Archive for juillet 2023

Quand la presse parodie la presse…

31 juillet 2023

Les pastiches littéraires ont longtemps eu bonne presse, bien des auteurs se délectant d’écrire, à la manière d’illustres écrivains reconnus, des textes qui n’ont rien à voir avec les œuvres initiales mais dont on retrouve la patte. Certains auteurs tels Paul Reboux s’en sont fait une spécialité, écrivant à la manière de Victor Hugo, de Guy de Maupassant ou de Marcel Proust (qui lui-même se délecta à parodier les frères Goncourt). Les Oulipiens s’en sont notamment régalés, tels Raymond Queneau dans ses Exercices de style, ou Hervé Le Tellier, avec son célèbre Joconde jusqu’à cent, suivi de Joconde sur votre indulgence… La pratique du pastiche littéraire est même devenue un exercice scolaire très prisé de nombreux enseignants tant elle incite à s’imprégner d’un style d’un auteur.

Bandeau d’annonce de l’exposition en cours à la bibliothèque François Mitterrand (source © BNF)

Mais une exposition actuellement en cours à la Bibliothèque de France et intitulée Pastiches de presse, ouverte jusqu’au 29 octobre 2023 en accès libre, montre que l’exercice est loin de se limiter au monde littéraire. La presse elle-même a fait l’objet d’innombrables pastiches souvent parodiques et généralement à usage humoristique, et ceci depuis bien longtemps déjà. Le Journal des refroidis, un magazine qui s’adresse aux morts, date de 1877, tandis que l’Anti-concierge, « l’organe officiel de la défense des locataires » est lancé en 1881, selon le format des journaux de l’époque, seul le contenu parodique voire satirique, indiquant la volonté de faire rire plutôt que d’informer.

Extrait d’un numéro du Journal des refroidis, pour les amateurs d’humour macabre (source © Gallica / BNF)

Les grands titres de la presse ont presque tous fait ainsi l’objet d’un détournement de sens. Dès 1923, le journal La Croix voit fleurir un concurrent au nom de La Croax, tandis que le Figaro inspire en 1974 la sortie du Livaro et que Libération incite en 1985 à la sortie de Laberration… Ce dernier est d’ailleurs toujours consultable en ligne et propose « un regard parodique sur l’économie et le management, mais pas que… ». Les lecteurs de la région PACA y apprendront ainsi avec intérêt que « une réunion extraordinaire du conseil régional de Provence Côte d’Azur a permis de voter à l’unanimité la possibilité, pour les habitants de la région, d’acheter des véhicules dépourvus de clignotants. En effet, d’après les statistiques officielles établies par le CONAR (Centre Opérationnel National d’Analyse Routière), le clignotant n’est plus utilisé que par 0,45986 % des automobilistes de la région PACA »…

Un exemple d’information décalée de Corse Machin (source © Facebook / Corse Machin)

Citons aussi l’Os à moelle, le journal satirique lancé en 1938 par Pierre Dac, avec ses brèves déjantées et ses fausses publicités, dont s’inspirera plus tard Hara-Kiri notamment. Lancé en 1960, ce dernier a intégré dans certains de ses numéros une rubrique intitulée « L’atelier du faux », rassemblant des parodies de journaux connus de l’époque, se moquant allégrement de la presse à scandale comme des actualités politiques, de la presse féminine ou de l’actualité sportive.

Dans les années 1980, le groupe humoristique des Jalons, fondé par Bruno Tellenne (alias Basile de Koch) et ses frères Marc (alias Karl Zéro) et Éric (Raoul Rabut), ainsi que sa femme Virginie (Frigide Barjot) et sa belle-sœur (dite Daisy D’Errata), lance à son tour la publication de pastiches de titres célèbre, dont Le Monstre, qui parodie à s’y méprendre un numéro du Monde et qui est vendu en kiosque comme bien d’autres numéros parodiques du groupe. Même l’hebdomadaire satirique bien connu, le Canard enchaîné a été parodié par un pastiche titré le Cafard acharné.

La une du Cafard acharné de février-mars 1994, parodie du célèbre Canard enchaîné, à l’époque d’un certain Édouard Balladur… (source © BNF)
Le Gorafi, un support parodique dont il ne faut pas prendre toutes les informations au pied de la lettre… (source © Gorafi)

Et la veine est bien loin de se tarir avec le développement d’internet et des outils numériques qui permettent désormais très facilement de produire rapidement et de diffuser très largement des pastiches de qualité, d’où l’explosion du genre. On ne compte plus les sites parodiques de pseudo information qui se sont ainsi créés, à l’image du Gorafi qui se fait ainsi l’écho, en date du 25 juillet 2023, d’un projet audacieux de la Région PACA (encore elle !) qui envisage d’équiper de dispositifs d’auto-tune près de 400 000 cigales munies de micros reliés à des enceintes et des projecteurs full-LED, une initiative  « qui fait aujourd’hui polémique chez les riverains et les défenseurs de la cause animale » mais que le député Jean-Marc Zulesi défend ainsi : « Depuis toujours, les cigales empêchent les gens de dormir. Là, ce sera toujours le cas, mais en attirant des gens qui ne voudront pas se coucher » : un beau projet artistique en perspective en effet !

Du coup, on assiste désormais à un véritable foisonnement en matière de pastiche de presse. Le monde sportif n’en est pas exempt avec la création de la Fédération Française de la Lose qui met en valeur le rapport particulier de notre nation à la défaite, suivie en 2021 par l’Iquipe, pastiche du célèbre journal sportif de référence.

A la une de l’Iquipe du 7 avril 2023 : avant le départ du Tour de France, le peloton testé négatif … au Covid (copie d’écran © L’Iquipe)

Mais la presse régionale n’est pas en reste avec des titres comme Le Courrier Briard, centré sur l’actualité de Seine-et-Marne, présentée sous un angle aussi décalé que satirique et dans lequel le fameux Brie de Meaux prend une importance toute particulière…

Quelques unes de Corse Machin (source © Corse Machin / Tipee)

Mention spéciale aussi pour le titre Corse Machin, lancé en 2015 et rapidement devenu le site régional le plus suivi de l’île malgré (ou grâce à ?) ses titres à l’emporte-pièce, ses publicités détournées et ses analyses totalement loufoques. Un succès qui démontre au moins que les Français ont de l’humour et sont capables d’autodérision même si les témoignages recueillis à l’occasion de cette exposition très fouillée en cours à la Bibliothèque Nationale de France indiquent que nombre de lecteurs de cette presse parodique se font facilement prendre au piège et réagissent vigoureusement pour avoir pris au premier degré les « informations » qui y figurent. Distraire et informer tout en développant l’esprit critique, un noble objectif, tout compte fait, pour ces multiples initiatives de pastiches de presse…

L. V.

Politique fiction : Marianne s’amuse…

29 juillet 2023

C’est l’été, chacun ne pense plus qu’à la plage et les journalistes politiques s’ennuient… Le gouvernement vient d’être (un peu) remanié, après avoir tant bien que mal tourné la page de la houleuse réforme des retraites, au terme de 100 jours qui ne resteront assurément pas dans l’Histoire de France. Élisabeth Borne a réussi à sauver de justesse son poste de Premier ministre, faute de mieux probablement, tandis que les principaux poids lourds du gouvernement restent indéboulonnables.

Le nouveau gouvernement dans les jardins de Matignon le 24 juillet 2023, en l’absence néanmoins de Gérald Darmanin, Bruno Le Maire, Catherine Colonna ou encore Sébastien Lecornu, tous en Nouvelle-Calédonie avec le Président de la République  (© compte Twitter Elisabeth Borne)

Bruno Le Maire a beau se distinguer par sa passion irrépressible pour la publication en rafales de romans dont les passages érotiques émoustillent la France entière, il reste fidèle à son poste depuis 6 ans maintenant, malgré un bilan économique plutôt calamiteux, ayant creusé la dette comme jamais, après avoir supprimé l’Impôt sur la fortune puis renoncé à la taxe carbone suite à la révolte des Gilets jaunes, avant d’ouvrir en grand les vannes pendant la crise du Covid sans pour autant amorcer la moindre réindustrialisation du pays.

Quant à son grand rival de droite, Gérald Darmanin, qui se serait bien vu à Matignon, il s’enfonce dans sa politique de soutien inconditionnel aux forces de l’ordre dont il pardonne toutes les bavures, renforçant jour après jour la défiance généralisée qui s’installe chez une part croissante de la population, vis-à-vis du pouvoir mais aussi de nos institutions républicaines elles-mêmes…

Bruno Le Maire, Emmanuel Macron et Gérald Darmanin (photo © AFP / RTL)

Alors, certains s’amusent à imaginer des scénarios de politique fiction qui, reconnaissons-le, ne manquent pas de sel et permettent, à défaut de suivre une actualité politique peu palpitante en cette période estivale, de faire sourire les citoyens en vacances.

Citons notamment dans cette veine, les excellentes chroniques d’été que publie depuis la mi-juillet l’écrivain David Desgouilles dans l’hebdomadaire Marianne. Tombé très jeune dans la marmite politique où il est attiré par la figure du gaulliste Philipe Séguin, il s’était fait connaître par son premier roman uchronique intitulé Le bruit de la douche, publié en 2015, dans lequel il imaginait que Dominique Strauss-Kahn n’avait pas croisé le chemin d’une certaine Nafissatou Diallo, femme de chambre du Sofitel de New-York, ce fameux 14 mai 2011, et qu’il avait donc entrepris dans la foulée la campagne électorale qui devait assez naturellement le conduire un an plus tard à l’Élysée, avec sa conseillère spéciale, une certaine Anne-Sophie Myotte, souverainiste franc-comtoise, véritable héroïne du roman et alter égo évident de l’auteur.

Car David Desgouilles est un souverainiste pur sucre. Son dernier ouvrage, paru en 2019 sous le titre Leurs guerres perdues, n’est autre que le récit des désillusions successives de trois militants, ballotés de meetings en universités d’été, entre deux élections et de multiples trahisons, sur cette période de 1988 à 2017 qui voit les souverainistes, de Philippe Seguin à Jean-Pierre Chevènement, se déchirer et perdre peu à peu pied face au rouleau compresseur de l’intégration européenne et de la mondialisation. Une analyse très fine de 30 ans de politique française racontée de manière romanesque par ce nouveau Balzac, très bon connaisseur des arcanes du pouvoir.

L’auteur et chroniqueur David Desgouilles (photo © Hannah Assouline / Causeur)

Un talent qu’il met à profit pour raconter, dans les numéros d’été de Marianne, de savoureuses nouvelles dans lesquelles il imagine comment Emmanuel Macron pourrait envisager de conserver le pouvoir au-delà de 2027 puisque chacun sait que la Constitution lui interdit de se représenter pour un troisième mandat consécutif. On ne dévoilera pas le détail des scénarios les plus rocambolesques concoctés par David Desgouilles, d’autant qu’à ce jour seuls les trois premiers épisodes ont été publiés, mais on ne résistera pas au plaisir d’évoquer au moins le premier, à titre d’amuse-gueule…

Intitulé Le Gendre, idéal, cette première nouvelle reprend à son compte l’idée de La Chèvre, le film de Francis Veber, qui met en scène un Pierre Richard d’apparence aussi stupide et maladroit que malchanceux, mais qui trompe son monde et s’avère plus efficace que l’expert affuté et compétent qui le chaperonne. Cherchant vainement quel candidat de son camp adouber pour poursuivre son œuvre en 2027, alors que tous les prétendants se poussent du col et s’entredéchirent, Emmanuel Macron choisit donc « le plus con »… Son fidèle secrétaire général, Alexis Kohler, entretient le suspens pendant des mois autour de ce « Monsieur ou Madame X », faisant monter sa cote auprès d’une opinion publique piquée par la curiosité, au grand désespoir des ténors de la Macronie.

Emmanuel Macron réélu grâce au leurre Gilles Le Gendre : fiction ou prémonition ? (illustration  © Hervé Bourhis pour Marianne)

Lorsque le nom du candidat est finalement dévoilé, les Français découvrent un Gilles Le Gendre, gaffeur et laborieux mais profondément humain, qui séduit les Français et désarçonne ses adversaires, au point de se faire élire contre toute attente. Trois mois plus tard, l’Élysée fait savoir qu’il a été victime d’un burn out et est empêché de gouverner, et en octobre, Emmanuel Macron est facilement réélu à sa place…

On n’en dira pas trop des épisodes suivants pour ne pas divulgâcher comme on dit de nos jours, mais les titres des nouvelles suivantes parlent d’eux-mêmes… Opération Madame est bâti autour de la candidature d’une certaine Brigitte Macron qui remplace son mari à l’Élysée grâce à un positionnement très identitaire, tandis que la chronique intitulée Le cœur fragile du Vétérinaire, imagine le Président sortant démissionner brutalement au cœur de l’été, laissant ainsi l’intérim au Président du Sénat comme le veut la Constitution, l’inamovible Gérard Larcher, ex vétérinaire de Rambouillet, qui profite de cette campagne éclair pour se faire élire à l’Élysée avec le soutien d’Emmanuel Macron, avant de disparaître brutalement, victime d’une crise cardiaque peu avant Noël, comme l’avait escompté son prédécesseur, informé de sa santé fragile et qui dispose alors d’un boulevard pour se faire réélire…

Bien évidemment, toute ressemblance de ces pures fictions avec la réalité des combines politiques que pourrait imaginer notre Président de la République ne pourrait être que fortuite. Chacun sait bien qu’en politique, la réalité est toujours bien plus tordue que la fiction !

L. V.

La valse des maires à La Ciotat

26 juillet 2023

La ville de La Ciotat a donc un nouveau maire, Alexandre Doriol, élu le 24 juin 2023 par le Conseil municipal, sans grande incertitude d’ailleurs car aucun autre candidat ne se présentait contre lui, l’opposition se contentant de s’abstenir. Il faut dire qu’Alexandre Doriol était déjà premier adjoint d’Arlette Salvo, la maire sortante qui avait pris fin officiellement à ses fonctions le 12 juin. Une décision qu’elle avait annoncée dès le 31 mars, dans une vidéo que beaucoup avaient pris alors pour un poisson d’avril tant cette annonce semblait surréaliste, mois de 3 ans après qu’Arlette Salvo avait remplacé à ce poste son prédécesseur, Patrick Boré, lequel était resté maire pendant près de 20 ans, depuis 2001 !

