Posts Tagged ‘Aire métropolitaine’

Le CNRS s’intéresse à Marseille

30 avril 2024

Bien que plutôt réputée pour ses problèmes d’inégalité sociale, de retard économique et d’insécurité chronique, la ville de Marseille fait aussi partie de ces lieux d’excellence de la recherche scientifique. De fait, le CNRS (Centre national de la recherche scientifique) y possède une forte implantation. Sa délégation Provence et Corse, qui regroupe, outre la Corse, 4 départements de la région Paca (hors Var et Alpes-Maritimes), compte pas moins de 83 implantations, principalement concentrées sur le territoire d’Aix-Marseille et regroupe plus de 2200 agents.

Locaux du CNRS PACA-Corse rue Joseph Aiguier à Marseille, près de Sainte-Marguerite (source © GoMet)

C’est d’ailleurs à Marseille que le CNRS, créé en 1939, a ouvert son tout premier laboratoire de recherche en province, consacré en l’occurrence à la mécanique et à l’acoustique. Et les découvertes scientifiques faites localement ne sont pas négligeables, de la participation à la découverte de l’australopithèque Lucy en 1974 jusqu’à celle du boson de Higgs en 2012, en passant par l’observation de la première exoplanète qui valu le prix Nobel à Michel Mayor.

Et voilà que le CNRS annonce l’ouverture d’une nouvelle structure de recherche à Marseille, un laboratoire totalement inédit, dénommé « Territoires habitables », sous forme de laboratoire associé entre le CNRS et des collectivités territoriales, selon une idée innovante visant à faire dialoguer chercheurs et acteurs du territoire. L’objectif est d’imaginer à quoi ressemblera le territoire métropolitain dans le futur en y étudiant un certain nombre de données en lien avec l’évolution climatique, l’urbanisme, l’environnement, l’activité économique… Autant de sujets qui rassemblent des enjeux stratégiques pour la résilience des territoires.

Programme du colloque prospectif organisé en novembre 2022 à Marseille (source © CNRS)

L’idée de cette nouvelle implantation a germé à l’issue d’un colloque prospectif scientifique organisé en novembre 2022 à Marseille. Intitulé Territoires du futur, il était spécifiquement axé sur l’aire métropolitaine marseillaise et ses enjeux, notamment pour imaginer les révolutions nécessaires en matière de transport, d’alimentation, d’énergie, d’habitation, autant de domaines dans lesquels nos modes de vies sont à repenser pour tenter de nous adapter aux défis qui nous attendent, du fait du changement climatique, de la perte de biodiversité mais aussi des évolutions technologiques et numériques.

Des problématiques dans lesquels les acteurs de l’action territoriale sont au premier plan pour impulser et mettre en œuvre au quotidien les évolutions nécessaires, surtout dans cette aire métropolitaine marseillaise particulièrement exposée aux effets du réchauffement climatique global et qui cumule déjà de multiples handicaps dont une pollution atmosphérique préoccupante, une place de la voiture toujours prépondérante, un littoral urbanisé à outrance et des inégalités sociales et territoriales extrêmes. Bref, un véritable défi à relever pour les chercheurs du CNRS !

Dégradation de l’habitat collectif dans les quartiers nord de Marseille : une barre de la cité Kalliste (photo © Boris Horvat / La Depêche)

Un défi que les scientifiques souhaitent partager avec les collectivités territoriales, au premier rang desquelles la Ville et la Métropole, pour tenter de construire ensemble ce territoire métropolitain du futur, résilient face aux enjeux stratégiques du changement climatique, du développement économique, de la révolution numérique et de l’évolution des formes urbaines.

L’agglomération marseillaise : des transports encore dominés par la voiture (photo © Anne-Christine Poujoulat / AFP / Ouest-France)

Si le CNRS a choisi ainsi l’aire métropolitaine marseillaise pour cette expérience inédite, c’est parce qu’il compte sur ses nombreux chercheurs et laboratoires déjà bien implantés, ainsi que sur les relations étroites déjà nouées avec les collectivités en matière de recueil et d’échanges de données, mais aussi parce que Marseille cumule bien des handicaps qui rendent encore plus stimulant cette recherche pour tenter de bâtir un territoire résilient en surmontant les innombrables obstacles actuels bien identifiés : inégalités sociales extrêmes, urbanisme inadapté, érosion du littoral, îlots de chaleur, réseaux de transports en commun insuffisants, dépendance vis-à-vis des ressources en eau et en énergie, sans compter les chicayas politiques entre strates administratives.

Nul doute que les chercheurs du CNRS, qui recrute actuellement ses premiers thésards pour défricher ce laboratoire territorial du futur vont devoir faire preuve de beaucoup de diplomatie pour arriver à faire travailler ensemble la Ville de Marseille, la Métropole voire le Département et la Région, en vue de concevoir ce territoire résilient de demain que certains imaginent. Il est d’ailleurs déjà question de dupliquer l’expérience dans une autre agglomération, en l’occurrence celle de Clermont-Ferrand, probablement jugée moins problématique, même pour les grands esprits scientifiques du CNRS…

L. V.

Le futur hôpital d’Aubagne aux Gargues…

24 avril 2024

La zone des Gargues, c’est ce dernier carré de verdure coincé entre l’autoroute A52 et la zone commerciale des Paluds, à l’entrée d’Aubagne, en venant de Carnoux. Plusieurs vieilles fermes provençales perdues au milieu de vastes prairies où paissent encore régulièrement des moutons à l’abri d’un pin parasol tutélaire et des champs de blés encore ensemencés chaque année, le tout en surplomb de la plaine inondable et marécageuse des Paluds, désormais couverte de hangars industriels et de grands magasins hideux, avec en toile de fond le massif de la Sainte-Baume.

Le site des Gargues, avec la Sainte-Baume en toile de fond (photo © François Rasteau / La Provence)

C’est pourtant sur ces terres agricoles résiduelles, également occupées par la jardinerie Tirand, que l’ancienne municipalité de gauche d’Aubagne, aux manettes de la ville comme de l’agglomération jusqu’en 2014, avait prévu une ZAC. Il était alors question de bétonner 42 hectares sur lesquels auraient été construits pas moins de 850 logements ainsi qu’une crèche, une école, des installations sportives, des bureaux et surtout un nouveau centre commercial luxueux et un immense complexe cinématographique, le tout desservi par de nouvelles infrastructures routières, un boulevard central et même une nouvelle ligne de tramway dans le prolongement de l’avenue de la République.

Validé en 2012, malgré un avis négatif de l’autorité environnementale, ce projet ambitieux avait été confié en 2013 à un opérateur privé, la SAPAG, une société constituée spécifiquement et rassemblant alors l’entreprise de BTP Guintoli, le bailleur social Grand Delta Avignon et Immochan, la société foncière du groupe Auchan qui avait patiemment et depuis des années, acquis l’essentiel de ce foncier, à proximité de son hypermarché, l’un des plus vastes et des plus profitables de France. Le contrat de concession qui prévoyait près de 500 millions d’investissement privé et 19 millions pour les aménagements publics, avait été signé en bonne et due forme le 24 février 2014, quelques jours avant le premier tour des élections municipales.

Sage précaution de la part de la SAPAG car le basculement à droite de la ville et de son agglomération d’alors, a largement rebattu les cartes, Gérard Gazay, le nouveau maire, ayant justement fait campagne contre le projet de tramway et de création de ce centre commercial qui aurait nécessairement porté préjudice aux commerces du centre-ville. La SAPAG a continué pourtant à avancer comme si de rien n’était, présentant en novembre 2016 son nouveau projet, rebaptisé écoquartier Bonne nouvelle, du nom de la rue qui en marque la limite nord. Un aménagement dont une bonne partie des logements initialement prévus a disparu, laissant la place à un vaste projet de centre commercial et d’espace de loisir.

Le projet ambitieux d’écoquartier Bonne nouvelle, imaginé et porté par la SAPAG sur la ZAC des Gargues (source © Made in Marseille)

Mais la ville d’Aubagne avait d’ores et déjà donné un avis négatif sur ce projet en septembre 2015 et la communauté d’agglomération l’a purement et simplement rejeté, fin 2016, juste avant de disparaître pour céder le pas à la nouvelle Métropole. En parallèle, et pour bien enfoncer le clou, la commune d’Aubagne a adopté en 2016 son PLU dans lequel les règles d’urbanisme imposées sur le périmètre de la ZAC des Gargues devenaient incompatibles avec le projet envisagé. Une véritable déclaration de guerre pour la SAPAG qui a aussitôt enclenché la bataille juridique et obtenu, en mars 2018, l’annulation du PLU pour vice de procédure. En parallèle, elle attaque la Métropole, désormais en charge de la patate chaude, lui réclamant pas moins de 289 millions d’euros de dédommagement si elle s’obstine à bloquer la mise en œuvre de la concession pourtant dûment validée.

Le 20 décembre 2022, le Tribunal administratif a fini par trancher ce différent en condamnant la Métropole à verser la bagatelle de 5,6 millions d’euros aux sociétés concessionnaires qui s’estiment lésées par ce revirement. Une belle somme qui aurait sans doute mieux trouver à s’employer pour développer les services publics que pour engraisser encore les actionnaires de la grande distribution et du BTP, mais qui reste néanmoins très en deçà du montant délirant réclamé par le groupe privé qui, entre temps, s’était rebaptisé Nhood…

Vue aérienne du terrain des Gargues (source © Géoportail)

La métropole ayant repris la compétence a fini par produire un nouveau PLU, désormais intercommunal, entré en application le 6 juillet 2022, malgré de fortes oppositions locales. Et voilà que le 17 janvier 2024, la Métropole a engagé la concertation publique en vue de procéder à la deuxième modification de ce PLUI pourtant tout récemment adopté. En réalité, ce sont deux modifications qui sont soumises en parallèle à la concertation. La première devrait permettre de mieux intégrer la prise en compte des risques naturels liés notamment à l’inondation par ruissellement pluvial, jamais considéré jusqu’à présent sur ce territoire pourtant fortement exposé en cas de gros orage

La seconde, quant à elle, concerne précisément le devenir de cette fameuse zone des Gargues qu’il est désormais question d’ouvrir de nouveau à l’urbanisation après l’épisode du précédent PLU et de la bataille juridique qui s’en est suivie. Mais plus question désormais d’un implanter un centre commercial et un complexe de loisir à faire pâlir d’envie nos amis californiens. L’objectif visé est désormais d’utiliser ce terrain agricole idéalement situé aux portes d’Aubagne pour y reconstruire l’hôpital Edmond Garcin vieillissant et jugé inadapté. Baptisé en 2002 du nom de cet ancien député communiste décédé en 1999, instituteur engagé dans la Résistance, devenu maire d’Aubagne en 1965 et qui l’est resté sans interruption jusqu’en 1987, cet hôpital d’Aubagne avait été inauguré en 1971. Desservant une aire de près de 140 000 habitants de l’est du département et de l’ouest du Var, ce centre hospitalier remplit des missions de service public avec son service d’urgence ouvert H24, ses différents services de médecine, son bloc opératoire de 6 salles, sa maternité tout juste rénovée, son centre de gérontologie et son laboratoire de biologie médicale partagé avec l’hôpital de La Ciotat.

