie, comme au bon vieux temps de la Guerre froide, de quoi rassurer tout un chacun quant à l’avenir radieux de l’Humanité !

L. V.