Le nouveau maire de La Ciotat, Alexandre Doriol (photo © Gilles Bader / La Provence)

Réélu maire pour son quatrième mandat consécutif en 2020, en pleine pandémie de Covid, Patrick Boré avait alors démissionné quelques semaines plus tard, en août 2020, ayant préféré le poste de sénateur que lui laissait Sophie Joissains, qui, elle, préférait garder la mairie d’Aix-en-Provence. Lors de ces élections municipales de 2020, plus de 60 % des Ciotadens s’étaient abstenus au premier tour où ils avaient pourtant à départager pas moins de 8 listes concurrentes, si bien que le maire sortant n’avait alors remporté qu’un peu plus de 4000 suffrages, ce qui fait bien peu pour une ville de plus de 36 000 habitants ! Au second tour, 4 listes avaient pu se maintenir et le taux d’abstention est resté quasiment aussi élevé, si bien que la liste de Patrick Boré avait rassemblé sur son nom à peine plus de 5000 électeurs, récupérant néanmoins 29 des 39 sièges avec 46 % des suffrages exprimés. Les 10 sièges d’opposition se partageaient alors entre la liste de sa challenger de droite, Mireille Benedetti, celle de la gauche menée par Karim Ghendouf et celle du RN Hervé Itrac.

Patrick Boré en 2016 à La Ciotat (photo © Boris Horvat / AFP / Le Monde)

Le choix de Patrick Boré, de préférer en 2020 finir sa carrière politique au Sénat, après 20 années passées dans le fauteuil de maire de La Ciotat, était assez compréhensible. Il a d’ailleurs été réélu à cette fonction la même année, lors des élections sénatoriales du 27 septembre 2020, alors qu’il se présentait comme tête de liste des LR dans les Bouches-du-Rhône, et c’est à ce poste qu’il est décédé, quelques mois plus tard, le 5 juillet 2021.

En revanche, la démission de celle qui lui a succédé est plus inattendue, certains se souvenant encore de son engagement solennel, repris par la presse en 2020 : « j’ira jusqu’au bout »… Les raisons mises en avant par Arlette Salvo dans sa vidéo diffusée le 31 mars 2023 sont aussi vagues qu’étonnantes. Elle y évoque d’un air las et désabusé, des « difficultés pour gérer la ville » avant d’invoquer « le Covid, la guerre… ». Curieusement, on entend alors en fond sonore des rires étouffés, comme si la ficelle était vraiment trop grosse pour convaincre même son équipe…

Arlette Salvo, annonçant dans une vidéo adressée à la Provence le 31 mars 2023 sa décision de démissionner de son poste de maire de La Ciotat au profit de son 1er adjoint (source © YouTube)

On peut comprendre de fait que gérer au quotidien une ville comme La Ciotat n’est pas une sinécure quand on a 77 ans, mais de là à expliquer que c’est à cause de la guerre en Ukraine, on a vu argument plus sincère ! D’autant qu’Arlette Salvo choisit de rester comme première adjointe aux côtés de celui qu’elle a donc désigné pour la remplacer désormais et qui vient d’être élu officiellement à ce poste par le conseil municipal.

Arlette Salvo remettant l’écharpe de maire de La Ciotat à son ex premier adjoint, Alexandre Doriol (source © page Facebook Ville de La Ciotat / Sisko FM)

Les Ciotadens d’ailleurs ne sont pas dupes et nombreux s’étonnent de ces petits arrangements entre amis qui les conduisent à une succession de trois maires différents en moins de 3 ans sans juger utile de revenir aux urnes malgré le taux d’abstention record enregistré en 2020. En réalité, il semble que c’est bien Alexandre Doriol qui avait été pressenti en 2020 pour prendre les rênes de la Ville suite au départ de Patrick Boré pour le Sénat. Mais à l’époque il était directeur de cabinet de Ferdinand Bernhard, président de la communauté de communes Sud Sainte-Baume et par ailleurs maire de Sanary-sur-mer.

Alexandre Doriol, recevant la Marianne d’or de la solidarité en septembre 2018 pour son action au sein d’une association d’insertion, en présence de Ferdinand Bernhard (arrière-plan) et de Patrick Ghigonetto, actuel maire de Ceyreste (source © Var Matin)

Or Ferdinand Bernhard se débattait alors en pleine tourmente judiciaire. Mis en examen en juin 2015 pour favoritisme, détournement de fonds publics et prise illégale d’intérêt suite à un rapport peu amène de la Chambre régionale des Comptes, il avait été condamné en septembre 2020 à 3 ans de prison dont 1 an ferme et 5 ans d’inéligibilité, une peine confirmée en appel, en octobre 2021, entraînant aussi la confiscation d’un complexe immobilier de 4 villas qu’il avait fait construire en toute illégalité, confiscation qui est toujours pendante suite à une nouvelle décision de la Cour de cassation survenue en avril 2023.

Bref, en septembre 2020, Alexandre Doriol était très occupé à défendre son mentor pour l’aider à répondre de ses turpitudes devant la Justice. Mais la page est tournée maintenant que celui-ci a été condamné et déchu de ses mandats, ce qui permet à Alexandre Doriol, déjà conseiller communautaire et conseiller régional, de s’assoir enfin dans le fauteuil de maire de La Ciotat, avec la bénédiction de Renaud Muselier et de Martine Vassal, après avoir gentiment poussé Arlette Salvo à la démission. Un tournant de carrière bien négocié pour cet ambitieux de 46 ans dont les premières paroles ont été pour remercier le Président de la Région d’être intervenu en sa faveur pour orienter sa carrière professionnelle, tandis que l’ancien député Bernard Deflesselles ne tarissait pas d’éloges, estimant qu’ « il a toutes les qualités pour réussir ». Qui pourrait bien en douter en effet ?

L. V.

Les géants du pétrole redressent la tête

24 juillet 2023

En 2020, au plus fort du confinement mondial lié à la pandémie de Covid 19, le prix des hydrocarbures était en pleine dégringolade, suite au brusque ralentissement de l’activité économique planétaire. A cette période pas si lointaine, il y a 3 ans seulement, les compagnies pétrolières elles-mêmes juraient, la main sur le cœur, que la transition énergétique était en marche, que la période faste du recours massif aux hydrocarbures fossiles était passée et que leur priorité était désormais de développer les énergies renouvelables.

Après la période Covid, la hausse des prix du pétrole, une manne pour les pays producteurs… un dessin de Dilem pour le journal Liberté, publié le 20 mai 2020 (source © Gagdz)

Le nouveau patron de BP l’affirmait sans ambages : « Le budget carbone du monde s’épuise rapidement ; nous avons besoin d’une transition rapide vers la neutralité », tandis que le français Total décidait en 2021 de changer de raison sociale et de s’appeler désormais TotalEnergies, pour bien montrer son ambition de diversification ou du moins de le faire croire à ses clients, à l’instar d’ailleurs de ses 2 concurrents européens Shell et ENI, qui promettent de leur côté d’atteindre la neutralité carbone dès 2050.

Fin 2020, le géant américain ExxonMobil se faisait carrément éjecter du Dow Jones après une spectaculaire dépréciation de sa valeur boursière et devait tailler dans ses investissements en matière d’exploration pétrolière. A l’époque, chacun lorgnait sur l’exemple du danois Orsted qui avait abandonné dès 2018 le marché du pétrole pour se consacrer exclusivement aux énergies renouvelables et qui a vu le prix de ses actions bondir de 60 % en 2020 !

Des supertankers pour transporter toujours plus de pétrole de par le monde (photo © G. Traschuetz / Pixabay / Futura Sciences)

Et puis la guerre en Ukraine est arrivée, début 2022, dans un contexte de redémarrage de l’activité économique. Les exportations massives de pétrole et de gaz russe qui inondaient l’Europe notamment, se sont progressivement réduites. Du coup, le cours des hydrocarbures s’est remis à flamber, et avec lui les bénéfices des compagnies pétrolières. En 2022, les cinq majors (ExxonMobil, Chevron, Shell, TotalEnergies et BP) ont enregistré un bénéfice net record de 151 milliards de dollars, et même de plus de 200 milliards si l’on en déduit les pertes conjoncturelles liées au retrait forcé du marché russe !

Les compagnies pétrolières ont profité de la conjoncture pour s’en mettre plein les poches : un dessin signé Cambon (source © Urtikan)

En mars 2022, le baril de Brent frôlait le prix record de 140 dollars, près de 3 fois plus qu’en 2020, tandis que le gaz se négociait à l’été 2022 en Europe à 350 € le MWh, plus de 15 fois son tarif habituel… Du coup, TotalEnergies annonçait pour l’exercice 2022 un bénéfice record de 20,5 milliards de dollars, de quoi redonner un large sourire à ses actionnaires, grassement rémunérés. Et la période faste s’est poursuivie en 2023, ExxonMobile et Chevron, les deux géants américains, annonçant fin avril des bénéfices trimestriels très supérieurs à leurs prévisions, grâce notamment à une forte augmentation de l’extraction de pétrole et de gaz ! Quant à TotalEnergies, la compagnie annonçait à son tour un bénéfice record de 5,6 milliards de dollars pour le premier trimestre 2023, en hausse de 12 % par rapport à 2022.

Dans ce contexte d’euphorie généralisée, les compagnies pétrolières ont totalement oublié leurs belles promesses d’il y a 3 ans ! Mi-juin 2023, le nouveau patron de Shell, Wael Sawan, a ainsi annoncé sans vergogne qu’il n’avait plus la moindre intention de tenir ses engagements en matière de transition énergétique et que son objectif était désormais de concurrencer ExxonMobil dans sa course à l’exploitation massive d’hydrocarbures.

L’exploitation pétrolière en plein boom : oublié la lutte contre le réchauffement climatique… (source © Midi Libre)

De son côté, la firme BP a annoncé dès février 2023 qu’elle renonçait carrément à son objectif initial de neutralité carbone, préférant engranger des profits, et tant pis si l’humanité doit y passer, sous l’effet du changement climatique global qui s’accélère de jour en jour… Même TotalEnergies a annoncé la couleur lors de l’assemblée générale de ses actionnaires en mai 2023, confirmant qu’il n’était pas question de réduire la voilure en matière d’exploitation pétrolière et gazière alors même que la demande mondiale explose ! Une prise de position qui a valu à son PDG de voir son salaire augmenté de 10 % et d’être élevé au rang d’officier de la Légion d’honneur lors de la promotion du 14 juillet : félicitations !

Patrick Pouyanné, PDG de TotalEnergies, ici en 2021 avec Emmanuel Macron, élevé au rang d’officier de la Légion d’honneur : un petit geste pour la planète ? (photo © Ludovic Marin / AFP / La Voix du Nord)

Les dernières projections de l’Agence internationale de l’énergie estiment en effet que la demande mondiale de pétrole n’a jamais été aussi haute et devrait atteindre pour l’année 2023 un record historique évalué à 102,3 millions de barils par jour en moyenne annuelle, supérieure donc au précédent record qui datait de 2019, avant la crise du Covid, à une période où un consensus était en train d’émerger (difficilement) pour tenter de s’orienter vers une baisse globale du recours aux énergies fossiles pour tenter de se rapprocher des objectifs de la COP 21.

Quand l’offre peine à satisfaire la demande, c’est le jackpot pour les compagnies pétrolières : un dessin signé Delize (source © Atlantico)

Toutes ces belles intentions semblent désormais complètement oubliées. Les États-Unis notamment ont retrouvé dès 2022 leur niveau record de production de pétrole brut établi en 2019 et espèrent bien le dépasser en 2023, et plus encore en 2024. La reprise du trafic aérien après la période de confinement a fait repartir à la hausse la demande mondiale de kérosène qui n’a jamais été aussi élevée, sous l’effet d’une reprise économique. La planète peut bien se réchauffer à grande vitesse, il n’est plus du tout d’actualité que les compagnies pétrolières et gazières mondiales fassent le moindre effort pour freiner leur exploitation : advienne que pourra !

L. V.

Georges Soros, le milliardaire anti-capitaliste

22 juillet 2023

Comme tous les ultra-riches qui se piquent de vouloir influer sur les affaires du monde, le milliardaire américain d’origine hongroise, Georges Soros s’est attiré bien des inimitiés et suscite moult controverses. Né en 1930 dans une famille juive, il a 13 ans lorsque les chars de l’Allemagne nazie débarquent à Budapest et ne doit d’échapper à la déportation que grâce à la protection d’un employé du ministère de l’Agriculture qui le fait passer pour son filleul. Initié à l’esperanto par son père, qui avait choisi en 1936 de changer son nom de famille de « Schwartz » en « Soros », il parvient à quitter en 1947 la Hongrie, alors sous occupation soviétique, en profitant d’un congrès international d’esperanto et s’installe en Angleterre où il entreprend des études d’économie tout en passant un doctorat de philosophie et en pratiquant différents petits boulots alimentaires.

Georges Soros, lors d’une interview en 1995 par le journaliste américain Charlie Rose (capture d’écran © YouTube)

Il s’installe aux États-Unis en 1956 et s’y initie à la finance avant de fonder en 1969 son propre fonds offshore, modestement dénommé Quantum Fund of Founds, basé à Curaçao, dans les Antilles Néerlandaises. Il spécule d’abord sur les marchés obligataires, puis, à partir de 1973 sur les devises, suite à l’abandon du système de taux de change fixe. C’est ainsi qu’en septembre 1992 il vend plus de 10 milliards de dollars en livres sterling, anticipant la position du gouvernement britannique de se retirer du mécanisme de change européen et de dévaluer sa monnaie nationale que Soros jugeait avec raison largement surévaluée. Lorsque la livre est introduite sur le marché libre, le fond Quantum augmente quasi instantanément sa valeur de plus de 15 milliards de dollars : un joli coup pour un spéculateur que certains désignent dès lors comme « l’homme qui a cassé la Banque d’Angleterre »…

Ardent partisan du parti démocrate, il investit en 2004 des millions de dollars pour empêcher, en vain, la réélection de Georges W. Bush. Et en 2016 il soutient de toutes ses forces la candidature d’Hillary Clinton pour s’opposer à l’arrivée au pouvoir de Donald Trump. Persuadé que celle-ci se traduira par une forte chute des indices boursiers américains, il spécule dans ce sens et perd près de 1 milliard de dollars dans l’opération !

