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Le Parc national des Calanques, 10 ans d’action

17 avril 2024

C’est un public habituel et très intéressé par le sujet qui s’est retrouvé lors de cette conférence pour écouter monsieur Alain VINCENT, délégué à l’action territoriale du Parc National des Calanques, dresser le bilan de dix années d’activité du Parc.

Le conférencier, Alain Vincent, directeur de l’action territoriale du Parc (photo © CPC)

Il rappelle que depuis le début du XXème siècle, la population locale souhaitait préserver le cadre exceptionnel que constituent les calanques, souhait qui s’est en partie concrétisé en obtenant dans les années 1970 l’arrêt de l’exploitation des carrières sur ce territoire et la limitation de l’étalement urbain. Le projet de création du Parc remonte à 1979 et les études de réalisation ont réellement débuté en 2003 par l’établissement d’objectifs, les premières délimitations du territoire et un calendrier de mise en œuvre.

C’est finalement en 2009 que le projet de création se concrétise. Il faut alors répondre aux questions posées afin d’estimer les incidences de ce projet et réglementer cette structure en coordination avec les nombreuses parties prenantes actives au sein du territoire concerné. Cette année-là, soucieux d’informer les habitants de notre commune, le Cercle Progressiste Carnussien avait reçu, lors d’une conférence, deux acteurs du projet en préalable à la création de l’établissement public d’État.

Le massif des Calanques, un formidable espace de découverte (photo © C. Bellanger / PNC)

C’est donc en 2012 qu’est créé par décret le Parc National des Calanques, sur un territoire couvrant les calanques de Marseille et de Cassis, situé au cœur de la métropole d’Aix-Marseille-Provence. La notion de Parc National remonte à la création en 1872 aux États-Unis du premier parc, celui de Yellowstone. Il n’y en a que onze en France (celui des Calanques est le dixième). Ce sont des conservatoires constitués d’espaces naturels hébergeant diverses faunes et flores et pouvant contenir des monuments historiques. Ce sont des patrimoines naturels et historiques devant être protégés pour l’éternité et reconnus internationalement. La particularité du Parc des Calanques est qu’il est le premier parc national péri urbain d’Europe, à la fois terrestre et marin. Il se différencie d’un parc régional qui est régi par le droit commun et financé par les collectivités locales.

La création du Parc est le fruit d’un patient travail de dialogue et de compromis avec les collectivités territoriales (communes, métropole) et les représentants d’intérêts, tels que les pêcheurs, chasseurs, propriétaires de cabanons, randonneurs, plaisanciers, etc. inquiets de voir un statut juridique nouveau restreindre les précédents règlements. Pour assurer la mise en œuvre des actions de protection du territoire, le décret de 2012 a également créé l’Établissement Public d’État à caractère administratif (EPA), régi par le Code de l’environnement. C’est le Ministère de l’écologie qui en nomme le directeur ou la directrice. Ce dernier est entouré de plusieurs membres et institutions contribuant à son financement (État, Ville de Marseille, Métropole, Département des Bouches-du-Rhône), ainsi que de membres de la société civile. L’EPA s’adjoint un conseil scientifique et conseil économique social et culturel pour avis consultatif.

Les contours du Parc National des Calanques (source © A. Vincent / PNC)

Les composantes du Parc sont le cœur terrestre de 8 500 hectares, situé sur trois communes (Marseille, Cassis et La Ciotat) et le cœur marin de 43 500 hectares, ainsi que l’aire maritime adjacente qui s’étend sur 97 800 hectares. Carnoux fait partie de l’aire optimale d’adhésion mais à ce jour seules Marseille, Cassis et La Penne-sur-Huveaune ont adhéré au Parc, pour tout ou partie de leur commune. A terre comme en mer, on y recense des habitats naturels considérés comme rares et fragiles, ainsi que de nombreuses espèces animales et végétales menacées qui sont d’intérêt scientifique ou symbolique.

L’aigle de Bonelli, l’un des animaux emblématiques du Parc des Calanques (photo © F. Launette / PNC)

Les défis sont multiples pour faire coexister dans cet espace naturel aussi proche d’une grande métropole, les activités autorisées aux trois millions de visiteurs fréquentant chaque année le site, tout en le protégeant des risques d’incendie, de pollution, et des autres dégradations potentielles. Ce sont donc des actions concrètes qui sont mises en œuvre pour que le cœur du Parc soit un espace d’isolement, d’apaisement et de ressourcement, dénué de toute construction et permettant la pratique d’activités sportives douces.

Ces actions résultent de dialogues entre les gestionnaires du parc et les usagers pour faire appliquer la charte du parc (aménagements, sites classés, pêches illégales …). Ce type de gouvernance locale favorise le choix de solutions adaptées pour une meilleure gestion de la protection des espaces naturels. La charte, d’une validité de quinze ans, est renouvelable sur la base d’une nouvelle évaluation à l’issue de cette période. Cette démarche atteste de la volonté du conseil d’administration, composé de 51 membres, de jauger en permanence ses actions sur la durée afin de les améliorer.

Un conseil d’administration dominé par les acteurs locaux (source © A. Vincent / PNC)

Dans le détail, les actions principales ont notamment permis :

  • Une surveillance et une protection accrue du parc par l’application de mesures restrictives concernant la circulation, l’emploi du feu, l’interdiction de bivouaquer, de pêcher et chasser dans les zones interdites, de déranger les espèces protégées, etc…
  • Une meilleure connaissance et une amélioration de la biodiversité (recensement et préservation des espèce animales et végétales) la gestion des terrains du Conservatoire du littoral sur plusieurs sites pour la mise en œuvre d’études d’aménagements et de travaux d’entretien.
  • La mise en place d’un système de réservation (en saison estivale) pour limiter l’accès à Sugiton.
  • L’accompagnement, la coordination des activités sur le territoire en mer et sur terre. Cela concerne un large public : les pêcheurs professionnels et particuliers, les nageurs, les plongeurs, les plaisanciers, les transporteurs de passagers, les acteurs du tourisme, les habitants et les riverains du parc, les propriétaires-gestionnaires publics et privés, les acteurs de la prévention des incendies et des autres risques, les agriculteurs, les forestiers, les apiculteurs, les randonneurs, les promeneurs, les grimpeurs, les spéléologues ou les acteurs du tourisme notamment.
  • La définition de stratégies et de plans pluriannuels, comme par exemple celui de l’adaptation au changement climatique ou encore de gestion des accès au Parc en retirant les voitures de son Coeur.

Ce sont actuellement vingt-quatre inspecteurs de l’environnement, assermentés et armés, avec des pouvoirs juridiques qui font respecter la réglementation. Ils ont dressé, avec les autres forces de police, un millier de procès-verbaux en 2023 sur le territoire et engagé des procédures qui ont entraîné de lourdes peines pour les contrevenants. Cependant, ils privilégient la médiation et dispensent des messages d’éducation auprès du public avec le soutien d’une cinquantaine d’écogardes saisonniers non assermentés recrutés chaque année par le Parc.

Un auditoire particulièrement attentif pour cette conférence à Carnoux (photo © CPC)

Notre conférencier à l’issue de cette présentation très détaillée a répondu aux nombreuses questions du public. Nous avons ainsi pu apprendre que :

  • Le budget de fonctionnement du Parc s’élève à 7 millions d’euros dont 500 000 € de revenu de taxes perçues et de mécénat,
  • Le statut du Parc ne rentre pas dans la classification du Patrimoine mondial de l’UNESCO,
  • Des espèces végétales invasives, sur terre et sur mer, sont recensées dans le Parc, et bien que leur arrachage soit effectué sur terre, on ne peut lutter contre celles qui prolifèrent en mer,
  • Depuis la création du Parc, la population de poissons a été multipliée par neuf tant en quantité qu’en espèces.
  • Des autorisations sont nécessaires, au préalable, pour toutes investigations scientifiques et tous travaux
  • Les chiens doivent être tenus en laisse du 15 mars au 30 juin, comme dans tous les espaces naturels du pays,
  • Aucune manifestation, à titre sportif ou publicitaire ne peut avoir lieu dans le Parc, en dehors de quelques manifestations emblématiques préexistantes,
  • L’élaboration du règlement du Parc s’effectue en co-construction avec les acteurs locaux, mais la mobilisation de certains acteurs est difficile,
  • De nombreuses actions sont en cours ou en projet comme celle qui envisage de transformer l’ancienne maison de Michel Simon, située dans le parc du Mugel, en « Maison du Parc » afin de pouvoir accueillir des expositions et des groupes scolaires.
  • La Métropole et la ville de Marseille contribuent pour améliorer la signalétique, la régulation des mouillages, la circulation aux abords et à la réduction des déchets et micro-déchets.

Après ces échanges nourris, les participants ont pu ensuite prolonger la soirée en partageant, avec notre conférencier, un apéritif offert par Cercle.

CM

On peut retrouver un grand nombre d’informations utiles sur le Parc en consultant le site du PNC

Le Parc des Calanques, à Carnoux ce soir…

4 avril 2024

Plus de 10 ans déjà se sont passés depuis la création officielle du Parc National des Calanques en 2012. Dix années au cours desquelles ce Parc National original, créé aux portes de la deuxième ville de France, dans un environnement naturel mêlant massif rocheux méditerranéen et fonds marins, s’est structuré et a mené de multiples actions souvent méconnues.

C’est pourquoi il a paru opportun d’inviter Alain Vincent, directeur de l’action territoriale du Parc National des Calanques, pour évoquer ces 10 ans d’actions et ces nombreux projets d’avenir qui se bousculent, pour mieux préserver cet espace naturel exceptionnel qui s’étend à deux pas de notre commune de Carnoux-en-Provence et favoriser les bonnes pratiques qui permettent de maintenir les usages sans menacer la biodiversité. Un subtil équilibre pour lequel il faut faire preuve de beaucoup de pédagogie, et parfois d’un peu de fermeté…

Cette conférence organisée par le Cercle progressiste carnussien se tiendra ce soir, jeudi 4 avril 2024, à Carnoux dans la salle municipale du Clos Blancheton à partir de 18h30. L’accès est gratuit et ouvert à tous : profitez-en !

Le Parc des Calanques s’invite à Carnoux

22 mars 2024

Le Parc National des Calanques s’étend aux portes de notre commune de Carnoux-en-Provence. On en parle beaucoup mais la plupart des gens le voient rarement, un peu à l’image de ces meutes de loups, désormais bien implantées dans le massif des Calanques mais tellement discrets que personne ne les voit jamais, sauf à l’occasion d’un drame de la circulation comme celui qui a coûté la vie à un jeune sujet, venu mourir aux portes de la ville.

Ecogardes du Parc National des Calanques en patrouille (source © Parc National des Calanques)

Et pourtant, voila un projet qui a fait couler beaucoup d’encre et alimenté bien des conversations lorsqu’a débuté en 2009 la concertation qui a débouché sur sa création officielle en 2012. Le Cercle progressiste carnussien lui a d’ailleurs déjà consacré deux conférences, en 2003 et justement en 2009, en pleine phase de concertation, alors que la commune de Carnoux avait la possibilité de faire partie de l’aire d’adhésion du futur Parc en gestation. Une adhésion rejetée par le conseil municipal dans une belle unanimité le 29 septembre 2011 !

Au-dessus de la calanque d’En Vau, dans le massif des Calanques (photo © CPC)

Il faut dire qu’à l’époque, la création de ce Parc National aux portes de la deuxième plus grande ville de France, dans un environnement naturel certes protégé de longue date mais où les activités humaines étaient particulièrement développées, avec une forte emprise de la chasse et de la pêche, de loisir mais aussi professionnelle, sans compter une affluence touristique estivale intense avec des spots de baignades très fréquentés, suscitaient bien des réticences.

Belvédère de Sugiton (photo © Maxime Béranger / Parc national des Calanques)

Il a fallu ferrailler longuement pour trouver des terrains d’entente avec tous les acteurs locaux. Les cabanonniers de Morgiou ne voulaient pas subir de contraintes d’accès tandis que les viticulteurs de Cassis cherchaient à étendre leur vignoble et que les écologistes s’alarmaient de la présence persistante, en plein cœur de parc, des rejets de boues rouges et des eaux de la stations d’épuration marseillaise.

Et malgré tous ces obstacles et ces craintes, le Parc a vu le jour. Une dizaine d’années plus tard, le Cercle progressiste a voulu savoir comment le projet avait évolué, même si la presse se fait régulièrement l’écho de ses activités pédagogiques multiples, mais aussi de ses tentatives de mieux gérer les amoncellements de déchets, de réguler la pression touristique ou le braconnage, toujours très présent. Nous avons donc invité son directeur de l’action territoriales, Alain VINCENT, pour dresser un bilan de ces 10 années d’actions au service de la biodiversité des territoires marins et terrestres qui couvrent le Parc National des Calanques. L’occasion également de passer en revue les innombrables projets qui fourmillent et qui ouvrent de belles perspectives pour cet établissement si emblématique que nous avons la chance d’avoir à notre porte, au service d’un environnement naturel exceptionnel, qu’il revient à chacun de préserver.

Cette conférence du CPC aura lieu le jeudi 4 avril dans la salle municipale du Clos Blancheton à 18h30. L’accès est gratuit et ouvert à tous : n’hésitez-pas à venir nombreux !

Echos de conférence : « peut-on encore se loger ? »

1 février 2024

La salle du Clos Blancheton était quasi comble en ce lundi 22 janvier 2024 pour écouter les conférenciers traiter de ce sujet crucial qu’est l’accès au logement : Francis Vernède, directeur régional PACA de la fondation Abbé Pierre, ainsi que Aude Lévêque, chargée de mission à la fondation Abbé Pierre, et Marc Vincent, directeur du pôle de lutte contre l’habitat indigne à la ville de Marseille. Le public était constitué comme à l’habitude des adhérents du Cercle, d’habitants de Carnoux et des communes voisines, jusqu’à La Ciotat, et nous notions avec plaisir la présence de monsieur Giorgi, maire de Carnoux-en-Provence, ainsi que de plusieurs conseillers municipaux.

Avant le début de la conférence (photo © CPC)

En prologue, Michel Motré, président du Cercle Progressiste Carnussien a salué l’assistance et a remercié les conférenciers chargés de nous éclairer sur les difficultés d’accès au logement dans le contexte actuel et de proposer des éléments de réflexion quant aux solutions envisageables. Le hasard nous fait remarquer que cette conférence coïncide avec le 17ème anniversaire de la disparition de l’Abbé Pierre.

En introduction Francis Vernède aborde le sujet du logement social en lien avec la faiblesse de l’offre de logements, l’Etat, notamment, n’étant pas en capacité de répondre aux demandes de plus en plus nombreuses au titre du droit opposable au logement. Le constat est établi d’une baisse sensible depuis plusieurs années de l’effort public dans le financement du logement social, ce qui contribue à cette crise du logement.

Les conférenciers (photo © CPC)

En région PACA, où le taux de pauvreté est supérieur à la moyenne nationale, les difficultés d’accès au logement sont particulièrement importantes. Lorsqu’un ménage est amené à consacrer plus d’un tiers de ses revenus au logement, il s’appauvrit. Ce taux d’effort maximum ne lui permet pas d’accéder à un logement décent et adapté dans bien des endroits. Quant au parc social, il est notoirement insuffisant en Région PACA où, sur 200 000 demandes enregistrées, seulement 23 500 ont été satisfaites.

Les personnes les plus fragiles sont ainsi conduites à se loger dans des habitations impropres, parfois à la merci des marchands de sommeil et trop souvent à la rue, en recherche d’un hébergement d’urgence, pour lequel seules 35 % des demandes effectuées via le numéro de téléphone d’urgence 115 (urgence sociale) sont satisfaites. Un chiffre sous-évalué car nombreux sont ceux qui abandonnent l ‘espoir d’obtenir une place en hébergement d’urgence après avoir essuyé plusieurs refus pour insuffisance de disponibilités.

Évolution du nombre de demandes de logement dans le parc social en région PACA (source © FAP)

Comment les plus modestes pallient-ils ces difficultés de logement adaptés à leurs besoins et leurs ressources ? On constate une suroccupation des logements, faute d’obtenir un logement plus grand, avec des effets néfastes sur la santé mais aussi sur la scolarité des enfants. Souvent, c’est la solidarité familiale qui s’exprime, en étant hébergé chez un parent ou encore chez un particulier pour une durée indéterminée. La loi Dalo qui consacre le droit au logement contraint en théorie la puissance publique à une obligation de résultat, mais ce droit est tenu en échec du fait de l’absence d’offres suffisantes dans le parc social, d’un défaut d’accompagnement des demandeurs et de l’absence de solutions en commissions de médiations.

Dans notre région l’application de la loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbain) est problématique et les objectifs quantitatifs et qualitatifs ne sont pas atteints. Il faudrait augmenter l’offre dans le parc privé au profit des ménages modestes, proposer des aides fiscales adaptées, encadrer les loyers, mais aussi réguler davantage le marché des locations saisonnières.

