Après quelques mois de silence, le cercle de lecture Katulu ? rattaché au Cercle Progressiste Carnussien vient de sortir une nouvelle compilation de notes de lecture de ses membres qui ont servi d’échange au cours des séances de l’année 2020. De quoi retrouver ou découvrir une quinzaine d’œuvres qui ont retenu l’attention de nos amis lecteurs de Katulu ? et les ont accompagnés en période de confinement.
Retrouvez l’intégralité des notes de lecture de ces livres (katulu_62). Si vous aussi vous avez envie d’échanger en toute convivialité autour de vos derniers coups de cœur de lecteur, venez nous rejoindre pour les prochaines réunions qui se tiennent régulièrement à Carnoux-en-Provence !
Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon
Jean Paul Dubois
Cela fait deux ans que Paul Hansen purge sa peine dans la prison provinciale de Montréal, où il partage une cellule avec Horton, un Hells Angel (un ange de l’enfer : un club de motards) incarcéré pour meurtre. Paul est le fils d’un pasteur danois et d’une exploitante de cinéma d’art et d’essai à Toulouse. Ses parents dont les prises de position sociales et politiques sont radicalement différentes vont se séparer.
C’est la description de la vie en prison, dans des conditions très précaires en particulier l’hiver quand il fait très froid, les conditions de promiscuité permanente avec un autre prisonnier qu’on n’a pas choisi, mais avec qui va s’installer une reconnaissance réciproque de ces deux être humains très éloignés dans leur éducation, mais où l’estime va l’emporter.
C’est l’histoire d’une vie. Tout au long du roman, on aura une alternance entre la description de la vie de Paul dans le temps long et celle de sa vie présente en prison. On va sentir tout au long de ce récit la tension monter pour aboutir à l’inexorable, qu’on ne peut décrire sans déflorer le livre…
On y découvre un écrivain possédant au plus haut point le sens de la fraternité et animé par un sentiment de révolte à l’égard de toutes les formes d’injustice.
Un très beau livre, une écriture fluide, facile à lire, le prix Goncourt n’est pas usurpé.
Cécile
Théâtre intime
Jérome Garcin
Théâtre intime est un livre édité en 2003. C’est essentiellement, la vision de la vie de sa femme Anne-Marie Philippe, la fille de Gérard Philippe, elle-même comédienne, que Jérôme Garcin nous livre avec beaucoup de pudeur.
Le livre démarre avec la propre jeunesse de l’auteur, à la fois parisienne et rurale pendant les vacances. Il perd son père écrivain 45 ans d’une chute de cheval. Il a alors 15 ans. Sa relation à la mort va être déterminante dans sa maturité et sa relation à la littérature.
Un an après la mort de son père, il écrit à Anne Philippe pour lui dire son admiration d’un de ses livres en particulier : « Le temps d’un soupir ». Il va faire la connaissance d’Anne Marie, un jour qu’il est avec Anne et que sa fille passe en coup de vent : une apparition conquérante à la Jeanne d’Arc… Il en tombe amoureux !
C’est le partage de la vie avec une comédienne, par un admirateur amoureux. Dans le prologue, analyse du temps qui passe, de ses propres réactions vis-à-vis du théâtre, de la littérature, en fonction de ce qu’on a vécu, de ce qu’on connaît de l’intérieur, de l’envers du décor. L’analyse de l’immense différence entre lui et sa femme, l’importance du passé pour lui, celle du futur pour elle, leur complémentarité qui alimente leur amour.
Une écriture précise, légère on ne s’ennuie jamais. Un très bon livre
Cécile
Samarcande
Amin Maalouf
Dans Samarcande, (édité en 1988) l’histoire entière tourne autour du manuscrit d’Omar Khayyam un savant, poète du XI siècle. Le début de ce roman se déroule en 1072 à Samarcande, à une période où la Perse et la Turquie essaient de dominer tout le Moyen Orient, de la Méditerranée à Kaboul avec des guerres réelles ou d’influence entre les deux puissances.