Georges Soros mettant en garde l’Europe, lors du forum économique de Bruxelles en juin 2017, contre un danger existentiel lié au « dysfonctionnement des institutions, aux politiques d’austérité récurrentes et aux traités obsolètes » (photo © Commission européenne)

En 2017, alors que sa fortune personnelle est estimée à environ 25 milliards de dollars, il décide d’en transférer une large partie, à hauteur de 18 milliards, à sa propre fondation, un réseau intitulé Open Society Foundations (OSF), dans lequel il a déjà investi de l’ordre de 13 milliards de dollars en 30 ans  et qui devient alors la seconde ONG la plus richement dotée du monde, derrière celle de Bill Gates. Une opération spectaculaire, certes justifiée en partie par de sombres raisons d’optimisation fiscale, mais qui traduit une volonté incontestable du milliardaire américain de peser sur la vie politique mondiale, au-delà de la simple spéculation financière.

Créé dès 1979, initialement pour soutenir financièrement des étudiants noirs sudafricains alors en proie au régime d’Apartheid, ce réseau de fondations OSF traduit en réalité une immense activité philanthropique de la part de celui qui se veut philosophe avant d’être financier et dont l’objectif est de promouvoir dans le monde entier une « société ouverte », ce qu’il traduit par : « construire des démocraties vivantes et tolérantes dont les gouvernements sont responsables devant leurs peuples, et ouverts à la participation de tous ».

Considéré comme philanthrope par les uns, comme un dangereux manipulateur par d’autres, Georges Soros est devenu la bête noire de la droite conservatrice et des comploteurs en tous genres…, un dessin signé Kak, publié dans l’Opinion

Une vision somme toute assez humaniste et qui lui vaut de soutenir financièrement, via l’OSF, des dizaines de fondations nationales et des centaines d’ONG de par le monde militant en faveur des droits de l’homme, de l’éducation, de la démocratie, de la santé, contre la corruption ou en faveur des minorités mais aussi pour la légalisation du cannabis, voire contre l’islamophobie en France.

Une activité intense qui lui a valu bien des critiques, d’autant que l’homme n’a pas forcément la langue dans sa poche… Désireux d’aider à la démocratisation de la vie politique en Europe centrale après la chute du mur de Berlin en 1989, il s’investit fortement, notamment en Hongrie, son pays natal, où il finance de nombreuses organisations citoyennes et favorise l’accès à l’éducation supérieure, au point de déclencher la colère du dirigeant nationaliste Viktor Orbán qui l’accuse d’ingérence et l’oblige finalement à déménager sa fondation qui doit se replier à Berlin en 2018.

Georges Soros à Budapest en 2012, dans son pays natal dont Viktor Orban l’a chassé (photo © Akos Stiller / Bloomberg / Getty Images / Jeune Afrique)

Les mouvements soutenus par Georges Soros ont été très actifs dans les révoltes populaires qui ont abouti à la chute du Serbe Slobodan Milošević en 2000 mais aussi lors de la révolution orange et les manifestations de la place Maidan en Ukraine en 2013. Lors de l’invasion russe en Crimée, avant même le conflit armé actuel, Georges Soros insiste lourdement auprès des dirigeants européens pour qu’ils viennent en aide financièrement à l’Ukraine pour éviter une nouvelle invasion russe qu’il pressent et pour combattre le modèle promu par Vladimir Poutine, plus désireux de rétablir le nationalisme, voire l’impérialisme russe que de défendre des valeurs démocratiques.

Une logique qui le conduit à s’inquiéter aussi de la montée en puissance de la Chine, qualifiant Xi Jinping d’homme le plus dangereux au monde pour la liberté, et le régime chinois comme « le régime autoritaire le plus riche, le plus puissant, le plus sophistiqué dans l’intelligence artificielle et les machines ». Des critiques qu’il formule aussi à l’encontre du gouvernement américain dont il a largement remis en cause l’implication pendant la guerre en Irak, considérant que la guerre contre le terrorisme a finalement fait bien plus de morts que le terrorisme lui-même… Une vision qui l’amène aussi à se montrer particulièrement critique envers le gouvernement israélien actuel de Benyamin Netanyahou, mais aussi contre les GAFAM qu’il considère comme une menace réelle pour la société et la démocratie, et même contre le capitalisme qu’il juge amoral et beaucoup trop favorable aux classes les plus aisées.

Georges Soros avec son plus jeune fils, Alexander, à qui il a passé les rênes de ses fondations (photo © Alexander Soros / Facebook / The Times)

Un discours que nombre de ses détracteurs estiment largement hypocrite dans la mesure où il en a lui-même largement bénéficié, mais cela n’enlève rien à la force de ses convictions et à la réalité de son engagement en faveur d’une société démocratique plus ouverte. A 92 ans, Georges Soros est désormais totalement retiré des affaires, un de ses fils ayant repris la main sur ses fondations depuis fin 2022 tandis que son fonds spéculatif Quantum s’est transformé en 2011 en un groupe familial d’investissement. Ce qui n’a pas empêché Georges Soros de se distinguer en étant classé en 2023 par le magasine People with money comme l’homme d’affaire le mieux payé du monde avec, pour cette année, 46 millions de dollars de revenus issus de ses placements boursiers, de son patrimoine immobilier et de très lucratifs contrats publicitaires, entre autres…

Georges Soros lors du dernier forum économique de Davos en 2022 (photo © AFP / Les Echos)

Mais l’homme est (re)devenu philosophe et affirme s’intéresser surtout aux idées, précisant magnanime : « Je n’ai pas besoin personnellement de toute cette fortune. Mais malheureusement, si je n’avais pas gagné tout cet argent, je crois que personne n’écouterait mes idées ». On ne prête décidément qu’aux riches…

L. V.

Forage pétrolier : la Chine s’enfonce…

20 juillet 2023

Alors que le réchauffement climatique mondial est d’ores et déjà irréversible et que nos émissions qui en sont la cause ne sont pas près de diminuer malgré maints engagements, rarement suivis d’effets, la Chine est sans conteste le champion mondial en matière de pollution de notre environnement. Elle produit à elle seule un quart des émissions de gaz à effet de serre de la planète ! Rien d’étonnant à cela vu son nombre d’habitants, bien que dépassé depuis peu par l’Inde, et surtout parce que la Chine s’est imposée comme le principal producteur de tout ce que nous consommons quotidiennement et que nous faisons venir par porte-containers géants à travers les océans…

Le président chinois Xi Jinping intervenant lors de la 75e session de l’Assemblée générale des Nations Unies, en septembre 2020 (photo © Eskinder Debebe / ONU)

Certes, en septembre 2020, le président chinois Xi Jinping en personne avait annoncé solennellement devant l’Assemblée générale de l’ONU que son pays avait pour objectif de de « commencer à faire baisser les émissions de CO2 avant 2030 » puis d’atteindre « la neutralité carbone d’ici 2060 », mais sans se hasarder à donner le moindre détail quant à la voie pour y parvenir.

Centrale solaire à concentration, la plus grande d’Asie, achevée en Chine, à Dunhuang, en décembre 2018, dans le désert de Gobi, pour une puissance installée de 100 MWc (photo © Stringer / Imagechina / Sciences et Avenir)

Certes, la Chine s’est depuis quelques années imposée comme un pays particulièrement dynamique en matière de développement des énergies renouvelables. Ainsi, les Chinois possèdent depuis 2010 le premier parc éolien mondial en termes de puissance installée, regroupant 47 % du parc éolien terrestre mondial et 57 % du parc maritime. En 2021, la Chine a produit plus de 35 % de toute l’électricité mondiale d’origine éolienne et est considérée depuis plus de 10 ans comme le premier producteur mondial d’éoliennes. Quant au solaire, la Chine peut s’enorgueillir de produire à elle seule 73 % de l’eau chaude solaire mondiale et 32 % de l’électricité d’origine photovoltaïque, avec une puissance installée représentant en 2022 44 % du parc mondial, très loin devant les autres pays !

Usine de traitement du charbon à Hejin (province du Shanxi) en novembre 2019 (photo © AP / TV5 monde)

Et pourtant, la Chine reste très dépendante des énergies fossiles et notamment du charbon dont la consommation annuelle a été multipliée par 4 entre 1990 et 2015 ! Premier producteur mondial de charbon en 2020, la Chine en retire encore 70 % de sa consommation énergétique… Quant au pétrole, la Chine en produit également mais est devenue importateur net depuis 1993 avec des besoins croissants, les hydrocarbures représentant 25 % de sa consommation en énergie primaire. Depuis l’invasion de l’Ukraine, la Chine a ainsi quasiment doublé ses importations de pétrole russe et est désormais considéré comme le premier importateur mondial avec près de 13 millions de barils par jour en 2021 alors que la production nationale était estimée en 2016 à environ 4 millions de barils par jour.

Forage d’exploration pétrolière dans le champ de Changqing en Mongolie intérieur (bassin d’Ordos), où a été découverte la principale réserve chinoise de pétrole de schiste (photo © CNPC / People Daily)

Le rapport annuel 2022 sur les ressources minérales de la Chine fait état de réserves pétrolières connues évaluées à 3,7 milliards de tonnes de pétrole et 6 340 milliards de m3 de gaz naturel, les sites pétroliers les plus prometteurs étant les bassins d’Ordos, de Junggar, du Sichuan, de la baie de Bohai et du Tarim. Ce dernier, situé à l’extrémité nord-ouest du pays, dans la région autonome Ouïgour du Xinjiang, correspond au plus vaste bassin endoréique du monde, celui du fleuve Tarim, alimenté par les glaciers du Pamir qui culmine à plus de 7000 m d’altitude et s’étend surtout au Tadjikistan voisin, les eaux du Tarim se perdant ensuite dans l’immensité désertique du Taklamakan.

Vue générale de la plateforme de forage, en plein désert (source © capture d’écran New China TV / Xinhua news)

Le 30 mai 2023, la société chinoise China Petroleum & Chemical Corporation (groupe Sinopec) a annoncé y avoir débuté le forage d’un nouveau puits dénommé Deep Earth 1-Yuejin 3-3XC, dans le comté de Shaya, à la lisière du vaste désert du Taklamakan. Réalisée par la société chinoise Sinopec Oilfield Service Corporation, cette opération de forage est particulièrement complexe et fait appel à une expertise technologique très sophistiquée. Une plateforme de forage gigantesque a été aménagée en pleine zone désertique, équipée d’un derrick monumental pesant plus de 2000 tonnes avec des installations de forage ultra-puissantes et des systèmes d’enregistrement en continu des paramètres de forages, capables de résister aux températures et aux pressions élevées régnant en profondeur.

L’opération, largement médiatisée, vise à atteindre la profondeur impressionnante de 9 472 m dont probablement plus de 3000 m en forage horizontal dirigé, ce qui nécessite des techniques de guidage particulièrement complexes. Cela devrait en faire le forage pétrolier le plus profond d’Asie, même si cela reste en-deçà du record atteint par les Russes sur la presqu’île de Kola à plus de 12 000 m de profondeur. Il avait cependant fallu près de 20 ans aux Russes pour atteindre difficilement un tel niveau et ils avaient finalement jeté l’éponge face aux difficultés techniques (et financières) rencontrées. Les Chinois eux espèrent achever leur forage en 457 jours seulement !

Plateforme de forage du puits avec son derrick monumental (source © Xinhua news)

La Chine a choisi de communiquer largement sur cette opération de forage, laissant entendre qu’il s’agit d’une expérimentation scientifique exceptionnelle qui permettra de mieux comprendre la constitution de la croûte terrestre. Mais il s’agit en réalité simplement d’étaler au monde entier la capacité technique remarquable de ses équipes dans ce qui n’est qu’un forage d’exploration pétrolière dans ce champ pétrolier du Shunbei, en bordure du bassin du Tarim, où Sinopec avait annoncé en août 2022 avoir déjà découvert des réserves pétrolières estimées à 1,7 milliard de tonnes de brut, à une profondeur moyenne de plus de 7 000 m. Une quinzaine de puits serait d’ailleurs déjà en production et cette même société annonce désormais y avoir déjà foré pas moins de 49 puits à plus de 8000 m de profondeur.

Ultimes réglages avant de débuter le forage… (source © Xinhua news)

Le lancement de ce nouveau forage est donc un message supplémentaire pour prouver au monde que la Chine détient des réserves pétrolières importantes, qui plus est en territoire ouïgour où sa politique colonisatrice assez brutale fait l’objet de nombreuses protestations occidentales, et qu’elle maîtrise parfaitement les technologies les plus complexes pour en assurer l’exploration et la mise en exploitation malgré les conditions extrêmes : fermez le ban !

L. V.

Pollution lumineuse : à quand le retour de la nuit ?

18 juillet 2023

Baisser la consommation d’énergie, qui constitue désormais le premier poste de dépense externe des communes, nécessite en particulier de diminuer l’éclairage public la nuit, car la pollution lumineuse qui en résulte « a un effet dévastateur sur la biodiversité, sur les animaux et en particulier les insectes ». Et ce n’est pas un militant écologique échevelé qui l’affirme, mais la ministre actuelle de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, invitée le 13 juillet 2023 sur Télématin, dans l’émission intitulée Les 4 vérités.

Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique invitée le 13 juillet 2023 de l’émission de Télématin Les 4 vérités sur France 2 (source © capture d’écran France TV)

Nommée à ce poste en mai 2022, Agnès Pannier-Runacher n’est pourtant pas précisément connue pour ses prises de position en faveur de la défense de l’environnement en général et de la biodiversité en particulier. Formée à HEC puis à l’ENA, elle est la fille d’un ancien dirigeant de la société pétrolière Perenco et a été mariée pendant plus de 20 ans à un haut cadre d’Engie. Elle-même inspectrice générale des Finances, elle a travaillé quelques années chez un équipementier automobile avant d’être nommée en 2018 Secrétaire d’État auprès de Bruno Le Maire puis ministre déléguée chargée de l’Industrie. Un poste où elle s’est surtout illustrée par sa loi de simplification de l’action administrative qui a largement dénaturé les enquêtes publiques, dernier rempart permettant d’intégrer l’impact environnemental des grands projets d’infrastructures. Une action qui lui a valu de recevoir en 2021 la Casserole d’or décernée par l’association Anticor, saluant ses efforts pour dissuader l’opposition de saisir le Conseil constitutionnel à cette occasion…

Bref, si un tel personnage reconnaît que l’éclairage urbain nocturne est un véritable fléau pour la nature, c’est qu’il est vraiment difficile de prétendre le contraire… De fait, un tiers des vertébrés et deux-tiers des invertébrés vivent partiellement, et parfois exclusivement, la nuit. Le fait d’éclairer notre environnement, y compris souvent le long des axes routiers en dehors même de toute agglomération urbaine, a donc des effets catastrophiques sur de très nombreuses espèces animales, à tel point qu’il est désormais reconnu que la lumière artificielle serait la deuxième cause principale, après l’utilisation des pesticides, de la disparition brutale des insectes à laquelle nous assistons ces dernières années.

Ces impacts de l’éclairage public nocturne sont maintenant bien documentés, grâce notamment à l’action de l’ANPCEN, l’Association nationale pour la protection du ciel et de l’environnement nocturne, qui milite depuis plus de 20 ans pour un meilleur respect de la vie nocturne et a notamment participé aux animations intitulées « Le jour de la nuit », dont la prochaine édition est annoncée pour le 14 octobre 2023.

Partie du constat dénoncé par de nombreux astronomes que l’éclairage urbain rendait inaccessible à une majorité d’humains sur terre la simple observation d’un ciel étoilé, alors même que cette activité a été source d’inspiration universelle et à l’origine de bien des progrès scientifiques de l’humanité, l’ANPCN alerte aussi sur les impacts sanitaires de cet éclairage public nocturne, source de perturbation du sommeil mais aussi de troubles de la vue avec la généralisation des lumières blanches et bleues des fameuses LED, ou plutôt diodes électro-luminescentes en Français…

A Carnoux, un éclairage nocturne a giorno… (source © Ville de Carnoux-en-Provence)

Bien sûr, la raison principale qui justifie un meilleur contrôle de l’éclairage public urbain, celle à laquelle les élus locaux sont le plus sensibles, est d’abord économique : à quoi bon dépenser de l’énergie pour éclairer inutilement le ciel avec, comme corolaire, un gaspillage injustifié de l’énergie devenue rare et chère ? Mais cette approche exclusivement économique, si elle a permis d’améliorer l’efficacité et la sobriété des candélabres, comme c’est le cas à Carnoux depuis plusieurs années, est trop parcellaire et elle occulte un des arguments majeurs qui plaide non pas pour l’utilisation d’éclairages moins énergivores mais pour une approche plus mesurée de cet éclairage en le réservant aux seuls endroits et aux seuls moments où il est indispensable.

Le label Villes et villages étoilés, soutenu par l’Association des maires de France et le Ministère de la transition énergétique : à quand Carnoux sur la liste ? (source © ANPCN)

Laisser un lampadaire éclairé toute la nuit dans un quartier résidentiel, parfois en bordure de zone naturelle boisée, comme c’est le cas à Carnoux, non seulement ne procède pas d’une politique de bonne gestion des deniers publics comme de nos ressources énergétiques, mais c’est surtout un acte criminel qui contribue au réchauffement climatique et participe à la destruction de la biodiversité locale !

En France, ce sont ainsi des milliards d’insectes qui meurent chaque année à cause de ces lumières nocturnes qui les attirent inexorablement et contre lesquelles ils s’écrasent, se grillent les ailes ou finissent par mourir d’épuisement. On estime ainsi que dans une zone éclairée la nuit, l’activité des insectes pollinisateurs est réduite de 60 % !

Couverture d’une plaquette de sensibilisation réalisée par France Nature Environnement de Haute-Savoie (source © Communauté de communes du Haut-Chablais)

Les oiseaux font aussi partie des principales victimes de ces éclairages nocturnes qui les attirent et les désorientent. Nombre d’entre eux se dirigent en se guidant sur les étoiles comme le faisaient les navigateurs avant l’invention de techniques plus modernes. La présence d’autres lumières est donc source de désorientation et l’on voit des oiseaux tourner en rond jusqu’à épuisement autour d’un lampadaire quand ils ne viennent pas se fracasser contre un bâtiment éclairé a giorno… Quant aux espèces lucifuges, comme les chauves-souris, qui ne peuvent se déplacer correctement que dans l’obscurité, l’éclairage public généralisé (cumulée à quelques autres facteurs dont le développement des pesticides et la raréfaction de leur habitat) a conduit à leur quasi disparition en France, les conduisant à chasser en vain dans les zones restées sombres alors que leurs proies sont attirées par les halos de lumière autour des lampadaires…

Les chauves-souris (ici un Grand murin), en voie de disparition, notamment à cause d’un éclairage nocturne excessif (photo © Franck Descnadol & Philippe Sabine / BIOSPHOTO / Le Monde)

De très nombreuses communes ont désormais franchi le pas et procèdent à une gestion intelligente de l’éclairage public, le réservant aux seules zones où il est indispensable et l’éteignant pendant une partie de la nuit là où son impact est nocif pour la faune locale. La ville de Carnoux envisage d’équiper son réseau d’un dispositif permettant d’en faire varier l’intensité lumineuse, voire d’éteindre certains candélabres, première étape vers une telle gestion programmée et adaptée. Il reste à convaincre le Maire que cette approche doit aller jusqu’à éteindre les lampadaires au cœur de la nuit, au moins en dehors de l’axe principal du mail : ce n’est pas encore gagné, sauf si les Carnussiens sensibilisés à la préservation de la biodiversité locale se mobilisent et le font savoir…

L. V.

Quand le Canada s’embrase…

16 juillet 2023

Le Canada défraye depuis des mois la chronique avec ses gigantesques feux de forêt dont beaucoup restent hors de contrôle. Début juin, les villes de la côte Est des États-Unis, dont Washington et New York, étaient placées en alerte du fait de la quantité de fumées qui rendaient l’air irrespirable. Des fumées qui se sont déplacées jusque sur les côtes européennes, dès le début du mois de juin en Norvège, et à la fin juin sous forme d’un voile nuageux d’altitude qui a traversé une large partie du territoire français.

Vue depuis un hélicoptère des incendies de forêt entre Chibougamau et Mistissini dans le nord du Québec, le 5 juin 2023, (photo © Kevin Burton / AFP / Nouvel Obs)

Avec plus de 360 millions d’hectares couverts de forêts, le Canada possède la troisième plus grande superficie forestière du monde, sans déboisement majeur constaté au cours des dernières décennies, mais avec quand même une perte d’environ 50 000 ha en moyenne chaque année, due principalement à l’extension des activités agricoles et de l’exploitation minière. Mais comme partout, et de plus en plus sous l’effet du changement climatique qui provoque un dessèchement plus précoce de la végétation, une partie de ces zones boisées, y compris la taïga avec ses strates plus herbacées, part en fumée chaque été. Des incendies déclenchés souvent de manière accidentelle, parfois de manière purement naturelle sous l’effet d’impacts de foudre, mais qui prennent rapidement des proportions inquiétantes et deviennent vite hors de contrôle lorsque les services de secours sont débordés.

Incendie près de Cross Lake fin mai 2023, dans le nord du Manitoba (photo © Roxanna Kimberly / Facebook / ICI Radio Canada)

Au Canada, pays fédéral, la lutte contre les feux de forêts se fait au niveau de chacune des 13 provinces, ce qui ne facilite pas l’agrégation des données pour disposer d’une vue synthétique. On estimait pourtant, à la mi-juillet 2023, qu’environ 10 millions d’hectares avaient déjà été carbonisés depuis le début de l’année, soit une superficie supérieure à celle d’un pays comme le Portugal ou la Hongrie ! C’est en tout cas 4 fois plus que la moyenne enregistrée chaque année et la saison estivale ne fait que commencer…

Carte recensant les principaux foyers d’incendies au Canada en date du 13 juin 2023 (source © Canadian Wildland Fire Information System / infographie Le Monde)

Il faut dire que les feux de forêt se sont déclenchés très tôt cette année. Dans la province de l’Alberta, dès le 8 mai, une centaine de foyers d’incendie étaient déjà répertoriés, dont 28 considérés alors comme hors de contrôle, tandis que les provinces limitrophes des Territoires du Nord-Ouest, de la Colombie Britannique et de la Saskatchewan faisaient à leur tour face aux brasiers… La province de l’Alberta où 29 000 personnes avaient déjà dû être évacuées en catastrophe dès le 5 mai, décrétait alors l’état d’urgence pour mobiliser davantage de renforts.

Propriété dévastée par les flammes après le passage du feu, à Drayton Valley, dans l’Alberta, le 8 mai 2023 (photo © Walter Tychnowicz / AFP / Le Monde)

En Nouvelle-Écosse, le 1er juin, de nombreux incendies faisaient encore rage, y compris dans la banlieue d’Halifax, ayant déjà forcé à évacuer 21 000 personnes de leur domicile tandis qu’on dénombrait déjà 200 chalets entièrement détruits. Plusieurs centaines de pompiers venus d’Europe, des États-Unis mais aussi d’Afrique du Sud ou d’Australie ont ainsi été appelés à la rescousse pour épauler les équipes locales, fortement sollicitées et qui déplorent désormais la perte d’un des leurs, une jeune femme décédée en intervention le 13 juillet 2023 près de Revelstoke, en Colombie Britannique.

Progression d’un feu de forêt le 16 mai 2023 près de Fort Saint-John en Colombie Britannique (photo © BC Wildfire / ICI Radio Canada)

A cette date du 13 juillet et après une légère accalmie due aux quelques pluies du mois de juin, l’Ouest canadien s’était de nouveau embrasé tandis que les provinces de la partie orientale entraient à leur tour dans la danse. Au Québec, c’est la mousse sèche de la taïga qui flambe ainsi depuis des jours et des jours, sur 1,5 million d’hectares.

On dénombrait ainsi, à cette même date, plus de 4000 feux de forêt depuis le début de l’année dont 906 toujours actifs, parmi lesquels 570 étaient alors considérés comme hors de contrôle : c’est dire l’ampleur du phénomène auquel les pompiers canadiens, déjà épuisés par des mois de lutte incessante, doivent faire face ! On n’en est pas encore au record enregistré en 1989 avec plus de 12 000 incendies recensés tout au long de l’année, mais on a déjà largement battu le record de superficie brûlée qui n’avait pas dépassé 7,6 millions d’hectares cette année-là, ce qui montre bien l’ampleur de la dévastation à laquelle on assiste actuellement sur tout le territoire canadien.

Feu de forêt en Colombie Britannique le 8 juin 2023 (photo © BC Wildfire Service / AFP / 20 minutes)

Et la saison est loin d’être terminée puisque le Canada enregistre habituellement le pic des feux de forêts plutôt à la mi-août ! Or début juillet, on estimait déjà à 1 milliard de dollars canadiens (soit 687 millions d’euros) les dégâts causés par ces incendies qui avaient alors conduit à évacuer plus de 155 000 personnes : du jamais vu…

Certaines estimations indiquent que ces feux de forêt auraient déjà libéré dans l’atmosphère 600 millions de tonnes de CO2, ce qui représente 88 % des émissions annuelles moyennes du pays tout entier. Alors que les forêts canadiennes constituent en temps normal un puits de carbone, capable de stocker de l’ordre de 200 millions de tonnes de CO2 par an, voilà qu’en brûlant, elles restituent d’un coup des quantités phénoménales de gaz à effet de serre, sans compter les fumées plus ou moins nocives, riches en particules fines, qui rendent irrespirable l’air des villes les plus proches : encore un avant-goût du monde merveilleux qui nous attend sous l’effet du réchauffement climatique global…

L. V.

Carnoux : une pelouse synthétique bientôt interdite ?

14 juillet 2023

Pour la commune de Carnoux-en-Provence, ce sera l’investissement majeur de l’année 2023 : le stade de football Marcel Cerdan, dans laquelle la commune a déjà injecté des millions depuis des années, va utiliser l’essentiel de son budget d’investissement annuel avec près de 1,3 millions d’euros programmé pour remplacer les ampoules et le grillage mais surtout pour arracher toute la pelouse et la remplacer par du gazon synthétique en plastique. Car notre maire en est convaincu : le plastique est l’avenir de l’humanité et un stade qui se respecte doit forcément présenter un revêtement en gazon synthétique qui permet une utilisation plus intensive du terrain, même si le coût de l’opération est colossal, pour une durée de vie qui ne dépasse pas une dizaine d’années.

Le stade Marcel Cardan à Carnoux avec ses deux terrains de jeu (source © Carnoux Football Club / Foot méditerranéen)

Le bilan environnemental d’un tel choix est catastrophique, d’autant que les déchets générés lors du remplacement d’un tel revêtement sont énormes et quasi impossibles à recycler. Cette décision paraît même quelque peu anachronique à l’heure où l’on essaie tant bien que mal de s’extraire de notre dépendance aux hydrocarbures dont l’utilisation à outrance depuis bientôt deux siècles a réussi à modifier de manière irréversible le climat de notre planète. Certes, les volumes d’eau nécessaires à l’arrosage du stade en seront un peu diminués (mais pas supprimés pour autant) et il paraît même, comme cela a été évoqué en séance du conseil municipal, que cela dissuaderait les gens du voyage à venir s’installer sur le stade de Carnoux lors de leur passage annuel, en l’absence d’aire d’accueil, toujours en gestation depuis des décennies faute de la moindre volonté politique de respecter la loi…

Coupe de principe d’un terrain de sport avec sa sous-couche et ses rouleaux de gazon synthétique lestés de sable fin avec un remplissage de granulés en caoutchouc en en liège (source © Realsport)

Mais voilà que la Commission européenne envisage désormais sérieusement d’interdire totalement l’usage du gazon synthétique d’ici quelques années. En 2018 pourtant, l’ANSES (Agence nationale de la sécurité alimentaire, de l’alimentation et du travail), avait estimé que ce type de revêtement synthétique de terrains de sport était surtout dommageable pour l’environnement mais a priori peu dangereux pour la santé humaine, le risque principal étant lié à l’utilisation, pour ce type de terrains, de granulats constitués de pneumatiques usagés broyés, lesquels peuvent relarguer quantité de produits indésirables mal identifiés, tels que métaux lourds, benzène, composés organiques volatiles et autres produits potentiellement cancérigènes.