L’actuel hôpital Edmond Garcin à Aubagne (source © Centre hospitalier d’Aubagne)

Mais malgré de lourdes rénovations et extensions, menées justement à l’initiative d’Edmond Garcin, le centre hospitalier d’Aubagne, menacé à plusieurs reprises de fermeture, face à la concurrence des cliniques privées et dans une optique à courte vue de réduction des dépenses publiques, est un peu à l’étroit sur sa parcelle de 2 hectares en plein site urbain. Une fois ce constat partagé et avec l’accord de l’ARS, la directrice du centre hospitalier, Stéphanie Luquet, à la tête de l’établissement depuis mai 2020, a orienté le projet vers une reconstruction totale sur un autre site plus vaste.

Mohamed Salem, président de la commission médicale de l’hôpital Edmond Garcin et Stéphanie Luquet, directrice, aux côtés du maire d’Aubagne, Gérard Gazay, en juin 2023 (photo © Catherine Vingtrinier / La Marseillaise)

Arrêté mi-2023, le projet de nouvel hôpital aura une capacité d’accueil augmentée de 20 % avec des lits et des blocs opératoires supplémentaires, ainsi qu’une maternité agrandie pour répondre au besoin des 1300 accouchements réalisés chaque année. Le projet a été décrié par plusieurs acteurs qui le trouvent insuffisamment ambitieux par rapport à l’offre de soins actuelles. Toujours est-il que le début de la construction est prévu à partir de 2027 pour une entrée en service espérée en 2030, et c’est donc le site des Gargues qui a été retenu pour sa future implantation. L’emprise des bâtiments devrait atteindre 26 000 m2, sur un terrain de 7 à 9 hectares, bordé à l’ouest par l’A52 et au sud par la RDN8, englobant donc l’actuelle jardinerie Tirand jusqu’au chemin des Gallègues, avec encore des possibilités d’extension future, au nord ou à l’est.

Plan schématique de l’emplacement du futur hôpital d’Aubagne (source © Made in Marseille)

Le coût du projet est estimé à au moins 130 millions d’euros et l’État a d’ores et déjà promis depuis décembre 2021 d’y injecteur 92 millions dans le cadre du Ségur de la Santé, tandis que Martine Vassal s’est engagée en septembre 2023 à hauteur de 10 millions pour la Métropole et 6 millions pour le Département. La commune d’Aubagne devrait se charger de fournir le terrain et la Région pourrait abonder à hauteur de 3 millions.

Martine Vassal annonçant l’engagement financier de la Métropole et du Département en faveur du projet de reconstruction de l’hôpital d’Aubagne, le 8 septembre 2023 (photo © François Rasteau / La Provence)

L’établissement lui-même, étant structurellement déficitaire avec un déficit de l’ordre de 10 millions par an pour un budget hospitalier annuel de 78 millions, n’est pas en capacité d’apporter de l’autofinancement. Le tour de table n’étant pas complètement encore bouclé, il faudra probablement que l’Agence régionale de santé (ARS) mette aussi la main à la poche et que l’établissement emprunte pour le reste. Un projet de longue haleine donc mais qui permettra peut-être de doter le secteur d’un centre hospitalier flambant neuf et plus performant, d’ici quelques années…

L. V.

Le Parc national des Calanques, 10 ans d’action

17 avril 2024

C’est un public habituel et très intéressé par le sujet qui s’est retrouvé lors de cette conférence pour écouter monsieur Alain VINCENT, délégué à l’action territoriale du Parc National des Calanques, dresser le bilan de dix années d’activité du Parc.

Le conférencier, Alain Vincent, directeur de l’action territoriale du Parc (photo © CPC)

Il rappelle que depuis le début du XXème siècle, la population locale souhaitait préserver le cadre exceptionnel que constituent les calanques, souhait qui s’est en partie concrétisé en obtenant dans les années 1970 l’arrêt de l’exploitation des carrières sur ce territoire et la limitation de l’étalement urbain. Le projet de création du Parc remonte à 1979 et les études de réalisation ont réellement débuté en 2003 par l’établissement d’objectifs, les premières délimitations du territoire et un calendrier de mise en œuvre.

C’est finalement en 2009 que le projet de création se concrétise. Il faut alors répondre aux questions posées afin d’estimer les incidences de ce projet et réglementer cette structure en coordination avec les nombreuses parties prenantes actives au sein du territoire concerné. Cette année-là, soucieux d’informer les habitants de notre commune, le Cercle Progressiste Carnussien avait reçu, lors d’une conférence, deux acteurs du projet en préalable à la création de l’établissement public d’État.

Le massif des Calanques, un formidable espace de découverte (photo © C. Bellanger / PNC)

C’est donc en 2012 qu’est créé par décret le Parc National des Calanques, sur un territoire couvrant les calanques de Marseille et de Cassis, situé au cœur de la métropole d’Aix-Marseille-Provence. La notion de Parc National remonte à la création en 1872 aux États-Unis du premier parc, celui de Yellowstone. Il n’y en a que onze en France (celui des Calanques est le dixième). Ce sont des conservatoires constitués d’espaces naturels hébergeant diverses faunes et flores et pouvant contenir des monuments historiques. Ce sont des patrimoines naturels et historiques devant être protégés pour l’éternité et reconnus internationalement. La particularité du Parc des Calanques est qu’il est le premier parc national péri urbain d’Europe, à la fois terrestre et marin. Il se différencie d’un parc régional qui est régi par le droit commun et financé par les collectivités locales.

La création du Parc est le fruit d’un patient travail de dialogue et de compromis avec les collectivités territoriales (communes, métropole) et les représentants d’intérêts, tels que les pêcheurs, chasseurs, propriétaires de cabanons, randonneurs, plaisanciers, etc. inquiets de voir un statut juridique nouveau restreindre les précédents règlements. Pour assurer la mise en œuvre des actions de protection du territoire, le décret de 2012 a également créé l’Établissement Public d’État à caractère administratif (EPA), régi par le Code de l’environnement. C’est le Ministère de l’écologie qui en nomme le directeur ou la directrice. Ce dernier est entouré de plusieurs membres et institutions contribuant à son financement (État, Ville de Marseille, Métropole, Département des Bouches-du-Rhône), ainsi que de membres de la société civile. L’EPA s’adjoint un conseil scientifique et conseil économique social et culturel pour avis consultatif.

Les contours du Parc National des Calanques (source © A. Vincent / PNC)

Les composantes du Parc sont le cœur terrestre de 8 500 hectares, situé sur trois communes (Marseille, Cassis et La Ciotat) et le cœur marin de 43 500 hectares, ainsi que l’aire maritime adjacente qui s’étend sur 97 800 hectares. Carnoux fait partie de l’aire optimale d’adhésion mais à ce jour seules Marseille, Cassis et La Penne-sur-Huveaune ont adhéré au Parc, pour tout ou partie de leur commune. A terre comme en mer, on y recense des habitats naturels considérés comme rares et fragiles, ainsi que de nombreuses espèces animales et végétales menacées qui sont d’intérêt scientifique ou symbolique.

L’aigle de Bonelli, l’un des animaux emblématiques du Parc des Calanques (photo © F. Launette / PNC)

Les défis sont multiples pour faire coexister dans cet espace naturel aussi proche d’une grande métropole, les activités autorisées aux trois millions de visiteurs fréquentant chaque année le site, tout en le protégeant des risques d’incendie, de pollution, et des autres dégradations potentielles. Ce sont donc des actions concrètes qui sont mises en œuvre pour que le cœur du Parc soit un espace d’isolement, d’apaisement et de ressourcement, dénué de toute construction et permettant la pratique d’activités sportives douces.

Ces actions résultent de dialogues entre les gestionnaires du parc et les usagers pour faire appliquer la charte du parc (aménagements, sites classés, pêches illégales …). Ce type de gouvernance locale favorise le choix de solutions adaptées pour une meilleure gestion de la protection des espaces naturels. La charte, d’une validité de quinze ans, est renouvelable sur la base d’une nouvelle évaluation à l’issue de cette période. Cette démarche atteste de la volonté du conseil d’administration, composé de 51 membres, de jauger en permanence ses actions sur la durée afin de les améliorer.

Un conseil d’administration dominé par les acteurs locaux (source © A. Vincent / PNC)

Dans le détail, les actions principales ont notamment permis :

  • Une surveillance et une protection accrue du parc par l’application de mesures restrictives concernant la circulation, l’emploi du feu, l’interdiction de bivouaquer, de pêcher et chasser dans les zones interdites, de déranger les espèces protégées, etc…
  • Une meilleure connaissance et une amélioration de la biodiversité (recensement et préservation des espèce animales et végétales) la gestion des terrains du Conservatoire du littoral sur plusieurs sites pour la mise en œuvre d’études d’aménagements et de travaux d’entretien.
  • La mise en place d’un système de réservation (en saison estivale) pour limiter l’accès à Sugiton.
  • L’accompagnement, la coordination des activités sur le territoire en mer et sur terre. Cela concerne un large public : les pêcheurs professionnels et particuliers, les nageurs, les plongeurs, les plaisanciers, les transporteurs de passagers, les acteurs du tourisme, les habitants et les riverains du parc, les propriétaires-gestionnaires publics et privés, les acteurs de la prévention des incendies et des autres risques, les agriculteurs, les forestiers, les apiculteurs, les randonneurs, les promeneurs, les grimpeurs, les spéléologues ou les acteurs du tourisme notamment.
  • La définition de stratégies et de plans pluriannuels, comme par exemple celui de l’adaptation au changement climatique ou encore de gestion des accès au Parc en retirant les voitures de son Coeur.

Ce sont actuellement vingt-quatre inspecteurs de l’environnement, assermentés et armés, avec des pouvoirs juridiques qui font respecter la réglementation. Ils ont dressé, avec les autres forces de police, un millier de procès-verbaux en 2023 sur le territoire et engagé des procédures qui ont entraîné de lourdes peines pour les contrevenants. Cependant, ils privilégient la médiation et dispensent des messages d’éducation auprès du public avec le soutien d’une cinquantaine d’écogardes saisonniers non assermentés recrutés chaque année par le Parc.

Un auditoire particulièrement attentif pour cette conférence à Carnoux (photo © CPC)

Notre conférencier à l’issue de cette présentation très détaillée a répondu aux nombreuses questions du public. Nous avons ainsi pu apprendre que :

  • Le budget de fonctionnement du Parc s’élève à 7 millions d’euros dont 500 000 € de revenu de taxes perçues et de mécénat,
  • Le statut du Parc ne rentre pas dans la classification du Patrimoine mondial de l’UNESCO,
  • Des espèces végétales invasives, sur terre et sur mer, sont recensées dans le Parc, et bien que leur arrachage soit effectué sur terre, on ne peut lutter contre celles qui prolifèrent en mer,
  • Depuis la création du Parc, la population de poissons a été multipliée par neuf tant en quantité qu’en espèces.
  • Des autorisations sont nécessaires, au préalable, pour toutes investigations scientifiques et tous travaux
  • Les chiens doivent être tenus en laisse du 15 mars au 30 juin, comme dans tous les espaces naturels du pays,
  • Aucune manifestation, à titre sportif ou publicitaire ne peut avoir lieu dans le Parc, en dehors de quelques manifestations emblématiques préexistantes,
  • L’élaboration du règlement du Parc s’effectue en co-construction avec les acteurs locaux, mais la mobilisation de certains acteurs est difficile,
  • De nombreuses actions sont en cours ou en projet comme celle qui envisage de transformer l’ancienne maison de Michel Simon, située dans le parc du Mugel, en « Maison du Parc » afin de pouvoir accueillir des expositions et des groupes scolaires.
  • La Métropole et la ville de Marseille contribuent pour améliorer la signalétique, la régulation des mouillages, la circulation aux abords et à la réduction des déchets et micro-déchets.