Cette première moitié de l’histoire se déroule donc en Perse (aujourd’hui l’Iran) et tourne autour d’un sage, Omar Khayyam, poète mais aussi scientifique, savant en médecine, mathématiques, astronomie ou astrologie. Ces deux dernières sciences n’en font d’ailleurs qu’une : c’est dans les astres que l’on peut prévoir l’avenir pour les dirigeants des pays. Omar Khayyam est donc admis rapidement dans le cercle des dirigeants de ce pays où il règne une violence endémique. Il peut ainsi interagir avec les sultans, les vizirs, dans une région où le chiisme commence à se répandre en Perse.
Pendant plusieurs années la paix règne sur Samarcande. Omar écrit « le manuscrit de Samarcande ». La troisième et quatrième parties de ce livre racontent l’histoire de la recherche de ce manuscrit par un jeune homme franco américain : Benjamin Omar Lesage, à la fin du XIXème siècle, début XXème. C’est l’occasion pour l’auteur de décrire la situation politique de l’Iran vers 1910, avec la mise en place douloureuse d’une nouvelle constitution sous l’autorité du Shah mais avec un parlement sachant que le pays est sous la coupe de la Russie au nord et de la Grande Bretagne au sud.
Ce livre m’a beaucoup plu. J’y ai appris beaucoup de choses concernant la religion musulmane et des différences très importantes entre les sunnites, les chiites et les préceptes soit disant dictés par le prophète surtout en ce qui concerne les femmes… C’est aussi le rôle qu’ont joué les puissances occidentales pour maintenir ces pays du Moyen-Orient sous leur domination… C’est encore le cas aujourd’hui… malheureusement.
Cécile
Rien n’est noir
Claire Bérest
Claire Bérest, l’auteur, est l’arrière petite fille du peintre Francis Picabia et de Gabrielle. Elle est passionnée par Frida Kahlo. On ressent cet attachement profond entre ses lignes, d’un style coloré et captivant, l’artiste la fascine, la femme l’émeut !
Chaque page de ce livre porte le nom d’une couleur ! Bleu , rouge, jaune, noir, gris, couleurs aux multiples facettes ! Ces couleurs marquent à chaque chapitre l’idée que « Rien n’est noir » et que Frida a malgré tout l’amour de la vie et que c’est une artiste Peintre !
L’artiste est passionnante parce que marquée par une vie de souffrances et de douleurs. C’est cette vie et celle de celui qui fut son compagnon et son mari Diego Rivera, peintre muraliste, de 21 ans son aîné, que l’auteure nous conte. « Une passion brûlante les réunira… mais les dévorera aussi». Couple mythique et tumultueux dira-t-on d’eux. Magnifique roman qui m’a enchantée !
Josette J.
Miss Islande
Auöur Ava OLAFSDOTTIR
En exergue, cette phrase de Nietzsche dans Zarathoustra : « Il faut porter en soi un chaos pour pouvoir mettre au monde une étoile qui danse ». L’héroïne du roman, jeune fille d’une vingtaine d’année, a été prénommée Hekla par un père passionné de volcanologie. A sa naissance, il lui a donné le nom du volcan actif le plus proche de leur ferme isolée dans le vallon des Dalir.
Mais un jour, Hekla quitte cet isolement et part travailler à Reykjavik. Elle brûle d »assouvir sa passion de l’écriture dans la capitale riche en librairies, bibliothèques, éditeurs et poètes. Hekla trouve un engagement de serveuse au bar d’un hôtel chic. Dès qu’elle est libre, elle rentre composer sur sa vieille machine à écrire. Elle a déjà publié nouvelles et poèmes sous un nom d’emprunt et cherche maintenant un éditeur pour son dernier roman. Peine perdue, elle comprend que la dure condition féminine est un obstacle : « Les hommes naissent poètes. Ils ont à peine fait leur communion qu’ils endossent le rôle qui leur est inéluctablement assigné : être des génies. Peu importe qu’ils écrivent ou non. Tandis que les femmes se contentent de devenir pubères et d’avoir des enfants, ce qui les empêchent d’écrire. »
Qu’importe elle porte le nom d’un volcan. Elle explose de force créatrice. Alors commence une sorte de promenade dans la société de cette grande île isolée par son climat, avec des rapports humains plein d’empathie, de discrétion ou de réserve.