Remplissage d’un gazon synthétique au moyen de granulés en caoutchouc à base de pneus usagés (photo © kvdkz/ Actu environnement)

Le gazon synthétique lui-même est fabriqué à partir de microfibres à base de polyéthylène et de polyamide, ce dernier polymère étant parfois considéré comme un perturbateur endocrinien. Les dalles de gazon synthétiques sont généralement recouvertes d’un lit de sable fin puis de microgranules de caoutchouc, issues de la récupération et du recyclage des pneus usagés dont on ne sait trop que faire et qui trouvent ici un de leur principal débouché. Ces matériaux s’insinuent entre les fibres et ne sont pas visibles mais ils contribuent fortement au confort et à la souplesse du terrain, tout en limitant son échauffement qui est l’un des gros défauts des gazons synthétiques, pouvant même provoquer des risques de brûlure en plein été.

Le stade n° 4 du complexe sportif Léo Lagrange à Toulon avec son revêtement synthétique à base de noyaux d’olives concassées (source © mes infos)

Pour remplacer les granulés à base de pneus usagés qui servent à lester les dalles de gazon synthétique, des alternatives existent, notamment à base de noyaux d’olive concassés, comme cela a été testé par la ville de La Ciotat qui a inauguré en janvier 2020 le premier terrain de sport réalisé en France par une entreprise d’Ollioules, Méditerranée Environnement, avec cette technique sur le stade Bouissou en remplacement d’un revêtement en stabilisé (simple mélange de terre, de sable et de gravillon tassé). Cette technique qui présente l’avantage de recycler un matériau issu de l’agriculture local (il a fallu 60 tonnes de noyaux d’olives en provenance du Muy pour le stade de La Ciotat !), sans aucun risque pour l’environnement ni la santé humaine, présente un léger surcoût par rapport à une solution classique mais pour une durée de vie plus longue, tout en laissant diffuser un infime parfum d’huile d’olive, très couleur locale.

Remplissage en noyaux d’olives concassés du terrain de sport Léo Lagrange à Toulon (source © Toulon Provence Méditerranée)

Un succès qui a incité la métropole Toulon Provence Méditerranée à lui emboîter le pas en lançant tout récemment la rénovation de deux terrains de sport jusque-là recouverts avec des granulés de pneus. A l’automne 2022, le complexe sportif Léo Lagrange à Toulon a ainsi été refait par la même entreprise qu’à La Ciotat, également à base de noyaux d’olives concassées. Et l’été dernier, le terrain de rugby de la base nature du Vallon du soleil à La Crau, a quant à lui été refait avec du liège qui permet d’utiliser des fibres plus longues (de 60 mm). Plus coûteuse et davantage soumise à l’érosion en cas de fortes pluies, cette solution technique présente néanmoins de multiples avantages, ce matériau s’avérant très résistant à l’usure, ne se compactant pas au fil du temps et ne générant pas de poussière.

Pour autant, on se rend compte désormais que les impacts environnementaux et probablement sanitaires de ce type de gazon à base de microplastiques sont nettement plus importants que ce l’on imaginait. Le sol situé sous un gazon synthétique devient très rapidement totalement stérile, les micro-organismes et les vers de terre étant dans l’incapacité d’y subsister. La surface recouverte est totalement hostile à toute vie, les oiseaux en particulier ne pouvant plus y trouver la moindre subsistance. Un terrain de sport enherbé constitue de fait un puits de carbone, un espace de biodiversité et un îlot de fraicheur en période de canicule alors que le même espace recouvert d’un gazon en plastique devient une zone stérile, hostile à toute vie et qui en réfléchissant les rayons solaires accentue encore le réchauffement climatique.

Un dessin signé Vrob (source © Vrob / blog Médiapart)

Mais on constate désormais que de surcroît les innombrables microfibres en polymère qui constituent l’essentiel des gazons synthétiques se désagrègent rapidement et se dispersent dans l’environnement sous forme de microparticules non dégradables qui sont emportées par l’eau et le vent et qui finissent généralement dans la mer. La France à elle-seule déverserait ainsi dans la mer Méditerranée pas moins de 11 000 tonnes de pastique chaque année ! Une partie de ces minuscules fragments de plastique est ingéré par les poissons et se retrouvent donc dans notre chaîne alimentaire, en sus des fragments que nous ingérons directement chaque fois que le mistral souffle…

Pour ces différentes raisons, de nombreuses villes comme Boston ont d’ores et déjà décidé d’interdire le gazon synthétique sur leur territoire. En 2021, le Sénat s’était également prononcé à l’unanimité en faveur d’une interdiction totale à compter de 2026 de tout nouveau terrain synthétique, estimant que le plastique est devenu le fléau des temps modernes à éradiquer en priorité. Cette date de 2026 risque fort d’être de toute façon la limite que retiendra la Commission européenne pour interdire tout nouveau revêtement en gazon synthétique et il serait vraiment regrettable que notre commune de Carnoux n’anticipe pas cette échéance et s’obstine à vouloir implanter une pelouse en plastique sur son stade de foot pour le seul plaisir de quelques acharnés qui veulent pouvoir taper dans leur ballon quelques heures de plus par semaine : l’avenir de notre planète mérite peut-être ce petit sacrifice…

L. V.

Alex Chinneck, le roi de la fermeture éclair…

12 juillet 2023

Celui que le Guardian a désigné comme « un maître en illusion architecturale », l’artiste sculpteur britannique Alex Chinneck, a acquis une renommée internationale en créant en 2019, à l’occasion de la semaine du design dans la ville de Milan, ville branchée par excellence où l’architecture originale sait se faire apprécier, une œuvre d’une grande originalité qui a connu un succès phénoménal de par son côté spectaculaire et photogénique, surtout de nuit. L’artiste a donné l’illusion d’avoir ouvert la façade d’un bâtiment du centre ancien de Milan, en tirant sur la fermeture éclair monumentale formée par les pierres d’angle : une façade en brique qui s’enroule sur elle-même à la façon d’un couvercle de boîte de sardine, et qui dévoile l’intérieur totalement vide de l’immeuble…

Dézippage de la façade d’une maison traditionnelle du centre de Milan : une œuvre originale d’Alex Chinneck à l’occasion de la Design Week de 2019 (photo © Marc Wilmot / Creapills)

Mais ce n’était pas son coup d’essai, loin s’en faut ! Il s’était déjà fait la main en 2018 sur un ancien petit immeuble de bureau du Kent des années 1960. Une énorme fermeture éclair avait été fixée sur la façade de l’immeuble abandonné et passablement décrépi, donnant là aussi l’illusion que la façade avait été ouverte en deux, laissant visible l’intérieur vide du bâtiment. Une installation judicieusement dénommée « Open to the public »…

« Open to the public » un bâtiment industriel abandonné du Kent à la façade largement ouverte part l’artiste (source © Alex Chinnek)

Car Alex Chinneck ne manque jamais de donner des noms, souvent originaux, à ses œuvres monumentales et spectaculaires. C’est le cas par exemple d’une de ses premières œuvres, créée en 2013 dans la ville balnéaire de Margate, toujours dans le Kent, et poétiquement intitulée : « From the Knees of my Nose to the Belly of my Toes », qu’on pourrait traduire approximativement par « depuis les genoux de mon nez jusqu’au ventre de mes orteils »… L’artiste n’a pas hésité à démolir la partie supérieure de la façade de cette maison abandonnée de Godwin Road entourée de belles demeures victoriennes, et a reconstituée une nouvelle façade en briques avec ses portes et ses fenêtres, en donnant l’impression que cette façade a glissé en s’affaissant jusqu’à la rue.

Un immeuble de Margate (Kent) dont la façade a malencontreusement glissé…  (source © Alex Chinnek)

En 2015, il n’a pas hésité à faire appel à de gros moyens techniques pour implanter la tête en bas un immense pylône électrique de ligne à haute tension et en 2017 il s’est attaqué à la façade d’un bel immeuble en briques dans un quartier d’affaire de Londres, ancien siège d’un éditeur, ce qui a donné l’idée à Alex Chinneck de déchirer en deux une partie de la façade en briques, comme s’il s’agissait d’une feuille de papier. Une installation technique extrêmement spectaculaire, à 12 m de hauteur, et qui a nécessité de véritables prouesses architecturales pour arriver à reconstituer ainsi cette façade en briques en train de s’ouvrir.

« Six pins and half a dozen needles », façade en brique déchirée en deux (source © Alex Chinneck / Le journal du design)

On a vu aussi Alex Chinneck construire une maison en briques de paraffine qui ont progressivement fondu au soleil, provoquant le lent affaissement inexorable du bâtiment. En 2014, il a aussi fait sensation en construisant à Covent Garden un bâtiment dont les fondations semblent solidement ancrées dans le sol tandis que sa partie supérieure (réalisée en polystyrène) se balade en lévitation dans les airs. Là encore, un véritable exploit architectural nécessitant une structure calculée au millimètre et solidement retenue par des contrepoids.

Alex Chinneck devant le marché de Covent Garden suspendu dans les airs grâce à ses soins (source © Maison monde)

En 2015, il avait carrément soulevé le goudron d’une rue de Southbank Centre, un quartier d’artistes londonien, le retournant comme après un séisme d’une grande violence, et y accrochant une petite Vauxhall Corsa rouge, les pneus fermement agrippés au bitume et roulant ainsi sens dessus dessous…

Quand le goudron se gondole, une voiture en mauvaise posture…  (source © Alex Chinnek)

Et ce n’est pas fini car l’artiste se met désormais à faire des nœuds. On l’a vu exposer en 2019 sous le nom d’Alphabetti Spaghetti des boîtes aux lettres traditionnelles britanniques tordues et nouées sur elles-mêmes comme si elles étaient passées entre les mains d’un athlète de foire.

Une boîte aux lettres britannique qui se fait des nœuds au cerveau (photo © Alex Chinnek / Nouvel Obs)
Une horloge nouée par Alex Chinnek, exposée au Liberty London (source © statue-art-déco)

Des nœuds que l’on retrouve sur un manche à balai comme sur un extincteur, ou encore sur de vieux poteaux en bois de la Städtische galerie Kornhaus de Kirchheim, en Allemagne, où il a exposé en 2022. On y voit aussi des horloges en bois anciennes mais parfaitement fonctionnelles, dont la caisse élancée en bois de noyer bien patiné, se noue sur elles même, selon une technique dont Alex Chinneck garde le secret mais qui exige une technicité toute spécifique, confirmant s’il en était besoin, que pour réaliser de telles œuvres d’art aussi spectaculaires, l’imagination seule ne suffit pas…

L. V.

Fukushima : rejet d’eau radioactive dans le Pacifique

10 juillet 2023

Voilà qui ne va pas rassurer ceux qui craignent l’impact environnemental et sanitaire des centrales nucléaires, alors même que le monde entier observe avec effroi la guerre des nerfs que se livrent Ukrainiens et Russes autour des six réacteurs de la centrale de Zaporijia, la plus grande d’Europe, que certaines rumeurs annoncent minée par l’armée et prête à exploser à tout moment. On a en effet appris par ailleurs, le 4 juillet 2023, dans un rapport rendu public par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), que le projet du Japon de rejeter dans l’océan Pacifique les quelques 1,3 millions de tonnes d’eau radioactive, contaminée par l’accident nucléaire de Fukushima, était « conforme aux normes de sûreté internationales » et aurait « un impact radiologique négligeable sur les personnes et l’environnement » : ouf, on respire !

Vue aérienne du site de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi (photo © Kyodo / Reuters / Le Parisien)

Cela fait maintenant 12 ans que les 6 réacteurs de la centrale nucléaire japonaise de Fukushima Daiichi, exploitée par la société privée Tepco (Tokyo Electric Power Company), sont définitivement arrêtés, toujours en attente de leur démantèlement. C’est en effet le 11 mars 2011, en début d’après-midi qu’un fort séisme au large des côtes japonaises avait déclenché un gigantesque tsunami qui avait atteint, 50 minutes plus tard, cette zone côtière du nord-est de l’île de Honshu, provoquant des vagues dévastatrices de plus de 15 m de hauteur qui avait fait pas moins de 18 000 morts.

Ce jour-là, heureusement, 3 des 6 réacteurs de la centrale étaient à l’arrêt. Mais le tsunami a noyé les bâtiments abritant les groupes électrogènes de secours et a gravement endommagé les prises d’eau situées en mer, destinées au refroidissement des installations. Suite à l’arrêt de toute possibilité de refroidissement, le cœur des 3 réacteurs a progressivement fondu tandis que l’hydrogène produit par la fonte des gaines de combustible faisait exploser le toit de plusieurs des réacteurs avant de provoquer l’embrasement de la piscine du réacteur 4, conduisant le Japon à mettre temporairement à l’arrêt tout son programme nucléaire.

Cuves de stockage d’eau contaminée sur le site de Fukushima (photo © Philip Fong / AFP / Sud Ouest)

D’énormes quantités d’eau de mer ont été pompées et projetées sur le site pour tenter de faire baisser la température, l’eau contaminée étant initialement rejetée en mer puis progressivement recueillie pour être stockée sur place dans des cuves qui se remplissent rapidement. Dès 2013, 1000 réservoirs supplémentaires, de 1000 m3 chacun, sont construits pour stocker toute cette eau radioactive qui s’accumule tandis que des usines de retraitement sont mises en route et qu’une barrière souterraine étanche est édifiée pour limiter la contamination de la nappe.