La suroccupation, un symptôme de la crise du logement (source © FAP)

Nos deux conférenciers de la Fondation Abbé Pierre concluent leur intervention en indiquant qu’il est possible de trouver des solutions à condition qu’une concertation s’instaure entre l’État, les régions, les départements et/ou les métropoles, les communes et leurs habitants. C’est le cas à Paris, qui a réussi à atteindre les objectifs prévus. La ville de Nice est aussi engagée dans cette voie mais encore loin du compte.

C’est ensuite Marc Vincent, qui évoque les actions menées au sein du pôle de lutte contre l’habitat indigne à Marseille, largement réorganisé et renforcé après les effondrements de la rue d’Aubagne en novembre 2018 et qui regroupe 80 agents (architectes, inspecteurs de salubrité, responsables de travaux, agents administratifs) pour tenter de résorber l’habitat insalubre et potentiellement dangereux pour ses occupants, y compris en procédant à des évacuations préventives lorsque c’est nécessaire. En 2015, 40 000 logements marseillais étaient évalués comme potentiellement indignes, soit 10 % du parc immobilier de la ville où l’on enregistre près de 3 000 signalements par an et où des procédures de mise en sécurité sont en cours sur plus de 1 300 immeubles !

Sont ensuite évoquées les causes de la difficulté à accéder à un logement en location ou à l’achat. Depuis l’année 2000 les prix de l’immobilier ont doublé alors que les salaires n’ont pas suivi. Les ménages locataires consacrent en moyenne 28 % de leurs revenus à ce poste, sans compter que les charges locatives, avec l’envolée du coût de l’énergie, pèsent sur le budget. Les exigences renforcées en matière de performance énergétique des logements, bien que vertueuses, vont aussi contribuer à sortir du parc locatif certaines « passoires thermiques » coûteuses à rénover, et ceci dès 2025.

Confrontés à la baisse de l’offre et à une augmentation des demandes, les agences immobilières rehaussent les exigences en matière de garanties, excluant ainsi nombre de jeunes ménages et d’étudiants. Les transactions ont baissé de 15 % dans l’ancien et de 49 % dans le neuf, conséquence des taux de crédit élevés, de l’inflation, de l’augmentation du coût de la construction de 30 % (prix des matériaux, nouvelles normes), du prix du foncier très élevé, avec une nette réduction des mises en chantier.

Par ailleurs, en France, le patrimoine immobilier est mal réparti et la construction neuve, orientée par les dispositifs d’incitation fiscale, n’est pas adaptée à la demande, avec notamment beaucoup de résidences pour étudiants et pour séniors. Pour ce qui est des logements sociaux, au nombre de 5 millions en France, il est précisé que 68 % des ménages y sont éligibles, mais les communes soumises à la loi SRU qui impose un taux minimum de 25 % des résidences en logement social ont bien du mal à atteindre leurs objectifs.

Le parc social en France (source © CPC)

La situation du logement à Carnoux est abordée. On y compte 3 254 logements où résident 2 900 ménages dont 63,4 % sont propriétaires. Le taux de logement social y est de 16 %, très en deçà des obligations de la loi SRU, mais la commune n’est pas carencée, le préfet ayant accordé une exemption pour raison de manque de transports collectifs. On y compte de l’ordre de 250 demandes de logements sociaux en attente, non satisfaites, mais le nombre de logements qui se libèrent chaque année ne dépasse guère la vingtaine…

Comme dans de nombreuses communes proches du littoral, on constate les dérives engendrées par une explosion récente des meublés de tourisme avec environ 200 offres proposées cet été et le développement d’une pratique professionnelle encore non régulée, contrairement à Marseille ou Cassis.

Un auditoire attentif dans la salle du Clos Blancheton (photo © CPC)

Après cet exposé, la parole est donnée au public. Monsieur Giorgi, maire de Carnoux, expose les difficultés rencontrées pour augmenter l’offre de logements dans la cité. Ce sont principalement le manque de terrains disponibles et les diverses réglementations qui brident la mise en œuvre des quelques projets. Il est noté que la Métropole, qui détient la compétence logement, a une part de responsabilité dans le manque de volontarisme et le défaut de solidarité entre communes. M. Vernède, au nom de la Fondation Abbé Pierre, se déclare prêt à échanger avec les édiles de Carnoux pour une amélioration de l’offre de logement.

Un habitant témoigne de la difficulté extrême pour bénéficier de subventions de l’ANAH (prime à la rénovation) pour un logement qu’il a proposé à la location. L’exemple de solutions de réaménagement d’habitat ancien, est évoqué. La ville de New York est citée comme modèle pour la régulation des locations de meublés de tourisme, tant l’impact pour l’économie locale était affecté par les conséquences néfastes ressenties.

Les échanges informels à l’issue des débats et autour d’un verre (photo © CPC)

Ce large débat qui ne demande qu’à être prolongé illustre bien l’importance du sujet que constitue l’accès au logement pour de nombreuses catégories de ménages, sujet amplifié pour les personnes dans la précarité. Nos conférenciers concluent par un message d’espoir de voir une dynamique s’enclencher pour mettre en œuvre des solutions qui existent, dès lors que tous les acteurs sont prêts à agir en concertation. La soirée a permis de prolonger les échanges autour de l’apéritif traditionnel offert par le Cercle.

C. M.

Rappel : le logement sur la sellette à Carnoux

15 janvier 2024

Comme nous l’avions déjà annoncé ici, la prochaine conférence-débat organisée à Carnoux la semaine prochaine, lundi 22 janvier 2024 à 18h30, dans la salle du Clos Blancheton, sera axée sur les difficultés d’accès au logement, une priorité pour de nombreux Français, et pas seulement à Carnoux, notamment pour les jeunes ménages qui ont de plus en plus de mal à trouver un logement adapté à leurs besoins, en location et encore moins en acquisition.

Un sujet d’actualité, même si le nouveau gouvernement formé par Gabriel Attal le 11 janvier 2024 supprime le poste de ministre du Logement, comme s’il voulait indiquer par là que cette préoccupation majeure de nos concitoyens n’était pas une priorité gouvernementale. Pourtant, les chiffres récents, publiés en toute fin d’année, montrent que sur les 12 derniers mois, le nombre de permis de construire accordés a diminué de plus de 25 % par rapport à l’année précédente et que celui des mises en chantier a baissé de près de 20 % en un an. Après les agences immobilières dont beaucoup ont fermé suite à la réduction des transactions, c’est maintenant le secteur du Bâtiment qui s’inquiète et envisage des licenciements…

Pourquoi une telle crise du logement alors que la croissance démographique naturelle et l’évolution des modes de vie créent un besoin incessant de logements, que beaucoup trop de nos compatriotes vivent dans des logements trop petits, vétustes, voire insalubres, et, pour certains d’entre eux, peinent à trouver un toit et se retrouvent parfois contraint à dormir dans la rue ou dans des hébergements d’urgence, eux-mêmes saturés ? Autant de questions qui justifient cet échange prévu lundi prochain à Carnoux pour identifier les ressorts de cette crise majeure, en comprendre les mécanismes et balayer les pistes qui pourraient permettre d’y répondre. Un rendez-vous organisé par le Cercle progressiste citoyen, ouvert à tous et d’accès libre.

La crise du logement en débat à Carnoux

5 janvier 2024

Comment peut-on encore se loger dans les grandes agglomérations françaises en 2023 ? Depuis plusieurs mois, le sujet est dans tous les médias. Le 28 décembre, Le Monde explique comment des ménages, pourtant aisés, sont contraints de falsifier leurs fiches de paie pour décrocher une location en région parisienne… Le 8 décembre, c’était Les Echos qui alertaient sur la panne durable des chantiers de construction de logements neufs. Le 2 novembre, France 2 consacrait une émission d’Envoyé spécial sur la crise du logement et diffusait des interviews poignantes de salariés obligés de vivre durablement au camping faut de trouver à se loger convenablement, tandis que ceux qui cherchent à acquérir un bien immobilier se voient obligés d’y renoncer faute d’accès au crédit nécessaire. Le 19 octobre, c’était la Fondation Abbé Pierre qui présentait son éclairage régional sur l’état du mal logement en région PACA, dans la continuité de son 28e rapport annuel sur le mal logement publié en février et qui attire l’attention une fois de plus, sur les difficultés croissantes d’accès au logement social et à un toit décent notamment pour les plus précaires. La veille, BFM TV se faisait l’écho du ras le bol des certains habitants du Panier où tous les logements sont transformés en meublés de tourisme loués à la semaine sur internet, empêchant les habitants de ce quartier marseillais populaire de pouvoir encore se loger…

Même le dernier numéro du journal publié en novembre 2023 par le Cercle progressiste carnussien se faisait l’écho de ces difficultés réelles d’accéder à un logement, y compris à Carnoux où les files d’attentes pour le logement social s’allongent tandis que se multiplient les résidences secondaires et les meublés de tourisme en location sur Airbnb, Abritel, Booking ou TripAdvisor.

Extrait du journal n°46 du Cercle progressiste carnussien publié en 2023 avec un dossier spécial logement

Un sujet qui mérite un véritable débat car l’accès au logement fait partie des besoins fondamentaux : notre qualité de vie personnelle dépend fortement de notre capacité à disposer d’un logement décent et adapté, proche de nos lieux de vie, confortable et bien desservi en mode de transport, mais qui ne draine pas la totalité de notre pouvoir d’achat… Une véritable quadrature du cercle en cette période de pénurie croissante de logements à des prix abordables. Comment en est-on arrivé là ? Pourquoi construit-on aussi peu de logements neufs ? Pourquoi un ménage de salariés avec des revenus corrects a-t-il autant de mal à accéder à un logement et encore plus à en devenir propriétaire ? Pourquoi y a-t-il aussi peu de logements sociaux alors que les deux-tiers des Français y sont éligibles ? Pourquoi le droit au logement est-il aussi mal appliqué dans les faits ?

Autant de questions qui méritent un éclairage car le dossier n’est pas des plus simples. C’est à ces questions en tout cas que s’efforcera de répondre la prochaine conférence organisée par le CPC à Carnoux, le lundi 22 janvier 2024. Animée par Francis Vernède, directeur régional PACA de la Fondation Abbé Pierre, et par Aude Lévêque, chargée de mission pour le logement des plus défavorisés, ainsi que par Marc Vincent, directeur du pôle de lutte contre l’habitat indigne à la Ville de Marseille, cette présentation sera l’occasion d’échanger et de débattre en toute liberté sur ce sujet qui touche nécessairement chacun d’entre nous de manière très personnelle.

L’accès est gratuit et ouvert à tous et le rendez-vous est fixé dans la salle municipale du Clos Blancheton à 18h30 : venez nombreux !

Réalité / fiction : une séance publique de Katulu ?

24 novembre 2023

Katulu ? est un groupe de lecture, créé en 2008 à l’initiative de Maggy Portefaix et rattaché depuis 2011 aux activités du Cercle Progressiste Carnussien. Ouvert à tous, le groupe se réunit mensuellement à Carnoux, dans une salle mise à disposition par la municipalité, pour partager ses plaisirs de lecture. Les comptes-rendus de lecture sont diffusés périodiquement sur ce blog.

Les réunions de « Katulu ? » où règne une ambiance sympathique et une bonne humeur sans faille, sont des moments d’enrichissement, de culture, de détente… Des moments où il fait bon se retrouver, discuter, échanger… sur les livres mais aussi sur mille et un autres sujets : spectacles, théâtre, opéra, cinéma ou tout simplement des « choses de la vie ».

Depuis quelques années, le groupe organise aussi une séance publique, ouverte à tous, à l’occasion du Téléthon. La prochaine se tiendra Jeudi 30 novembre 2023 à 18h30, dans la salle du Clos Blancheton (rue Tony Garnier, derrière l’hôtel de ville de Carnoux). Cinq ouvrages y seront présentés sur le thème de la dualité Réalité / Fiction. La séance est ouverte à tous, Carnussiens ou non, et l’entrée est libre mais des tickets de tombola seront vendues à l’entrée, au profit exclusif du Téléthon puisque cette séance publique s’intègre dans ce cadre.

Alors venez nombreux découvrir nos coups de cœur de lecture ! Et pour vous donner un avant-goût, vous pouvez d’ores et déjà visionner la vidéo qui sera présentée en séance pour vous donner un avant-goût, ou au contraire attendre la présentation en public pour avoir le plaisir de la découvrir en direct avec les commentaires des membres de Katulu ? Alors, rendez-vous nombreux le 30 novembre à 18h30 au Clos Blancheton pour le plaisir de partager nos coups de cœur !

                                               Marie Antoinette Ricard

Et si vous souhaitez nous contacter pour participer à nos séances mensuelles : katulu.cpc@gmail.com

Cassis explore ses rivières mystérieuses

1 février 2023

Les rivières souterraines qui débouchent en mer à Cassis font partie de ces lieux mystérieux dont l’exploration humaine est encore loin d’avoir percé tous les secrets. Et comme tous les sites auréolés d’une part de mystère, ils attisent la curiosité, l’homme n’ayant de cesse d’aller explorer ces espaces encore méconnus, parfois au péril de sa vie.

En octobre 2015, une conférence organisée à Carnoux par le Cercle progressiste carnussien avec la participation des membres de l’association cassidaine Cassis, les rivières mystérieuses, avait ainsi battu tous les records d’affluence en rassemblant pas moins de 120 personnes dans une salle du Clos Blancheton remplie à craquer. Et depuis, les spéléologues et les plongeurs ont poursuivi leurs investigations, progressant peu à peu dans leur connaissance de ces réseau karstiques souterrains qui courent sous nos pieds et finissent en galeries ennoyées jusqu’en mer, au Bestouan et dans la calanque de Port-Miou.

Travaux de désobstruction au fond d’un puits naturel sur le plateau du Mussuguet en octobre 2022, à la recherche d’une jonction avec la rivière souterraine de Port-Miou (photo © CRM)

On connait de mieux en mieux la configuration de ces réseaux et l’on sait maintenant que les tentatives de barrage édifié dans les années 1970 à la sortie de la galerie de Port-Miou pour préserver cette ressource d’eau douce potentiellement exploitable et la protéger des arrivées d’eau salée était vouée à l’échec. Il semble en effet que les mélanges avec l’eau de mer se font très en amont, par des arrivées encore inexplorées, au niveau du puits terminal reconnu jusqu’à plus de 230 m de profondeur.

Plongée de Xavier Méniscus dans la rivière souterraine de Port-Miou (photo © Guillaume Ruoppolo / Subaqua)

Ces avancées, rendues possible par le courage de plongeurs souterrains, spéléonautes bardés d’électronique et d’appareils respiratoires de plus en plus sophistiqués, ont même fait l’objet d’un reportage diffusé par TF1 à une heure de grande écoute, ce qui traduit bien la fascination qu’exerce sur l’homme ces espaces souterrains encore en voie d’exploration, à deux pas de Carnoux.

Du coup, pour ceux qui voudraient tout savoir de ces fameuses rivières mystérieuses de Cassis et des dernières découvertes encore en cours, ne ratez surtout pas la conférence qui aura lieu très prochainement au Centre culturel de Cassis, le mardi 20 février 2023 à partir de 18h, en présence notamment de Marc Douchet, plongeur émérite et actuel président de l’association Cassis, les rivières mystérieuses, de Gérard Acquaviva, ex président de cette même association et de Louis Potié, qui dirigeait dans les années 1960 le Syndicat de recherche de Port-Miou créé à l’époque par la Société des Eaux de Marseille, laquelle plaçait alors beaucoup d’espoir dans l’exploration de ces précieuses ressources en eau douce en plein cœur du massif des Calanques.

A Cassis, le mystère rôde dans les rivières souterraines qui courent sous nos pieds : c’est le moment de s’y immerger pour un petit frisson d’aventure…

L. V.

Les marins à l’heure de Marseille

4 novembre 2022

Pour se repérer sur mer, rien de plus facile désormais avec les GPS calés directement sur la course des satellites. Mais il n’en a pas toujours été ainsi et naviguer en haute mer a longtemps nécessité de solides compétences en mathématiques et de réelles connaissances en astronomie, les marins se repérant le jour au mouvement du soleil et, la nuit, à la position des étoiles. Au XIIe siècle, les Chinois ont inventé le compas, une sorte de boussole sphérique qui permet d’indiquer le Nord magnétique, une aide précieuse pour aider à se diriger.

Mais depuis le VIIe siècle, les navigateurs arabes avaient développé l’usage de l’astrolabe pour se repérer en latitude. L’outil avait été mis au point dès l’Antiquité et sert à mesurer la hauteur d’un astre au-dessus de l’horizon, donc notamment à déterminer précisément l’heure en pointant l’instrument sur le soleil ou sur une étoile la nuit. Un dispositif qui a été sérieusement modernisé vers 1730 en étant remplacé par le sextant, un appareil qui repose sur le même principe et sert également à mesurer la hauteur des astres mais de manière beaucoup plus précise et moins dépendante des mouvements du navire, ce qui est fort appréciable…

Le sextant, un outil de navigation longtemps indispensable dans la marine (photo © Andrej Pol / Fotolia / Futura-sciences)

Pour déterminer la longitude en revanche, l’opération est plus complexe et demande de déterminer l’heure avec une grande exactitude : une erreur d’une minute se traduit en effet par un écart de positionnement qui peut atteindre 30 km, ce qui est considérable. Il a donc longtemps été capital pour les navigateurs de pouvoir disposer à bord d’une détermination précise de l’heure et donc de recaler périodiquement les chronomètres de bord, même si les marins ont dû se contenter pour cela pendant des siècles de simples cadrans solaires.