Roselyne
L’Obsession Vinci
Sophie Chauveau
L’Année 2019 est l’année du quintuple centenaire de l’anniversaire de la mort de Léonard de Vinci : 15 Avril 1452 – 02 Mai 1519. « Peintre inventeur, ingénieur scientifique, humaniste, philosophe, il est pour beaucoup un esprit universel qui fascine encore cinq cents ans plus tard. Au passage du quinzième siècle au seizième, il illustre, et parfois incarne, la Renaissance, avec ses avancées dans le domaine artistique mais aussi dans les sciences et, avant tout, dans l’approche scientifique ».
Cette biographie raconte donc la vie de Léonard de Vinci , parfois mal connue mais bénéficiant d’une grande renommée du fait de son tableau « La Joconde » que les Français sont fiers de détenir. Il est également reconnu pour ses découvertes scientifiques, son ingéniosité. L’auteure s’interroge : « Qui est véritablement Léonard de Vinci? » Un homme qui ne s’est jamais contraint en rien, poursuivi par le syndrome de l’échec alors même qu’il était considéré comme un génie par ses contemporains. Il n’a eu qu’une patrie « son art ».
Ce livre m’a permis de mieux le connaître, de savoir qui il était, son époque, l’histoire de l’Italie et de la France qui l’accueille au bout de sa vie grâce à François 1er le mécène qu’il a enfin trouvé ! Une vie royale lui a été offerte, le château de Lucé, il y meurt et il sera enterré… Sans nom, juste des mots tracés « ET CAETERA » signifiant l’espoir infini chevillé au cœur !
Josette J.
Les Idéaux
Aurélie Filippetti
Un pavé de près de 500 pages au titre court, Les Idéaux, Ce mot avait été au cœur de la lettre de démission de l’auteure, envoyée à François Hollande et Manuel Valls, au lendemain de l’éviction d’Arnaud Montebourg qui partageait alors sa vie. Sur papier à en-tête du ministère, elle avait expliqué que « l’alternative » n’était pas « entre la loyauté et le départ ». « Il y a un devoir de solidarité mais il y a aussi un devoir de responsabilité vis-à-vis de ceux qui nous ont fait ce que nous sommes, poursuivait-elle. Je choisis pour ma part la loyauté à mes idéaux. » La missive, en date du 25 août 2014, se terminait par un « bien à toi » manuscrit, comme solde de tout compte avec « Manuel » et « François ».
Aurélie Filipetti revient au roman pour raconter une histoire d’amour entre un homme de droite et une femme de gauche. Entre convictions, combats et désillusions. Une fois oublié l’aspect secondaire du petit jeu des personnages réels cachés derrière les protagonistes, il faut d’abord lire cet roman comme un témoignage, un compte-rendu détaillé et vécu des rouages du pouvoir, car on ne peut dissocier la ministre de la culture de la romancière.
Il faut lire ces pages qui racontent le quotidien, la confrontation avec les fonctionnaires des cabinets ministériels pour comprendre ce qu’est l’usure du pouvoir. Et trouver entre les lignes quelles souffrances peuvent endurer celles et ceux qui entendent ne pas renier leurs idéaux, fut-ce au prix d’une demi-victoire. En saluant la romancière, on ne peut toutefois s’empêcher de lire entre les lignes le constat d’un grand gâchis.
Josette J
Le silence de la mer
Vercors
Le Silence de la mer est une nouvelle de Vercors (pseudonyme de Jean Bruller), publiée clandestinement aux Éditions de Minuit en février 1942, devenue depuis un ouvrage « classique », qui aborde des thèmes centraux comme la vie ou la guerre. Vercors, son nom de résistant, restera son nom d’écrivain.
En 1941, au début de l’Occupation, un officier allemand, réquisitionne la maison d’une famille comprenant un homme âgé et sa nièce. C’est un homme, musicien, très cultivé, épris de culture française. À travers des monologues prônant le rapprochement des peuples et la fraternité, il tente, sans succès, de rompre le mutisme de ses hôtes dont le patriotisme ne peut s’exprimer que par ce silence actif qu’il admire d’ailleurs. Ses monologues seront des déclarations d’amour à la France et à la jeune fille de la maison, dans un langage admirable.