Après ces échanges nourris, les participants ont pu ensuite prolonger la soirée en partageant, avec notre conférencier, un apéritif offert par Cercle.

CM

On peut retrouver un grand nombre d’informations utiles sur le Parc en consultant le site du PNC

IHU : le caprice de Renaud Muselier

15 avril 2024

Créé en 2011, l’Institut hospitalo-universitaire en maladie infectieuses de Marseille, plus connu sous son abréviation IHU-MI, a ouvert ses portes en 2018. Ce concept d’IHU, relativement récent dans le spectre de la recherche médicale française, résulte de la mise en œuvre des programmes d’investissement d’avenir lancés en 2009 par Nicolas Sarkozy pour favoriser la relance économique après la crise des subprimes. Ces instituts ont alors pour vocation de constituer des pôles d’excellence pour la recherche médicale en attirant et en formant des spécialistes dans leur domaine de compétence. Le but est d’obtenir des retombées économiques via « le développement de produits de santé innovants » et « d’accroître l’attractivité de la France pour les industries de santé ».

Les locaux majestueux de l’IHU de Marseille à la Timone (photo © Gérard Julien / AP / Le Monde)

Sur les 19 projets qui sont alors présentés, seuls 6 ont été retenus par un jury international constitué en 2010, un septième projet y étant ajouté en 2018. Les trois premiers d’entre eux sont ceux présentés par les hôpitaux de Paris et de Strasbourg, et justement celui de Marseille, défendu par le professeur Didier Raoult, au nom de l’Université Aix Marseille et de l’AP-HP (Assistance publique – Hôpitaux de Marseille).

L’IHU est organisé sous forme de fondation, pour permettre de bénéficier des fonds provenant à la fois du public et du privé, histoire de manger à tous les râteliers. Celui de Marseille regroupe également parmi ses membres fondateurs l’Institut de recherche pour le développement (IRD), le Service français des Armées, BioMérieux et l’Établissement français du sang. Mais l’essentiel de ses financements initiaux, qui s’élèvent au total à 160 millions d’euros et qui lui ont permis de se construire un immense bâtiment bien en vue, juste à côté de l’hôpital de la Timone, provient d’une subvention colossale de 72,4 millions, la plus grosse jamais accordée par l’Agence nationale de la recherche et de la technologie, dont 48,8 millions pour la seule édification du bâtiment.

Inauguration des locaux de l’IHU en mars 2018, en présence de l’incontournable Renaud Muselier, de Jean-Claude Gaudin et de Martine Vassal, tous inconditionnels de Didier Raoult (photo © Benoît Gilles / Marsactu)

Pourtant, dès 2015, une mission de l’Inspection générale de l’action sociale s’inquiète des dérives autoritaires du professeur Raoult, ce médecin tonitruant aux faux airs de Gandalph qui aurait mis en place un système de décision ultra-centralisé dans lequel il décide de tout et en toute opacité. En 2017, un nouveau rapport du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche dénonce à son tour « un management autocratique » et « un mode de gouvernance vertical [qui] a facilité l’expression de comportements hautement condamnables : harcèlement moral mais également sexuel, mépris des personnes, ignorance des réglementations, hostilité à l’égard des regards extérieurs, défaut de concertation avec les tutelles ».

L’accusation n’est pas bénigne et conduit en 2018 le CNRS et l’INSERM, les deux autorités de tutelles, à se désengager du projet pour cause de « désaccord stratégique » et « d’évaluation scientifique défavorable ». Le coup est rude mais le bon professeur Raoult s’en moque comme d’une guigne, affichant le plus profond mépris pour ces instances nationales de la recherche scientifique, et n’hésitant pas à déclarer haut et fort : « l’INSERM, aujourd’hui je m’en fous » : on ne saurait être plus clair !

Didier Raoult et Renaud Muselier, deux anciens copains de fac inséparables, ici en septembre 2020 (source © compte Facebook Renaud Muselier)

D’autant que Didier Raoult connaît début 2020 son heure de gloire lorsque l’IHU lance un dispositif de dépistage du Covid-19 alors que toute la France panique face au développement de la pandémie, et que tous les responsables politiques locaux viennent se faire soigner à l’IHU où ils se font administrer la fameuse hydroxychloroquine du bon docteur Raoult. Un traitement qui n’a jamais fait ses preuves et qui peut être à l’origine de graves effets secondaires pour certains patients. Mais cette position assure au président de l’IHU de Marseille une position médiatique sans précédent. Il se répand dans tous les médias où son franc-parler fait merveille, lui qui fustige à longueur de journée les décisions technocratiques visant à confiner la population pour limiter la propagation du virus. Les Marseillais passés par l’IHU le vénèrent comme un dieu, arborent des tee-shirts à son effigie de druide celte réincarné, et applaudissent à chacune de ses sorties cinglantes contre les élites parisiennes.

Le professeur Didier Raoult, mis en cause pour ses méthodes quelques peu cavalières (photo © Christophe Simon / AFP / France 3)

Pourtant, dès 2020, des voix s’élèvent pour s’inquiéter d’essais cliniques humains effectués sans autorisation tandis que les procédures pour diffamation s’enchaînent et que des enquêtes sont diligentés pour fraude à la Sécurité sociale en lien avec des hospitalisations de jour facturées pour permettre d’administrer le fameux traitement anti Covid. De son côté, l’Agence française anti-corruption dénonce un conflit d’intérêt de la part du président de l’IRD, Jean-Paul Moatti, qui avait signé avec sa propre épouse, Yolande Obadia, alors directrice de l’IHU, une convention accordant une subvention aussi généreuse que peu justifiée.

En août 2021, l’AP-HM et l’Université Aix Marseille annoncent enfin le renouvellement de la présidence et la mise à la retraite de Didier Raoult de plus en plus controversé. Il est remplacé en septembre par un de ses proches, Pierre-Edouard Fournier, tandis qu’en septembre 2022, la directrice de l’IHU cède sa place à Emmanuelle Prada-Bordenave.

Mais il n’est pas si aisé de tourner la page de l’ère Raoult. Le journal La Provence s’est ainsi fait l’écho, vendredi 12 avril d’un épisode assez surréaliste survenu la veille, à l’occasion de la réunion du conseil d’administration de l’IHU, au cours duquel devait notamment être validée la composition du nouveau conseil scientifique de l’établissement. Il était prévu de nommer à sa tête l’immunologiste réputé, Eric Vivier, un scientifique mondialement reconnu, fondateur du cluster Marseille Immunopôle et par ailleurs président du Paris Saclay Cancer Cluster. Une nomination qui faisait l’unanimité parmi la communauté scientifique, désireuse de redonner plus de crédibilité à l’IHU de Marseille, empêtré dans les affaires judiciaires.

Le professeur Eric Vivier aux côtés du Président de Région Renaud Muselier, ici à l’occasion d’une visite ministérielle en 2022 (photo © Franck Pennant / La Provence)

Mais c’était sans compter sans le président de la Région PACA, l’imprévisible Renaud Muselier, qui, une fois n’est pas coutume, s’est invité en personne à ce conseil d’administration où il n’avait pas mis les pieds depuis plus de 2 ans. Ce dernier n’a jamais caché sa grande admiration pour le professeur Raoult, un ancien copain de fac dont il est resté très proche. En septembre 2021, alors qu’il sortait d’une affection de Covid, justement soignée à l’hydroxychloroquine dans les locaux de l’IHU, Renaud Muselier évoquait au micro de France bleu sa confiance aveugle en Didier Raoult, précisant : « Oui, j’ai toujours tout suivi chez Raoult. J’ai confiance en lui donc je fais confiance à mon médecin ». Et d’insister : « Moi, je l’ai toujours soutenu. Et il a eu des résultats : quand on a eu notre cluster avec un tiers de la région contaminée, on a fermé, on a envoyé tout le monde chez Raoult se faire tester, on a soigné ceux qui le voulaient et on a envoyé personne en réanimation. J’ai confiance en Raoult ».

Une confiance qui ne faiblit pas et qui a donc conduit le président de la Région PACA à s’opposer frontalement, lors de ce conseil d’administration mémorable du 11 avril 2024, à la nomination au sein du conseil scientifique de l’IHU, du professeur Vivier, ainsi qu’à celle de deux autres éminents scientifiques, Diane Descamps et Aude Bernheim. Selon les autres participants à cette réunion, Renaud Muselier a mis son veto sans discussion possible, arguant que ces nominations relèvent d’un pur parisianisme et menaçant de couper le robinet des subventions s’il n’était pas suivi.

Un dessin signé Deligne, publié dans Var Matin en août 2021 : 4 ans plus tard, le professeur Raoult tire toujours les ficelles !

Un argument qui a manifestement porté, d’autant que la Région finance grassement l’IHU, y compris via les fonds européens qui sont instruits par ses propres services. En comptant les subventions régionales qui transitent par l’AP-HP, cela représenterait plusieurs dizaines de millions par an. De quoi donner à Renaud Muselier une force de conviction très dissuasive, au point que personne n’a osé le contredire et lui rappeler que le « parisien », Eric Vivier, vit à Marseille depuis 31 ans, où il a fondé le centre d’immunologie de Luminy et où il exerce en tant que professeur d’immunologie à l’université Aix Marseille et médecin hospitalier à la Timone.

Il semble donc que l’IHU de Marseille ne soit pas encore prêt à tourner la page Raoult et que ce dernier puisse encore compter sur le soutien aveugle de son ami Muselier, quitte à ruiner la crédibilité scientifique de cet institut. La Provence se fait ainsi l’échos d’un chercheur, désespéré de voir que « l’IHU fait beaucoup d’efforts pour redresser la barre. C’est catastrophique de voir tout cela ruiné par des comportements qui relèvent du fait du prince », estimant, désabusé : « il s’agit surtout d’une lutte de pouvoir. A Marseille, certains veulent rester dans leur entre-soi ». Un travers décidément très développé localement

L. V.

Un 1er avril tout feu tout flamme

7 avril 2024

En ces temps de crise et d’austérité, la tradition potache du poisson d’avril aurait presque tendance à disparaître, comme si rire était devenu incongru dans un monde où l’on ne parle plus que conflits sanglants, menaces sur la démocratie, crise économique, perte massive de biodiversité et risque climatique majeur. Il faut dire aussi que certains sont devenus particulièrement chatouilleux et n’hésitent pas à porter plainte pour un simple gag de poisson d’avril ou, pire, à dégainer la kalachnikov pour se venger d’un dessinateur de presse trop incisif…

Le poisson d’avril, source d’inspiration d’innombrables cartes postales (source © Carte postale ancienne / Delcampe)

Et pourtant, certains restent fidèles à la tradition qui remonterait, dit-on, à l’époque de Charles IX qui décida, en 1564, de fixer définitivement le 1er jour de l’année au 1er janvier, ce qui donna l’occasion de se moquer de ceux qui continuaient de la fêter le 1er avril. En réalité, ce rite du poisson d’avril que l’on accroche dans le dos du voisin et des autres blagues potaches que l’on se permet de faire à cette date est, comme souvent, le fruit de traditions multiples qui se télescopent et ont fini par se cristalliser, y compris, peut-être depuis la plus lointaine Antiquité puisque les Grecs dédiait le 1er avril, 12 jours après l’équinoxe de printemps, au dieu du rire, ce qui leur donnait l’occasion de se faire quelques petites farces bien troussées… Une tradition d’ailleurs reprise par nos ancêtres les Romains qui avaient instauré la fête des Hilaria, plutôt le 25 mars, en l’honneur de Cybèle et du retour du printemps, et se permettaient ce jour-là quelques plaisanteries plus ou moins satiriques.