Mais cela ne suffit plus et les capacités de stockage sont quasiment saturées sans aucune possibilité d’extension, sauf à transporter par camions-citernes l’eau radioactive sachant que chaque jour 140 000 litres d’effluents supplémentaires sont pompés dans les installations ou dans la nappe souterraine contaminée et doivent être stockés après retraitement ! A ce jour, ce ne sont pas moins de 1,34 millions de mètres cube d’eau radioactive qui sont ainsi entreposés sur le site de la centrale, de quoi remplir plus de 500 piscines olympiques…

Rafael Grossi, directeur général de l’AIEA présente au Premier ministre japonais, Fumio Kishida, le rapport de ses services autorisant le rejet en mer des eaux contaminées de Fukushima, le 4 juillet 2023 à Tokyo (photo © Eugène Hoshido / AFP / L’Express)

Depuis des années, les dirigeants de Tepco s’interrogent sur le devenir de cette eau qui continue à s’accumuler de jour en jour. Le traitement qui lui a été appliqué a permis de la débarrasser de 62 des 64 familles de radionucléides qui y sont présents, mais rien à faire pour en éliminer le Carbone 14 et surtout le Tritium qui est le composant radioactif de l’hydrogène présent dans les molécules d’eau elles-mêmes : filtrer l’eau ne permet pas d’obtenir autre chose que l’eau elle-même…

De nombreuses solutions techniques ont été envisagées pour se débarrasser de cette eau toujours radioactive. On a imaginé la faire bouillir pour la rejeter sous forme de vapeur mais qui restera elle-même radioactive et pourrait être encore plus dangereuse car disséminée au gré des vents qui peuvent être très changeants et finalement plus aléatoires que les courants marins eux-mêmes. On a aussi pensé l’injecter dans des couches géologiques profondes entre deux formations argileuses imperméables, comme on le fait pour le stockage de déchets radioactifs en fûts, mais avec un risque non négligeable de migration et de contamination des nappes phréatiques déjà bien mal en point. On a aussi suggéré d’utiliser cette eau pour faire du béton qui serait à son tour stocké en profondeur : c’est plus sûr mais nettement plus cher…

Des réservoirs d’eau contaminée radioactive à perte de vue qui vont tous finir dans la mer… (photo © Kota Endo / Kyodo News / AP / Le Monde)

Bref, après des années de réflexion, les ingénieurs de Tepco sont arrivés à la conclusion que la solution la plus simple et assurément la moins coûteuse consistait tout bonnement à rejeter cette eau dans l’océan Pacifique. Ils ont observé le comportement de poissons élevés dans des bacs d’eau radioactive puis replacés dans de l’eau de mer et qui semblent résister assez bien, ce qui leur a permis de convaincre les ingénieurs de l’AIEA que cette eau, une fois diluée en mer, ne sera finalement pas si toxique que cela.

Une canalisation d’un kilomètre a été construite pour permettre le rejet en mer de toute cette eau contaminée, après dilution préalable, de telle sorte que la radioactivité de l’eau rejetée ne dépasse pas, en principe, 1500 Béquerels par litre, nettement moins que les 4000 Bq/l mesurés à la sortie de l’usine française de La Hague, et encore moins que les normes imposées par l’OMS pour l’eau potable, à savoir 10 000 Bq/l. Toutes les installations ont été testées fin juin et les premiers rejets devraient commencer début août pour s’étaler sur plusieurs décennies.

Des milliers de sacs remplis de terre contaminée, entassés autour de la centrale de Fukushima sans que personne ne sache très bien quoi en faire… (photo © AFP / Est Républicain)

Il avait fallu 12 ans pour construire la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, entre 1967 et 1979. Il faudra sans doute un demi-siècle à partir de son arrêt en 2011 pour achever son démantèlement… Au lendemain de la catastrophe, un immense chantier avait déjà été entrepris pour décaper les sols contaminés sur une zone d’environ 9000 km2 et en extraire le Césium dont la radioactivité met 30 ans pour diminuer de moitié. Cette opération a coûté une petite fortune, estimée à 24 milliards de dollars et a généré une montagne de déchets, évaluée à 20 millions de m3, toujours entreposés sur place en attendant un éventuel transfert ultérieur. Toutes les zones résidentielles ont été traitées, les fossés curés, les toitures et les façades lavées, les jardins décapés et les zones boisées assainies dans un rayon de 20 m autour des habitations, mais pas au-delà. 75 % de la surface contaminée, occupée par des forêts, est donc restée à l’écart de ce traitement et laissée en l’état jusqu’à ce jour, conservant son potentiel de césium radioactif qui continue à se disperser au gré des événements climatiques.

Manifestation à Séoul en Corée du Sud, le 30 juin 2023, contre les rejets d’eau radioactive dans le Pacifique (photo © Ahn Young-Joon / AP / Le Monde)

La pêche est toujours interdite dans les cours d’eau de la région. Mais aucune mesure n’est envisagée pour restreindre les activités de pêche dans l’océan à proximité des zones de rejets de l’eau contaminée, les autorités étant persuadées que la dilution naturelle suffira à éviter tout impact dommageable sur l’environnement. Une appréciation qui est loin de convaincre tout le monde, y compris dans les pays limitrophes dont la Chine et la Corée du Sud où l’on assiste déjà à des manifestations bruyantes de marins-pêcheurs tandis qu’on observe une amorce de spéculation sur le prix du sel : les ingénieurs de Tepco, quelque peu décrédibilisés par leur gestion de la catastrophe de 2011, vont devoir faire preuve de pédagogie pour convaincre de la pertinence de leurs choix techniques simples et peu coûteux…

L. V.

Peut-on s’inspirer de la social-démocratie danoise ?

8 juillet 2023

Le Danemark n’est pas la France ! Avec 5,8 millions d’habitants, à peine plus que la seule région PACA, le Danemark reste un petit pays européen, par ailleurs sensiblement plus riche que la France avec un PIB par habitant supérieur de 22 % et un endettement qui ne dépasse pas 32 % du PNB. Pourtant, comme la France, le Danemark fait partie de ces pays où l’État providence a été fortement développé et reste très présent, avec un niveau de protection sociale et un taux d’imposition très élevés, ce dernier étant même supérieur à celui de la France pour les plus hautes tranches de revenus.

Mais les Danois ne connaissent pas ces flambées de violence et ces émeutes urbaines que la France subit régulièrement (et que l’on a vu aussi, récemment dans d’autres pays proches dont la Suède), ni cette morosité ambiante qui rend les Français si désespérés et perpétuellement râleurs. L’indice de développement humain, calculé par le PNUD à partir d’indicateurs basés sur le niveau de vie, la santé et l’éducation, autrement dit les principales préoccupations de la grande majorité, y est très supérieur à celui de la France et l’un des premiers au monde. Quant au taux de chômage, il plafonne à 4,5 % de la population active, près de deux fois moins qu’en France, avec un système dit de flexisécurité qui allie une relative facilité de licenciement et une forte indemnisation des personnes au chômage.

Mette Frederiksen, chef du gouvernement danois depuis 2019 (source © Scanpix / T-online)

Et qui plus est, ce pays, officiellement une monarchie constitutionnelle, est depuis 2019 dirigé par un gouvernement de gauche, d’abord composé uniquement de membres du parti social-démocrate puis allié depuis 2022 avec le Parti libéral, avec, à la tête du gouvernement, une femme, Mette Frederiksen, jadis surnommée « Mette la Rouge », membre du parti à 15 ans, ancienne syndicaliste, élue députée pour la première fois à 24 ans, et qui a été successivement ministre de l’Emploi en 2011, dans un gouvernement de centre-gauche, puis ministre de la Justice en 2014.

Borgen, la série de politique fiction au Danemark, créée par Adam Price en 2010 (source © France TV Info)

Pour qui a vu la série « Borgen » qui relate la vie quotidienne de Birgitte Nyborg, Première Ministre danoise centriste fictive, les rouages de la vie politique danoise n’ont que peu à voir avec le fonctionnement de notre propre démocratie. Les coalitions entre partis y sont plus fréquentes et la notion de compromis politique, en vue de poursuivre un intérêt général commun, plus facile à mettre en œuvre, même si les coups bas et les rivalités de personnes y sont aussi nombreux que partout ailleurs. En 2015, lorsque le parti social-démocrate a laissé le pouvoir à une coalition libérale et que Mette Frederiksen a pris la tête du parti, elle a largement contribué à poursuivre son évolution, en particulier vers une position plus ferme en matière de régulation de l’immigration.

Arrivée de réfugiés au Danemark en 2015 (photo © Claus Fisker / Scanpix Denmark / AFP / Courrier international)

Comme la plupart des pays européens, le Danemark a connu, à partir des années 1960 plusieurs vagues d’immigrations, et a dû faire face à des difficultés croissantes d’intégration d’une partie de ces populations qui se rassemblent dans des quartiers ghettos où les conditions de vie et de sécurité se dégradent. Dans ces années-là, comme en France, les partis danois de gauche adoptaient une vision très libérale face à l’immigration. Ainsi que l’analyse très bien Renaud Large pour la Fondation Jean Jaurès, la gauche européenne et française en particulier, est plutôt sur ces questions adepte de la politique de l’autruche, feignant d’ignorer que ces difficultés d’intégration liés à une immigration mal contrôlée, deviennent une préoccupation majeure pour nombre de leurs électeurs, non pas les populations aisées et éduquées des grandes métropoles, mais pour leur électorat populaire traditionnel qui rejoint en masse les rangs de l’extrême-droite.

Ce sont les mêmes mécanismes qui, au Danemark, ont conduit à l’émergence et à la croissance rapide du parti du Peuple danois, le FN local, qui draine en 2015 plus de 21 % des suffrages. Sauf que, depuis plusieurs années et surtout depuis leur défaite électorale de 2015, les sociaux-démocrates danois ont fortement évolué sur ces questions, se livrant à un véritable aggiornamento. L’un des artisans de cette révolution idéologique est un jeune député élu en 2015 et devenu en 2019 ministre de l’Immigration et de l’Intégration, Mattias Tesfaye, lui-même fils de réfugié éthiopien et d’origine modeste, issu de l’aile gauche du parti.

Mattias Tesfaye, actuel ministre de l’Éducation du Danemark (photo © Jens Dresling / Policywatch)

Il se rend compte, en analysant les archives, à quel point les élus locaux de gauche ont à maintes reprises alerté dans les années 1980-90 sur les difficultés sociales liées au défaut d’intégration de certains immigrés alors que la gauche dans son ensemble refusait de voir cette réalité et prônait un accueil inconditionnel, rejoignant en cela les intérêts du patronat, adepte d’une immigration sans limite. Or, pour les refondateurs du parti social-démocrate danois, adeptes d’un régime social juste, la gauche ne peut ainsi rester sourde aux attentes des catégories populaires fragiles, qui ont le plus besoin de cet État providence, moteur de l’égalité sociale grâce à la redistribution des richesses qu’il met en œuvre.

Pour reprendre les termes de Renaud Large, « l’intégration ratée des étrangers, c’est-à-dire le repli communautaire et les flux migratoires incontrôlés, érodent cette cohésion sociale nécessaire à la permanence de l’État providence. Les sociaux-démocrates danois estiment désormais que le contrôle des frontières et l’intégration des immigrés est la condition nécessaire à la préservation de l’État providence ». Depuis leur retour au pouvoir en 2015, ils ont donc poursuivi une politique nettement plus ferme visant à mieux contrôler les flux migratoires sur le sol danois et surtout à mieux intégrer les populations d’origine étrangère, ce qui passe par des programmes très ambitieux de dé-ghettoïsation de certains quartiers, d’apprentissage obligatoire de la langue, de formation professionnelle des nouveaux arrivants, mais aussi d’acculturation notamment sur les questions d’égalité hommes-femmes. Il est devenu désormais très difficile d’obtenir la nationalité danoise et le nombre de demandeurs d’asiles, qui était de 20 000 en 2015 est retombé à 800.

En parallèle, cette inflexion très nette du parti social-démocrate, outre qu’elle lui a permis de revenir au pouvoir en 2019, a contribué à un effondrement du parti du Peuple danois, retombé à moins de 3 % lors des dernières élections et surtout à un apaisement de la vie démocratique, 81 % des Danois estimant qu’elle fonctionne plutôt bien dans leur pays, tandis que les questions liées à l’immigration ne sont plus du tout centrales dans l’opinion publique.

Un dessin signé Karim (source © Gagdz)

La droite française lorgne d’ailleurs sur cette politique migratoire danoise devenue l’une des plus fermes en Europe et aimerait s’inspirer de certaines des mesures qui y ont été prises. Mais c’est la gauche qui ferait bien de réfléchir à la nécessité d’aborder enfin ces questions qui préoccupent nombre de leurs électeurs des milieux populaires, principales victimes de la mondialisation et confrontés au quotidien à ces ratés de l’intégration qui remettent en cause leurs propres chances d’évolution sociale, d’accès à l’emploi et de sécurité.

C’est peut-être le mérite de l’exemple danois que de montrer que l’on peut aborder avec sérénité et de manière quasi consensuelle ces questions complexes de l’intégration des populations immigrées en sortant des positions figées à la Française que Kasper Sand Kjaer, porte-parole du parti social-démocrate danois résume ainsi dans Marianne : « si vous en parlez, vous êtes raciste. Si vous n’en parlez pas, vous êtes aveugle »…

L. V.

Sainte-Victoire : la chasse aux œufs… de dinosaures

5 juillet 2023

A Pâques, la traditionnelle chasse aux œufs était cette année organisée par le Conseil départemental des Bouches-du-Rhône sur son site de Roques-Hautes, un vaste domaine départemental qui s’étend sur 800 hectares au pied de la montagne Sainte-Victoire, sur les communes d’Aix-en-Provence, de Beaurecueil, du Tholonet, de Saint-Antonin-sur-Bayon et de Saint-Marc Jaumegarde. Une chasse aux œufs en chocolats tout ce qu’il y a de plus classique pour amuser les plus petits, sauf que les œufs en question font référence aux œufs de dinosaures qui sont légions dans le secteur, au points que nombre de paléontologues anglophones ont surnommé le coin « Eggs en Provence »…

Affiche ludique du Conseil départemental pour la chasse aux œufs de Pâques (source © CD 13)

C’est en 1869 que le géologue Philippe Matheron a découvert et décrit les premiers restes fossilisés de dinosaures de Provence, découverts près de l’étang de Berre, tandis qu’Albert de Lapparent publiait en 1947 une première synthèse sur les dinosaures du sud de la France à partir de ses fouilles réalisées en 1939 sur le site varois de Fox-Amphoux. Dès 1935, des premiers œufs fossilisés de dinosaures sont découverts par Maurice Dérognat près de la Sainte-Victoire et c’est en 1952 que le conservateur du Musée d’histoire naturelle d’Aix-en-Provence, Raymond Dughi, et son adjoint, François Sirugue, font état de leurs propres observations, sur le site dit de Roques-Hautes, à Beaurecueil.