Sous le mutisme se développent des sentiments qui ne pourront jamais s’exprimer mais la prise de conscience que l’idée de rapprochement des peuples sont à l’opposé de la mission de l’armée hitlérienne en France.
Une nouvelle à remettre dans le contexte de la défaite de 1940. Le peuple français faisait ce qu’il pouvait pour manifester la résistance à cette situation, avec des soldats allemands qui n’avaient pas tous une position nazie. D’où mélange de méfiance et d’admiration éventuellement d’amour.
Une écriture superbe.
Le pays des autres
Leila Slimani
Ce roman retrace la vie des grands parents maternels de l’auteur. L’histoire de 10 ans de la vie d’un couple : l’homme est arabe musulman, la femme est alsacienne catholique ; ils se rencontrent pendant la guerre en 1944 en Alsace, ils s’aiment, se marient et viennent s’installer au Maroc dans une ferme où tout est à faire.
Mathilde ne tarde pas à déchanter de cette vie rude, sans argent, sans le confort qu’elle avait connu dans sa famille et de la relation avec Amine son mari qui l’aime, mais qui regrette qu’elle n’ait pas l’attitude de soumission de la femme marocaine.
Mathilde va trouver une alliée dans sa petite belle sœur, plus jeune que ses frères ; Selma enseignait à Mathilde les rites, les traditions, les formules de politesse…l’art de faire semblant et celui de se tenir tranquille.
Le livre est une suite d’incompréhensions entre Mathilde et son mari. Mathilde se sent piégée dans ce pays qui n’est pas le sien. Elle ne se sent pas de la communauté des colons ni celle des indigènes. Mathilde va perdre son père et retourne un mois en Alsace. Elle se pose la question de repartir ou pas… mais sa place n’est plus là. « à présent qu’aucun retour en arrière n’était possible, elle se sentait forte. Forte de ne pas être libre… comme le vers d’Andromaque : je me livre en aveugle au destin qui m’entraîne »
Un livre attachant, qui décrit cette difficulté de partager une vie dans un couple où tout est différent : la culture, l’éducation, les préjugés. Comment alors se sentir autrement qu’étranger dans le pays des autres.
Une écriture fluide, facile à lire, accrocheuse pas facile de lâcher le livre. Je le conseille.
Cécile
Le Japon n’existe pas
Alberto Torres-Blandina
traduit de l’espagnol par François Gaudry.
Un balayeur a fait presque toute sa carrière dans un grand aéroport et fait part de ses observations sur la vie, ses rencontres vraies ou imaginaires, sa philosophie d’une existence de pousseur de balai dans un milieu remuant et hors norme puisque en mouvement perpétuel.
Pour lui, le Japon n’est qu’un affichage sur écran lumineux… les autres pays aussi.
Chaque chapitre forme une nouvelle jolie, jolie, jolie.
Bas la place y’a personne
Dolores Prato (1892-1983)
Il s’agit d’un récit d’enfance d’une petite fille – 890 pages.
Sa mère, aristocratie piémontaise, mère de quatre enfants, donne naissance à un bébé, issu de sa liaison avec un avocat napolitain.
Pour dissimuler l’erreur, l’enfant est confié à un cousin ecclésiastique et à sa sœur, célibataire, habitant à Treja, antique village fortifié de la région de Lorette.
» Je suis née sous une table » dit la toute petite fille, comptant les miettes de pain à l’abri du lourd nappage tombant d’une grande table. Son enfance et son adolescence décrivent la pieuse Italie à l’époque charnière de l’Unité où la loi du prince honnis Victor Emmanuel se substitue à l’autorité de Rome.
Un style remarquable de nouveauté pour l’époque.
Nous habitons la Terre
Christiane Taubira
Édition Philippe Rey, 2017
Dans une écriture remarquable, l’ancienne Garde des sceaux s’indigne des inégalités et trace une voie d’espérance pour l’humanité sur une Terre refondée.