Toujours est-il que cette année encore les médias se sont fait l’écho de nombreuses fausses informations plus ou moins saugrenues publiées à l’occasion du 1er avril, à l’image de celle-ci repérée par France 3 sur le site Facebook de l’office de tourisme Esterel-Côte d’Azur qui annonce sans rire l’implantation d’une nouvelle espèce animale sur les rochers rouges de l’Esterel, en l’occurrence un petit macaque asiatique que l’on voit, sur plusieurs photos, se balader tranquillement dans les pins qui surplombe les rivages de la Côte d’Azur. De quoi susciter quelques commentaires sarcastiques de la part de visiteurs qui observent que de tels spécimens pullulent déjà sur le littoral varois en période estivale…

La biodiversité se renforce sur les pentes de l’Esterel : une nouvelle espèce est arrivée en ce 1er avril… (source © Facebook Office tourisme Esterel Côte d’Azur)

Marsactu n’est pas en reste, lui qui s’est fait l’écho d’un supposé rapport confidentiel que l’amiral Lionel Mathieu, commandant le bataillon des marins-pompiers de Marseille, aurait remis à Benoît Payan, à l’aube de l’inauguration de la marina du Prado, destinée à accueillir les prochains jeux olympiques. Un rapport explosif puisque l’amiral y évoquerait le risque excessif lié à l’arrivée par bateau de la flamme olympique, à bord du fameux Belem, le 8 mai prochain. Il est bien connu que les marins se méfient comme la peste du feu à bord des navires et l’avertissement ne manque pas de crédibilité dans une ville encore marquée par l’incendie dramatique des Nouvelles Galeries, sur la Canebière, le 28 octobre 1938, qui fit au moins 73 victimes et conduisit le gouvernement à placer la ville sous tutelle…

La flamme olympique, jugée trop inflammable par les experts des marins-pompiers de Marseille ? (source © Marsactu)

Selon Marsactu, l’adjoint au maire en charge de la sécurité, Yannick Ohanessian, qui, comme de bien entendu, ne mégote pas avec les risques d’incendie, sitôt alerté par les craintes des marins-pompiers, plancherait déjà sur une solution de repli et imagine proposer au Comité olympique de remplacer le flambeau traditionnel par une version numérique, déclarant au journaliste de Marsactu : « J’ai installé chez moi une fausse cheminée murale, tous mes amis me disent qu’on n’y voit que du feu ». Voilà un sujet qui risque en tout cas d’enflammer les esprits et de mettre de l’huile sur le feu dans un contexte politique local déjà brûlant…

Alors que la bataille fait déjà rage entre les ténors politiques marseillais, Martine Vassal et Renaud Muselier tirant quotidiennement à boulet rouges et pour le moindre prétexte contre le maire en exercice, Benoît Payan, tandis que la Secrétaire d’État en charge de la ville et de la citoyenneté, Sabrina Agresti-Roubache, qui se présente comme « ministre de Marseille » ne rate pas une occasion de rappeler qu’elle a de hautes ambitions pour les prochaines municipales de 2026, voilà que ce 1er avril 2024 a fait surgir de nouvelles affiches électorales pour cette même échéance…

Nicolas Pagnol, déjà en lice pour les prochaines municipales à Marseille ? (source © La Provence)

Des affiches en bonne et due forme, sur fond de Vieux-Port avec l’hôtel de ville en ligne de mire, en faveur de Nicolas Pagnol, le petit fils de l’écrivain et cinéaste provençal. De fait, celui-ci ne décolère pas depuis qu’il a été évincé de la délégation de service publique pour la gestion du château de la Buzine. Ses propos acerbes à l’encontre de la municipalité marseillaise rendent de fait assez crédible un tel engagement de sa part sous une bannière elle-même très offensive puisque le slogan « Nous tous Marseille » est directement inspiré du nom du groupe de rap de Joeytstarr, NTM, et l’on sent bien que cette insulte des quartiers populaires est bien présente à l’esprit de Nicolas Pagnol lorsque ce dernier évoque le maire actuel de Marseille…  

Dans un tout autre registre, La Provence évoque également, parmi les canulars du 1er avril 2024, une annonce assez extraordinaire de la RTM qui indique, sur son compte Instagram : « Ce soir, un phénomène d’une importance rare est annoncé ! ». De quoi faire jaser la journaliste du quotidien régional qui grince : « Une rame de métro qui arrive à l’heure ? N’exagérons pas. Il s’agit d’un événement bien plus habituel : l’observation d’aurores boréales dans le ciel marseillais… ».

Réchauffement climatique ou pas, la RTM annonce des aurores boréales dans le ciel de Marseille (source © compte Instagram RTM)

Avec le dérèglement climatique global auquel on assiste, personne ne sera bientôt plus étonné de voir de tels phénomènes au-dessus de Notre-Dame de la Garde. C’est d’ailleurs précisément pour sensibiliser aux effets du changement climatique que l’artiste suisse Dan Acher avait créé en septembre 2022 une simulation d’aurore boréale dans le ciel marseillais, au-dessus des jardins du palais Longchamp. Une installation artistique impressionnante et qui a manifestement marqué les esprits des chargés de communication de la RTM, manifestement plus à l’aise pour inventer des canulars que pour répondre aux plaintes des usagers de son réseau de transport en commun exposé à des dysfonctionnements quotidiens !

L. V.

Le Parc des Calanques s’invite à Carnoux

22 mars 2024

Le Parc National des Calanques s’étend aux portes de notre commune de Carnoux-en-Provence. On en parle beaucoup mais la plupart des gens le voient rarement, un peu à l’image de ces meutes de loups, désormais bien implantées dans le massif des Calanques mais tellement discrets que personne ne les voit jamais, sauf à l’occasion d’un drame de la circulation comme celui qui a coûté la vie à un jeune sujet, venu mourir aux portes de la ville.

Ecogardes du Parc National des Calanques en patrouille (source © Parc National des Calanques)

Et pourtant, voila un projet qui a fait couler beaucoup d’encre et alimenté bien des conversations lorsqu’a débuté en 2009 la concertation qui a débouché sur sa création officielle en 2012. Le Cercle progressiste carnussien lui a d’ailleurs déjà consacré deux conférences, en 2003 et justement en 2009, en pleine phase de concertation, alors que la commune de Carnoux avait la possibilité de faire partie de l’aire d’adhésion du futur Parc en gestation. Une adhésion rejetée par le conseil municipal dans une belle unanimité le 29 septembre 2011 !

Au-dessus de la calanque d’En Vau, dans le massif des Calanques (photo © CPC)

Il faut dire qu’à l’époque, la création de ce Parc National aux portes de la deuxième plus grande ville de France, dans un environnement naturel certes protégé de longue date mais où les activités humaines étaient particulièrement développées, avec une forte emprise de la chasse et de la pêche, de loisir mais aussi professionnelle, sans compter une affluence touristique estivale intense avec des spots de baignades très fréquentés, suscitaient bien des réticences.

Belvédère de Sugiton (photo © Maxime Béranger / Parc national des Calanques)

Il a fallu ferrailler longuement pour trouver des terrains d’entente avec tous les acteurs locaux. Les cabanonniers de Morgiou ne voulaient pas subir de contraintes d’accès tandis que les viticulteurs de Cassis cherchaient à étendre leur vignoble et que les écologistes s’alarmaient de la présence persistante, en plein cœur de parc, des rejets de boues rouges et des eaux de la stations d’épuration marseillaise.

Et malgré tous ces obstacles et ces craintes, le Parc a vu le jour. Une dizaine d’années plus tard, le Cercle progressiste a voulu savoir comment le projet avait évolué, même si la presse se fait régulièrement l’écho de ses activités pédagogiques multiples, mais aussi de ses tentatives de mieux gérer les amoncellements de déchets, de réguler la pression touristique ou le braconnage, toujours très présent. Nous avons donc invité son directeur de l’action territoriales, Alain VINCENT, pour dresser un bilan de ces 10 années d’actions au service de la biodiversité des territoires marins et terrestres qui couvrent le Parc National des Calanques. L’occasion également de passer en revue les innombrables projets qui fourmillent et qui ouvrent de belles perspectives pour cet établissement si emblématique que nous avons la chance d’avoir à notre porte, au service d’un environnement naturel exceptionnel, qu’il revient à chacun de préserver.

Cette conférence du CPC aura lieu le jeudi 4 avril dans la salle municipale du Clos Blancheton à 18h30. L’accès est gratuit et ouvert à tous : n’hésitez-pas à venir nombreux !

Vers des pôles et réseaux innovants plus en phase avec les Français ? (3ème partie)

20 mars 2024

Cette chronique a été publiée le 10 mars 2024 par GoMet, un média numérique qui traite de l’actualité locale sur la métropole Aix-Marseille-Provence en s’efforçant de mettre en avant les réussites et les expertises présentes sur le territoire, notamment en matière d’innovation technologique, mais aussi politique, sociale, économique et culturelle. Rédigée par Jacques Boulesteix, astrophysicien, ancien directeur de recherches au CNRS, président-fondateur de POPsud en 2000, d’Optitec en 2006, puis du réseau Optique Méditerranéen, et président de 2010 à 2018 du fond régional d’investissement Paca Investissement, mais aussi premier président du Cercle progressiste carnussien, cette chronique est le troisième et dernier chapitre d’une réflexion plus vaste retraçant le parcours des structures créées localement pour favoriser ce développement technologique, entre mondialisation assumée et souhait d’un ancrage social de proximité…

Jacques Boulesteix dans les locaux de GoMet à Marseille le 16 février 2024 (photo © JYD / Gomet)

Depuis 2022, par exemple, les nuages s’amoncellent au-dessus de la Silicon Valley. Les licenciements s’enchaînent : 12 000 chez Alphabet (Google), 11 000 chez Meta (Facebook, Instagram), 10 000 pour Microsoft, 18 000 pour Amazon, 8 000 chez Salesforce, 4 000 chez Cisco, 3 700 chez X-Twitter… En mars 2023, la faillite retentissante de la Silicon Valley Bank, un établissement bancaire qui finançait les start-up’s, inquiète les milieux américains de l’innovation.

La Silicon Valley est aujourd’hui un peu prise à son propre piège. Attirant par son modèle ouvert l’intelligence mondiale jusqu’en 2020, elle a favorisé l’émergence d’un monde hyperconnecté qui rend moins essentiel la proximité physique de l’échange créatif. Les nouveaux “hubs” se développent à grande vitesse à Bangalore, São Paulo, Tel-Aviv, … « Ensemble, ils redessinent la carte de l’innovation mondiale, en créant une carte plus dispersée, diversifiée et compétitive », soulignait récemment The Economist.

Au pied de la tour Saleforces à San Francisco, cœur de la Silicon Valley américaine ((photo © JFE / GoMet)

Le défi des technopôles français est donc double. D’une part résister à ce chamboulement mondial dans lequel l’Europe peine à trouver sa place et qui draine une part croissante d’investissements du capital-risque vers des pays en développement. D’autre part, être capables de générer beaucoup plus d’emplois et de richesses à partir des compétences acquises et des échanges mutualisés.

