Que d’espoirs déçus : elle devait permettre un meilleur partage des profits entre actionnaires et salariés. La prime sera finalement limitée, tant sur les montants que sur le nombre d’entreprises concernées.
Ils l’ont rebaptisée « prime de la déprime ». Les quelque 4 millions de salariés du privé concernés par la « prime sur le partage des profits » ne se font plus d’illusion sur ce dispositif qui devait leur permettre de bénéficier, comme les actionnaires, des profits réalisés par leurs entreprises.
Dès cette année, ils devaient toucher « au moins 1 000 € ». C’est ce que Nicolas Sarkozy et le gouvernement avaient annoncé, en avril, en réaction aux importants dividendes versés aux actionnaires des entreprises du CAC 40.
La somme avait ensuite été abaissée à 700 €. Aujourd’hui, les estimations sont plus pessimistes. De l’ordre de 200 € à 300 €, selon les études menées par les cabinets Towers Watson et Deloitte. Avec des extrêmes.
Dernièrement, l’entreprise Securitas a proposé une prime allant de 3,50 € à 7,50 € lors des négociations avec les syndicats. Tollé. « C’est une provocation vis-à-vis des salariés qui voyaient dans cette prime une opportunité d’augmenter un pouvoir d’achat en chute libre », a dénoncé Erik Biro, secrétaire général de l’Unsa-Sécuritas.
Des résultats très variables
Le ministre du Travail, Xavier Bertrand, a interpellé l’entreprise sur cette décision qui allait à l’encontre de l’esprit de la loi. La direction a reconnu une aberration tout en assurant être dans la légalité. Mais les négociations ont repris et le ministre assure qu’une solution sera trouvée, quitte à se tourner vers l’intéressement et la participation.
Des dispositifs déjà en place, s’insurgent les syndicats pour qui la prime n’avait d’intérêt que dans la mesure où elle donnait lieu à un versement numéraire aux effets immédiats pour les salariés.
Pour autant, le ministère du Travail refuse de parler de dysfonctionnements. Interpellé, mardi, par un député de l’opposition sur son « miroir aux alouettes », Xavier Bertrand a répliqué que si la majorité n’avait pas voté ce texte de loi, « les 25 000 salariés de Sanofi n’auraient pas touché 600 € ». Le maximum d’une fourchette que le ministre a lui-même fini par établir: entre 150 € et 600 €.
Les records reviennent, pour l’instant, à L’Oréal qui distribuera une prime maximum de 765 €. Et à Total, qui ne versera rien… Le groupe pétrolier a prévu de redistribuer 5 milliards d’euros à ses actionnaires, mais son dividende par action n’ayant pas augmenté, il n’est pas tenu de verser une prime à ses salariés.
Le bilan de la prime sera connu à la fin de l’année. Pour les syndicats, le constat est fait depuis l’annonce du dispositif. « Une prime aléatoire et inégalitaire, qui concernera bien moins de 4 millions de salariés », estiment la CGT et la CFDT. C’était « une annonce médiatique à un moment médiatique », résume-t-on du côté du syndicat patronal CGPME.
Les partenaires sociaux regrettent de ne pas avoir été consultés par le gouvernement. Ils remettent en cause une loi aux contours trop flous. Et qui donne droit, selon la CFDT, à « une prime chaotique et conflictuelle qui perturbe le climat social ». Son versement a remis en cause la hausse annoncée des salaires, selon les syndicats et le patronat.