Greenpeace vient de lancer un beau pavé dans la mare en dévoilant que le coût de l’électricité produite par le futur réacteur nucléaire de Flamanville, fleuron (encore en chantier) de la filière nucléaire française, sera plus élevé que celui de l’électricité produite par voie éolienne !
Après des décennies de discours lénifiant expliquant doctement que la France dispose, grâce à sa filière nucléaire, de l’électricité la moins chère du monde et que jamais une source d’énergie renouvelable ne pourrait être compétitive sur le strict plan économique, voilà qui remet en cause bien des idées reçues et qui mérite peut-être qu’on y regarde de plus près !
L’EPR en construction par EDF à Flamanville (Manche) depuis fin 2007 correspond à une nouvelle génération par rapport aux 58 réacteurs nucléaires à eau pressurisée déjà en service en France. Sa puissance (1650 MW) sera supérieure, mais la technologie de base reste la même. Ce n’est même pas le premier prototype du genre puisque AREVA est engagée sur un chantier du même type en Finlande depuis mi-2007 et que deux autres réacteurs comparables sont en construction en Chine, dans le cadre d’un partenariat avec EDF et AREVA.
Mais, comme en Finlande, le chantier de Flamanville a pris du retard et coûtera beaucoup plus cher que prévu. Selon les prévisions de 2005, le réacteur devait entrer en service début 2012 pour un coût total évalué à 3,3 milliards d’euros. Après 4 ans et demi de chantier et de nombreux déboires, EDF estime désormais que le réacteur ne sera pas opérationnel avant 2016, tandis que le montant de la facture a été réévalué à 8,5 milliards d’euros ! Pareille dérive est pour le moins inquiétante quant à l’état actuel de fiabilité de notre fameuse « filière nucléaire française » qui avait accompli des exploits dans les années 1970-80 mais qui semble avoir bien du mal à se maintenir à flots…
Certes, les exigences réglementaires en matière de sécurité se sont renforcées depuis, ne serait-ce que pour tirer les enseignements de la catastrophe de Fukushima. Mais les retards et les surcoûts s’expliquent surtout par de nombreuses malfaçons détectées en cours d’exécution, ce qui est moins rassurant. D’autant que, pendant ce temps, le chantier des deux réacteurs de Taïshan en Chine avance à grands pas et sans le moindre retard sur le planning prévisionnel ! Commencé fin 2008, bien après donc ceux de Finlande et de Flamanville, le réacteur EPR Taïshan 1 est déjà équipé de sa cuve et devrait entrer en service dès 2013 tandis que son jumeau sera en activité à partir de 2014. Un véritable camouflet donc pour la filière nucléaire française et ses velléités d’exportation, mais aussi, au-delà, pour la réputation de notre pays en matière de conduite de projets industriels.
En tout cas, l’incidence sur le coût de l’électricité produite est bien réelle et les chiffres avancés par Greenpeace ne sont pas contestés. En avril 2012, un rapport de la Cour des Comptes annonçait déjà un coût de 70 à 90 € pour chaque mégawattheure produit par le futur EPR (en intégrant les coûts de démantèlement, sur la base d’une durée de vie de 60 ans). Mais à cette date, le coût du chantier de Flamanville était encore évalué à 6 milliards d’euros, contre 8,5 actuellement ! Le coût calculé par Greenpeace est désormais de 100 €/MWh, ce qui le place effectivement au dessus de celui de l’électricité produite par une éolienne terrestre (évalué entre 70 et 75 €/MWh, l’éolien off-shore étant en revanche nettement plus coûteux à ce jour). Par rapport au chiffre retenu jusqu’à présent par la Commission de régulation de l’énergie, le coût moyen de l’électricité produite par la filière nucléaire passera ainsi de 42 à 69 €/MWh, ce qui laisse augurer de belles augmentations de tarif à court terme…
A se demander même pourquoi certains continuent à utiliser l’électricité pour l’eau chaude sanitaire alors que les chauffe-eau solaires sont depuis longtemps déjà très compétitifs ! C’est en tout cas un élément capital dans le débat actuel sur la transition énergétique qui vise à faire passer d’ici 2015 la part du nucléaire dans la production d’électricité française de 75 à 50 %. La part de l’éolien devrait s’en trouver naturellement renforcée, mais aussi celle des centrales électriques à cycle combiné gaz, associant turbine à gaz et turbine à vapeur, ce qui autorise un meilleur rendement énergétique et de moindres impacts sur l’environnement.
Le paysage énergétique français est donc bien en voie de mutation rapide…
L.V.
Étiquettes : Economie, Energie, Environnement, Idée reçue, nucléaire, Sciences
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