La fuite en avant de l’État

Cette tâche sera d’autant moins facile que le ministre Bruno Le Maire a annoncé à plusieurs reprises son souhait de voir l’État se désengager à terme du soutien aux pôles de compétitivité et que le plan France 2030 prévoit un rétrécissement de son action puisque la moitié des aides seraient ciblées sur les seuls acteurs émergents, c’est-à-dire des entreprises jeunes et innovantes. Dans un certain sens, c’est une forme de fuite en avant que le ministre résume par la formule « Détecter et accompagner les champions de demain ».

A la fois, c’est un changement par rapport à la politique menée depuis 20 ans qui visait à structurer et favoriser les échanges de compétences existants pour créer de nouvelles activités. Mais il n’est pas sûr également que cela permettra d’être plus efficace dans la création d’emplois productifs induits par l’innovation. On rappellera, avec un peu d’acidité, qu’en France, 14 % des emplois relèvent du secteur industriel contre 24 % en Allemagne et que cela se traduit par un gros écart sur les balances commerciale

Bruno Le Maire (à gauche) aux Rencontres économiques d’Aix-en-Provence (source © archives / GoMet)

L’instantanéité planétaire induite par le développement des communications bouleverse la notion de localisation des activités. Un chirurgien peut opérer à distance. Le télétravail (qui va bien au-delà du travail à domicile) réduit l’échange social et favorise la compétition plus que la solidarité au travail. Les flux tendus sont optimisés

L’accès permanent à une information sans limite couplée à l’intelligence artificielle contraint l’invention et la recherche plus qu’elle ne les favorise. Car les moteurs même de la créativité que sont l’échange contradictoire, le hasard, l’analogie ou le simple recul, échappent à ces logiques d’accumulation ou de croisement massifs supposés universels.

L’instantanéité planétaire bouleverse la notion de localisation des activités

Il y a sans doute place à des processus d’innovation plus proches des besoins humains, des habitudes, des contraintes géographiques et des ressources naturelles. Le changement climatique n’est pas perçu de la même manière à Paris, aux Maldives, en Islande ou sur une île grecque.

La bibliothèque Oodi d’Helsinki en Islande (photo © JFE / GoMet)

L’innovation va devoir s’adapter. Si, depuis 150 ans, les inventions ont profondément changé le mode de vie des habitants de la planète, l’innovation a parfois été vécue comme subie. Nous sommes entrés dans une autre ère, celle où nous souhaitons préserver notre mode de vie face aux changements climatiques et sommes en attente d’innovations de rupture en ce sens. Rien n’est gagné. Selon une étude de l’Académie des technologies, 56 % des Français se disent inquiets vis-à-vis des nouvelles technologies, en hausse de 18 points par rapport à 2018. En tête des craintes, l’alimentation, l’environnement, l’intelligence artificielle. Or l’essor des pôles de compétitivité est fortement dépendant des politiques publiques qui elles-mêmes sont de plus en plus contraintes par l’opinion publique.

L’opinion publique arbitre…

Ces suspicions à l’égard de l’innovation vont aussi de pair avec la montée de l’obscurantisme. Une étude de l’IFOP, fin 2022, montre un effritement de l’opinion sur les bénéfices du progrès scientifique et technologique. Cette situation renforce les exigences en matière d’éducation, de communication et d’éthique de l’innovation. Le débat public n’est possible que si les citoyens sont informés, sensibilisés, éclairés. Il n’y aura pas d’innovation positive si elle est refusée par la société. Il n’y aura pas non plus d’innovation positive si sa mise en œuvre amplifie les inégalités sociales.

Étudiants sur le campus Saint-Charles d’Aix Marseille Université (photo © JYD / Gomet)

Les pôles de compétitivité (ou les structures qui leur succèderont) doivent donc être beaucoup plus proches de la population, capables de l’impliquer, de l’écouter, de susciter des vocations et des rêves et mener des actions en ce sens.  Il convient sans aucun doute de développer réellement l’information scientifique et technologique, de créer des organismes d’évaluation locaux, indépendants et transparents, ouverts aux citoyens, notamment aux jeunes. C’est à ce prix seulement qu’il est possible de transformer l’innovation en réel développement économique, c’est-à-dire en emplois industriels et de service, allant de pair avec une amélioration ambitieuse du bien être individuel et social.

Bref, l’heure est à l’ouverture des pôles…

J. Bx.

La région face à la mondialisation et aux nouveaux défis de l’innovation (1ère partie)

6 mars 2024

La chronique ci-après a été publiée le 25 février 2024 par GoMet, un média tout numérique qui traite de l’actualité locale sur la métropole Aix-Marseille-Provence en s’efforçant de mettre en avant les réussites et les expertises présentes sur le territoire, notamment dans les domaines de l’innovation technologique, mais aussi politique, sociale, économique et culturelle.

Souhaitant revenir sur les différentes initiatives prises localement en faveur de la recherche appliquée et du développement technologique, GoMet a sollicité Jacques Boulesteix, astrophysicien, ancien directeur de recherches au CNRS et élu à la mairie de Marseille de 1989 à 1995, alors chargé du développement des technopôles et des universités. Président-fondateur de POPsud en 2000 puis d’Optitec en 2006, il créa également le Comité national d’optique et photonique regroupant les pôles régionaux en optique ainsi que les industriels de la filière. A la fin des années 2000, administrateur de la plateforme européenne Photonics 21, il crée le réseau Optique Méditerranéen, ainsi que l’European Network of Optical Clusters (ENOC). Il dirigea de 2010 à 2018 le fond régional d’investissement Paca Investissement, aujourd’hui Région Sud Inves. Il a aussi été le premier président du Cercle progressiste carnussien et a été élu au Conseil municipal de Carnoux en 2020.

Cette chronique est le premier volet d’une réflexion plus vaste retraçant le parcours des différentes structures mises en place localement pour accompagner et favoriser ce développement technologique, entre mondialisation assumée et souhait d’un ancrage social de proximité… Les deux autres volets de cette série, seront publiés ultérieurement, en décalé avec leur diffusion sur GoMet

Jacques Boulesteix dans les locaux de GoMet à Marseille le 16 février 2024 (photo © JYD / Gomet)

1970-2000 : le fait technopolitain

La première initiative de mutation technologique de l’économie française s’est matérialisée par la naissance des technopôles, conçus comme des espaces protégés, consacrés aux hautes technologies, basés sur une stratégie territoriale simple et efficace : (re)localiser les entreprises technologiques sur un territoire susceptible d’accélérer leur développement en proximité d’écoles d’ingénieurs et de laboratoires de recherches. Sophia Antipolis constitua, dès 1969, un précurseur largement financé par l’État (Datar), suivi de Grenoble en 1971. Ils ne faisaient que s’inscrire dans le sillage de laRoute 128 (le “demi-cercle magique” de Boston), apparu à la fin des années 50 à proximité de l’Université de Harvardet du MIT, et de la Silicon Valley en Californie dans les années 60 autour des entreprises de semi-conducteurs et de l’Université de Stanford. 

Les technopôlessont donc avant tout, à cette époque, des lieux structurés pour favoriser les relations université-recherche-entreprises, avec l’idée simple de « transformer l’intelligence en richesse ». Dans les Bouches-du-Rhône, trois technopôles virent ainsi le jour. 

Premier en date, le technopôle de Luminy fut structuré en 1985 autour des bio-techs sur un site universitaire développé dans les années 1970 autour des mathématiques, de la physique, de l’architecture et du sport. Il s’étend sur une centaine d’hectares. 

Entrée du Laboratoire d’astrophysique de Marseille sur le technopôle de Château-Gombert (photo © Gomet)

Le technopôle de Château-Gombert date, lui, du début des années 1990 et correspondait plutôt à la thématique des sciences de l’ingénieur. Il fit l’objet d’une action à la fois financée par l’État avec la création de l’Institut Méditerranéen de Technologie (IMT) et par la ville de Marseille avec une opération foncière touchant 180 ha. L’implication de l’État, avec le déménagement d’écoles d’ingénieurs et celle de la Chambre de Commerce, avec la création de la Maison du Développement Industriel (MDI), furent déterminantes. Le scientifique et ministre Hubert Curien fut d’ailleurs président du Groupement d’Intérêt Public créé à cet effet.

Le technopôle de l’Arbois démarre, lui, en 1995, avec l’installation du Centre de recherche et d’enseignement de géosciences de l’environnement (CeReGE) dans les locaux rénovés de l’ancien sanatorium. Il se développe vraiment dans les années 2000, sur 75 ha, autour de la thématique de l’environnement.

Le salon Envirorisk sur le technopôle de l’Arbois, reconnu par le label Parc+ (photo © Christian Apothéloz / Gomet)

De 1970 aux années 2000, la structuration du monde de l’innovation en France est donc marquée par la création de divers “technopôles” (au masculin), de “technopoles” (au féminin), de “parcs technologiques”, de “parcs scientifiques”, de “zones d’innovations”, de “vallées scientifiques”, de “polygones technologiques”, qui, quel que soit le vocable, se réfèrent tous au même concept : un espace spécifique protégé à vocation scientifique et technologique. Il y en a une cinquantaine en France.

Les technopôles : un bilan positif, mais contrasté

Le bilan de ces 40 années d’existence est contrasté. Bâtis sur le modèle américain de la Silicon Valley, ils sont loin d’avoir eu son dynamisme. Selon le réseau Retis et une enquête du journal Les Echos en 2022, les 43 technopôles référencés regroupent 14 000 entreprises et 180 000 salariés. C’est évidemment bien loin des 504 000 emplois du secteur de l’innovation localisés dans la Silicon Valley (auxquels il faudrait rajouter 571 000 emplois dans l’innovation en Californie du Sud). En fait, si les technopôles français ont largement contribué à développer les synergies entre les entreprises innovantes et la recherche publique, ils n’ont jamais vraiment réussi à concentrer les outils et les moyens de leur développement.

L’une des critiques est que la concentration d’activités technologiques les isole de fait du reste de la vie économique. Le croisement vertueux de la connaissance y reste limité. Les technopôles peinent à rayonner sur l’ensemble du tissu économique local. Les initiatives communes des différents acteurs publics et privés se heurtent rapidement aux clôtures-même du technopôle : il y a ceux qui sont à l’intérieur et ceux qui sont à l’extérieur. Le développement du concept, théoriquement plus ouvert, de technopôles urbains (comme Château-Gombert) n’a pas pleinement répondu à cette difficulté.

Le campus de la faculté des sciences et du sport à Luminy, en bordure des Calanques (photo © Gomet)

Le second problème est que les technopôles n’ont pas réussi (à quelques exceptions près) à attirer un financement suffisant pour le développement de leurs entreprises. D’ailleurs, même aujourd’hui, si en France comme en Europe, la valeur des investissements en capital-risque a triplé en 10 ans, le fossé continue de se creuser avec les États-Unis où cet effort est plus du triple de celui de toute l’Europe et se concentre particulièrement sur les zones technologiques peu nombreuses, hébergées sur une dizaine d’États seulement. De plus, la part du capital-risque consacrée à l’innovation scientifique et technologique est inférieure à 50 % en Europe et supérieure à 85 % aux USA. Et la seule Silicon Valley concentre 20 à 25 % de tout l’investissement capital-risque américain en matière d’innovation…

Les politiques locales sont aussi parfois contestées : concernant les technopôles français, si les opérations foncières à maîtrise publique ont été déterminantes, elles ont été bien souvent, pour des raisons de rentabilité à court terme, alimentées par des opportunités de relocalisations d’entreprises existantes au détriment de l’aide aux startups. Même si les lieux d’hébergement dédiés (espaces de coworking, pépinières, incubateurs, accélérateurs) se multiplient, la fragmentation existe et elle n’est pas toujours favorable à l’innovation.