Mais au XIXe siècle, les progrès techniques de l’horlogerie ont permis de disposer dans la plupart des grands ports de systèmes de précision sur lesquels les navires venaient se recaler à chaque escale. A Marseille, c’est en 1892 qu’a été installée une telle horloge qui se trouvait alors en haut de la Canebière, à l’emplacement de l’actuel cinéma Artplex, dans ce qui était à l’époque la Faculté des sciences de Marseille. Les marins venaient donc avec leur chronomètre de bord pour se recaler sur l’heure officielle avant de reprendre la mer.

Horloge exposée au Palais de la Bourse sur la Canebière (source © Tourisme Marseille)

Cette horloge, commandée au spécialiste renommé Auguste Fénon et qui portait le numéro 105, était en réalité l’horloge « fille », asservie à une « horloge mère », construite également par le même Fénon, et qui se trouvait à l’observatoire du Palais Longchamp. Les deux engins étaient reliés entre eux par un système de fils électriques protégés dans des gaines en poterie et passant par les égouts, fils qui actionnaient un électroaimant, permettant de synchroniser les deux horloges à chaque seconde, garantissant ainsi aux usagers du port une heure parfaitement exacte sans avoir à se déplacer jusqu’à l’observatoire.

En réalité, le dispositif mis au point par Fénon à l’occasion de l’Exposition universelle de 1878 et qui équipait alors la plupart des grands observatoires français dont Paris, Bordeaux, Toulouse, Besançon ou Nice, mais aussi Alger, Athènes ou encore Cordoba en Argentine, était extrêmement sophistiqué, comme l’a bien décortiqué l’astrophysicien Michel Marcelin, directeur de recherche émérite du CNRS, qui s’est passionné pour ce sujet au point d’en faire une conférence en septembre 2022 dans le cadre du festival Allez savoir.

L’astrophysicien Michel Marcelin, directeur de recherche émérite au CNRS (photo © Emilie Dolladille / GoMet)

Ce système se composait de trois horloges distinctes que l’on peut voir désormais exposées au Musée d’histoire de Marseille. L’horloge sidérale qui porte le n°38, a été mise en place en 1884 à l’observatoire de Longchamp et sert à mesurer le temps sidéral de référence. Elle est réglée par une observation très précise du passage des étoiles à l’aide d’une lunette dite méridienne qui pointe de manière fixe vers le Sud. Un observateur couché sous la lunette note le moment précis où l’étoile visée passe devant le fil de la lunette en se calant sur le tic tac de l’horloge qui égrène les secondes, ce qui permet d’obtenir une précision estimée au dixième de seconde.

Lunette méridienne de l’observatoire de Besançon avec son horloge sidérale Fénon (source © Inventaire du patrimoine)

Les deux cylindres en acier du balancier de l’horloge, susceptibles de se dilater et donc de s’allonger sous l’effet de la chaleur sont remplis de mercure, lequel en se dilatant également remonte le centre de gravité du balancier et vient donc corriger automatiquement l’effet de la dilatation thermique : un système particulièrement astucieux et qui en dit long sur la mécanique de précision que constituait cette horloge !

Une seconde horloge, Fénon n°98, dite régulatrice du temps moyen, était mise à l’heure tous les jours à 9h en se recalant sur la précédente et elle permettait de distribuer cette heure aux différents dispositifs de l’observatoire ainsi qu’à l’horloge fille située en ville à la disposition de tout un chacun. Ce système a parfaitement fonctionné puisqu’il a permis de disposer d’une heure très précise au dixième de seconde près.

Horloges Fénon au Musée d’Histoire de Marseille (photo © Michel Marcelin / Région PACA – inventaire général / Allez savoir)

Mais en 1911, alors que le dispositif n’est opérationnel que depuis 9 ans, il devient de fait inutile car on a entretemps construit la Tour Eiffel et installé un émetteur TSF à son sommet qui permet désormais d’émettre quotidiennement à 12h et 24h des signaux horaires donnant l’heure exacte de Paris et que chaque navire en mer peut capter directement pour se recaler. Nul besoin dès lors de maintenir le système très complexe des horloges de Fénon et dès 1913 la lunette méridienne de l’observatoire de Longchamp est démontée pour régler un problème d’infiltration en toiture : les innovations scientifiques même les plus sophistiquées se heurtent ainsi parfois aux basses contingences matérielles…

L. V.

Cercles de Provence : on recycle !

12 octobre 2022

La Salle du Clos Blancheton accueillait le public, ce samedi 8 octobre 2022, pour une conférence intitulée « les Cercles, une sociabilité en Provence », animée par Pierre Chabert, enseignant chercheur et docteur en ethnologie.

En introduction, le Président du Cercle progressiste carnussien, Michel Motré, rappelle : « Notre association est jeune si on la compare aux autres cercles des communes voisines. Ainsi Le Cercle Républicain de Gémenos a fêté ses 150 ans et celui de Roquefort la Bédoule ses 140 ans ! Tous ces cercles constituent des espaces de sociabilité riches d’initiatives citoyennes, de culture et de solidarité. Aujourd’hui, nous vous proposons une conférence qui traite des Cercles et de leur évolution au travers des années.

Pierre Chabert, spécialiste de l’histoire des Cercles de Provence (photo © CPC)

Pour cela, nous avons fait appel à Pierre Chabert qui a retracé l’histoire des cercles en Provence dans un ouvrage publié au Presses Universitaires de Provence paru en 2006. Très récemment, avec l’appui de Pauline Mayer, chargée de mission inventaire du patrimoine immatériel, il a effectué une recherche sur l’évolution de ces chambrettes devenues cercles au travers d’une étude qui privilégie une pratique vivante (humaine). L’enquête se fonde sur des entretiens qui concernent le sud de la région : les Bouches du Rhône, le Var et les Alpes Maritimes. Le diaporama qui recense les différents cercles du territoire Provence verte et Verdon a été réalisé par Pauline Mayer qui nous l’a aimablement transmis pour la conférence. »

Cercle de Brue Auriac dans le Var (photo © Pauline Mayer / Provence Verte et Verdon)

L’étude des cercles comporte plusieurs facettes : géographique, historique, ethnologique et politique. Pierre Chabert s’attache à développer ces différents aspects en insistant surtout sur les trois premiers points, l’aspect politique diffusant dans les trois.

Les cercles dans l’espace géographique

L’exposé s’interroge sur les raisons pour lesquelles les Cercles se sont développés, en particulier dans notre région entre l’Est du Rhône et l’Ouest du fleuve Var, comment ils ont évolué dans le temps et pourquoi ils se sont implantés dans certains territoires plutôt que sur d’autres. En dehors de ce territoire provençal, les cercles ont quasiment disparu sauf dans les Landes où ce sont essentiellement des assemblées de chasseurs, et en Alsace où l’orientation est plus religieuse.

Cercle philharmonique de Saint-Maximin-La Sainte-Baume dans le Var, au début du XXe siècle (photo © Pauline Mayer / Provence Verte et Verdon)

C’est en Europe, à partir de l’Italie qui comportait de nombreuses confréries de pénitents, conférant un caractère religieux à ces associations, que les émigrés introduisirent ces structures en France, dans le Sud-Est en particulier. La spécificité religieuse de ces cercles évolua selon des critères liés à l’activité professionnelle, aux intérêts culturels ou aux engagements sociaux comme politiques des populations concernées. Ces Cercles revêtent aussi localement un caractère corporatiste, regroupant des chasseurs, des pêcheurs, ou des employés et ouvriers de l’industrie et du commerce, cela sans oublier les cercles philharmoniques avec leur fanfare traditionnelle.

Les cercles dans l’histoire

Historiquement, les cercles se sont développés dans le cadre de la loi de 1901 sur les Associations, conquête de la politique sociale instituée par la IIIème République qui encadre le mouvement associatif. C’est ainsi que ces cercles se structurent de différentes manières, regroupant notamment des sympathisants de partis politiques de droite ou de gauche, dont les membres étaient soit plutôt des bourgeois, soit plutôt des ouvriers.

Chaque cercle possédait sa marque spécifique, conservant un fond religieux (pratique de la charité) ou optant pour une démarche plus progressiste (création de caisses de solidarité, de coopératives). La vocation restait cependant la même :  créer dans la ville, dans le village ou le quartier, un espace de sociabilité.

Cercle républicain des travailleurs de Roquefort la Bédoule (photo © CPC)

En continuant de remonter dans le temps, notre conférencier, situe avec l’avènement de la IIIème République les clivages constatés, parfois, entre les cercles d’une même localité, tels ceux de notre commune voisine de Roquefort-la-Bédoule avec le cercle dit « blanc » regroupant les notables et grands propriétaires terriens d’une part et d’autre part le Cercle Républicain des Travailleurs dit « rouge », celui des ouvriers et employés des fours à chaux.

Des liens souvent étroits entre coopératives agricoles et cercles : affiche à la Coopérative de Brignoles (photo © Pauline Mayer / Provence Verte et Verdon)

Cette ouverture constituait un progrès à cette époque si on se réfère à la situation précédente car au Second Empire, Napoléon III voyait dans ces assemblées un caractère dangereux pour le pouvoir, au point qu’il en interdit la création. Précédemment existaient en effet des structures de sociabilité informelles appelées « chambrettes ». Elles réunissaient une vingtaine de personnes dans un petit local (chambre, grange…) et avaient un caractère plus ou moins secret. C’est dans ce type d’assemblée que le mouvement de « la libre pensée » s’exprimait notamment au cours du Premier Empire, puis durant la restauration et la monarchie de juillet.

Dans la région, c’est en 1791 que l’on voit apparaître les premiers cercles à Saint Zacharie et au Beausset. Suivront notamment après 1870 la création de cercles républicains dont le nom est marqué par l’histoire : Cercles du 4 septembre 1870, en commémoration de la proclamation de la IIIème République. Auparavant, donc avant la Révolution, les « chambrettes » avaient plutôt une vocation religieuse et étaient tenues par des congrégations soucieuses de développer la pratique de la charité.

Sans remonter à l’époque romaine où existaient déjà des assemblées citoyennes, notons que c’est à la date de 1212 que l’on enregistre la création de la première « commune » par la confrérie du « Saint Esprit », avec pour objectif d’administrer la ville de Marseille. L’importance de cette filiation continue jusqu’à aujourd’hui, en effet de célèbres édiles de la ville de Marseille furent issue du « Cercle catholique de Mazargues » ou de celui de « la Renaissance de Sainte-Marguerite ».

Les cercles, quelques approches ethnologiques

Pour revenir à la période de prospérité des cercles que fut celle de la IIIème République et jusqu’au début de la seconde partie du XXème siècle, ces cercles ont eu pour vocation de regrouper essentiellement des hommes, cela dans l’esprit de l’époque, peu ouverte à l’émancipation des femmes. Ils regroupaient principalement des salariés autour des emplois fournis par les industries locales des tuileries, des chantiers navals à La Ciotat ou des mines de lignite autour de Gardanne. Initialement, pour y être admis il fallait être parrainé et les demandes d’adhésion faisaient l’objet d’un examen où la valeur de la moralité du candidat était prise en compte. Cela donnait droit à une carte de membre, qui pouvait se transmettre au sein d’une même famille.

Cercle philharmonique de Saint-Maximin-La Sainte-Baume dans le Var, actuellement (photo © Pauline Mayer / Provence Verte et Verdon)

Ces cercles étaient le reflet de la société en modèle réduit, parfois politisés, mais recherchant essentiellement à développer la convivialité entre ses membres, proposer des activités culturelles (bibliothèque, fanfare musicale), gérer une coopérative ou une épicerie solidaire.

Les cercles pouvaient être propriétaires (par souscription) ou locataires des locaux qu’ils aménageaient souvent comme un second « chez soi » en les décorant avec des tableaux, des photos et autres objets dont une Marianne dans les cercles républicains. Les cercles étaient souvent « l’antichambre » de la mairie pour les prétendants à la fonction de premier magistrat de la commune. La réussite de l’organisation de fêtes et autres banquets républicains étaient le gage d’un succès d’estime auprès des populations. Cela suscitait aussi la rivalité entre cercles de tendances politiques différentes ou entre communes voisines avec des identités marquées.

Conclusion débat sur l’avenir des cercles

Au terme de son exposé et au cours des échanges qui suivirent avec le public Pierre Chabert a montré que le mode de vie actuel, l’organisation de la société, les comportements individuels ont entraîné un déclin de l’activité des cercles, voire leur disparition à l’exception de la partie Est de la Provence. La distance entre le domicile et le lieu de travail s’est considérablement allongée et les liens de voisinage s’affaiblissent. De plus, la concurrence des réseaux sociaux ne fait qu’accentuer l’individualisme au profit d’autres modes de communications et d’accès à la culture.

Une assistance passionnée pour cette conférence de Pierre Chabert (photo © CPC)

A ce bilan s’ajoute que parfois ces lieux ne sont pas reconnus pour leur apport à la culture populaire voire qu’ils sont soupçonnés d’être trop « politisés », alors même que le terme politique renvoie justement à la vie de la cité. Aujourd’hui subsistent des cercles qui doivent leur survie à l’engagement de leurs membres et de leurs dirigeants, souvent retraités, dont la composition se féminise, ouvrant de nouvelles voies de renouveau pour perpétuer et développer ces lieux d’échanges participatifs.

C’est le cas du Cercle Progressiste Carnussien qui en plus de ses réunions mensuelles, édite un journal distribué à toute la population et publie des articles sur un blog, propose un club de lecture (« Katulu ? ») et participe à des actions caritatives. Sans se comparer aux cercles centenaires de communes voisines, nous souhaitons qu’il perdure au profit de cette sociabilité locale provençale héritière de la « romanité » antique.

C’est autour d’un verre d’apéritif, offert par le Cercle, que la conférence prit fin tout en continuant les échanges entre le public et notre brillant conférencier auquel nous adressons nos plus vifs remerciements.

C.M.

Conférence du Cercle de Carnoux sur les Cercles de Provence

8 octobre 2022

La prochaine conférence organisée à Carnoux-en-Provence par le Cercle progressiste carnussien (CPC), sera présentée ce samedi 8 octobre à 18h30 par Pierre Chabert, enseignant chercheur, docteur en ethnologie. Elle nous contera l’histoire des Cercles, particulièrement développés en Provence, surtout au début du siècle précédent où ils ont joué un grand rôle dans la sociabilité des milieux ruraux.

Comme à l’accoutumée, cette conférence du CPC, qui se tiendra dans la salle communale du Clos Blancheton, en haut de la rue Tony Garnier, derrière la mairie de Carnoux, sera accessible gratuitement à tous. Alors venez nombreux découvrir l’histoire toujours actuelle des Cercles provençaux.

Compte-rendu de conférence : du ciel à l’Univers, le long cheminement de la pensée humaine…

6 juillet 2022

C’est dans la salle du Clos Blancheton, totalement occupée par un public à l’écoute que cette conférence a eu lieu, le 27 juin 2022, après une brève présentation de notre conférencier, par le Président du Cercle, qui nous rappela que Jacques Boulesteix, en plus de ses compétences scientifiques en astronomie, a été aussi membre fondateur du Cercle.

Jacques Boulesteix, lors de sa conférence du 27 juin 2022 (photo © CPC)

C’est dans la suite de la précédente conférence sur l’astronomie, en 2018, où JG Cuby nous présenta les outils nécessaires pour observer les phénomènes célestes et la complexité technologique de ceux-ci pour pouvoir explorer les confins de l’univers, que durant cette nouvelle conférence, Jacques Boulesteix nous proposa par une démarche originale de faire un retour sur vingt-cinq siècles d’observation du ciel et des étoiles.

En effet, on constate chez les jeunes (et les moins jeunes) un intérêt particulier sur le besoin de compréhension de notre lointain environnement céleste, où l’imaginaire prend aussi sa place. C’est donc en suggérant une suite de questions simples que se posent en général les enfants que notre conférencier y répond précisément, réponses illustrées par des vues d’astres, d’étoiles, de galaxies, d’une beauté et d’une qualité exceptionnelles. Un exposé étayé par de nombreux diagrammes et animations permettant de mieux comprendre les phénomènes régissant les lois qui sont à l’origine de la création de l’univers et les méthodes scientifiques qui ont permis de les comprendre.

C’est une fausse impression de croire que l’on aurait toujours connu la composition de l’univers. Pourtant toutes les civilisations depuis 25 siècles se sont intéressées à l’observation du ciel mais par manque d’outils mathématiques et de technologies adaptées, l’avancement des connaissances dans ce domaine a été chaotique. Déjà, dans l’antiquité, les Égyptiens, et les Grecs surtout avaient, par la simple observation des solstices, éclipses et autres phénomènes visibles, pu déterminer par la géométrie (trigonométrie), avec une approximation certes relative mais proche de la réalité, la distance de la Terre à la lune ou de la Terre au soleil, ainsi que la rotondité de la terre et avaient commencé à poser les bases de la conception héliocentrique de la course des astres.