Œufs de dinosaures de la Sainte-Victoire (source © Grand site Sainte-Victoire)

Bien d’autres ont été exhumés depuis, dans toute la vallée de l’Arc, de Trets jusqu’à l’étang de Berre, mais ce site de Roques-Hautes est l’un des mieux conservés car entièrement préservé de l’urbanisation. Une réserve naturelle, fermée au public et s’étendant sur 140 ha, y a été créée en 1994, à la suite du dernier grand incendie qui avait presque entièrement ravagé le massif de la Sainte-Victoire fin août 1989, réduisant en cendre près de 5000 ha. C’est d’ailleurs en 1994 qu’a été exhumé, par Edgar Lorenz, un premier squelette complet de Rhabdodon priscum, exposé au musée d’Aix-en-Provence.

Squelette de Rhabdodon priscum (source © Futura sciences)

Les terrains dans lesquels ont été conservés ces œufs de dinosaures sont des argiles rougeâtres qui datent du Crétacé supérieur, il y a environ 74 millions d’années. A l’époque, tout ce secteur, parfois appelé bombement durancien, sépare le golfe méditerranéen au sud et la mer qui s’étend alors sur l’emplacement des Alpes actuelles. De nombreux cours d’eau le parcourent et les dépôts argileux dans lesquels on retrouve les œufs fossilisés correspondent aux berges de ces anciens cours d’eau : les œufs une fois éclos s’y échouaient et se remplissaient de sédiments, ce qui a permis leur conservation.

Le lit des cours d’eau de l’époque charriait des galets qui ont donné les grès actuels dans lesquels on retrouve désormais des ossements fossilisés, provenant principalement de deux espèces bien identifiées, les Rhabdodons, de gros herbivores pouvant atteindre 4 m de long pour 1,80 m de hauteur et peser jusqu’à 3 tonnes, ainsi que des Arcovenator, de redoutables carnassiers de près de 5 m de longueur. Les Rhabdodons affectaient les zones de lac (caractérisés par des dépôts de calcaires lacustres) au bord desquels ils venaient pondre leurs œufs dans les herbiers périphériques. A l’époque, la zone, située beaucoup plus au sud qu’actuellement, jouissait d’un climat chaud, quasi tropical, qui avait permis, durant le Crétacé moyen la formation de bauxite sur ces mêmes terrains.

Site du parc départemental de Roques-Hautes au pied de la Sainte-Victoire (source © MyProvence)

A la fin du Crétacé, sous l’influence de la plaque africaine qui remonte vers le nord, mouvement à l’origine de la formation des Pyrénées, tout le secteur se creuse d’une vaste ride, formant le synclinal de l’Arc, tandis que son flanc nord se plisse et qu’apparait un premier relief à l’emplacement approximatif de l’actuelle montagne Sainte-Victoire. Ces mouvements tectoniques intenses se poursuivent durant tout l’Éocène, au début de l’ère tertiaire, conduisant notamment à la formation de brèches qui ont d’ailleurs été exploitées comme calcaires marbriers. Puis, au cours de l’Oligocène, les mouvements tectoniques s’accentuent, en lien avec la formation de la chaîne alpine : le nouveau pli anticlinal qui s’est formé finit par se rompre et les terrains formant l’actuelle montagne Sainte-Victoire s’avancent vers le nord de près de 2 km sous forme d’un chevauchement sur les terrains sous-jacents.

Malgré cette complexité géologique, on retrouve donc, dans la réserve de Roques-Hautes, de très nombreux vestiges fossilisés datant de cette époque de la fin du Crétacé où Rhabdodons et Arcovenator abondaient. Les fouilles se sont multipliées depuis 2010 et voila donc que le Département a lancé, en collaboration avec le Musée d’histoire naturelle d’Aix-en-Provence et le ministère de la Défense (propriétaire d’un vaste terrain très convoité par la réserve naturelle car d’une grande richesse paléontologique), des campagnes faisant appel aux bonnes volontés pour venir fouiller le sol à la recherche des morceaux de coquilles d’œufs fossilisés.

Campagne Brossons des œufs sur les flancs de la Sainte-Victoire (source © page Facebook Réserve naturelle de Sainte-Victoire)

Intitulées « Brossons des œufs », ces campagnes, dont La Provence a rendu compte récemment, permettent d’associer aux fouilles de nombreux amateurs passionnés, ce qui contribue aussi à éviter les risques de pillage du site. Chacun peut en effet s’investir pour venir gratter la terre, mais en s’inscrivant à l’avance, comme c’était le cas lors de la dernière journée organisée, le 26 juin 2023 et en étant encadré par une équipe de spécialiste, qui profite de cette main d’œuvre bénévole et enthousiaste tout en prodiguant des conseils pédagogiques pour éviter que cet engouement ne se traduise en un saccage désordonné de vestiges miraculeusement conservés au fil des millénaires : une belle démarche de rapprochement entre scientifiques généreux et citoyens engagés !

L. V.

La droite marseillaise recrée le RPR…

3 juillet 2023

L’Histoire est un éternel recommencement et la vie politique française donne parfois l’impression de bégayer… Voilà que, le 23 juin 2023, le maire (de droite) de Marignane, Éric Le Dissès, et le député local de la 12e circonscription des Bouches-du-Rhône, Franck Allisio, membre du Rassemblement national, viennent d’annoncer la création officielle d’une nouvelle association d’élus, baptisée le RPR ! La démarche ne manque pas de surprendre, car la référence au défunt RPR est évidente, jusqu’au logo de la Croix de Lorraine bleu-blanc-rouge qui est réutilisé quasi à l’identique.

Éric Le Dissès (à gauche) et Franck Allisio, annonçant la (re)création officielle du RPR, le 23 juin 2023 (photo © A. L. / La Provence)

Voilà qui ressemble beaucoup à un formidable bond en arrière de près de cinquante ans, révélateur d’une démarche conservatrice, destinée à drainer un électorat nostalgique des grandeurs du passé ! C’est en effet en 1976 que le précédent RPR a été créé, lui-même en référence directe à l’ancien parti gaulliste le RPF (Rassemblement du peuple français) initié en 1947 par le général De Gaulle en personne et mis en sommeil dès 1955…

En 1974, le parti gaulliste de l’époque s’appelle l’UDR (Union pour la défense de la République) lorsque le tout nouveau Premier ministre, Jacques Chirac, en prend la tête, au grand dam des barons gaullistes d’alors, comme Robert Boulin qui parle de « hold-up » tandis que Jacques Chaban-Delmas lâche : « M. Chirac n’a découvert le gaullisme qu’en comptant les sièges de l’Assemblée ». Démissionnaire de Matignon dès 1976, Jacques Chirac s’empresse de transformer l’UDR qui donne donc naissance, le 5 décembre 1976 au RPR, le Rassemblement pour la République, dont il est élu président avec 96,5 % des suffrages exprimés : bravo l’artiste !

Jacques Chirac lors d’un meeting du RPR en janvier 1983, parti qu’il a dirigé pendant près de 18 ans… (photo © AFP / Le Télégramme)

Devenue une formidable machine électorale pour la droite, le RPR disparait néanmoins en 2002, au profit de l’UMP, d’abord Union pour un mouvement populaire avant de se transformer très rapidement en Union pour la majorité présidentielle, dès la réélection de Jacques Chirac pour son second mandat à l’Elysée. Mais en 2017, Marine Le Pen, qui réfléchissait alors à changer le nom du Front national hérité de son père, avait chargé un de ses amis, l’avocat Frédéric-Pierre Vos, de racheter la marque et le logo de feu le RPR. Mission accomplie, même si c’est finalement le nom de Rassemblement national qui a été retenu en 2018 pour le parti d’extrême-droite.

Franck Allisio annonçant en 2015 son ralliement au FN, aux côtés de Marion Maréchal-Le Pen (photo © Anne-Christine Poujoulat / AFP / Europe 1)

En tout cas, la marque RPR n’est pas totalement tombée en désuétude et c’est donc Frank Allisio qui se targue depuis janvier 2022 d’être le nouveau président du RPR ! Issu des rangs LR où il a été président national des « Jeunes actifs », il annonce en 2015 son ralliement au Front national et participe comme porte-parole à la campagne de Marion Maréchal-Le Pen, lors des régionales, avant de s’investir dans la campagne présidentielle de Marine Le Pen en 2022, ce qui lui vaut d’être élu député de la 12e circonscription des Bouches-du-Rhône, sur la Côte bleue, depuis le 19 juin 2022.

Cette annonce officielle de renaissance du RPR a en tout cas fait l’effet d’une petite bombe dans le microcosme de la droite française… Dans l’esprit de Franck Allisio, il s’agit bien évidemment de créer les bases d’une alliance électorale qui engloberait aussi bien LR que le RN, voire le parti Reconquête d’Éric Zemmour. Mais toute la droite n’est pas forcément prête à une telle stratégie qui vise ouvertement à « reconstruire la France, tourner la page du macronisme et faire barrage à l’extrême-gauche NUPES ». Même Éric Ciotti, le nouveau président mal élu des LR, qui poursuit pourtant ouvertement le même programme, s’en est indigné, sans doute vexé de n’avoir pas eu l’idée le premier…

Éric Ciotti, président du parti Les Républicains et qui a souvent tendance à déborder le RN sur sa droite, s’offusque de cette initiative d’union des droites (photo © Ludovic Marin / AFP / Le Télégramme)

Renaud Muselier, de son côté, joue les vierges effarouchées en constatant que le nouveau RPR ose arborer pour blason la fameuse Croix de Lorraine, « symbole donné par mon grand-père à la France Libre, et l’antithèse de l’extrême-droite et de ceux qui s’y rallient ». Le gaullisme reste quoi qu’on en dise une valeur sûre, toujours bonne à invoquer lorsqu’on veut, comme Renaud Muselier, se poser en gardien de la pureté, opposé à ce « simulacre d’alliances politiciennes contre nature ». C’est pourtant le même homme qui a été fortement critiqué par sa propre famille politique pour avoir, lors des dernières élections régionales, voulu élargir sa majorité en se rapprochant ouvertement d’Emmanuel Macron, au point de claquer la porte des LR et de rallier le parti Renaissance.

Toute la droite marseillaise se trouve de fait déstabilisée par cette initiative du RN, ouvertement appuyée par le maire de Marignane, Éric Le Dissès, lui qui fut conseiller national de l’UMP et directeur de compagne de Renaud Muselier en 2004. Ancien coureur de 400 m haies, conseiller municipal depuis 1995, alors que la ville de Marignane était dirigée par le FN Daniel Simonpieri, il prend sa place en 2008 et a été constamment réélu depuis, dans une commune où l’extrême-droite reste très présente. Mais sa première adjointe siège au Conseil régional aux côté de Renaud Muselier et lui-même est vice-président de la Métropole Aix-Marseille-Provence comme du Conseil départemental.

Renaud Muselier et Martine Vassal, désormais tous deux anciens LR et désormais soutiens du parti macroniste Renaissance, déjà en campagne pour les prochaines municipales de 2026…  (photo © Nicolas Vallauri / La Provence)

C’est donc un pilier de la majorité de Martine Vassal, laquelle présidait, jusqu’il y a peu, la fédération départementale LR avant de rallier brusquement le clan macroniste, et qui ne sait plus très bien non plus où elle habite, ce qui ne l’empêche pas de déclarer sans ambages : « Je condamne fermement la décision d’Éric Le Dissès de créer une association avec monsieur Allisio du RN. Comme je l’ai toujours démontré dans le passé, je n’adhérerai jamais à ce type de démarche ».

A 3 ans des prochaines élections municipales, la droite buco rhodanienne est manifestement en pleine recomposition et le moins qu’on puisse dire est qu’elle se cherche, entre libéralisme décomplexé, fermeté affichée sur le front du maintien de l’ordre et de la lutte contre l’immigration et populisme électoral de bon aloi, matinée d’un soupçon de clientélisme, toujours utile pour réussir en politique…

L. V.

Katulu ? n° 69

1 juillet 2023

Le cercle de lecture carnussien Katulu ? poursuit ses activités, toujours aussi épris de partager ses coups de cœur sur les derniers livres découverts par ses membres, au cours du deuxième trimestre de l’année 2023.

Retrouvez ci-dessous l’intégralité des notes de lecture de ces livres. Si vous aussi vous avez envie d’échanger en toute convivialité autour de vos lectures, venez nous rejoindre pour les prochaines réunions qui se tiennent régulièrement à Carnoux-en-Provence !

Vivre vite

Brigitte GIRAUD

Le Prix Goncourt 2022 a été attribué à Brigitte Giraud pour « Vivre vite » ! Dans ce roman autobiographique, l’autrice analyse, vingt ans après la mort de son mari dans un accident de moto, les circonstances malheureuses, les mauvais choix qui ont conduit à ce malheur dont elle a eu beaucoup de mal à se remettre. Elle attribue à la maison achetée depuis peu une place primordiale à l’enchaînement des faits qui ont conduit au drame.

Cet écrivain nous permet, grâce au récit, de passer de l’intime, du particulier à un roman vers l’Universel, qui touche tout le monde et nous fait réfléchir sur notre vie dans la société actuelle, notre civilisation où « Vivre vite » est souhaité pour être efficace et rentable.

Josette J.

Paris-Briançon

Philippe Besson

Dans ce roman, Besson décrit un voyage ferroviaire. « Le train Intercités de nuit n°5789 est prévu à 20 h 52. Il dessert les gares de… et Briançon, son terminus, qu’il atteindra à 8 h 18. ». C’est d’une précision SNCF.

A Paris, dans un des six wagons de ce train, sont montés un couple de retraités, des hommes d’affaires, une mère de famille avec deux enfants, des étudiants. Les motifs qui les ont poussés à choisir ce long voyage de nuit, au lieu d’un TGV plus rapide, sont rationnels et bien expliqués. Les passagers font connaissance selon leurs affinités, se livrant peut-être plus facilement à des confidences, dans ce milieu clos. Que restera-t-il des échanges de la nuit ?