Les technopôles ne pouvaient donc répondre seuls au défi de l’innovation. D’ailleurs, les acteurs eux-mêmes l’avaient bien compris. En Provence, il y aurait eu place à un technopole marin et portuaire ou à un autre dans le domaine de l’aéronautique. Ces deux secteurs étaient développés, dynamiques, localisés et avaient besoin d’innovation. Mais dès les années 2000, le vent avait tourné. Le développement de réseaux, de nouveaux pôles, non localisés semblait plus prometteur.

J. Bx.

Département : Martine Vassal rechigne à aider Marseille

2 mars 2024

C’est un véritable psychodrame qui s’est joué cette semaine entre le maire de Marseille, Benoît Payan, et celle qui espérait bien le devenir à sa place mais s’était fait battre à plates coutures aux dernières élections municipales, tout en restant présidente de la Métropole Aix-Marseille-Provence et du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône. C’est à ce dernier titre que Martine Vassal avait proposé de rencontrer le maire de Marseille, une commune qui concentre à elle-seule plus de 42 % de la population de tout le département.

L’enjeu de ces échanges qui se sont déroulés le jeudi 29 février 2024 était de discuter des subventions du Conseil départemental à la Ville de Marseille. Contrairement à ce qu’on pourrait croire en effet, le Département des Bouches-du-Rhône dépense plus d’argent en subventions accordées aux 119 communes de son territoire que pour assurer ses propres investissements destinés à remplir les missions obligatoires qui lui sont confiées. Le pli avait déjà été pris par Jean-Noël Guérini qui avait dirigé le Département de 1998 à 2015. A l’époque, le montant annuel des subventions aux communes atteignait en moyenne 103 millions d’euros par an. Lorsque Martine Vassal a pris la tête de l’institution, en 2015, elle a encore renforcé ce volet d’aide aux communes qui a atteint en moyenne un peu plus de 155 M€ par an !

Le Bateau bleu, siège du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône à Marseille (source © Conseil départemental 13)

Le Département est désormais fortement endetté et ses finances sont dans le rouge comme le reconnait bien volontiers Yves Moraine, son vice-président délégué aux finances, qui évoque « un contexte apocalyptique » pour présenter le projet de budget 2024 avec pas moins de 155 M€ prévus en 2024 uniquement pour payer les annuités de la dette en cours ! Mais cela n’empêche pas cette institution de prévoir encore 148 M€, soit 21,7 % de son budget total d’investissement, uniquement en subvention aux communes. C’est bien davantage que les 120 M€ destinés aux collèges ou les 63 M€ consacrés aux routes départementales, lesquels constituent pourtant ses compétences principales !

Mais ces subventions colossales versées par le Département aux communes constituent une arme redoutable pour s’attacher la fidélité des maires qui sont totalement dépendants de cette manne pour boucler leur propre budget d’investissement et mettre en œuvre leurs projet. C’est notamment le cas de la ville de Carnoux qui a signé un contrat départemental de développement et d’aménagement pour la période 2020-2022, pour un montant de travaux de près de 8 M€, et qui arrive depuis des années à se faire financer par le Département de l’ordre de 60 % de ses dépenses annuelles d’investissement pourtant élevées pour une commune de cette taille.

Martine Vassal présente lors de l’inauguration de l’hôtel de ville de Carnoux, largement cofinancé par le Département et par la Métropole (photo © CPC)

La plupart des villes dirigées par la droite bénéficient ainsi de plantureuses subventions de la part du Conseil départemental, mais l’aide n’est pas équitablement répartie. Même la Chambre régionale des Comptes s’en était étonnée dans son rapport d’observation émis en octobre 2022 qui évoquait « des dépenses d’investissement orientées vers une politique de redistribution ».

Sur la période 2013-2020, elle avait ainsi calculé que la ville de Marseille avait perçu du Département un montant total d’aides cumulées évalué à 147 M€, ce qui représente environ 170 € par habitant sur cette période de 8 ans. Dans le même temps, une commune comme Gignac-la-Nerthe recevait du Département plus de 2600 € par habitant ! A Carnoux, où le budget prévoit chaque année de l’ordre de 2 M€ de subvention du Département, le ratio atteint 320 € par habitant et par an, ce qui revient à 2 500 € par habitant sur ce même laps de temps !

C’est d’ailleurs fort de ces éléments que le nouveau maire de Marseille avait interpellé son homologue du Conseil départemental sachant que le dernier contrat avait été signé en 2016 entre Martine Vassal, fraîchement élue à la tête du Département, et Jean-Claude Gaudin, toujours maire de Marseille, pour un montant de 200 M€ qui ne serait toujours pas dépensé en totalité. Lors du dernier conseil municipal, le 16 février 2024, Martine Vassal avait proposé de renouveler ce contrat, pour le même montant de 200 M€, sur la base d’une liste de projet qu’elle avait elle-même dressée en décembre dernier, choisissant ses propres priorités comme si elle était elle-même aux commandes de la commune, décidant d’investir en priorité dans le déploiement de nouvelles caméras de surveillance et l’installation de nouveaux commissariats de police, ainsi que dans la rénovation de la piscine de Luminy, d’une médiathèque et de cuisines scolaires.

Martine Vassal met la priorité sur la sécurité, ici avec des représentants de la police et des pompiers (photo © CD 13 / La Marseillaise)

C’était donc l’objectif de cette réunion du 29 février au cours de laquelle Martine Vassal avait invité le maire de Marseille au siège du Conseil départemental en prenant bien soin de préciser au préalable : « nous allons choisir ensemble les projets que le Département financera. Je soutiendrai les projets en accord avec ma vision, le Département n’est pas un tiroir-caisse ! ». Une main tendue que Benoît Payan a volontiers acceptée. Il s’est donc déplacé à la date convenue avec une liste de projets à financer, pour un montant global de 371 M€, arguant justement d’une nécessité de rééquilibrage de l’aide départementale en faveur des Marseillais jusqu’à présent plutôt lésés par ce dispositif.

Entre Martine Vassal et Benoît Payan, le torchon brûle (photo © Philippe Laurenson / La Provence)

Sauf que la main tendue s’est plutôt transformée en bras de fer, voire en doigt d’honneur entre les deux élus. Alors que la réunion s’était plutôt bien passée et qu’un communiqué commun était même envisagé avec une réunion technique prévue dans la foulée, Martine Vassal publie illico un communiqué affirmant que Benoît Payan est dans la surenchère et a refusé son chèque de 200 M€, l’accusant d’amateurisme et d’irresponsabilité. Une position immédiatement suivie par tout son camp politique, Renaud Muselier en tête qui tacle le maire de Marseille sur X : « il ne travaille pas, ne sait pas travailler. Un amateur qui tue Marseille », ambiance, ambiance…

Au Département des Bouches-du-Rhône, Martine célèbre l’armistice mais n’est pas encore prête à signer la paix avec Benoît… (source © Accents février 2018 – magasine du CD 13)

Une réaction qui laisse le maire de Marseille pantois et l’oblige à une mise au point, pour expliquer qu’il avait effectivement demandé une aide plus substantielle, sur la base d’une liste de projets précise, comme l’ont fait les autres communes du Département, mais qu’il ne refuse en aucun cas les 200 M€ proposés, se contentant même de 50 M€ si le Département n’est pas en capacité de faire plus, tout en regrettant ce traitement inéquitable qui défavorise les Marseillais. Une nouvelle réunion est programmée prochainement entre la maire de Marseille et la même Martine Vassal, cette fois en tant que présidente de la Métropole, mais on peut d’ores et déjà présager que le climat n’y sera probablement pas des plus cordial…

L. V.

Des élus hors-la-loi et qui le revendiquent

24 février 2024

La fonction de maire d’une commune confère à celui qui l’occupe des pouvoirs de police très étendus et, par conséquent, de lourdes responsabilités. En tant qu’officier de police judiciaire, il se doit notamment de dénoncer au Procureur de la République tout délit dont il aurait connaissance et se doit, comme premier magistrat de sa ville, de veiller scrupuleusement au respect de la loi par tous, et d’abord par lui-même.

C’est pourquoi la démarche que viennent de faire une quarantaine de maires à l’initiative de Martine Vassal, présidente du Département des Bouches-du-Rhône et de la Métropole Aix-Marseille-Provence, ne manque pas de surprendre. Alors que le nouveau ministre du logement, l’ultra libéral Guillaume Kasbarian venait tout juste d’être nommé à son poste et n’avait sans doute pas encore eu le temps de mettre son nom sur la porte de son nouveau bureau, une lettre ouverte signée par 113 élus, pour la plupart originaires de la région PACA, dont une quarantaine de maires de l’aire métropolitaine marseillaise, lui était déjà adressée, comme Marsactu l’a signalé dès le 21 février 2024.

Guillaume Kasbarian, nouveau ministre du logement, ici le 27 mars 2023 à Matignon (photo © Ludovic Marin / AFP / Le Monde)

Publiée notamment dans le JDD, cette tribune est un véritable pousse-au-crime qui dénonce ouvertement une loi pourtant adoptée il y a maintenant près de 24 ans, le 13 décembre 2000, sous le nom de loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain, dite SRU, à l’époque où Lionel Jospin était Premier ministre. L’article 55 de cette loi que remettent en cause ces élus impose un taux minimum 20 % de logements sociaux dans les communes de plus de 3 500 habitants en agglomération de plus de 50 000 habitants. Une proportion minimale qui a même été augmentée à 25 % à l’occasion de la loi Dufflot adoptée en janvier 2013.

La construction de logements sociaux, déjà un casse-tête pour Cécile Duflot, ministre du logement en 2014 : un dessin signé Rodho pour la Lettre hebdomadaire HCL inventaires

Cette disposition législative qui s’impose aux élus locaux et qui est l’aboutissement d’un vaste débat national lancé dès 1999, relève pourtant du bon sens quand on constate que 68 % des Français sont éligibles au parc social mais qu’ils ont de plus en plus de mal à y accéder, faute d’avoir construit suffisamment de nouveaux logements sociaux. Les taux de rotation dans le parc social sont de plus en plus faibles et les listes d’attente s’allongent. A Marseille, ce sont ainsi 48 000 familles qui sont en attente d’un logement social, parfois depuis plus de 10 ans, et qui, en attendant, s’entassent dans des logements souvent inadaptés, parfois vétustes voire insalubres, et se retrouvent bien souvent à la merci de marchands de sommeil peu scrupuleux…

Faire en sorte que les communes proches des grandes agglomérations, là où la demande est la plus forte, disposent d’un parc social plus développé pour répondre aux besoins de la population, est donc une mesure de bon sens qui relève d’une politique publique cohérente. En Île-de-France, de nombreuses communes présentent plus de 50 voire 60 % de logements sociaux. Même dans des secteurs plus ruraux, on trouve des communes dont près de 50 % des résidences sont des logements sociaux, comme par exemple à Lucé (15 000 habitants) dans l’Eure ou Mourenx (6 000 habitants) dans les Pyrénées-Atlantiques. Des villes comme Soissons, Charleville-Mézières ou Oyonnax possèdent plus de 40 % de logements sociaux et ne sont pas spécialement connues pour être confrontés à des situations sociales explosives. Une ville comme Reims, qui compte plus de 180 000 habitants présente un taux de logements sociaux supérieur à 38 %.