Extrait du diaporama présenté en support de la conférence de Jacques Boulesteix

Mais ces débuts prometteurs dans la compréhension des phénomènes astronomiques ont été quasiment stoppés durant 18 siècles à cause du blocage idéologique que le pouvoir religieux a imposé. En effet, les religions monothéistes comme le catholicisme, mettent Dieu créateur du monde, de la Terre comme de l’homme au centre de celui-ci. Dès lors, on ne peut être qu’un hérétique à contester cet argument, d’autant que lorsque nous nous déplaçons sur Terre, celle-ci paraît toujours plate alors que le soleil décrit un parcours bien visible dans le ciel ! Certains y perdirent leur vie à vouloir persister dans leurs théories visionnaires et rationalistes, tel Giordano Bruno, mort sur le bûcher en 1600.

Notre conférencier nous fait remarquer que la terre bénéficie d’une atmosphère propice à l’observation du ciel et de l’espace car si nous étions sur Vénus ou Jupiter, leur atmosphère est constamment troublée par des nuages denses qui nous rendraient aveugles à toute observation lointaine…

Une présentation didactique accessible à tout public

Ce n’est donc qu’à partir du 16e siècle, avec Galilée et Copernic, puis la mise au point de la première lunette astronomique permettant des observations plus précises, modélisées avec des outils mathématiques, que la théorie de l’héliocentrisme a commencé à contrebalancer les conceptions erronées de l’époque. Cependant, de nombreux progrès auront encore été nécessaires pour perfectionner les outils d’observation et interpréter les enregistrements venant de l’espace, afin de concevoir des théories cohérentes régissant les mécanismes célestes.

À partir du 17 ème siècle, la création de télescopes dont le diamètre des objectifs n’a pas cessé de croître jusqu’à aujourd’hui, pour obtenir une précision extrême, ont permis une exploration de plus en plus lointaine de l’univers. Mais cette vision, par cette méthode, ne nous permet d’obtenir une image qu’en deux dimensions, dans le même plan, et les distances séparant les astres ne sont pas déterminables entre eux. Il faut remarquer, qu’hier comme aujourd’hui, nous ne pouvons observer les galaxies, formant l’univers, par l’extérieur de celles-ci.

Les avancées technologiques du 20e siècle ont été prodigieuses et ont permis grâce aux télescopes terrestres, aux radiotélescopes et surtout aux télescopes sur orbite comme Hubble (en fin de vie) ou Webb (récemment mis en service), d’observer les amas de galaxies les plus éloignées : c’est une étape nouvelle dans la compréhension de la formation des étoiles et de leur disparition.

Ainsi il est possible de permettre une observation de l’univers à une distance de 12 milliards d’années-lumière, se rapprochant de l’instant du « big bang ». Les diverses diapositives proposées en support des propos de notre conférencier sur ce dernier point, sont d’une qualité stupéfiante et nous donnent l’impression de naviguer dans l’espace et le temps, une illusion car comment se déplacer à la vitesse de la lumière ?

C’est sur cette question et bien d’autres, qu’un nouveau chapitre est abordé au cours de cette conférence : la lumière a-t-elle une vitesse finie ? Comment déterminer la composition chimique des astres ? Leurs mouvements ? Le sens de l’expansion de l’univers ? L’espace a-t-il une forme particulière ? Difficile d’apporter des réponses précises et définitives car l’astronomie n’est pas une science expérimentale comme les autres. Elle comprend une part d’exercice mental à prendre en compte. Aucune expérience ou vérification en laboratoire n’est possible.

Quelques avancées physiques notoires vers la compréhension de l’Univers

Jacques Boulesteix nous fait un résumé exhaustif de toutes les avancées mathématiques depuis le 16e jusqu’au 20e siècle, qui ont permis de produire des théories modélisant les lois de l’univers. Les premiers pas, dans la compréhension des lois qui interagissent dans l’univers, ont été faits par Ole Roemer, astronome danois (1644-1710) qui, en 1676, a calculé la vitesse de la lumière. Au 19e siècle, c’est Maxwell, physicien et mathématicien écossais (1831-1879), qui a déterminé le caractère ondulatoire de la lumière. Ces lois ont permis ensuite à Georges Lemaître, astronome belge (1894-1966), ainsi qu’à Henrietta Leavitt, astronome américaine (1868-1921), puis à Antoon Lorentz, physicien néerlandais (1853-1928) d’avancer et de déterminer que l’univers était en expansion.

C’est, bien sûr, la théorie de la relativité générale publiée par Albert Einstein en 1915 qui bouleversa les connaissances dans le domaine de l’astronomie, entre autres, en confirmant la théorie de l’expansion de l’univers où le temps et l’espace interagissent selon la vitesse à laquelle on s’y déplace. Toutes ces avancées, obtenues par la simple observation et l’élaboration de lois mathématiques, nous permettent aujourd’hui de bénéficier d’avantages technologiques dans la vie quotidienne comme l’utilisation d’un GPS ou de l’énergie atomique (carburant des étoiles).

Jacques Boulesteix nous fait remarquer qu’il reste encore de nombreuses questions à élucider concernant la matière noire (constituant principal de l’univers) ou les ondes gravitationnelles (dont il reste encore à comprendre la nature). En définitive, nous ne connaissons qu’une partie de la constitution de l’Univers et d’autres théories peuvent expliquer sa création.

En conclusion de cette conférence captivante, notre conférencier par le truchement d’une animation vidéo époustouflante qui simule un voyage à la vitesse de la lumière dans la galaxie où nous remontons l’espace-temps, qui ne s’élargit pas, comme on pourrait le supposer, mais dans lequel l’univers se concentre en un seul amas lumineux !

Une assistance nombreuse et très attentive (photo © CPC)

Cette soirée, alliant science de l’observation et science humaine, fut conclue par un apéritif offert par le Cercle Progressiste aux nombreux participants à cette conférence.

C. Marcarelli

Ce soir à Carnoux, des étoiles dans les yeux…

26 juin 2022

Ce lundi soir, 27 juin 2022 à 18h30, la conférence organisée par le Cercle Progressiste Carnussien dans la salle du Clos BLANCHETON (derrière la mairie) nous incitera à lever les yeux vers le ciel et à nous plonger dans cet immense cosmos qui nous entoure et qui a, de tout temps, fasciné l’esprit humain.

Du ciel à l’univers, le long cheminement de la pensée humaine, tel est le titre de cette conférence où il sera notamment question de cette longue évolution scientifique et intellectuelle qui a poussé les hommes de toujours à s’intéresser aux étoiles accrochées à la voûte céleste et à leurs mouvements complexes et changeants. Des bergers aux navigateurs, tous ont observé et se sont interrogés, suscitant tant d’interrogations que l’astronomie a pris, dès l’Antiquité la plus ancienne, une place majeure dans la curiosité humaine, devenant rapidement l’une des disciplines scientifiques importantes, où l’intelligence a pu exercer ses talents et faire rapidement progresser la connaissance globale.

Cette conférence sera animée par Jacques BOULESTEIX, astrophysicien, ancien directeur de recherches au CNRS, issu du Laboratoire d’astrophysique de Marseille dont les travaux sont justement à l’honneur dans un article récent publié cette semaine par La Provence.

Car Marseille fait partie de ces lieux où l’astronomie rejoint l’Histoire. C’est de là que serait parti l’explorateur grec Pyhéas, quelques 3 siècles avant J.-C. dans son voyage vers les mers du Nord dont le manuscrit s’est malheureusement perdu au fil du temps, peut-être dans l’incendie de la bibliothèque d’Alexandrie. Son périple le long des côtes scandinaves et sans doute jusqu’à celles de la lointaine Islande a permis de découvrir bien des nouveautés à une période où les frontières habituelles du « monde civilisés » s’arrêtaient aux Colonnes d’Hercule, notre détroit de Gibraltar actuel.

Portrait de l’explorateur massaliote Pythéas, par le sculpteur Auguste Ottin, en 1959, sur la façade du palais de la Bourse à Marseille (source © Tourisme Marseille)

Ses observations du soleil de minuit et ses descriptions très précises des marées océaniques qu’il est l’un des premiers à relier aux mouvements de la Lune, feront date. De même d’ailleurs que ces calculs très précis de la latitude terrestre à l’aide d’un gnomon, autrement dit un simple piquet en bois dont il mesure les ombres portées grâce au théorème de Pythagore ! Ses calculs de la latitude de Marseille s’avèrent d’une justesse remarquable pour l’époque, comme le confirmera au XVIIe siècle son lointain successeur, l’astronome français Pierre Gassendi !

Au XVIIe siècle justement, Marseille voit l’édification du premier observatoire dans l’arsenal des galères, sur le Vieux-Port, déplacé peu après dans l’enceinte du collège des jésuites, montée des Accoules. C’est là qu’en 1789 est embauché comme concierge un jeune Marseillais né dans les Hautes-Alpes, du nom de Jean-Louis Pons. Curieux de nature et doté d’une excellente acuité visuelle, il construit sa propre lunette astronomique en observant ses nouveaux collègues.

Jean-Louis Pons, le découvreur de comètes… (source © Aix-Planetarium)

Et en 1801, il découvre ainsi une nouvelle comète ! Il se prend au jeu et finira pas découvrir au total pas moins de 37 comètes, dont 23 depuis Marseille : un record mondial qui ne sera sans doute jamais égalé et qui lui vaut d’ailleurs, d’être nommé directeur adjoint de l’Observatoire impérial de Marseille en 1813…

Un observatoire qui, en 1864 s’est replié sur le site du palais Longchamp pour y être moins gêné par la pollution lumineuse de la Ville, avant que ne soit installé en 1937 le site de Saint-Michel l’Observatoire, en Haute-Provence, à une centaine de kilomètre au nord de Marseille.

Télescope géant au Chili, de 39 m de diamètre, dans le désert d’Atacama (source © Chile excepcion)

Même il faut aller de plus en plus loin de l’activité humaine pour espérer retrouver de nous jours des conditions d’observations correctes de l’Espace… C’est désormais au fin fond du désert d’Atacama, au Chili, que l’Homme installe ses télescopes géants, quand il ne les embarque pas à bord de sondes spatiales pour se rapprocher au plus prêt de la source.

Assurément, le chemin parcouru depuis Pythéas, notre lointain ancêtre massaliote, est long et mérite d’être retracé : ce sera chose faite ce soir à Carnoux, pour cette conférence inédite, tout public et en accès libre : alors, n’oubliez-pas de venir !

L. V.

A Carnoux, on lorgne sur l’Univers…

22 juin 2022

Ne manquez pas la nouvelle conférence proposée par le Cercle Progressiste Carnussien qui aura lieu

Lundi 27 juin à 18h30, à Carnoux,

dans la salle du Clos BLANCHETON (derrière la mairie)

La conférence sera animée par Jacques BOULESTEIX, astrophysicien, ancien directeur de recherches au CNRS

Le thème est le suivant : Du ciel à l’Univers, le long cheminement de la pensée humaine

Que serait la pensée humaine sans cette infime lumière qui nous vient des étoiles ?

C’est dans ce long cheminement de l’astronomie depuis l’antiquité jusqu’aux découvertes les plus récentes que nous entraînera Jacques Boulesteix. La conférence nous montrera comment la découverte d’un Univers en mouvement a bouleversé nos connaissances et notre imaginaire. Étoiles, nébuleuses, galaxies, big bang, mirages gravitationnels, trous noirs, masse noire, expansion, c’est un voyage de 25 siècles d’observations et de connaissances dans notre Univers âgé de presque 14 milliards d’années.

Nous vous attendons nombreux pour cette soirée tout public et en accès libre.

Gratuité des transports : une avancée sociale et écologique

3 juin 2022

L’association Carrefour Citoyen de Roquefort-la-Bédoule a organisé le 19 mai 2022 au Centre André Malraux une conférence présentée par Maurice Marsaglia, président de l’association Se déplacer en liberté (ASDEL), intervention intitulée « Gratuité des transports : avancée sociale et écologique ? » , suivie d’un échange avec l’assistance.

En Introduction, Maurice Marsiglia précise le contexte : la disparition des Conseils de territoire, entités transitoires maintenues au sein de la Métropole Aix-Marseille-Provence, et notamment celle du conseil de territoire du Pays d’Aubagne et de l’Étoile qui assurait la totalité du financement des transports en commun, pose la question du maintien de leur gratuité dans l’aire locale.

Une réunion publique sur ce sujet est d’ailleurs prévue le 3 juin 2022 salle Reynaud à Roquevaire.

Désormais, le financement des transports en commun sur l’ensemble de son territoire relève de la Métropole. Or cette dernière, par la voix de sa présidente Mme Martine Vassal, s’est positionnée défavorablement sur la gratuité des transports en commun, position partagée par l’opérateur RTM (Régie des Transports Métropolitains).

L’objectif des associations citoyennes locales vise à pérenniser la gratuité et aussi à l’étendre à l’ensemble de la Métropole.

Le conférencier, Maurice Marsaglia, président de l’association Se déplacer en liberté (source © CPC)

Quelques constats chiffrés

Avant 2009, date de l’instauration de la gratuité dans le Pays d’Aubagne et de l’Étoile, les entreprises contribuaient pour le transport à hauteur de 0,6 %. Depuis 2009, la population ayant dépassé le seuil des 100 000 habitants, et en 2014 le tramway ayant été installé, le taux a été augmenté pour atteindre 1,6 %. Les entreprises adhèrent d’autant plus qu’elles sont tenues de rembourser 50 % des frais des déplacements de leurs employés en transports en commun.

Rappelons que pour les transports en commun pour le Pays d’Aubagne et de l’Étoile, 7 % du coût (billetterie) était à la charge des usagers et 93 % à celle de la collectivité. A Marseille, la part financée par les usagers oscille entre 25 et 30 %, et pour la Métropole il est évalué à 20 %,

Bus gratuit à Aubagne (source © Banque des Territoires)

La mise en place de la gratuité a eu deux effets positifs :

– l’augmentation de plus de 200 % de la fréquentation des transports en commun

– la diminution de la pollution urbaine due aux véhicules thermiques. Une étude récente du Sénat évalue à plus de 100 millions d’euros le coût sanitaire de cette pollution urbaine : maladies cardiaques, respiratoires entraînant environ 50 000 décès par an en France et près de 5 000 en région PACA !

Quel est l’impact de la gratuité ?

Il est d’abord humain. Selon les familles concernées, le gain de pouvoir d’achat mensuel est compris entre 45 et 50 €. En termes de fonctionnalité, la gratuité à permis d’enregistrer une fréquentation qui est passée de 2 millions de trajets par an en 2009 à 6 millions de trajets annuels en 2017-2018. Cette augmentation a aussi été enregistré dans d’autres villes qui ont adopté cette mesure (Dunkerque, Niort …). On observe que des familles ont fait le choix de ne garder qu’une voiture.

On enregistre aussi une hausse de la fréquentation intergénérationnelle ainsi que de la convivialité et la disparition des fraudes. L’offre de transport s’est accrue avec une hausse des fréquences et un élargissement des plages horaires. Cela a été rendu possible par des créations d’emplois d’agents, dont des chauffeurs. Enfin, l’impact a aussi été constaté sur le tourisme.

Mais ce qui est aussi sensible, c’est l’impact écologique. Moins de véhicules thermiques circulent et en 2024-2025, la mise en place de zones à faibles émissions va interdire l’usage des véhicules les plus polluants (vignettes 4 et 5).

En France, plus de 35 communes ont instauré la gratuité des transports en commun. Certaines limitent la gratuité aux week-ends. Sur le territoire de la Métropole, il n’existe qu’un seul opérateur, la RTM, ce qui devrait favoriser la mise en œuvre de la gratuité.

Une assemblée peu nombreuse mais attentive pour cette conférence (source © CPC)

Quelles pistes pour une gratuité sur l’ensemble de la métropole ?

L’association Se Déplacer en Liberté a travaillé avec les élus. Cependant se pose la question du financement. Le coût évalué par l’association est de 120 millions d’euros alors que la Métropole l’évalue à 200 millions d’euros ! Si la Métropole participe par une subvention d’équilibre, on peut envisager des subventions d’État, de la Région et de l’Europe.

Les transports en commun ne résoudront cependant pas tous les problèmes. Ainsi se pose la question de la création d’aires de stationnement pour les véhicules, condition pour permettre aux habitants des zones péri-urbaines désireux de rejoindre les lignes de transports en commun. Vaste sujet quand on sait qu’actuellement certaines villes en sont privées dont Carnoux-en-Provence.

Toutes ces questions méritent un large débat public organisé par bassins d’emplois et par bassins de vie. Puisse cette réunion d’information contribuer à un changement de point de vue des élus de la Métropole.

MM

Quelques références :

Rapport du Sénat

Travaux de Maxime Huré rapportés dans un magazine d’urbanisme

Laïcité et valeurs de la République

16 octobre 2021

Plusieurs dizaines de personnes venues de Carnoux, de Cassis, d’Aubagne et de Roquefort la Bédoule se sont retrouvées le 8 octobre 2021 à 18h30 dans la salle du Clos Blancheton de Carnoux pour assister à la conférence proposée par notre association et qui a traité de la laïcité et des valeurs de la République.