Un réveil matinal dans ce microcosme… et puis c’est l’accident à un passage à niveau : «la collision était inévitable ». On entre en tragédie, avec les médias, les secours, les badauds.

Efficace et sobre, un épilogue de deux pages clôt ce récit intimiste et évocateur. Bien fait, facile à lire. Pourrait faire un scénario.

Roselyne

L’horizon

Patrick Modiano

Jean Bosmans, âgé d’une soixantaine d’années, déambule dans le Paris de 2010. A l’entrée de la petite rue Radziwill, il évoque ses rencontres, quarante ans auparavant, avec Margaret Le Coz qui travaillait comme traductrice d’allemand dans une agence d’intérim et qu’il allait chercher à la sortie des bureaux.

Ils ont 21 ans mais sont tracassés par un passé trouble (des parents indignes pour Jean, un harceleur sexuel pour Margaret). Ils se soutiennent mutuellement pour dominer leur angoisse et leur faiblesse. « Puis le temps passe et ce futur devient du passé ». Cela semble le refrain habituel de P. Modiano. Mais, chose rare, le récit est au temps présent, un présent actif qui a l’horizon comme avenir.

Quarante ans après, un soir que Bosmans est à Berlin, il a l’idée saugrenue de taper sur un clavier : « Margaret le Coz Berlin ». L’adresse, le numéro de téléphone, le fax d’une librairie apparaissent. Il part à pied la rejoindre. A pied… il a le temps, il sait que la librairie ferme tardivement.

Nouveautés : Le temps a plus d’importance que les lieux. L’horizon remplace le passé.

Roselyne

Crépuscule

Philippe Claudel

Un roman historique qui se situe à la fin du 19ème siècle, un roman sombre qui n’est pas sans évoquer le monde actuel fait d’inquiétudes, de peurs, de fantasmes (complotisme).

Le sujet du livre, le fil rouge : comment l’homme écrit-il l’histoire ? Comment l’homme décide-t-il de raconter l’histoire ? La vérité historique est-elle possible ? Comment se fabrique-t-elle ? L’élaboration de contre-vérités, la réécriture de l’histoire ne sont-elles pas une mécanique millénaire ? L’imaginaire rétablit la vérité, cela arrange tout le monde, cela soude le collectif.

Le roman s’ouvre sur un crime dans un petit village de 1 378 habitants où vit une communauté musulmane de 54 âmes, parfaitement intégrée. Le crime n’est pas un crime ordinaire : le curé du village a été tué. Et pourtant cela va devenir « un événement dérisoire ».

Les cinq cents pages du livre analysent le long cheminement des forces occultes, en particulier celles du pouvoir en place qui sent venir sa fin, qui aboutiront à un meurtre collectif.

Crépuscule est un livre d’écrivain : un style poétique, un vocabulaire riche, de longues phrases descriptives, l’art du portrait, l’art de créer l’émotion. Ne pas oublier l’art du suspens : le meurtrier du curé ne sera dévoilé que dans les dernières pages et cela n’est pas sans surprise ! Un livre passionnant par les idées qu’il développe et par l’écriture de l’auteur. Un livre de 500 pages certes mais qu’on ne lâche pas !

Marie-Antoinette

Génération DENIM

Dato Tourachvili

En 1983 en Géorgie, un fait divers tragique révéla au monde entier les agissements de la Russie. L’auteur, Dato Tourachvili, décrit ainsi ambiance morbide qui écrasait les Géorgiens dans leur pays satellite de URSS. Gouvernement, justice et police sont soumis à des contrôles permanents. La population est affamée par des restrictions drastiques. Le peuple n’ose rien mais rêve de retrouver la douceur de vivre dans ce pays tempéré, jadis libre et riche. Les jeunes surtout lorgnent vers la liberté occidentale. Porter un vrai jean en devient le symbole, mais un vrai denim, un jean américain réputé inusable et strictement interdit par les autorités.

Le récit romancé raconte les vies et les espoirs de quelques jeunes gens : fuir leur pays en détournant un petit avion de liaison avec la Turquie voisine. Mal préparée, l’affaire tourne au drame, à l’arrestation des conjurés, à leur procès sommaire et à leur exécution sauvage. Bref et atroce.

Paru en 2008, traduit en français en 2022 et édité chez Robert Laffont, le récit est bien documenté avec photos des étudiants en fin de volume, étude psychologique des protagonistes, étude sociologique d’un pays asservi en reconquête de ses libertés. A lire dans l’ambiance actuelle.

Roselyne

L’ancien calendrier d’un amour

Andreï Makine

Le livre s’ouvre sur la rencontre du narrateur avec un vieil homme à l’entrée d’un cimetière à Nice. Tous deux sont Russes. Le héros Valdas ! Quelle vie ! Quel chemin parcouru depuis ses premiers émois en Crimée à ce monsieur âgé assis sur le banc du cimetière qui va se confier au narrateur.

Valdas a vécu les tourments de l’histoire, d’abord la première guerre mondiale puis la guerre civile de son propre pays qui met à bas toute sa vie. Survivant des massacres entre « Rouges et Blancs » il se réfugiera en France… et ce sera à nouveau la guerre. Mais il garde en lui le souvenir d’une parenthèse qui le bercera toute sa vie, une vie qu’il aurait vécu au sein de « l’ancien calendrier ».

Plus qu’un roman historique, c’est un roman sur l’homme, sur la manière dont les événements, l’Histoire avec un grand H peut se révéler dévastatrice, briser la vie ; et malgré tout celui qui survit, espère et aime encore.

Un livre relativement court qui fait revivre ce vingtième siècle, un siècle chargé en événements violents, surtout quand on est Russe et qu’on a quinze ans en 1913. Et ce qui charme par-dessus tout, c’est l’écriture de l’auteur, à la fois merveille de concision et de puissance évocatrice. Émouvante évocation du deuil. Envoûtante par la magie de ses mots, de son style.

Marie-Antoinette

Une fille en colère sur un banc de pierre

Véronique Ovaldé

L’auteur à travers l’histoire d’une famille sur l’île de Lazza au large de Palerme en Sicile, ausculte au plus près les relations que nous entretenons les uns avec les autres, et les incessants accommodements qu’il nous faut déployer pour vivre nos vies. Un roman comme un conte, ses secrets, ses regrets, ses jalousies, ses culpabilités, jalonnent le texte pointant le portrait d’une famille meurtrie par la disparition d’un de ses membres : Mimi la dernière des quatre filles.

Il y a la peinture d’un village méditerranéen et de ceux qui y vivent, et de celle qui a été répudiée, bannie car désignée coupable. Ambiance de ce coin de Sicile, ses mystères, ses décors. Il y a l’odeur du chèvrefeuille et les stridulations des mésanges, puis il y a les abeilles bombardières. Il y a la brise de mer, les pins…Et il y a ses relations familiales, ses silences. Le passé et ses secrets vont resurgir lors de l’enterrement du père et ce sera le temps de la vérité et celui de la vengeance, insidieuse mais implacable.

La plume est alerte et incisive. L’autrice explore de façon subtile les méandres des tensions familiales exacerbées par une tragédie suggérée pendant tout le roman et dévoilée dans les dernières pages.

Dany

Terminus Malaussène

 Daniel Pennac

Paru chez Gallimard en 2023, neuvième et dernier tome de la série commencée en 1985 avec « Au bonheur des ogres ». Comme le titre l’indique, D Pennac met un point final à sa série-culte avec cette dernière publication. En exergue du livre se trouve l’arbre généalogique de la famille Malaussène et en fin de volume le répertoire de tous les personnages qui ont traversé la série.

Sans rides malgré son âge, Maman préside à trois générations. Les plus jeunes ont monté un coup, pour rigoler, en enlevant un richissime homme d’affaire, et son fils. Hélas la blague tourne au drame. Au fil des pages se dessinent les trafics de drogues, rapts d’enfants, vol d’organes, les paris, la misère, le luxe tapageur, le crime, le dévouement ; le tout soutenu et amplifié par les médias et la pratique des « folks-news ».

Semant ainsi dans l’histoire extravagante quelques idées et sentiments personnels, D.Pennac prépare sa conclusion. Dans une contraction finale apparaît un fil d’Ariane : la Maman et le Pépère symbolisent le bien et le mal dans une vision manichéenne ; celle-ci embellie pour la faconde, le sens du récit, la souplesse et la multiplication des figures de style.

Un feu d’artifice final ! Mais qui ne laisse pas oublier le charme et l’humour des huit récits précédents dans le vieux quartier de Belleville où l’on sentait vibrer l’âme d’une population multiple et pittoresque. 

Il ne fut pas toujours facile de publier une telle extravagance. Porte-parole de D. Pennac, Alceste interpelle Benjamin, page160 et suivantes : « Il paraît que vous trouvez mon bouquin trop marqué par le réalisme magique, Malaussène ? Que vous voulez me faire retravailler ? Vous ? Me faire retravailler ? Moi !… » « Je vous le dis solennellement, si vous tenez à votre santé mentale, ne fréquentez pas les éditeurs. »

Roselyne

PARIS

Yann Moix

Polémiste et écrivain, bien connu à la T.V., Yann Moix donne suite, dans un style perfectionniste, à ses romans Verdun, Reims et Orléans, en racontant la vie d’un jeune homme instruit mais désargenté qui a décidé d’être, quoi qu’il en coûte, un « auteur à succès ».

C’est un roman noir et burlesque sur le milieu snobinard littéraire dans la capitale. Mais on se lasse de ces avatars et on attend en vain le ressenti d’émotions créatrices qui pousseront l’écrivain à peaufiner son œuvre. On se contenterait même d’une idée directrice, d’un élan…

Les éditeurs ne sont guère plus intéressés par l’œuvre enfin achevée, sauf Grasset en 2022 qui accepte le texte pour son style séduisant. Mais l’art pour l’art, est-ce assez pour séduire le lecteur ?

Roselyne

Blanc

Sylvain Tesson

De Menton au bord de la Méditerranée, la traversée des Alpes à ski, jusqu’à Trieste, en passant par l’Italie, la Suisse, l’Autriche et la Slovénie, de 2018 à 2021, à la fin de l’hiver, à raison d’un mois par an. C’est le récit de ce défi que Sylvain Tesson s’était lancé avec son ami Daniel du Lac. « Ailleurs est plus beau que demain », selon la formule de Paul Morand.

Cette épopée est décrite en 4 chapitres, chacun correspondant à l’année où elle s’est déroulée. Dans deux pages d’introduction et deux pages de conclusion Sylvain Tesson nous livre la quintessence de son expérience. Le corps du livre nous fait vivre physiquement les réflexions de ces 4 pages !

L’effort physique : « Dans le vent… on allait, réduit au seul soin d’avancer… Parfois il semblait nous évanouir vivants. Où allait-on ? Peu importait. Pour combien de temps ? Aucune idée. »

la métamorphose des paysages : « Les structures du paysage se métamorphosaient en un motif unique… Ces espaces avaient perdu leurs délimitations pour se dissoudre en un seul principe dont l’absence de singularité garantissait l’éclat. »

la contemplation : hypnose du blanc… « le blanc envahissait l’être, organisait l’oubli… tout s’annulait : les vœux comme les regrets… La joie de la contemplation se mêlait à la jouissance de tracer dans l’absolu.

Et de citer les vers de Rimbaud, le poète qui l’accompagne tout au long des heures de marche :« Je ne parlerai pas, je ne penserai rien, mais l’amour infini me montera dans l’âme » et d’ajouter : « Remplacer « amour » par « blanc »… »

Marie-Antoinette

Tsunami 

Marc Dugain

Ce roman retrace la vie d’un jeune Président de la République Française qui vient d’être élu : nous sommes en 2027 ! Pourquoi : « Tsunami » ? Ce terme signifie menace car tous les événements auxquels on assiste au fur et à mesure du livre sont inquiétants et promettent des difficultés à venir pour le nouvel élu.

« Quand fiction et réalité se mêlent étrangement » ! La trame romanesque attache le lecteur : il y a un héros, le Président de la République. C’est un journal intime et une chronique de la société. Les relations humaines au niveau de l’exécutif, les jeux de pouvoir sont parfois cocasses et dignes d’un Balzac !

Mais le romanesque rejoint la réalité car très vite les faits décrits sont brûlants d’actualité. Une grande révolte sociale se prépare suite à l’annonce d’une réforme primordiale sur les institutions, réforme qui peut engendrer une guerre civile !

La drogue, la violence dans les cités, l’écologie, la puissance des GAFAM, les lobbies ou la concentration des pouvoirs, l’abstention aux élections, autant de sujets abordés reflets de la réalité de la France et du Monde d’aujourd’hui.

Ce livre est passionnant par son intérêt sociologique sur notre société actuelle. Les mécanismes de nos institutions sont bien décrits par l’auteur qui est expert sur ces sujets d’actualité, de gouvernance ou d’environnement. La violence qui s’étend à travers le monde est inquiétante, le poids des GAFAM, devenant plus forts que les États, les effets néfastes des écrans sur les individus font de ce roman un vrai tsunami des dangers à venir !

On croit pouvoir dire en lisant ce livre « qu’on ne va pas vers le meilleur des mondes ».

Josette J.

Francis Ponge

Lire Francis Ponge est une gourmandise littéraire. C’est tantôt comme savourer une tasse de chocolat chaud et onctueux et tantôt comme goûter la saveur fraîche et acidulée d’une citronnade non sucrée. Tout dépend de la température de votre esprit.

Le tronc vivant, l’arborescence de son œuvre sont tels que je ne saurais faire un choix dans ce génial fouillis car ce serait couper des branches sans raison. Je cueille donc simplement quelques pensées et je vous en offre un petit bouquet :

« Qu’est-ce qu’un artiste ? C’est quelqu’un qui n’explique pas du tout le monde mais qui le change. Ce tableau…. ne représente rien, bien sûr puisqu’il vous présente l’avenir. »

« Mes pensées les plus chères sont étrangères au monde, si peu que je les exprime, lui paraissent étranges. Mais si je les exprimais tout à fait, elles pourraient lui devenir communes. »

« Ces phrases ont été formées par moi en songe, m’y semblant parfaitement belles et significatives. Il me sembla chaque fois, que j’avais trouvé comme la pierre philosophale de la poésie… »

Mireille