Logement social en forme de maisons individuelles avec patio dans le quartier de la Maille à Miramas (source © Huit et demi)

Dans les Bouches-du-Rhône, quelques communes comme Berre-l’Étang, Port-de-Bouc ou Miramas possèdent plus de 30 % de logements sociaux, mais la région PACA demeure globalement celle de France où le taux de logements sociaux est le plus faible : 14,2 % en moyenne contre un peu plus de 17 % à l’échelle nationale. A Marseille, cette proportion dépasse 21 % mais le parc est mal réparti, concentré surtout dans les grands ensembles des quartiers nord alors qu’il est quasi inexistant dans le centre ancien et les quartiers sud. En 2023, 95 communes de la région PACA ont été considérées comme carencées pour n’avoir pas atteint leurs objectifs de rattrapage, parmi lesquelles pas moins de 40 communes des Bouches-du-Rhône : un record ! Des villes comme Nice et Toulon se sont aussi fait rattrapées par la patrouille et sont désormais pointées du doigt pour leurs efforts insuffisants.

Le port de Carry-le-Rouet, où il est plus facile de trouver une location de tourisme qu’un logement social (source © Locacarry)

Dans l’aire métropolitaine, certaines communes se distinguent tout particulièrement à l’instar de Carry-le-Rouet et ses 46 logements sociaux pour 6 000 habitants ! Mais d’autres ne font guère mieux comme Peypin où le taux de logements sociaux est de 3,5 % tandis qu’il atteint péniblement 4,5 % à Mimet, 5 % à Gémenos et 6 % à Allauch. Une démarche parfaitement assumée et même revendiquée par ces maires qui s’assoient ouvertement sur la loi SRU, préférant payer, année après année, des compensations financières, d’ailleurs bien modestes, plutôt que de faire le moindre effort pour construire des logements sociaux, afin de ne pas heurter la sensibilité de leur riche électorat qui préfère l’entre-soi dans de belles villas individuelles avec piscines.

Georges Cristiani, maire de Mimet et président de l’Union des maires des Bouches-du-Rhône (source © France Bleu Provence / Daily motion)

Et comme par hasard, ce sont justement les élus de ces communes multi-carencées qui sont les premiers signataires de cette tribune adressée au nouveau ministre du logement pour lui demander d’abandonner une fois pour toutes cette obligation légale de prévoir un minimum de logements sociaux ! Outre Martine Vassal ou encore Renaud Muselier, pourtant pas directement concernés par cette mesure, on trouve ainsi, parmi les signataires de cette lettre ouverte, le maire de Nice (Christian Estrosi), la maire d’Aix-en-Provence (Sophie Joissains) mais aussi ceux d’Arles (Patrick de Carolis), de Salon-de-Provence (Nicolas Isnard), d’Aubagne (Gérard Gazay), de La Ciotat (Alexandre Doriol), de Cassis (Danielle Milon) et bien sûr ceux de Mimet (Georges Cristiani) et d’Allauch (Lionel de Cala). On y trouve même, ce qui est plus surprenant, Nora Preciozi, la présidente de 13 Habitat, le principal office HLM du département, ce qui interroge pour le moins sur la cohérence de la démarche…

Et voilà que l’adoption du Programme local de l’habitat en conseil métropolitain, jeudi 22 février 2024, a donné lieu, de la part de ces mêmes élus locaux très décomplexés, menés par le maire de Mimet, Georges Cristiani, à une véritable attaque en règle contre la loi SRU, comme l’a notamment rapporté le Figaro. Martine Vassal a ainsi fait adopter, malgré les protestations de la gauche marseillaise, une délibération qui demande purement et simplement l’annulation de cette loi jugée trop contraignante et difficilement applicable !

Martine Vassal avec son DGS à la tribune lors du Conseil métropolitain du 22 février 2024 (source © MAMP / Bati Actu)

Une démarche dont elle est coutumière, elle qui n’avait pas hésité à menacer de ne plus prendre en charge l’accompagnement social des mineurs isolés, une obligation légale pourtant qui incombe au Département qu’elle préside, avant de refuser carrément de mettre en œuvre la régulation de la circulation dans les zones à faibles émissions, là aussi prévue par la loi. Certains de nos élus locaux, qui se réclament pourtant ouvertement de la majorité présidentielle, n’hésitent plus désormais, pour des raisons de clientélisme électoral, à s’assoir ainsi ouvertement sur la loi républicaine, quitte à s’offusquer ensuite du manque de civisme de la part de certains de leurs concitoyens, et à réclamer à cor et à cris un « réarmement civique » : un peu de cohérence et de respect des règles communes d’intérêt général ne serait peut-être pas superfétatoire !

L. V.

Cerexagri, l’usine qui enfume les voisins

8 février 2024

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, le passé industriel très actif de Marseille n’est pas complètement mort, lui qui a laissé de multiples stigmates avec ses innombrables terrils riches en métaux lourds qui jonchent encore le littoral en bordure du Parc national des Calanques et dont la dépollution reste un casse-tête. La production d’alumine, à partir de la bauxite locale, a contribué à la richesse locale avec un site majeur de production à Saint-Louis des Aygalades mais aussi de multiples dépôts de boues rouges, résidus de cette production industrielle et dont on ne sait plus très bien que faire désormais.

Mais il subsiste encore sur le territoire de Marseille quelques sites industriels majeurs toujours en activité, parmi lesquels l’usine Arkema à Saint-Menet, toujours en activité depuis 1954 et classée site Seveso seuil haut, dont le plan particulier d’intervention, révisé récemment, s’étend désormais jusqu’à la commune de Carnoux qui pourrait être sérieusement touché en cas de fuite massive de chlore par temps de Mistral.

Usine Arkema à Saint-Menet, source de risque industriel majeur pour l’Est marseillais (photo © Georges Robert / La Provence)

Un autre site industriel majeur, implanté depuis 1983 dans le quartier de Saint-Louis des Aygalades, fait aussi parler de lui pour ses nuisances environnementales. Il s’agit de l’usine Protec Métaux Arenc, rachetée récemment par Satys, et spécialisée dans la fabrication de peintures spéciales pour l’aéronautique. En 2013, des fuites de chrome VI, une substance toxique fortement cancérigène et mutagène, ont été repérées fortuitement dans le tunnel ferroviaire de Soulat situé en contrebas, à 400 m de là. Les investigations, qui n’ont été rendue publiques qu’en 2019, ont révélé que le produit avait provoqué une pollution majeure du ruisseau des Aygalades et persistait encore dans la nappe, ce qui a obligé les autorités à prendre des mesures drastiques d’interdiction d’utilisation des puits domestiques du secteur.

Entrée de l’usine PMA désormais Satys, implantée dans le quartier de Saint-Louis, à l’origine d’une grave pollution au chrome VI de la nappe et du ruisseau des Aygalades (source © Google Maps / Marsactu)

A ce jour, les travaux de dépollution, que l’industriel est mis en demeure d’engager depuis 2018, ne sont toujours pas réalisés même si des tests in situ ont bien été effectués en 2021 après le rachat du site par Satys. Il était question que l’usine déménage en 2023, pour s’installer dans une zone d’activité dédiée à Marignane, mais les riverains du secteur s’y sont bruyamment opposé et l’industriel a dû battre en retraite. L’usine et ses installations vieillissantes en pleine zone urbaine reste donc toujours en place à ce jour, freinant les travaux de dépollution qui peuvent difficilement être réalisés tant que l’activité de production se poursuit…

Portail de l’antenne marseillaise de Cerexagri au Canet (photo © Etienne Bonnot / Marsactu)

Et voilà qu’une autre usine marseillaise, défraie à son tour la chronique et fait les choux gras de Marsactu. Installée au Canet, entre l’autoroute A7 et la L2, à proximité immédiate des grandes tours de la cité Jean Jaurès, l’usine existe depuis 1909. A l’époque, les bâtiments, immenses cathédrales de béton armé aux toits voûtés, étaient exploités par les Raffineries Internationales de Soufre. Peu à peu, l’usine s’est retrouvée en pleine ville, encerclé d’immeubles d’habitations, de pavillons et même d’écoles. La production quant à elle s’est toujours poursuivie mais l’usine a changé de main et a été intégrée à Cerexagri, une filiale d’Arkema qui regroupe les activités agrochimiques issues de Total. L’usine continue à fabriquer du soufre destiné à être utilisé comme fongicide dans l’agriculture.

Les vastes salles voûtées du site marseillais de Cerexagri (source © AGAM)

Fin 2006, Arkema a cédé sa filiale Cerexagri dont le chiffre d’affaires était alors estimé à 200 millions d’euros avec ses trois usines de production situées, outre Marseille, à Bassens près de Bordeaux, et à Mourenz dans les Landes. L’heureux repreneur est le géant indien de l’agrochimie, le groupe UPL (United Phosphorus Ltd), l’un des cinq géants mondiaux des pesticides, présent dans 130 pays avec plus de 10 000 salariés dans le monde.

En mars 2010, un incendie s’était déjà produit dans les locaux de l’usine marseillaise de Cerexagri. Rapidement maîtrisé par les marins-pompiers, le feu avait néanmoins provoqué la formation d’un spectaculaire nuage de soufre qui s’était lentement dirigé vers les barres d’immeubles de la cite Jean Jaurès dont les habitants étaient aux premières loges pour bénéficier gratuitement d’une inhalation soufrée qui, semble-t-il n’avait pas fait de victime directe.

Site de l’usine Cerexagri (toitures blanches), entre l’autoroute A7 et la L2, en bordure de la cité Jean Jaurès et à côté de l’école Canet Jean Jaurès (source © Google Maps)

A l’époque, l’usine était classée site Seveso seuil haut, mais en 2021, les services de l’État ont accepté de le déclasser, actant le fait que les volumes de produits toxiques stockés sur place étaient désormais en dessous des seuils. La même année pourtant, un autre site de l’indien UPL faisait parler de lui en Afrique du Sud. Suite à des émeutes urbaines, un hangar de stockage de produits chimiques situé dans la zone portuaire de Durban avait été incendié, provoquant une grave contamination des plages voisines où les autorités ont dû interdire la pêche et la baignade. Selon France Info, l’enquête avait montré que la multinationale indienne n’avait pas les autorisations environnementales pour cette activité et il avait fallu retirer 13 000 tonnes de déchets toxiques et 24 000 m3 de liquides contaminés pour les enfouir en décharge contrôlée.

Incendie du site de stockage UPL près de Durban en juillet 2021 : une véritable catastrophe écologique (source © IOL)

C’est pourtant cette même année 2021, comme l’indiquent les révélations récentes de Marsactu, que la direction marseillaise de Cerexagri, profitant de l’assouplissement des exigences environnementales à son encontre, décide de modifier son procédé de convoyage de la poudre de soufre vers la chaine d’ensachage, en remplaçant son ancien dispositif mécanique par un système plus performant à air comprimé, qui permet de meilleurs rendements. Le seul (petit) inconvénient du nouveau process est qu’il rejette dans l’atmosphère un gaz éminemment toxique, mortel à fortes concentrations, l’hydrogène sulfuré H2S. Selon le Code du Travail, dès que la concentration de ce gaz dans l’air dépasse 5 ppm dans un espace confiné, la production doit être immédiatement stoppée. Or le nouveau dispositif génère des concentrations 30 fois supérieures !