C’est Michel Motré, Inspecteur d’Académie – Inspecteur Pédagogique Régional honoraire de l’Académie d’Aix-Marseille, qui est intervenu pour aborder ce sujet sensible. Son propos s’est notamment appuyé sur le dernier ouvrage de Patrick Weil intitulé « De la laïcité de France », paru en 2021 aux éditions Grasset, qui dans ses premiers chapitres développe une réflexion sur les raisons qui ont conduit en France à ériger la Laïcité en principe républicain :

« La laïcité est l’une des variantes d’un processus de sécularisation qui a touché tout l’Occident. Il y a trois siècles, la vie personnelle, civile, sociale comme toutes les institutions politiques étaient réglées par la religion et par Dieu. Progressivement, la sécularisation va prendre trois dimensions. La diversité religieuse, le nombre d’agnostiques et de non-croyants augmente. Tout le monde fait connaissance avec l’existence d’options de conscience, avec le fait notamment que l’on peut vivre sans croire en Dieu. Dans la vie sociale, des sphères – éducative, économique, politique – sont sécularisées, c’est-à-dire deviennent neutres – la religion en est absente. Quand se produit une sécularisation complète des institutions publiques, quand l’État est séparé de la religion, on parle alors d’un régime de laïcité. »

Laïcité, liberté, égalité… des mots mais pas seulement (source © Le Labauratoire)

Quelques repères historiques, philosophiques et juridiques ont ensuite montré comment s’est progressivement construit et institutionnalisé le principe de Laïcité en France :

  • Avant et pendant la Révolution française en se fondant sur les réflexions et les écrits de philosophes comme Nicolas de Condorcet dans lesquels ce dernier développe les principes de tolérance, de laïcité et de liberté de penser qui seront le fondement de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789,
  • Sous la IIIe République avec les lois sur l’École Publique de 1882-1886, dites lois Jules Ferry et surtout avec la loi de 1905 sur la séparation des églises et de L’État,
  • De nos jours avec la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République

La laïcité, d’abord visée humaniste et philosophique puis principe démocratique, est affirmée dans la Constitution de 1946. Elle sera réaffirmée dans celle de 1958 avec, à l’article 1er (extrait) : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ».

Avant 1905, il y avait une confusion du fait de la présence de la religion dans la politique et de la politique dans la religion.Pour Aristide Briand, l’ennemi n’était pas la religion mais le cléricalisme, c’est-à-dire l’intervention des religieux dans les affaires politiques.

La loi de 1905 constitue un acte souverain

Loi de rupture du Concordat qui date du Premier Empire, elle a pour conséquence l’égalité des citoyens devant l’État. Avec la séparation, il n’y a plus en effet de citoyens favorisés, ceux qui pratiquent les cultes reconnus, toutes les options spirituelles sont dorénavant égales, et les non-croyants sont égaux aux croyants.

Cette neutralité de l’État s’affirme vis-à-vis des citoyens mais il y a une deuxième dimension dans la séparation d’avec l’autorité morale et spirituelle d’inspiration catholique qui est celle de l’État français depuis ses origines. C’est le deuxième point qui révèle l’acte de souveraineté que constitue cette loi.

La troisième dimension de souveraineté c’est que le dispositif mis en place par la loi de 1905 est celui de « l’Église religieusement libre dans l’État politiquement à l’abri de ses menaces» D’où des dispositions pénales qui protègent l’individu qui veut exercer un culte ou ne pas l’exercer, les lieux de culte contre les agressions extérieures ainsi que les instituteurs, les fonctionnaires, et plus largement les citoyens, contre l’intrusion des ecclésiastiques (de toute religion) dans les affaires publiques.

La charte de la laïcité à l’école (source © Ministère de l’éducation nationale)

Comment faire vivre la laïcité ?

La séparation à la française signifie la neutralité de l’espace étatique, c’est-à-dire que les fonctionnaires ne peuvent pas exprimer leurs croyances, même s’ils en ont une.

Ensuite, on trouve l’espace du lieu de culte où les règles du lieu s’appliquent, dans le respect de la loi française bien sûr. Quand vous êtes un homme, vous vous couvrez en entrant dans une synagogue, vous vous découvrez en entrant dans une église et vous enlevez vos chaussures en entrant dans une mosquée.

Puis, lorsque vous êtes dans l’espace de votre domicile, vous faites ce que vous voulez.

Et enfin, il y a ce qu’on appelle l’espace public civil, dans lequel il peut y avoir des conflits du fait que s’y rencontrent des individus qui ont des options spirituelles par définition différentes. Cela recouvre des espaces très libres comme la plage ou la rue et des espaces où certaines régulations sont autorisées comme l’entreprise.

Les limites entre ces espaces sont parfois incertaines, ce qui donne lieu à des querelles de frontières que les juges tranchent le plus souvent.

L’école est un des lieux où se construit le sens des valeurs de la République, Liberté, Égalité et Fraternité. La charte de la laïcité à l’école instaurée en 2013 affirme la solidarité entre laïcité et principes constitutionnels de la République, mais elle n’a pu empêcher que le fanatisme conduise à assassiner Samuel Paty en 2020 !

Ainsi, constate-t-on aussi, depuis plusieurs années, la remise en question de contenus d’enseignements, notamment :

  • En sciences : le vivant, l’évolution
  • En EPS : cours de natation mixtes
  • En instruction morale et civique : les représentations caricaturales
  • En arts visuels : le patrimoine architectural religieux

Pour conclure, l’intervenant a rappelé quelques principes sur lesquels repose la laïcité :

  • La liberté de conscience
  • La liberté de manifester ses convictions dans les limites du respect de l’ordre public
  • La séparation des institutions publiques et des organisations religieuses, et l’égalité de tous devant la loi quelles que soient leurs croyances ou leurs convictions.

Il a enfin proposé cette réflexion d’André Comte-Sponville :

Des échanges avec l’assistance qui ont ponctué la conférence et conclu cette soirée, nous retiendrons ces questions et les éléments de réponse qui ont pu être apportés :

Q. Qui autorisait la diffusion des ouvrages éducatifs avant les lois de 1882-1886 dites Lois Jules Ferry ?

C’était l’autorité cléricale qui accordait l’imprimatur pour l’utilisation des manuels dans les établissements scolaires avant l’établissement de la IIIe République.

Q. Dans les établissements publics, l’enseignement est exclusivement confié à un personnel laïc, dans quelles conditions ?

L’enseignant reçoit dans sa formation professionnelle une formation aux questions qui concernent les principes républicains dont la laïcité. De plus, il doit connaître une multitude de textes relatifs aux lois à mettre en œuvre (décrets, arrêtés et circulaires), ce qui n’est pas facile dans la pratique au quotidien sachant que le premier objectif est d’enseigner des savoirs définis dans les programmes en mettant en œuvre des situations pédagogiques adaptées.

Q. Pourquoi le texte sur l’interdiction du port de signes religieux ne s’applique-t-il pas aux universités.

Selon le degré d’enseignement il y a un distinguo à faire entre les élèves mineurs et les majeurs qui composent le public des universités.

Un dessin signé Deligne, publié dans La Nouvelle République

Q. Comment commenter un fait religieux sans entrer dans la religiosité?

Cela demande une formation à acquérir par l’enseignant, son niveau de culture doit être suffisant pour se mettre à la portée des élèves dans le respect de leurs convictions, eux-mêmes manquant de culture ou influencés par leurs croyances religieuses. Les formes pédagogiques adoptées, s’agissant du comportement laïc, ne doivent pas s’assimiler à un « catéchisme », même quand il s’agit d’aborder en histoire ou en arts plastiques une œuvre au sujet religieux. Les faits religieux font l’objet d’études par un abord rationnel sans interprétation dogmatique.

Q. La France « fille aînée de l’église » semble poser des problèmes qui ne sont pas rencontrés dans les pays anglo-saxons, pourquoi?

Cela vient de l’histoire de ces pays, dont les constitutions (et les lois qui en découlent) ou leurs absences (GB), n’instaurent pas de séparation entre l’état et les religions. Beaucoup de pays interprètent la laïcité comme une attitude hostile aux religions.

Q. Qu’en est -il de la dispense de cours pour le contenu qu’il aborde ?

Cela ne doit pas être toléré, mais l’application de cette mesure est difficile selon les cas, notamment en éducation morale et civique où la question de la tolérance vis-à-vis des caricatures a coûté la vie à Samuel Paty.

Q. Les sorties éducatives dont des accompagnatrices sont voilées (portant le foulard) sont-elles en conformité avec l’enseignement laïc ?

On peut y trouver une attitude positive quant à l’intérêt porté par les parents au déroulement des activités scolaire. L’identification d’une appartenance religieuse pose la question du lieu où il est porté : sphère publique ou privée? Et s’il exprime une conviction qui pourrait être un contrôle du contenu de l’activité, cela ne peut être admis.

Q. Comment adapte-t-on la Laïcité de « 1905 » à la société actuelle?

C’est la difficulté car en 1905, la loi visait à inclure tous les membres de la société et par conséquent à se reconnaître égaux dans le partage des valeurs de la République. Aujourd’hui, certains citoyens se sentent socialement exclus de la société et adoptent une attitude identitaire qui les pousse à ne pas adhérer à ces valeurs.

Q. La persistance du « statut concordataire » en Alsace-Moselle n’est-elle pas une rupture du principe de l’indivisibilité de la République ?

C’est le résultat du Concordat signé par Bonaparte, qui a été accordé en 1918 suite à l’annexion par l’Allemagne de l’Alsace-Moselle en 1871, la loi de 1905 ayant été appliquée sur le territoire hormis dans cette province (non française), à leur retour dans le territoire de la République (1918) les législateurs ont permis de conserver ce statut. Il en est de même pour certains territoires d’outre-mer qui bénéficient « d’aménagements » en rupture avec une stricte application de la Laïcité (lois Mandel).

Après des échanges nourris, tous et toutes ont pu se retrouver autour d’un buffet offert par le Cercle Progressiste Carnussien.

Pour ceux qui n’ont pas pu assister à la conférence, voici le document utilisé comme support :

Échanges sur la laïcité à Carnoux

8 octobre 2021

Comment aborder la laïcité et les valeurs de la République dans notre système éducatif moderne et plus largement dans notre société ouverte et multiculturelle, exposée aux quatre vents de la mondialisation et confrontée à bien d’autres influences sociales, politiques, religieuses ou économiques ?

Un sujet brûlant d’actualité qui servira de socle de réflexion pour cette nouvelle conférence du Cercle Progressiste Carnussien qui se tiendra vendredi 8 octobre à 18h30, dans la salle du Clos Blancheton, rue Tony Garnier à Carnoux-en-Provence.

Animée par Michel Motré, ancien inspecteur d’Académie et ancien inspecteur pédagogique régional, par ailleurs Président du Cercle Progressiste Carnussien qui fête cette année ses 20 ans d’existence, cette conférence-débat permet de renouer avec le cycle des conférences organisées régulièrement à Carnoux par le CPC, après une longue parenthèse liée à l’épidémie de Covid-19.

Comme à l’accoutumée, l’accès y est libre et gratuit et les échanges seront suivis par un apéritif offert par le Cercle Progressiste Carnussien.

La nature se donne rendez-vous à Marseille

25 janvier 2020

Du 11 au 19 juin 2020, la Ville de Marseille accueillera au Parc Chanot le Congrès mondial de la nature, un grand raout international qui se tient tous les 4 ans et qui est organisé pour la première fois en France. C’est l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) qui organise l’évènement dont la dernière édition a eu lieu en septembre 2016 au Centre des Congrès Hawai’i à Honolulu et avait rassemblé plus de 10 000 participants issus de 180 pays différents, dont 6 chefs de gouvernements.

Annonce du prochain Congrès mondial de la nature à Marseille (source : UICN)

Après Hawaï, c’est donc Marseille qui prendra le relais pour accueillir, d’ici quelques mois, ce grand rassemblement mondial des défenseurs de la biodiversité. L’UICN, qui en est le grand organisateur, a d’ailleurs été fondée en France, le 5 octobre 1948, à la suite d’une précédente conférence internationale qui s’était tenue à Fontainebleau, et ce premier congrès sur le sol français est donc un juste retour des choses, près de 80 ans plus tard…

Son siège actuel se situe en Suisse, dans la ville curieusement dénommée Gland (on imagine déjà les jeux de mots…) et elle regroupe des États, des agences gouvernementales et environ 1100 ONG environnementalistes ainsi que plus de 10 000 scientifiques affiliés, autant dire tout le gratin de ceux qui travaillent à la sauvegarde de la biodiversité mondiale. Avec plus d’un millier de salariés, l’UICN accompagne de nombreux États pour les aider à élaborer des stratégies de préservation de la faune et de la flore sauvage.

Formation coralligène dans le Parc marin de la Côte bleue (photo © J.C. Hamelin / PMCB)

Mais l’organisme est surtout connu pour avoir établi des listes d’espèces menacées et des catégories d’aires protégées qui font référence dans le monde entier. Rappelons d’ailleurs au passage que sur les 46 aires protégées labellisées dans le monde par l’UICN, 14 se trouvent en France dont un en région PACA, le Parc marin de la Côte bleue, tandis que la Réserve naturelle de la Sainte-Victoire vient à son tour de se porter candidate pour une telle labellisation.

Quant à la liste rouge établie par l’UICN, il s’agit d’une vaste base de données, régulièrement actualisée, qui dénombrait en 2019 pas moins de 105 732 espèces animales et végétales (sur un total d’environ 1,8 million d’espèces connues tout de même !), toutes classées en fonction du degré de menace auquel elles sont exposées. Grâce à ce travail patient d’observation et de synthèse, l’UICN considère qu’en 2019, 28 338 espèces, soit plus d’un quart de celles dont elle suit l’évolution, sont désormais menacées d’extinction. C’est notamment le cas de 4 espèces de grands singes, dont le Gorille et l’Orang-outang, qui sont actuellement en danger critique d’extinction, mais aussi de 41 % des amphibiens, 33 % des récifs coralliens, 30 % des conifères, 25 % des mammifères, et 13 % des oiseaux…

Gorille s’occupant de son petit (photo © Rhettt A. Butler / Mongabay)

La chasse, la pêche à outrance, l’urbanisation et les activités agricoles et industrielles qui réduisent les espaces naturels et boisés, mais aussi la pollution, les espèces invasives et le réchauffement climatique sont autant de facteurs qui expliquent l’extinction massive de la biodiversité à laquelle on assiste ces dernières années et qui ne cesse de s’accélérer. Certes, les efforts entrepris localement pour préserver des aires protégées permettent d’améliorer la situation critique de certaines espèces menacées, comme le Pygargue à queue blanche, un rapace qui était officiellement déclaré disparu du territoire français depuis 1959 mais dont on connaît désormais un unique couple nichant sur les bords du Lac du Der depuis 2015…

Les travaux du prochain Congrès mondial de la nature, à Marseille, auront précisément pour objet de définir et adopter le prochain programme de l’UICN pour les 4 ans à venir, mais aussi de préparer la 15ème conférence des parties de la Convention sur la diversité biologique, qui se tiendra fin 2020 en Chine et où il est prévu d’adopter un nouveau cadre pour la préservation de la biodiversité mondiale.

Comme toutes les conférences internationales, il n’y a pas de miracle à attendre d’un tel rassemblement sinon qu’il permet de fluidifier les liens entre les membres de la communauté scientifique mondiale engagée dans le domaine, tout en fournissant un focus médiatique sur un dossier qui intéresse le sort mondial de l’humanité. C’est d’ailleurs peut-être sur ce dernier point que le prochain congrès de Marseille cherche à mettre l’accent en l’ouvrant, pour la première fois, assez largement au grand public.

En dehors des sessions réservées au spécialistes, des espaces sont prévues pour que des citoyens ordinaires puissent s’exprimer et apporter leur contribution, dans le cadre notamment d’un forum et d’une plateforme où chacun peut s’exprimer. Des « Espaces génération nature » seront aussi organisés, à l’initiative du Ministère de la transition écologique et solidaire, afin de mettre en valeur les actions des différents acteurs, associations, citoyens ou collectivités territoriales, impliquées dans la préservation de la biodiversité au quotidien.

Classe nature (source : CD 13 – revue Accents n°254)

En parallèle environ 400 jeunes de 10 à 25 ans se mobilisent, comme pour la COP 21, au travers de jeux de rôle pour s’initier aux négociations internationales en faveur de la protection de la nature et leurs propositions seront présentées en séance plénière aux congressistes. Une classe internationale constituée de 22 jeunes issus du pourtour méditerranéen est par ailleurs organisée avec l’aide de l’Institut méditerranéen de biodiversité et d’écologie marine et continentale : durant toute l’année scolaire, ils procèdent à des observations à l’aide de mallettes pédagogiques adaptées et ils restitueront eux aussi leurs propositions en vue d’enrichir le débat public lors du Congrès de Marseille.

Rien ne permet d’affirmer que ce prochain Congrès mondial de la nature qui se déroulera dans quelques mois à Marseille fera avancer significativement la préservation de la biodiversité, chaque jour davantage menacée. Mais ce sera du moins un coup de projecteur supplémentaire sur les efforts qui sont faits à tous les niveaux par de simples citoyens comme par des institutions, pour tenter de sauver ce qui peut l’être encore et essayer de trouver de nouveaux équilibres plus durables entre développement des activités humaines et préservation des espaces naturels : un challenge vital…

L. V.

Climat : une COP de retard ?