Roselyne
Le bal des folles
Victoria MAS
L’auteure raconte sa fascination, au cours de recherches historiques, pour l’hospice de la Salpêtrière. Sous Louis XIII, ce lieu de traitement du salpêtre, la poudre noire ou poudre à canon, était un arsenal militaire. En 1656, Louis XIV ordonna sa transformation en hôpital pour les pauvres. On en fit surtout le lieu enfermement des clochardes et des putains. Par extensions successives, il devint le lieu de traitement des maladies nerveuses, épileptiques, hystériques, et hypnotiques pour femmes.
Victoria Mas choisit de situer l’action de son roman en 1887. La Salpêtrière est alors dirigée par le professeur Jean-Martin Charcot, futur père de l’océanographe Jean-Bernard Charcot.
La description est soutenue par l’histoire romanesque d’Eugénie Cléry dont le père, un notaire rigoureux, ne supporte pas le don de médium. Elle est donc enfermée subrepticement à la Salpêtrière d’où elle s’évadera, profitant de la complicité de la surveillante générale, le jour du Bal des Folles.
Le bal des folles fut une distraction très parisienne qui permettait à des notables triés sur le volet d’assister à la soirée déguisée donnée pour la distraction des recluses et des malades.
Condition des femmes, travail des femmes, traitement des maladies mentales, suprématie virile du monde médical. La médecine psychiatrique à ses débuts ne s’encombre pas de délicatesse envers les patientes !
Frisson d’horreur et de pitié… Dur à entamer… passionnant à poursuivre…apaisant à terminer.
Roselyne
Je suis Pilgrim
Terry HAYES
Prix des lecteurs policier du livre de poche
Nous sommes peu après les attentats du 11 septembre 2001. Dans un hôtel sordide de Manhattan, une jeune femme est assassinée dans des conditions très particulières. « Aucune empreinte » constate Pilgrim qui a été enlevé par ses anciens collègues et emmené là pour des raisons bien précises. Démissionne-t-on jamais des services secrets ! ?
Il est donc chargé de l’enquête qui l’emmènera en Turquie, en Grèce, en Arabie Saoudite sur la trace d’un homme qui vit la rage au cœur… il est le Sarrasin, disciple de Ben Laden. La traque passera par la Syrie, l’Allemagne et retour en Amérique.
Pilgrim nous emmène dans ses bagages, avec ce roman qui nous tient en haleine en nous racontant en 900 pages, par bribes, les vies de l’agent secret, du Sarrasin, d’un héros du 11 septembre et bien d’autres personnages tous intéressants.
J’ai pris beaucoup de plaisir à lire ce pavé au style fluide qui met en scène des personnes et des situations dont je pense qu’ils ne sont pas si fictifs qu’on pourrait le croire.
Josette M.
Encre Sympathique
Patrick MODIANO
Un jeune homme de vingt ans débute dans l’agence de détectives Hutte. Une première enquête le met sur la piste « d’une certaine Noëlle Lefèbvre. » Son seul point de départ est une carte de poste restante, avec nom; adresse et photo. Dans le bar en face du domicile de la disparue, il fait la connaissance de Gérard Mourade, jeune comédien étonné aussi de la disparition de Noëlle qui est une copine. Ensemble, ils visitent l’appartement abandonné où le narrateur subtilise un agenda oublié. « Ecrire noir sur blanc les paroles échangées »… c’est fait pour cela un calepin.
Les années passent. « Il y a des blancs dans une vie. » Notre narrateur a dix ans de plus, il a fait d’autres choses, mais, le hasard d’une lecture chez son coiffeur lui remet en mémoire le comédien. Il hésite, puis reprend la piste… Et dans son esprit, les images s’organisent avec les connaissances retrouvées de Noëlle.
Le flou, toujours le flou des souvenirs qui apparaissent soudain, comme une encre sympathique bleutée peut se révéler sur une feuille jaunie retrouvée… un jour. Ceci l’amène à Rome, dans la Galerie d’art « Gaspard de la nuit » où une femme apporte son éclairage sur cette histoire à moitié effacée… Demain, il dîne avec elle.
