La guerre est donc de nouveau à nos portes depuis le jeudi 24 février 2022 au petit matin, lorsque le président russe, Vladimir Poutine, a annoncé au monde entier, médusé, avoir lancé une « opération militaire spéciale » destinée à « démilitariser et dénazifier l’Ukraine ». Une opération militaire tellement spéciale que certains considèrent qu’il s’agit probablement du plus important conflit armé en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Dès le premier jour du conflit, des milliers d’Ukrainiens se sont jetés sur les routes pour tenter de fuir le théâtre des opérations, tandis que le chef de l’État ukrainien décrétait la mobilisation générale, empêchant les hommes de 18 à 60 ans de quitter le territoire et distribuant même des armes à la population pour tenter de s’opposer par tous les moyens à l’avancée des chars russes.
Certes, on se doutait depuis plusieurs mois déjà que ce conflit ne risquait pas de s’apaiser du jour au lendemain, malgré tous les efforts diplomatiques déployés. L’affaire remonte en réalité à 2004. Jusque-là, l’Ukraine était resté dans la sphère d’influence de l’empire soviétique et avait été l’un des membres fondateurs de la Communauté des États indépendants lors de sa création en 1991. En 2004, la Révolution orange fait déjà apparaître une scission profonde entre la partie occidentale du pays, de plus en plus pro-européenne, et sa partie orientale restée très russophile.
Fin novembre 2013, la foule manifeste à Kiev, sur la place Maïdan, suite au refus du président pro-russe, Viktor Ianoukovytch, de conclure un traité d’association avec l’Europe. En février 2014, les affrontements font plus de 80 morts mais aboutissent à la fuite du président. C’en est trop pour la Russie de Poutine qui organise le rattachement de la péninsule de Crimée à la Russie, après un référendum, tandis qu’elle soutient quasi ouvertement les mouvements séparatistes qui éclatent alors dans les provinces orientales du pays, dans les Oblasts de Donetz et de Lougansk. Une véritable guerre civile fait depuis rage dans cette région du Donbass, qui aurait déjà fait plus de 10 000 morts et provoqué le déplacement d’environ 1,5 millions de personnes.
Et voilà que le 21 février 2022, Vladimir Poutine reconnaît officiellement les républiques autoproclamées du Donetz et de Lougansk, multipliant les provocations et les cyber-attaques pour tenter de déstabiliser au maximum le président ukrainien, l’ancien comédien et humoriste Volodymyr Zelensky, élu en 2019 face au président sortant Porochenko, affaibli par cinq années de guerre et un haut niveau de corruption.
Malgré une gestion plutôt habile de la situation par les Américains qui ont tout fait pour désamorcer les pièges que les Russes cherchaient à monter pour créer un prétexte à l’invasion, Vladimir Poutine a donc fini par lancer à l’assaut les dizaines de milliers de soldats massés depuis des semaines à la frontière du pays, après avoir évoqué un véritable « génocide » imaginaire dont seraient victimes les populations pro-russes du Donbass. L’invasion a été massive et brutale, lancée simultanément par voies terrestres, maritimes et aériennes, depuis la Crimée, au sud, en de nombreux points de la frontière russe à l’est, mais aussi depuis la Biélorussie, au nord, laquelle appuie militairement la Russie dans cette aventure, de même que la Tchétchénie d’ailleurs.
Les attaques russes se sont concentrées sur les systèmes de défense anti-aérienne et les infrastructures militaires, se rendant maîtres dès le premier jour de l’aéroport international de Hostomel, pourtant âprement défendu par l’armée ukrainienne et d’où des commandos russes sont partis à l’assaut de la capitale Kiev , toute proche. Dans le nord du pays, la centrale nucléaire de Tchernobyl et sa zone d’exclusion radioactive de triste mémoire, ont été également rapidement conquises par l’armée russe. Plusieurs missiles ont touché des immeubles d’habitations, y compris à Kiev où un couvre-feu a dû être instauré dès le 26 février au soir.
Le président Zelensky tente d’organiser la défense de son pays mais se sent bien seul face au rouleau compresseur des chars russes. Des livraisons d’armes défensives ont bien été organisées par les Américains et certains pays européens, dont la France. Mais il n’existe pas de traité permettant d’accorder une aide militaire à l’Ukraine en cas d’invasion. C’était d’ailleurs justement l’objet d’une éventuelle adhésion à l’OTAN, éventualité qui a précisément mis le feu aux poudres et déclenché l’ire de Vladimir Poutine, lequel ne cherche même plus à faire bonne figure en traitant ouvertement l’entourage du président ukrainien de « néonazis » et de « drogués »…
Que faire alors, face à une agression aussi brutale d’un pays européen qui se trouve à nos portes ? De nombreuses sanctions économiques ont bien été mises en place, voire renforcées à cette occasion. Il est question de bloquer les transactions bancaires avec la Russie. Mais tout le monde s’accorde à reconnaître que leur effet reste limité, surtout à court terme. Les populations sont souvent les premières à en souffrir et un régime autoritaire comme celui de Poutine saura jouer à merveille d’un tel blocus pour renforcer l’esprit nationaliste déjà fortement cultivé. Et à long terme, on sait déjà que la Chine se fera un plaisir d’offrir un coup de main pour pallier l’approvisionnement en produits et services qui pourraient faire défaut…
Bien entendu, ce n’est pas une raison pour ne rien faire, voire critiquer ces sanctions économiques par peur des effets néfastes qu’elles pourraient avoir en retour sur notre approvisionnement en gaz ou notre pouvoir d’achat, comme certains responsables politiques français se sont laissé aller à le faire… A défaut de se mobiliser militairement pour aller prêter main forte aux Ukrainiens assiégés, on peut au moins se serrer un peu la ceinture par solidarité, en espérant qu’un comportement aussi brutal et irresponsable de la part de Vladimir Poutine, finira par se retourner contre lui…
L. V.