20 décembre 2019

Renaud Muselier inaugurant une station d’autopartage à Drommel en février 2019 (source Région PACA)

C’est le nouveau cheval de bataille de Renaud Muselier : le Président de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, après avoir tenté de faire rentrer dans les têtes que sa région ne s’appelle plus PACA mais Région Sud, tente de faire croire que sa collectivité a désormais « une COP d’avance ». Un beau slogan qui ne veut pas dire grand chose mais qui fait simplement référence au Plan climat territorial adopté en 2017 et qui comprend 100 mesures ciblées plus ou moins en fonction de la préservation du cadre naturel et de la transition énergétique.

Un premier bilan établi à l’issue de l’exercice 2018 indique qu’un peu plus de la moitié des actions identifiées auraient déjà été réalisées et la quasi totalité déjà engagées pour un montant de 400 millions d’euros, correspondant à 20 % du budget de la collectivité. Les mauvais esprits y verraient la démonstration que 80 % du budget de la Région s’inscrit en dehors de cette stratégie vertueuse de transition écologique en faveur d’un moindre impact environnemental, notant par exemple que seul « 29 % du Fonds d’Investissement aux Entreprises Régionales est attribué à des entreprises identifiées comme respectueuses de l’environnement » , ce qui laisse entendre que l’essentiel des subventions régionales bénéficie à des entreprises qui se soucient comme d’une guigne de leur impact environnemental…

Les plus critiques pourraient même se demander en quoi la volonté de la Région d’investir 576 millions d’euros en 20 ans pour développer l’irrigation agricole des domaines viticoles relève bien d’une transition écologique plus respectueuse d’une saine gestion des ressources naturelles renouvelables. Des esprits chagrins pourraient aussi s’interroger sur l’impact écologique des 400 000 € investis pour améliorer l’aménagement touristique des plages, ou sur celui des 25 millions d’euros qui seront dépensés par la Région pour déployer le très haut débit et qui font partie des mesures phares affichées par la Région en faveur de la lutte contre le changement climatique mondial…

Notre Terre sombre, mais l’orchestre continue à jouer…

Mais ne boudons pas notre plaisir d’avoir la chance de vivre dans une région aussi en pointe dans la lutte contre le réchauffement climatique et qui a même poussé l’innovation jusqu’à prôner « la guerre du feu », laquelle consiste, contrairement à ce que les plus exaltés pourraient imaginer, non pas à mettre le feu à l’ancien Monde, mais plus modestement à recruter 110 jeunes pendant les vacances scolaires pour surveiller les massifs forestiers et alerter en cas de fumée suspecte.

Même rapportée à ses véritables proportions, cette initiative régionale a du moins le mérite de montrer qu’en matière de lutte contre le réchauffement climatique, les collectivités territoriales ont un rôle important à jouer, surtout pour pallier l’inaction des États et des multinationales qui nous gouvernent. Car, du côté de ces derniers acteurs, il ne faut malheureusement pas s’attendre à des miracles. Quatre ans après la tenue de la COP 21 et de l’accord de Paris qui l’a conclue, le bilan de la dernière COP 25, organisée par le Chili et qui vient de se clôturer en Espagne est totalement désespérant.

Une COP 25 qui restera dans les annales pour sa durée plus que pour ses résultats (photo © Ccnucc / actu-environnement)

Les engagements qui avaient été pris en 2016 pour tenter de réduire les émissions de gaz à effet de serre afin de contenir autant que possible sous la barre des 2 °C l’augmentation de la température mondiale moyenne, ont tous volé en éclat. Force est désormais de constater que ces émissions sont allègrement repartis à la hausse dans la majorité des pays, y compris en France et que nos gouvernants s’en moquent éperdument, à l’image de notre Président, Emmanuel Macron, qui n’a même pas jugé utile de faire le déplacement à Madrid, estimant pour se justifier qu’ « il s’agit juste d’une COP purement technique et de transition » !

Manifestation à Madrid pendant la tenue de la COP 25, en présence de Greta Thunberg (photo © Gabriel Bouys / AFP / Le Devoir)

On se demande bien pourquoi un événement aussi insignifiant a autant mobilisé les foules, et notamment les jeunes, alors qu’il n’a débouché sur aucune décision sinon de vagues ébauches de proposition pour essayer de bidouiller un marché carbone permettant à tout un chacun de spéculer sur les émissions de CO2 en rachetant à ses voisins le droit de polluer allègrement tout en laissant les autres compenser à sa place. Et pourtant, ce sont pas moins de 500 000 personnes qui se mobilisées et ont manifesté durant ces deux semaines qu’a duré la COP 25 pour essayer d’attirer l’attention sur les enjeux planétaires en cause.

Les pays insulaires directement menacés par l’élévation du niveau des océans ont bien tenté de se faire entendre pour demander une aide de la part des pays les plus émetteurs. Mais peine perdue. Malgré le délai de 42 heures supplémentaires que se sont octroyé les organisateurs de ce sommet raté, rien de concret n’en est sorti.

Un dessin signé Hervé Pinel publié dans Les Echos

Les nations les plus productrices de gaz à effet de serre que sont la Chine, les États-Unis, l’Inde, l’Australie, le Canada ou le Brésil n’ont rien lâché et tout porte à croire que l’on est désormais bien ancré sur une trajectoire qui se traduira par une augmentation d’au moins 3,2 °C de la température moyenne à l’échelle mondiale.

De grandes décisions ont malgré tout été prises… (dessin signé Ysope)

« La communauté internationale a perdu une occasion importante de faire preuve d’une ambition plus grande », a déploré avec euphémisme le secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres. Une belle catastrophe écologique et humaine en prospective mais que, promis, juré, tout le monde se targue de conjurer lors de la prochaine COP prévue à Glasgow en 2026. Encore une année de perdue dans cette course contre la montre où chacun craint avant tout de prendre un faux départ…

L. V.

Littérature, miroir des Arts : Katulu ? partage

9 décembre 2019

Cette année encore le club de lecture « KATULU ? », composante du Cercle Progressiste Carnussien, a organisé, le 5 décembre, une séance publique consacrée à la présentation de romans sélectionnés par les lectrices. Sur le thème original « Littérature miroir des Arts », ces dernières ont successivement abordé différents domaines de l’art : la musique, la peinture, la mosaïque, la sculpture et l’architecture.

En plus de l’intérêt culturel de cette manifestation, le public a pu manifester sa générosité au profit de l’AFM-Téléthon, la séance étant inscrite au programme des manifestations 2019 organisées dans la ville de Carnoux-en-Provence.

Les lectrices de Katulu ? (photo © CPC)

En préambule, la secrétaire du club, Marie-Antoinette Ricard, a remercié l’assistance pour sa présence et particulièrement les douze membres du club qui cette année ont proposé une présentation originale de cette séance consacrée aux écrits sur l’art.

En effet le commentaire des œuvres était illustré d’une ambiance musicale et d’un diaporama en accord avec le thème de chacun des livres.

Un public attentif à Carnoux (photo © CPC)

De plus, chaque intermède entre les présentations était ponctué par une citation poétique relative au domaine artistique.

Cet ensemble a contribué à renforcer la dimension sensible de ce moment culturel en immergeant les spectateurs-auditeurs dans l’œuvre évoquée, le contexte de sa création et l’esprit de son créateur.

Une séance au bénéfice du Téléthon (photo © CPC)

Les cinq ouvrages qui ont servi de support à cette lecture publique étaient disponibles à l’achat (ou sur commande pour certains), fournis aimablement par la librairie « Le Préambule » de Cassis.

Contrepoint d’Anna Enquist – la musique de Bach (les Variations de Goldberg)

Gabriële d’Anne et Claire Berest – la peinture de Picabia (voir Diaporama_Picabia)

Les maîtres mosaïstes de Georges Sand – la mosaïque (Saint-Marc à Venise – Diaporama_Venise)

L’atelier de Giacometti de Jean Genet – la sculpture (Diaporama_Giacometti)

Les pierres sauvages de Fernand Pouillon- l’architecture (Abbaye du Thoronet – Diaporama_Pouillon)

Un apéritif offert au public permit de poursuivre les conversations dans une ambiance conviviale.

MAR

CONTREPOINT

Anna Enquist

Romancière, poète et anciennement psychiatre cette auteure d’origine néerlandaise est publiée par ACTES SUD pour ce roman en 2010.

Le Titre CONTREPOINT nous indique tout de suite le rapport avec la musique, le contrepoint étant la superposition de deux ou plusieurs lignes mélodiques. Une basse continue et une ornementation.

Bach le définit lui-même comme « une conversation entre plusieurs personnes ». Pour les profanes en matière musicale, le contrepoint fait penser à notre petite musique intime secrète qui se cache en chacun de nous comme une doublure invisible. La musique serait ainsi l’expression de notre aventure intérieure.

Ce qui m’a paru intéressant dans ce roman est justement d’être l’illustration littéraire du CONTREPOINT et surtout de magnifier le rapprochement entre la musique et l’intime.

Le roman s’ouvre sur un premier tableau : une femme devant un piano, un crayon à la main face à une partition de BACH « Les Variations Goldberg ». L’auteur nous dit : « La femme s’appelait tout simplement femme, peut-être mère et d’ajouter « il y avait beaucoup de problèmes ».

Anna Enquist va dès lors nous entraîner suivant un ordre anti chronologique, anti linéaire vers les lambeaux de souvenirs de cette femme. Des bribes du passé se glissent dans son présent en l’expliquant.

Le contrepoint est ici le rapprochement de scènes très éloignées dans le temps. Nous pénétrons ainsi peu à peu dans la mémoire affective, exaltée, purifiée de notre héroïne. On se trouve tout de suite emporté dans la fusion des sentiments, des aspirations, des tensions de cette femme. L’écrit devient musique et nous entraîne malgré nous dans cette confusion structurée des impressions et des volontés. On passe de la légèreté à la gravité, de la joie à la tristesse. On vit la musique.

Dans ce chaos que l’on devine il y a un ordre, un chemin, une voie et nous les suivons donc, pas à pas, à travers les trente variations. On découvre des analyses intelligentes de la musique. On réapprend les temps, les silences, les soupirs, les trilles, les rythmes : CRESCENDO DECRESCENDO ADAGIO NON LEGATO ARIA

La musique est présentée comme une école de maîtrise de soi, une discipline, une technique. Il s’agit de ressentir, examiner, décortiquer, maîtriser. Jouer nécessite un art du toucher fait de légèreté, d’assurance, de retenue, de discrétion. Jouer c’est la souplesse du poignet, l’agilité et la force des doigts. Jouer c’est se plonger se fondre dans le compositeur, c’est une union charnelle qui abolit le temps et il est l’art supérieur où « Rien n’a besoin d’être formulé ou traduit ». La musique est à la fois hors du temps et dans l’écoulement du temps, un paradoxe fascinant. La musique est magique, elle fait entrer dedans ce qui est dehors ! Elle est ici cri de désespoir mais aussi résistance au chagrin.

On s’approprie à travers Bach, dans un grand dénuement, la vérité d’une « femme », de l’enfant : la « fille ». Le portrait est tout en anonymat et délicatesse.

L’auteure, Anna Enquist (source © Babelio)

ENQUIST raconte avec simplicité et émerveillement cette expérience de mère, son amour et sa tendresse pour sa fille. Comment ne pas être touché à travers cette chronologie bousculée ! Son enfant à trois ans, trente ans, puis vingt, puis six, puis quinze. On chemine à travers ses inquiétudes, ses peurs, ses joies. On regrette la fragilité du souvenir car le lecteur a été averti dès les premières pages du livre d’une perte, d’un vide. A un moment l’enfant a six ans et puis il y a un accident « l’enfant est abîmée » elle répète la mère « l’enfant est abîmée ».

On écoute haletant cette musique support et vecteur de souvenirs. Plus tard la tragédie survient, « la fille s’était arrachée à l’avenir ». Alors l’auteur poursuit son récit sur un ton plus grave. Elle décrit en psychiatre le traumatisme du deuil « ce bombardement qui détruit les circuits de la mémoire, des synapses et des connexions ». Son héroïne est désormais dans ce temps où le passé est devant alors que l’avenir n’est que derrière « dans le dos » Elle est dans ce temps où « tout s’était arrêté mais le cœur perfide continuait de battre ».

L’auteur, en philosophe, nous réapprend que la vie c’est recevoir une chose et devoir y renoncer. Dans la vie, dit-elle « Il y a LE TRAGIQUE et LA FARCE ». Le tragique arrive comme une vague et il y a la phase de farce, celle de l’observation et ce besoin anesthésiant de travail pour chasser l’absurde.

Face à cette réalité il reste la musique. L’auteur cite Igor STAVINSKI « La musique rétablit l’ordre dans le chaos, à savoir la relation de l’être humain au temps ». A travers le son, on retrouve son corps « le son vient du ventre et des jambes »

On redonne corps « JOUER du piano était biologique, physiologique, neurologique ». La musique est renaissance, reconstruction, la musique est résonance, correspondance. A la suite de l’auteur on pénètre humblement dans l’histoire tourmentée de BACH, de cette femme, de sa fille. On se retrouve dans notre réalité, en souvenir ou en anticipation.

L’Aria qui ouvre le roman et l’achève mérite d’être entendu. Il évoque à la fois douleur et paix. Il décortique le désespoir immense, forcené, révolté face à la mort de l’enfant mais en même temps il est résistance, application, persévérance. Il est la douleur de la perte sublimée.

Ce livre est un chemin, un apprentissage, un message initiatique, un viatique de l’au-delà. Il faut donc entendre ce CONTREPOINT malgré nous et pour notre gloire, éternels Sisyphe que nous sommes !!!

C’est un livre empreint de sensibilité, de simplicité dans l’expression des sentiments.

Sans doute aussi est-il une plongée dans la technicité de l’art musical. Il peut éveiller la curiosité de la découverte de ces Variations Goldberg. Elles sont au nombre de trente comme les chapitres de ce livre et dont vous devez savoir que le dernier canon est techniquement indépassable selon les musicologues, ce qui ramène à l’humilité nécessaire devant toute interprétation des œuvres !

Retenons donc cette leçon de justesse, délicatesse, discrétion, dignité, ce chagrin parmi tant de poésie. CROYONS en l’art qui sauve, l’ART MYSTIQUE qui sublime et perpétue le souvenir.

Gardons cette belle image du bonheur retrouvé : « la fille embrassée par des papillons ».

                                                                                                                      Nicole B.

 

Gabriële

Anne et Claire Berest

Claire et Anne Berest le 18 octobre 2017 (photo © Antoine Doyen / Le Parisien week-end)

Anne et Claire Berest. sont les arrière petites-filles de l’héroïne Gabriële Picabia ex épouse du peintre Francis Picabia. Elles ont écrit à quatre mains en 2018. Cette biographie est passionnante.

En fait elles ont très peu connu leur arrière-grand-mère, leur mère ne leur en parlait pas ! Leur grand-père Vincente, dernier enfant de Gabriële et de Francis s’est suicidé à 27 ans laissant une petite fille de 4 ans, mère des sœurs Berest. Elles ignoraient son existence et n’ont même pas été informé de son décès à 104 ans. Grande fut leur surprise d’apprendre leur lien de parenté avec le célèbre peintre Picabia !

Je distingue deux parties dans l’analyse : La vie, la muse

1- La vie

Gabriële est née en 1881 dans une famille aisée et conservatrice, père militaire. Elle se passionne rapidement pour la musique mais en théoricienne, elle rêve d’être compositeur et créatrice. Je cite : « nous voulions nous libérer et nous dégager de toute la technique traditionnelle, de toutes les vieilles syntaxes et grammaires pour explorer ce que nous appelions la musique pure… et de sons organisés. »

Elle poursuit ses études musicales à Paris à la Schola Cantorum, « lieu de l’Avant Garde musicale » où elle rencontre Claude Debussy et Vincent d’Indy pédagogue adoré qui « ouvre les fenêtres vers d’autres Arts. »

Elle part à Berlin en 1906 encore toute troublée par ses études musicales : « une force grandit en elle, l’idée qu’il faut s’inspirer de toutes les émotions que procurent l’art, les tempêtes de la peinture, les déluges de la poésie pour tenter de trouver un langage musical nouveau.»

Elle ne songe pas à se marier et refuse l’avenir tout tracé pour les femmes à l’époque, son art prenant toute la place dans son esprit et sa détermination !

Francis Picabia vers 1910

Elle a failli rencontrer à Berlin Francis Picabia venu pour une exposition. Selon elle, il a mauvaise réputation : « noceur, bagarreur… enfant gâté et génial », il ne l’intéressait pas. Et pourtant « la carrière musicale de Gabriële prit fin avec la rencontre de Francis » à Versailles chez sa mère.

Il ne lui reste rien de son goût pour la musique « pas une œuvre, aucune partition (qu’elle a même brûlées) pas même le titre d’un poème musical ». Ce brutal revirement est bien réel ! Ne se sentant pas géniale, elle en conclut : à quoi bon insister !