Est-ce enfin un début de roman? Car nous avons compris que ce livre est simplement une recherche élémentaire, un long synopsis, une réflexion sur l’échafaudage d’un ouvrage littéraire, s’écrivant avec brio, au fil des jours, « noir sur blanc », dans la tête de Patrick Modiano. »cela me permettra peut-être de mieux me comprendre moi-même »…
Roselyne
SEIOBO est descendue sur terre
Làszlo Krasznaorkai
Si SEIOBO, qui est une déesse, est descendue sur terre, vous pouvez, vous lecteurs lire ce livre sans désespérer. Pourtant si l’auteur à travers ses œuvres exprime par petites touches de la mélancolie il reste avant tout un conteur singulier au style dépaysant, aux accents analytiques, philosophiques, mystiques et poétiques.
Dans ce livre, l’auteur parle de notre tragédie d’homme mais en la parant des beaux habits traditionnels et des masques de l’art, sous toutes ses formes : Théâtre, Peinture, Sculpture, Écriture, Chants.
L’auteur ne se lamente pas il se contente de nous bercer et de nous plonger dans une douce mélancolie et nous fondre dans une forme de sublime résistance. Il établit l’universalité des cultures. Il cite toutes les cultures indiennes, perse, chinoise, égyptienne, arabe. Il plaide par là la non hiérarchie, la non hégémonie, la tolérance absolue à l’ouverture.
Il interroge notre quête de l’art, notre aspiration au divin. L’art c’est une quête de perfection, une méticulosité, une discipline qui conduit à la fusion parfaite du réel et de l’imaginaire. Il reste cependant au-dessus du rationnel et de la logique « l’imaginaire devance la pensée ». La beauté restera toujours « secrète dans son essence » même si « révélée dans son apparence ». L’art est mystique, transcendance.
Krasznaorkai en faisant l’éloge des rituels, des cérémonies, des traditions perpétuées, en magnifiant nos liens secrets avec la nature parle à notre sens de la fragilité, à notre humilité devant le grand TOUT. Il nous oblige à partager ce secret de temporalité « qui ne va ni en avant, ni en arrière mais tourbillonne dans nulle part ».
Et même si ce monde a un fin, même si l’art reflète un monde disparu SEIOBO est descendue sur terre et « un instant peut contenir tant de choses »
Nicole
Sapiens face à Sapiens
la splendide et tragique histoire de l’humanité
Pascal Picq
Pascal Picq paléoanthropologue, spécialiste du comportement des primates et de l’évolution humaine, revient aux origines de l’humanité pour expliquer les mutations actuelles. Il retrace l’histoire de Sapiens afin de nous montrer que l’humanité est dépendante de la biologie, des choix techniques et culturels de ses lointains ancêtres.
Une histoire longuement développée depuis l’émergence des vrais hommes située entre les premiers hominidés et l’apparition de Sapiens entre 500 000 et 300 000 ans en passant par l’Homo Erectus, la première espèce capable de façonner sa propre niche écologique et de s’adapter à tous les écosystèmes terrestres.
Les Erectus, selon les analyses phylogénétiques, se seraient divisés : les Sapiens vers 800 000 ans, en Afrique et Proche-Orient puis vers 400 000 ans, les Néandertaliens en Europe et les Dénisoviens en Asie occidentale. A partir de ce constat d’une pluralité d’espèces dans le passé, comment expliquer qu’une seule ait survécu ? Il s’est écoulé plusieurs millions d’années entre Erectus et les premières espèces de Sapiens alors qu’il n’y a eu que quelques millénaires entre les premières agricultures et les premiers empires.
En retraçant la surprenante épopée de Sapiens, Pascal Picq a voulu souligner le poids de l’évolution naturelle puis celle de la culture qui se sont combinées dans un phénomène complexe de coévolution afin de balayer toute vision progressiste et téléologique de l’histoire de l’humanité. Selon lui, l’humanité a pris un tournant. Tout ce qui a fait le succès de la lignée humaine à savoir sa sexualité, sa mobilité et sa curiosité, est aujourd’hui menacé par la ville et le numérique. Ainsi, pour la première fois dans son histoire, Sapiens est menacé par sa propre évolution.
Il conclut qu’au-delà de la résilience de chaque société et de l’espèce humaine en général, c’est la capacité à remettre en cause l’idéologie du progrès et du solutionnisme qui demeurera la clé pour inventer, changer de paradigme et inventer une nouvelle humanité…
Antoinette M.