En juillet 2021, la Commission européenne, toujours en pointe, comme chacun sait, dans son combat vertueux en faveur de la préservation de l’environnement, dévoilait une série de propositions audacieuses en vue d’accélérer le mouvement en faveur d’une transition écologique rapide pour atteindre ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. La barre fixée est haute puisqu’il s’agit de réduire ces émissions de 55 % d’ici 2030, par rapport à l’année de référence 1990, l’objectif affiché étant de parvenir à la neutralité carbone d’ici à 2050.
Contrairement à ce que les mauvais esprits pourraient imaginer, l’Union européenne se situe de fait dans une trajectoire plutôt vertueuse puisque ces émissions sont effectivement en voie de décroissance. Pour l’ensemble des 27 pays de l’UE pris dans leur globalité, l’Agence européenne de l’environnement évalue à 3,38 milliards de tonnes d’équivalent CO2 les émissions produites en 2020 alors que ce volume était estimé à 4,92 milliards de tonnes en 1990, soit une baisse de 31 % d’autant plus remarquable qu’elle s’est concentrée sur les 15 dernières années et est donc dans une phase d’accélération. Entre 1990 et 2007, cette baisse globale n’était que de 8,5 % ce qui représentait en moyenne moins de 0,5 % par an. Entre 2010 et 2020, la baisse a atteint 20 % soit un rythme de décroissance nettement plus prometteur qui atteint désormais 2 % par an…
Bien entendu, tous les pays ne sont pas logés à la même enseigne. L’Allemagne reste bien évidemment, du fait de son poids démographique et de ses choix énergétique, le principal émetteur européen de gaz à effets de serre avec près de 840 millions de tonnes en 2019, mais ses émissions ont baissé de 13 % depuis 2010, ce qui est plutôt encourageant. Par comparaison et du fait de son mix énergétique très nucléarisé, la France, deuxième contributeur européen, n’a émis en 2019 que 455 millions de tonnes d’équivalent CO2 et affiche d’ailleurs une trajectoire très comparable entre 2010 et 2019.
Rapporté au nombre d’habitants, le volume des émissions françaises est plutôt flatteur avec en moyenne 6,8 tonnes de CO2 par tête de pipe, même si certains pays comme la Suède font mieux avec 5,2 tonnes de CO2 par habitant. Par comparaison, les Allemands émettent le double, avec 10,1 tonnes de CO2 par habitant et les Luxembourgeois, les cancres de la classe, en sont à 20,3 tonnes de CO2 par habitant ! Le Grand Duché ne se distingue pas seulement par ses pratiques fiscales douteuses, son système bancaire opaque, mais aussi par son empreinte écologique d’un autre âge…
Toujours est-il que, malgré cette trajectoire globale plutôt encourageante, force est de constater que l’Europe n’atteindra pas l’objectif qu’elle s’est fixé pour 2030 : si elle continue sur sa lancée, elle devrait afficher à cette date une réduction de 41 % par rapport à 1990, loin des 55 % gravés dans le marbre… C’est pourquoi la Commission européenne a décidé l’été dernier de nouvelle mesures pour accélérer le mouvement, via notamment la réforme du marché du carbone, la disparition progressive des voitures à essence d’ici 2035 ou encore la taxation du kérosène.
Il faut savoir en effet que trois-quarts de nos émissions de gaz à effet de serre sont liés à la combustion de carburants fossiles. Ainsi, plus d’un quart de ces émissions est lié au seul secteur des transports (qui atteint même 30 % du total en France). Pire encore, ce secteur est le seul qui non seulement n’a pas diminué ses émissions mais les a augmenté de 33 % depuis 1990 ! Ainsi, les émissions de CO2 issues du trafic aérien international ont doublé au cours des 20 dernières années… Même si, à l’échelle européenne, les émissions dues au transport aérien et maritime, ne représentent qu’à peine 8 % du total, force est de reconnaître que ce secteur n’a guère fait d’effort jusqu’à présent et que son développement exponentiel le place dans le collimateur. D’où les réflexions en cours pour inciter notamment les compagnies aériennes à limiter enfin leurs émissions de gaz à effet de serre.
Mais l’on apprend dans le même temps que des compagnies aériennes en sont réduites à faire voler leurs avions à vide, et ceci pour se conformer aux règles de cette même Commission européenne, lesquelles prévoient qu’une compagnie doit assurer au moins 80 % de ses créneaux d’atterrissage et de décollage, faute de les perdre la saison suivante. Avec la pandémie de Covid qui a donné un coup de frein temporaire aux déplacements internationaux, les compagnies aériennes n’ont d’autre choix, si elles veulent conserver leurs créneaux lors de la reprise d’activité, que de faire voler leurs avions à vide, comme l’armée a déjà l’habitude de le faire pour ne pas perdre ses dotations budgétaires en carburant l’année suivante !
Ainsi, la compagnie allemande Lufthansa a annoncé prévoir pas moins de 18 000 vols parfaitement inutiles, uniquement pour s’assurer le maintien de ses créneaux à l’avenir et éviter qu’ils ne soient redistribués à ses concurrents, dont les rois du low-cost, Wizzair ou Ryanair, qui lui taillent déjà des croupières. Certes, la Commission européenne a décidé d’abaisser à 50 % ce seuil déclenchant une perte des créneaux non exploités lors de l’exercice précédent, mais cela n’est pas encore suffisant et le ministre belge des transports a demandé d’abaisser encore ce seuil pour éviter 3000 vols inutiles à la compagnie Brussels Airlines.
En période de transition écologique, cela fait quand même un peu désordre de constater que le secteur le plus en retard dans ses efforts d’adaptation, et qui reste très subventionné, en est réduit à brûler ainsi du kérosène sans la moindre utilité, simplement parce que nos responsables politiques européens n’ont pas été capables de corriger à temps une mesure réglementaire susceptible de présenter des effets pervers redoutables. On vit décidément une époque formidable, mais on a encore une petite marge de progression…
L. V.