Immédiatement elle constate que « le peintre avait tellement besoin d’elle, de son cerveau, de son regard, de sa disponibilité à chaque instant…» 

Tout de suite il va l’accaparer et elle en est ravie ! Il l’emmène en Bretagne avec son frère Jean un peu échaudé par la nouvelle relation de sa sœur avec son ami. Francis séduit Gabrielle qui accepte de le suivre à Cassis ! Il lui racontera sa vie !

Les Picabia sont des exilés espagnols partis à Cuba au 17éme siècle ! Ils ont fait fortune dans la canne à sucre. En 1855 l’État espagnol rappelle le père de Francis pour lancer le Chemin de fer ! Famille très aisée, ses parents vivent à Paris or sa mère meurt alors qu’il est encore jeune. Famille patriarcale ensuite ! »

Il devient mystérieux, écrasé d’ennui et de tristesse « Il traverse des phases d’enthousiasme suivies par des phases d’abattement, il peint de manière compulsive :  semaine d’ivresse, de solitude et de travail », d’alcool aussi puis de drogue !

En 1903, il expose huit toiles impressionnistes au Salon des Indépendants, tout le monde l’encense ! A ce moment-là, il subit l’influence de Pissaro et de Sisley.

Homme et peintre de rupture, je cite : « il orientera son art en adéquation avec les concepts symbolistes-synthésistes de la fin du 19éme, l’émotion de l’artiste devant la nature s’exprime à travers une synthèse de formes et de couleurs. »

C’est à Cassis dans un petit hôtel appelé Cendrillon que pour la 1ére fois Gabriële partagera le lit d’un homme et ce « fut la première nuit de toutes les nuits.» Les toiles de l’artiste sont désormais empreintes de leur amour physique sublimé ! »

Ils iront voir la famille de Francis à Séville après s’être mariés le 27/01/1909 à Versailles.

Au retour du voyage de noce, il vendra quatre-vingt-dix neuf toiles impressionnistes s’orientant vers un nouveau style pictural : l’Art Moderne, déjà sous l’influence de Gabriële !

De ce flamboyant voyage en Espagne, elle sent que le vrai mariage se produira en liant « deux êtres si imparfaits et si affreux ! » et revient enceinte de leur premier enfant !

2- la Muse

Au contact de Gabriële, stimulant intellectuel pour lui, son art évoluera : « je veux peindre des formes et des couleurs délivrées de leurs attributions sensorielles… une peinture située dans l’invention pure qui recrée le monde des formes suivant son propre désir et sa propre imagination » avait-il dit lors de leur rencontre. Elle veut se mettre, non au service de son mari, mais au service d’une révolution artistique. Gabriële poursuit donc la mission qu’elle s’est fixée : elle veut dit-elle : « lui apporter les éléments de pensée qui vont lui permettre de changer sa façon de peindre… elle se plonge dans l’histoire de la musique et de la peinture… travaille sur des livres et des catalogues, conceptualise et trouve dans Hégel une idée qui la séduit : l’art ne doit pas imiter la nature aussi parfaite que soit son imitation…» il en est le rival « comme elle et mieux qu’elle, il représente des idées ; il se sert de ses formes comme des symboles pour les exprimer. » Francis, « tu dois peindre les sons ».  « La couleur est vibration de même que la musique » dit-elle. « L’intuition c’est Gabriële… Elle associe peinture et musique. C’est là que naît l’œuvre maîtresse de Picabia « Caoutchouc » 47,5 cm de largeur sur 61,5 de hauteur ; on est en juin 1909, pour la 1ére fois un peintre peint quelque chose qui ne présente rien. Avant Kandinsky et avant Picasso « Caoutchouc est… le fruit de la pensée musicienne de Gabriële. Picabia peint l’une des premières peintures abstraites de l’histoire de l’Art.» Apport capital de Gabriële sur l’œuvre de Picabia. Il y eut des doutes chez certains sur la paternité de l’art abstrait par Picabia or il est bien le premier, cet Art jaillira un peu partout après ce moment-là !

Ils eurent de nombreuses relations dans le milieu artistique dont Apollinaire et Marcel Duchamp, artiste provocateur que Gabriële influencera aussi notamment à travers des idées un peu folles et audacieuses « comme la livraison d’un urinoir à un concours d’Art Moderne » provoquant « un énorme scandale et l’hilarité générale ! » C’est le fameux Ready-made ou l’objet d’Art prêt à l’exposition !

Francis faisait des fugues, elle n’en fut jamais jalouse ! Le couple était tolérant l’un vis à vis de l’autre !

Ils eurent 4 enfants qui ont certainement souffert d’être délaissés par leurs parents. Les petites- filles auteurs de ce roman, n’ont jamais connu leurs grands-parents ! Elles ont découvert le couple dans le dictionnaire : « Entre 1909 et 1914 Picabia s’essaie au « isme » du début du siècle : Fauvisme, futurisme, cubisme et orphisme…» en référence au poème de Baudelaire Orphée de 1908 traitant de la poésie pure ! C’était une sorte de langage lumineux cher à Gabriële.

Vie trépidante avec Gabriële, c’est « la femme au cerveau érotique » du groupe : « l’impression de construire ensemble l’immortalité… ils peuvent à nouveau s’aimer et aimer Marcel, dans le désordre, dans l’ordre, les têtes en bas, les corps en haut… On partage la vie à trois ! virées fantastiques, dans une ivresse de loups, de mondes parallèles, de drogués et de voyants, de nuits ressuscitées et de jours prometteurs »

Présence tendre d’Apollinaire : « son érudition disproportionnée tranchant avec sa bonhomie mal dégrossie ». C’est un véritable ami !

Après s’être follement aimés, ils se sont séparés en 1919, lui, ayant trouvé une autre compagne Germaine Everling avant Olga Mohler, à la fin de sa vie.

Livre fascinant sur la vie d’une femme et d’un couple au début du XXéme siècle, la place injuste donnée aux femmes à l’époque, destinées surtout au ménage et à la maternité. Gabriëlle a su occuper une place primordiale avec son mari et ses amis mais plus globalement dans l’Art de l’époque dont elle fut ardente théoricienne ! Elle insufflait un modernisme, une intelligence et une intuition artistique qui a permis à Picabia d’être novateur !

L’influence de Gabriële n’est pas contestée dans les mouvements picturaux du XXéme siècle.

Ce roman m’a intéressée par la peinture de l’Art de l’époque, les évolutions picturales, les évocations d’Apollinaire et de Picasso, de Max Jacob, de Braque de Marie Laurençin !

Je cite enfin : « Dans leur sillage tant de maîtres sont apparus : Miro avec Picabia, Magritte et Wandy Warol derrière Marcel Duchamp. Maîtrisant les langues utiles à la promotion des peintres Gabriële dessine une des figures féminines les plus extravagantes des années d’après-guerre ».

Josette J.

 

Les Maîtres Mosaïstes

George Sand

En 1883 c’est la première parution de ce livre de George Sand chez Félix Bonnaire. Près d’un siècle plus tard, en 1993, une publication des éditions Du Chêne agrémente le texte de magnifiques reproductions des mosaïques de la basilique Saint-Marc, permettant d’admirer le travail des artistes.

Présenté et annoté par un grand spécialiste de la mosaïque, Henri Lavagne, Les Maîtres Mosaïstes sort enfin de l’oubli et nous apporte les lumières sur une riche période de l’histoire de l’art à Venise.

Georges Sand présente elle-même son livre : « J’ai écrit les Mosaïstes en 1837, pour mon fils Maurice (…) je lui avais promis de lui faire un roman où il n’y aurait pas d’amour et où toutes choses finiraient pour le mieux. Pour joindre un peu d’instruction à son amusement, je pris un fait réel dans l’histoire de l’art. Les aventures des mosaïstes de Saint-Marc sont vraies en grande partie. Je n’y ai cousu que quelques ornements, et j’ai développé des caractères que le fait même indique d’une manière assez certaine.»

En ce milieu du 16e siècle, les voûtes de Saint Marc ont perdu en grande partie les mosaïques réalisées par les grecs, certainement au cours du 12e siècle. En ce temps-là, « les artistes grecs étaient rares à Venise, ils venaient de loin et restaient peu. Ils ont formé à la hâte des apprentis qui ont exécuté les travaux indiqués sans connaître le métier » ainsi, les mosaïques ont mal résisté aux outrages du temps.

Depuis, de siècle en siècle, l’art de la mosaïque a été cultivé à Venise. Les vénitiens ont peu à peu amélioré les techniques de réalisation en particulier grâce aux verriers de Murano. Ces derniers ont mis au point une pâte de verre coloré qui a complètement transformé les pratiques. Les possibilités chromatiques du verre mettent à disposition toutes les nuances de couleur. Cette palette de couleurs est encore enrichie par l’intégration dans la pâte de verre, de fines feuilles de matériaux précieux comme l’or, sous des angles différents, pour faire jouer la lumière. Les tesselles ou smalts, sont ainsi devenues légères permettant des réalisations sur le plan vertical ou sur la voûte. Lors de la pose sur de tels supports, les inclinaisons variables créent des jeux de lumière éblouissants.

Au 16e siècle, forte de ce savoir, la République de Venise décide et finance la rénovation des voûtes de la Cathédrale Saint Marc. C’est donc la Venise triomphante des arts florissants, qui offre son décor aux personnages de ce roman, les mosaïstes.

Deux écoles rivales, les Zuccati et les Bianchini, se partagent cet immense et prestigieux chantier.

Pour les frères Zuccati, Francesco, l’aîné, « laborieux, patient, ingénieux, exact », et Valerio, « plein d’esprit, fécond en idées larges et en conceptions sublimes », le métier de mosaïste est un art. A la grande désolation de leur père Sebastien, peintre oublié aujourd’hui, mais assez estimé dans son temps comme chef d’école, pour qui seule la peinture est un art véritable, car ce sont les peintres qui, sous forme de cartons, réalisent les modèles. Le Titien et le Tintoret, célèbres peintres vénitiens sont de ceux-là. Ils ont produit de tels cartons à partir desquels les mosaïques sont accomplies. Cependant « les mosaïstes tracent eux-mêmes le dessin pur et élégant de leurs sujets et créent leur merveilleuse couleur d’après la simple indication du peintre » dit Jacques Robusti lui-même, dit le Tintoret, parlant du travail des frères Zuccati.

C’est l’illustre maître lui-même, qui emmène Sebastien à la basilique de Saint Marc, voir les créations de ses fils, pour le convaincre que la mosaïque est véritablement un art qui grâce au marbre et au cristal « résistant à la barbarie des temps et à l’outrage de l’air », contrairement à la toile, « nous a conservées intactes les traditions perdues du dessin au Bas-Empire » et celles de la couleur.

Le vieux Zuccato entre sous la coupole orientale de la basilique et aperçoit Francesco, Valerio et leurs ouvriers, tels des acrobates perchés sur d’improbables installations sous les coupoles, accomplissant leurs œuvres de pierre.

Il est saisi par la lumière jouant sur les objets et s’efforce de retenir son admiration devant les colossales figures des prophètes et des fantômes apocalyptiques s’élançant sur un fond d’or étincelant. Il ne parvient plus à cacher son émotion devant des figurines exécutées par chacun de ses deux fils sans l’aide d’aucun peintre « deux beaux archanges volant l’un vers l’autre, l’un enveloppé d’une draperie verte », œuvre de Francesco, « l’autre vêtu de bleu turquin » œuvre de Valerio. Chacun des frères ayant donné à « son archange » le visage du frère bien aimé.

Pour les Bianchini le métier de mosaïste est un artisanat. Ces derniers, moins doués et peu recommandables sont jaloux du savoir-faire des premiers comme l’exprime l’un des frères : « Oui, j’en suis jaloux ! s’écria Dominique en frappant du pied. Et pourquoi n’en serais-je pas jaloux ? N’est-ce pas une injustice, de la part des procurateurs, de leur donner cent ducats d’or par an, tandis que nous n’en avons que trente, nous qui travaillons depuis bientôt dix ans à l’arbre généalogique de la Vierge ? J’ose dire que ce travail énorme n’eût pu être mené à moitié, quand même les Zuccati y auraient consacré toute leur vie. Combien de mois leur faut-il pour faire seulement un pan de robe ou une main d’enfant ? Qu’on les observe un peu, et on verra ce que leur beau talent coûte à la république. »

Les Bianchini, malgré leur mauvaise réputation (certains ont fait de la prison), réussissent à entrer dans les bonnes grâces du procurateur-caissier, responsable du financement des travaux. Ils persuadent Bozza que les Zuccati ont commis une fraude, en remplaçant de la mosaïque de pierre par du carton peint.

Bartolomeo Bozza, l’un des ouvriers des Zuccati, d’un orgueil sans borne, souffre de ne pas être au premier plan. C’est un homme amer, éternellement insatisfait. Les Bianchini le persuadent facilement que ses maîtres, pourtant plein d’attention et d’amitié, se jouent de lui, ils le poussent à conspirer contre eux. Ainsi, le Bozza manipulé par les Bianchini, pétri de ressentiment envers Francesco et Valerio, les quitte et les trahit.

L’auteure, Georges Sand

Malgré son innocence, l’aîné des Zuccati, Francesco, est jeté en prison. Son frère Valerio obtient du Doge de Venise la permission de le voir. Mais il est emprisonné à son tour. Les deux frères très affaiblis par leur détention, abandonnés, manquent de mourir dans leur geôle car la peste se répand dans Venise.

Une fois l’épidémie enrayée, les Zuccati ont enfin la possibilité de se défendre devant un tribunal. L’avis, très respecté, du Titien et du Tintoret, leur permet d’être disculpés. Malheureusement, le procurateur-caissier, vexé de n’avoir pas pu maintenir Valerio et Francesco en prison, ne leur paie pas leur dû pour le travail de la cathédrale et les Zuccati tombent dans la misère comme leurs apprentis. Les liens de ces miséreux se resserrent, ils s’entraident pour résister, pour ne pas mourir de faim, de froid, formant une vraie famille. Malgré sa trahison Valerio sauve le Bozza traînant son dénuement dans la rue où il est sur le point de dépérir. Mais Bartolomeo, toujours gonflé d’orgueil, ne lui en est pas reconnaissant et, dès que l’occasion se présente, il quitte les Zuccati, enrichi de leur enseignement, pour retourner auprès des Bianchini.

Après la peste, un concours est organisé pour l’obtention d’un travail de mosaïste.

Les écoles des Bianchini et des Zuccati y participent ainsi que le Bozza. Ils doivent réaliser des mosaïques sans le support des cartons. Valerio très inquiet pour la santé de son frère, affaibli, peine à réaliser son ouvrage. C’est alors que le Tintoret vient lui faire sur lui-même des aveux. En effet, le peintre considère que Valerio, qui aime son art mais ne recherche pas la gloire, préférant les plaisirs de la vie, est moins talentueux que son frère Francesco donnant tout à son art et ayant soif de reconnaissance. Ces révélations bouleversent Valerio puis le stimulent. C’est avec ardeur qu’il peut dès lors achever sa création.

Lors de ce concours, les peintres doivent juger les œuvres des mosaïstes, en ignorant quels en sont les auteurs. A la stupéfaction générale, Valerio est vainqueur devant son frère Francesco, et le troisième, à son grand dépit, est Bartolomeo ! Il décide alors de laisser la première place à Francesco, malgré le résultat du concours. Transformé, Valerio abandonne sa vie de jouissances pour se consacrer uniquement à l’art de la mosaïque et à son frère amoindri physiquement par les dures épreuves traversées

L’école des Zuccati redevient florissante et joyeuse, elle produit d’autres chefs-d’œuvre. Gian-Antonio Bianchini, gagné par les bons procédés devient un artiste estimable dans son talent et sa conduite. Le Bozza, ne supportant pas l’idée d’être sous les ordres des Zuccati, erre de Padoue à Bologne, puis, après quelques années revient à Venise où il peut à nouveau travailler à partir des cartons du Tintoret, mais celui-ci, qui n’a pas oublié sa trahison, les lui fait attendre si longtemps qu’il finit dans la misère.

A travers les portraits de ces deux familles, les Zuccati, et, Bianchini, leur histoire romanesque et aventureuse, George Sand, nous fait vivre l’émergence de l’art de la mosaïque à Venise. Ce roman pénétré de charme et de vivacité, où le récit et les théories esthétiques sont intimement liés, est aussi une réflexion philosophique sur l’art, le beau, l’esthétique ainsi que sur la liberté de création et d’interprétation du mosaïste par rapport au peintre qui donne le carton de la composition.

Amoureuse de Venise depuis de nombreuses années, j’ai admiré les mosaïques étincelantes de la basilique Saint Marc sans rien connaître ou presque de l’art de la mosaïque. Ce roman de George Sand, m’a transportée au cœur de la création de ces œuvres lumineuses et de la vie de des artistes connus ou anonymes que j’admire profondément, il a fait jaillir sur moi une parcelle de leur éclat.

Antoinette M.

 

L’atelier d’Alberto Giacometti

Jean Genet

La composition de Jean Genet, accompagnée des clichés du photographe Suisse Ernst Scheidegger sur « L’atelier d’Alberto Giacometti » paraît en 1963 dans la collection L’Arbalète. Picasso le considère comme  » le meilleur essai sur l’art que j’aie jamais lu. »

Un jour, à Paris, en 1950, Jean-Paul Sartre présente le poète-écrivain Jean Genet à son ami le peintre-sculpteur Alberto Giacometti. Giacometti, la cinquantaine, est fasciné par la vie houleuse de Genet, de dix ans son cadet. Il le reçoit dans le lieu clos de son atelier, rue Hippolyte Maindron.

Ils ont tant des points communs! Insomniaques et noctambules, ils traînent les bars et les bordels, avec les clochards, les putains, les gens de la rue. Giacometti y déniche ses modèles, comme Caroline qui longtemps l’accompagna. Mais il travaille aussi avec ses proches comme son frère Diego et sa femme Annette, ou ses amis Sartre, Michel Leiris ou l’auteur américain James Lord. Alors tout naturellement, de 1954 à 1957, l’ami Genet pose pour deux portraits.

Le peintre exige de son modèle de nombreuses séances durant lesquelles Genet s’imprègne de l’environnement et remarque: « Je ne crois pas exagérer en disant que l’atelier était à bien des égards la coquille de Giacometti, son autre moi, l’essence et le résidu ultime de son apport artistique… un reflet fidèle de son mode de vie spartiate, exigeant et tendu vers un seul but. »

Jean Genet en 1983

Le cadre est plutôt sombre et la poussière voile les objets de tons grisâtres. Couronne de cheveux indisciplinés, pommettes hautes, visage taillé à la serpe, Giacometti est beau. Mais « par sympathie peut-être il a pris la couleur grise de son atelier, ses yeux, son sourire, ses dents écartées et grises ».

Et jusqu’à son accent des Grisons. « Il parle d’une voix rocailleuse. Il semble choisir par goût les intonations et les mots les plus proches de la conversation quotidienne. Comme un tonnelier… » dit Genet.

Le dialogue s’instaure, sans fin, à bâton rompu, entre l’artiste qui travaille et l’écrivain qui, dans son esprit compose une forme de dialogue entre Lui (Alberto) et Moi (Jean). Majuscules pour les deux antagonistes.

« Lui – C’est joli…c’est joli… »

En dessin, en peinture « il semble ne pas se préoccuper ni des trous, ni des ombres, ni des valeurs conventionnelles. Il obtient un réseau linéaire qui ne serait que dessin de l’intérieur »  et le modèle, surpris d’y découvrir du relief, précise: « il s’agit plutôt d’une dureté infra-cassable qu’a obtenu la figure. »

Dureté de la plume ou dureté du crayon, la ligne se poursuit sur la joue, l’œil, le sourcil et finalement ce qui importe est le blanc, le blanc du visage, le blanc de la feuille. « Ce n’est pas le trait qui est plein, c’est le blanc. »

Sensation d’espace, le mouvement rappelle la sculpture, le visage de face donne « l’impression que le peintre tire en arrière (derrière la toile) la signification du visage. »

Interrogé, quelques années plus tard, Jean Genet s’exclame « Si je peux vous parler de Giacometti ? Oui, parce que j’ai encore dans les fesses la paille de la chaise de cuisine sur laquelle il m’a fait asseoir pendant quarante et quelques jours pour faire mon portrait. Il ne me permettait ni de bouger ni de fumer, un peu de tourner la tête, mais alors de sa part une conversation tellement belle ! »

Alberto Giacometti dans son atelier

Coup d’œil alentour sur les statues qui peuplent l’atelier, les statues de plâtre à peine terminées et que Diego a interdit à son frère de retoucher. Car, peintre ou sculpteur, Alberto travaille et retravaille son idée et marmonne:  » L’apparition parfois je crois que je vais l’attraper et puis, je la perds, et il faut recommencer… Alors c’est ça qui me fait courir, travailler… Je ne sais pas si je travaille pour faire quelque chose ou pour savoir pourquoi je ne peux pas faire ce que je voudrai. »

Il dit l’angoisse du créateur. Ses doigts jouent sur la forme. Ses deux pouces accompagnent la courbe dans l’argile qui cède à la pression. L’outil épure la silhouette, racle les aspérités du plâtre. Sans cesse.

Puis sur un ton euphorique « Et enfin! Ma main vit… ma main voit. »

Est-ce le mouvement permanent ? Giacometti ne s’arrête jamais. De longues femmes immobiles s’étirent en silence, une jambe sur l’avant écrasant le sol tandis que la jambes arrière peine à décoller le talon. Revenues récemment du pavillon français de la Biennale, se sont « Les femmes de Venise » déesses en marche existantes à la limite de l’immatériel.

«Lui – C’est biscornu…»

« Moi – Et aussi il y a le chien en bronze. »

Genet souligne que « le bronze a gagné » mais il juge que « ce chien, il était encore plus beau dans son étrange matière : le plâtre, ficelles ou étoupes mêlées, s’effilochait. La courbe, sans articulation marquée et pourtant sensible, de sa patte avant est si belle qu’elle décide à elle seule de la démarche en souplesse du chien ». Car il flâne, en flairant, son museau au ras du sol… Un animal – avec le chat – les seuls parmi des figures!

« Lui – C’est moi, un jour, je me suis vu dans la rue comme ça. J’étais le chien. »

Cherchant seul, dans une solitude magnifiée, cherchant sans fin la beauté qui « n’a d’autre origine que la blessure singulière, différente pour chacun, cachée ou visible, que seul tout homme garde en soi, qu’il préserve et où il se retire quand il veut quitter le monde pour une solitude temporaire mais profonde. »

Au ras du fil à plomb ! Cherchant le point d’équilibre avant que le mouvement ne se fige, que la vie ne s’arrête. Juste avant la frontière secrète qui fascine ces deux auteurs se regardant en miroir.

Car, en contrepoint, sur son calepin qui ne le quitte jamais, Alberto a pu griffonner ce qui lui passe par la tête :

« Un aveugle avance la main dans la nuit.

Les jours passent et je m’illusionne d’arrêter ce qui fuit.

Il n’y a rien à faire: je relis ce que vous avez écrit après notre conversation de l’autre jour, les mots dits se perdent une fois écrits.

Toutes les questions, toutes les réponses s’annulent….

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Quoi ajouter? Je ne sais plus rien dire, mais je sais rire…

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Manie, manie manie maniaque

qui manie ma manie qui

maniaque me manie dans la vie

qui, qui, qui, quoi

je ne sais pas. »

Roselyne S.P.

 

Brève généalogie d’Alberto GIACOMETTI

A Borgonovo dans les Grisons, naissent de Giovanni Giacometti (1868-1933) et Anetta Stampa :

1901 – Alberto (peintre et sculpteur)

1902 – Diego (décoration, mobilier et sculpture animalière)

1904 – Ottilia (meurt en 1937 mettant au monde Silvio, peintre)

1907 – Bruno (architecte)

Né en 1901, Giacometti est le fils aîné du peintre fauviste Suisse qui favorisa dès l’enfance les talents de son rejeton. Après des études d’arts à Genève, le jeune Alberto part à Paris en 1922 et complète sa formation dans l’atelier du sculpteur Bourdelle et à la Grande Chaumière.

A Montparnasse, il côtoie les élites artistiques de l’après-guerre. André Breton le séduit un temps par le surréalisme. Il voit Miro, Max Ernst, Calder, rend visite à Picasso qui lui fait découvrir le cubisme et l’Art Nègre. Il expose de ci de là, fait de petits boulots décos, vend parfois de petites sculptures.

Sa première exposition seul, à la galerie Pierre Colle, lui vaut un article dans la revue « cahier d’art. »

En 1939, Peggy Guggenhein expose ses œuvres à New-York.

En 1947, Pierre Matisse, le fils du peintre, le persuade de faire couler ses plâtres en bronze qu’il exposera dans sa galerie New-yorkaise.

A Saint-Paul de Vence, la fondation Maeght lui ouvre son merveilleux espace.

Sa réputation est internationale.

 

Jean GENET : Né en 1910, il est un enfant de l’assistance publique et un délinquant précoce. Littérateur génial, il a rédigé en prison son premier roman « Notre Dame des fleurs » censuré dès sa sortie en 1943, mais il persiste en 1946 avec « Le miracle de la rose ». Ces romans semi autobiographiques furent accueillis avec enthousiasme par le milieu littéraire qui se mobilisa pour faire alléger sa peine de prison. Vol, trafic, homosexualité, révolte politique, ce que Mauriac qualifie « d’excrémentiel » mais qui séduit Alberto Giacometti. Les deux créateurs se retrouvent dans l’atelier du 46 rue Hippolyte-Maidron, dans le 14ème, où Giacometti s’installa en 1932 et qu’il occupera jusqu’à sa mort, en 1966.

 

L’atelier d’Alberto GIACOMETTI

L’atelier vétuste du 46  rue Hippolyte-Mandrin, 75014 , Paris a été démoli. L’institut Giacometti, fondation privée, a ouvert ses portes en 1918, dans un petit hôtel particulier « art déco » de 350 mètres carrés, situé 5 rue Victor Schœlcher, dans le 14e arrondissement. Métro Raspail, Denfert-Rochereau. Dès le rez-de-chaussée, le visiteur pénètre dans l’atelier reconstruit à l’identique avec ses murs de bois peints, meubles et objets que la veuve de Giacometti, Annette, a fait démonter et stocker après sa mort. A l’étage sont exposés de nombreux documents, dessins, croquis, calepins, bibliothèque et œuvres dont « Les femmes de Venise » et un portrait de Jean Genet. L’autre se trouve au centre Pompidou. Un centre de de recherche y est adjoint.

 

Les pierres sauvages

Fernand Pouillon

Fernand Pouillon un personnage flamboyant, complexe et controversé mais génial. On connaît l’architecte, le bâtisseur. Peut-être a-t-on oublié qu’il fut éditeur de livres d’art (33 ouvrages) et passionné d’art roman. Il fit le relevé des tracés des 3 sœurs de Provence : Sénanque, Silvacane, le Thoronet.

C’est aussi le mystique fasciné par l’ordre des Cisterciens. Il en connaît la Règle, cite à loisir les écrits de St Bernard.

Et puis c’est un poète ! Il suffit de lire « Les Pierres sauvages » pour en être persuadé.

Ce livre (édité le 1 septembre 1964 au Seuil) : un émerveillement !

Conçu comme le journal de chantier du maître d’œuvre, le moine Guillaume (trois trimestres), Les pierres sauvages relate la naissance d’un édifice construit à partir de 1160 selon la règle de Saint-Bernard (canons très codifiés), dissimulé dans une chênaie du centre varois. Cette abbaye est aujourd’hui, l’un des témoins les plus préservés de l’architecture de cet ordre.

Deux portraits transparaissent dans ce récit : celui du maître d’œuvre et  celui de l’auteur Fernand Pouillon en filigrane.

L’abbaye du Thoronet

A travers le frère Guillaume, l’auteur emmène le lecteur au cœur de toutes les problématiques architecturales et artistiques, mais aussi humaines d’un chantier colossal. Il laisse percevoir la somme de renoncement et de dévouement qui pouvaient animer moines et convers dans leur choix de vie tournée vers le sacrifice. Ils participaient à ce type de chantier sans avoir l’anxiété de voir l’œuvre terminée. Ils construisaient pour abriter une foi éternelle que perpétueraient les générations futures de leur confrérie.

L’abbaye du Thoronet, dans le Var

Isolement, dépouillement, pauvreté, austérité gouvernaient les intentions de l’ordre monacal le plus prolifique des 11ème au 13ème siècles en terme de constructions d’édifices religieux. Ni sculpture, ni statue, ni vitrail décoré, ni peinture murale ne devaient distraire le moine de l’extrême rigueur de sa vie consacrée à la prière.

Le récit est émaillé des accidents du chantier qui peuvent toucher aussi bien l’homme que l’animal. Le talent de l’auteur est remarquable pour exprimer le ressenti de ces douleurs physiques et morales.

La description du savoir-faire des différents artisans qui participent au chantier est un véritable chef-d’œuvre d’écriture. A souligner les portraits du potier (p. 87) et du tailleur de pierre (p. 54) : « artiste et artisan à la fois je t’envie et je te respecte » s’exclame l’auteur.

Le cloître – Il en est fait mention, maintes fois dans cet ouvrage –considéré comme une anomalie par les spécialistes-

les premiers relevés précis de l’abbaye du Thoronet ont été dessinés par l’auteur. Il a pu analyser pour la première fois les tracés volontaires ou fortuits qui ont inspiré la composition. Le bâtiment le plus ancien semble être le cellier à l’ouest du cloître. Par la suite une orientation différente fut choisie pour l’église, dirigée plein Est.

La conservation des travaux engagés, sous le bâtiment initial, détermina le maître d’œuvre à imaginer un ensemble de tracés particulièrement savant.

L’explication rationnelle du dessin imprévu du cloître est ainsi plausible pour F. Pouillon : composition en forme de trapèze irrégulier, marches d’escaliers (hérésie pour un cloître!), forme du lavabo.

Le maître d’œuvre

« A-t-on jamais mieux décrit ce qui anime les architectes lorsqu’ils exercent leur art ? » écrivait un critique lors de la parution de l’ouvrage.

Que dit Fernand Pouillon ? Je laisse la parole à l’auteur : « Le début d’un chantier, son organisation doivent pour être exaltants, exprimer un tour de force… Mon inquiétude égale mon impatience ».

« De l’ensemble au détail, du matériel à l’immatériel, du défini à l’indéfini, mes réflexions et mes sensations provoqueront l’action avec méthode, mon cerveau et mon cœur iront également des transes au prosaïsme sans que je puisse exactement les diriger. »

« En architecture, seuls, le métier et l’expérience sont (des)conseillers : le reste est instinct, spontanéité, décision, démarrage en force de toute l’énergie accumulée… L’œuvre solide est précédée d’un saut dans le vide… »

« Inspiration consciente ou inconsciente, l’œuvre n’a pas de préjugé et peut profiter de tout. »

« Je dessine peu… je préfère que la forme surgisse en moi par visions successives, qui se fixent, s’impressionnent, s’accumulent au fond de mes yeux. Dans ce travail, lent et difficile, je parle, je marche, je dors je rêve… Le jour venu… je dessine l’essentiel de ce monde imaginaire. »

« Les dessins, figures réduites et abstraites, ne montrent que deux dimensions. Il serait mieux de considérer l’œil immobile, et lui soumettre un nombre infini de dessins en trois dimensions, les faire tourner et basculer dans son angle de vue. »

« Pas d’architecture sans l’évocation de la quatrième dimension, la trajectoire : perception de l’édifice dynamique. »

« L’architecture garde une partie de son mystère, ne le découvre que par fragments et ne le livre que lorsque tous les volumes ont occupé leur place… »

Le maître d’œuvre et les hommes

« Apprenez à aimer le manœuvre, sachez respecter son œuvre de fourmi… dans la construction il apparaît avec trois grandes vertus : Patience, Persévérance, Humilité. »

« C’est dans l’expression du visage du patron, dans le reflet de ses prunelles, que [les ouvriers] reconnaissent la qualité de leur travail. »

« Un chef ne l’est pas pour le titre qu’il porte, mais pour la fonction qu’il exerce : nul ne s’y trompe. »

L’architecte Fernand Pouillon

L’homme : Fernand Pouillon

sa manière de travailler p. 67, 84, 85, 140 – « l’analyse de la matière a institué la règle du  jeu futur : laquelle, à son tour, a défini rigoureusement l’aspect lui convenant. Je n’ai pas dit : « je veux » sans voir. J’ai regardé, soupesé les difficultés de chaque chose, la considération m’a fait dire « je pourrai ».

sa conception de la cité p.144, 145, 179 – « Si je m’élève contre les prolongements hideux et désordonnés de certains faubourgs, j’avoue aimer les cités construites avec des éléments d’ordre et de désordre dans une lente et harmonieuse évolution. Les maisons entassées par les siècles dans le cercle des remparts, me plaisent davantage que celles parfaitement alignées dans leurs emplacements et leurs volumes. »

sa situation personnelle p.53, 94, 194, 175, 206, 216, 219, citations Platon 95, 148

il faut se rappeler qu’il écrivit ce texte lors de son incarcération qui dura 2 ans

« Mes infortunes furent celles d’un homme occupé de négoce, d’argent, de matériel… Seul l’exercice de mon métier sera porté à mon crédit… Je fus riche d’idées et j’ai gaspillé, brûlé mes dons en courant. J’envie ces artistes, peintres ou sculpteurs, qui, inlassablement, superposent l’œuvre sur l’œuvre. »

Conclusion

Cette vivante chronique de la naissance d’un chef-d’œuvre, appuyée à la fois sur des recherches historiques originales et sur une longue expérience du métier de bâtisseur, est aussi une réflexion passionnée sur les rapports du beau et du nécessaire, de l’ordre humain et de l’ordre naturel. Et elle est une méditation lyrique sur cet art qui rassemble tous les autres : l’architecture.

Pour preuve ces quelques lignes de l’auteur qui ne sont pour moi que poésie p 223

Marie-Antoinette R.