Qu’à cela ne tienne : la direction fait installer en toute discrétion une seconde ligne d’échappement qui permet d’évacuer l’essentiel du gaz toxique à l’extérieur, juste au-dessus d’une porte par laquelle transitent les salariés du site. Cette installation n’étant pas déclarée, les services de contrôle mesurent les rejets à la sortie de l’échappement principal tandis que l’essentiel des rejets passe par l’échappement secondaire, ni vu ni connu…

Banderole sur l’usine Cerexagri de Bassens en 2021 à l’occasion d’un mouvement social (photo © Ezéquiel Fernandez / Radio France)

N’ayant pas été informés du stratagème, les salariés ne se doutent de rien sauf qu’ils sont régulièrement incommodés en passant près de l’endroit sensible, au point de finir par faire des mesures à l’aide de capteurs individuels, découvrant avec effarement que leur capacité de mesure est allègrement dépassée ! Une fois le pot aux roses découvert, les salariés déclenchent une alerte pour danger grave et imminent et décident de l’arrêt de l’activité. Cinq jours plus tard, des inspecteurs du travail se rendent sur place avec un expert et mettent en demeure la direction du site de mettre son installation en conformité, ce qui est fait une semaine plus tard, sans que l’on sache à ce jour si les rejets récurrents d’H2S à forte concentration ont pu avoir un impact sur les habitants des logements voisins dont les fenêtres donnent directement sur l’usine.

On apprend d’ailleurs à cette occasion qu’en 2023 déjà le même site industriel s’était fait rappeler à l’ordre par les services de l’État qui s’était rendu compte que l’usine rejetait directement dans le réseau pluvial, sans le moindre traitement, ses eaux de purges des chaudières, provoquant une atteinte grave à l’environnement. De quoi écorner quelque peu la réputation de la multinationale indienne dont la communication institutionnelle est portant fortement axée sur la sécurité et le bien-être de ses employés ainsi que sur le respect de l’environnement, un thème récurrent dans la bouche de bien des pollueurs !

L. V.

Echos de conférence : « peut-on encore se loger ? »

1 février 2024

La salle du Clos Blancheton était quasi comble en ce lundi 22 janvier 2024 pour écouter les conférenciers traiter de ce sujet crucial qu’est l’accès au logement : Francis Vernède, directeur régional PACA de la fondation Abbé Pierre, ainsi que Aude Lévêque, chargée de mission à la fondation Abbé Pierre, et Marc Vincent, directeur du pôle de lutte contre l’habitat indigne à la ville de Marseille. Le public était constitué comme à l’habitude des adhérents du Cercle, d’habitants de Carnoux et des communes voisines, jusqu’à La Ciotat, et nous notions avec plaisir la présence de monsieur Giorgi, maire de Carnoux-en-Provence, ainsi que de plusieurs conseillers municipaux.

Avant le début de la conférence (photo © CPC)

En prologue, Michel Motré, président du Cercle Progressiste Carnussien a salué l’assistance et a remercié les conférenciers chargés de nous éclairer sur les difficultés d’accès au logement dans le contexte actuel et de proposer des éléments de réflexion quant aux solutions envisageables. Le hasard nous fait remarquer que cette conférence coïncide avec le 17ème anniversaire de la disparition de l’Abbé Pierre.

En introduction Francis Vernède aborde le sujet du logement social en lien avec la faiblesse de l’offre de logements, l’Etat, notamment, n’étant pas en capacité de répondre aux demandes de plus en plus nombreuses au titre du droit opposable au logement. Le constat est établi d’une baisse sensible depuis plusieurs années de l’effort public dans le financement du logement social, ce qui contribue à cette crise du logement.

Les conférenciers (photo © CPC)

En région PACA, où le taux de pauvreté est supérieur à la moyenne nationale, les difficultés d’accès au logement sont particulièrement importantes. Lorsqu’un ménage est amené à consacrer plus d’un tiers de ses revenus au logement, il s’appauvrit. Ce taux d’effort maximum ne lui permet pas d’accéder à un logement décent et adapté dans bien des endroits. Quant au parc social, il est notoirement insuffisant en Région PACA où, sur 200 000 demandes enregistrées, seulement 23 500 ont été satisfaites.

Les personnes les plus fragiles sont ainsi conduites à se loger dans des habitations impropres, parfois à la merci des marchands de sommeil et trop souvent à la rue, en recherche d’un hébergement d’urgence, pour lequel seules 35 % des demandes effectuées via le numéro de téléphone d’urgence 115 (urgence sociale) sont satisfaites. Un chiffre sous-évalué car nombreux sont ceux qui abandonnent l ‘espoir d’obtenir une place en hébergement d’urgence après avoir essuyé plusieurs refus pour insuffisance de disponibilités.

Évolution du nombre de demandes de logement dans le parc social en région PACA (source © FAP)

Comment les plus modestes pallient-ils ces difficultés de logement adaptés à leurs besoins et leurs ressources ? On constate une suroccupation des logements, faute d’obtenir un logement plus grand, avec des effets néfastes sur la santé mais aussi sur la scolarité des enfants. Souvent, c’est la solidarité familiale qui s’exprime, en étant hébergé chez un parent ou encore chez un particulier pour une durée indéterminée. La loi Dalo qui consacre le droit au logement contraint en théorie la puissance publique à une obligation de résultat, mais ce droit est tenu en échec du fait de l’absence d’offres suffisantes dans le parc social, d’un défaut d’accompagnement des demandeurs et de l’absence de solutions en commissions de médiations.

Dans notre région l’application de la loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbain) est problématique et les objectifs quantitatifs et qualitatifs ne sont pas atteints. Il faudrait augmenter l’offre dans le parc privé au profit des ménages modestes, proposer des aides fiscales adaptées, encadrer les loyers, mais aussi réguler davantage le marché des locations saisonnières.

La suroccupation, un symptôme de la crise du logement (source © FAP)

Nos deux conférenciers de la Fondation Abbé Pierre concluent leur intervention en indiquant qu’il est possible de trouver des solutions à condition qu’une concertation s’instaure entre l’État, les régions, les départements et/ou les métropoles, les communes et leurs habitants. C’est le cas à Paris, qui a réussi à atteindre les objectifs prévus. La ville de Nice est aussi engagée dans cette voie mais encore loin du compte.

C’est ensuite Marc Vincent, qui évoque les actions menées au sein du pôle de lutte contre l’habitat indigne à Marseille, largement réorganisé et renforcé après les effondrements de la rue d’Aubagne en novembre 2018 et qui regroupe 80 agents (architectes, inspecteurs de salubrité, responsables de travaux, agents administratifs) pour tenter de résorber l’habitat insalubre et potentiellement dangereux pour ses occupants, y compris en procédant à des évacuations préventives lorsque c’est nécessaire. En 2015, 40 000 logements marseillais étaient évalués comme potentiellement indignes, soit 10 % du parc immobilier de la ville où l’on enregistre près de 3 000 signalements par an et où des procédures de mise en sécurité sont en cours sur plus de 1 300 immeubles !

Sont ensuite évoquées les causes de la difficulté à accéder à un logement en location ou à l’achat. Depuis l’année 2000 les prix de l’immobilier ont doublé alors que les salaires n’ont pas suivi. Les ménages locataires consacrent en moyenne 28 % de leurs revenus à ce poste, sans compter que les charges locatives, avec l’envolée du coût de l’énergie, pèsent sur le budget. Les exigences renforcées en matière de performance énergétique des logements, bien que vertueuses, vont aussi contribuer à sortir du parc locatif certaines « passoires thermiques » coûteuses à rénover, et ceci dès 2025.

Confrontés à la baisse de l’offre et à une augmentation des demandes, les agences immobilières rehaussent les exigences en matière de garanties, excluant ainsi nombre de jeunes ménages et d’étudiants. Les transactions ont baissé de 15 % dans l’ancien et de 49 % dans le neuf, conséquence des taux de crédit élevés, de l’inflation, de l’augmentation du coût de la construction de 30 % (prix des matériaux, nouvelles normes), du prix du foncier très élevé, avec une nette réduction des mises en chantier.

Par ailleurs, en France, le patrimoine immobilier est mal réparti et la construction neuve, orientée par les dispositifs d’incitation fiscale, n’est pas adaptée à la demande, avec notamment beaucoup de résidences pour étudiants et pour séniors. Pour ce qui est des logements sociaux, au nombre de 5 millions en France, il est précisé que 68 % des ménages y sont éligibles, mais les communes soumises à la loi SRU qui impose un taux minimum de 25 % des résidences en logement social ont bien du mal à atteindre leurs objectifs.

Le parc social en France (source © CPC)

La situation du logement à Carnoux est abordée. On y compte 3 254 logements où résident 2 900 ménages dont 63,4 % sont propriétaires. Le taux de logement social y est de 16 %, très en deçà des obligations de la loi SRU, mais la commune n’est pas carencée, le préfet ayant accordé une exemption pour raison de manque de transports collectifs. On y compte de l’ordre de 250 demandes de logements sociaux en attente, non satisfaites, mais le nombre de logements qui se libèrent chaque année ne dépasse guère la vingtaine…

Comme dans de nombreuses communes proches du littoral, on constate les dérives engendrées par une explosion récente des meublés de tourisme avec environ 200 offres proposées cet été et le développement d’une pratique professionnelle encore non régulée, contrairement à Marseille ou Cassis.

Un auditoire attentif dans la salle du Clos Blancheton (photo © CPC)

Après cet exposé, la parole est donnée au public. Monsieur Giorgi, maire de Carnoux, expose les difficultés rencontrées pour augmenter l’offre de logements dans la cité. Ce sont principalement le manque de terrains disponibles et les diverses réglementations qui brident la mise en œuvre des quelques projets. Il est noté que la Métropole, qui détient la compétence logement, a une part de responsabilité dans le manque de volontarisme et le défaut de solidarité entre communes. M. Vernède, au nom de la Fondation Abbé Pierre, se déclare prêt à échanger avec les édiles de Carnoux pour une amélioration de l’offre de logement.

Un habitant témoigne de la difficulté extrême pour bénéficier de subventions de l’ANAH (prime à la rénovation) pour un logement qu’il a proposé à la location. L’exemple de solutions de réaménagement d’habitat ancien, est évoqué. La ville de New York est citée comme modèle pour la régulation des locations de meublés de tourisme, tant l’impact pour l’économie locale était affecté par les conséquences néfastes ressenties.

Les échanges informels à l’issue des débats et autour d’un verre (photo © CPC)

Ce large débat qui ne demande qu’à être prolongé illustre bien l’importance du sujet que constitue l’accès au logement pour de nombreuses catégories de ménages, sujet amplifié pour les personnes dans la précarité. Nos conférenciers concluent par un message d’espoir de voir une dynamique s’enclencher pour mettre en œuvre des solutions qui existent, dès lors que tous les acteurs sont prêts à agir en concertation. La soirée a permis de prolonger les échanges autour de l’apéritif traditionnel offert par le Cercle.

C. M.

La société Alteo mise en examen

28 janvier 2024

C’est le quotidien national Le Monde qui l’a révélé le 19 janvier 2024 : la société Alteo, propriétaire de l’usine de production d’alumine de Gardanne, a été mise en examen le 17 octobre 2023, près de 4 ans après l’ouverture d’une information judiciaire, pour « mise en danger de la vie d’autrui ».

Vue aérienne de l’usine d’alumine d’Alteo à Gardanne, ici en 2019 (source © Made in Marseille)

C’est le nouveau procureur de la République à Marseille, Nicolas Bessone, qui a confirmé l’information en précisant que l’usine Alteo de Gardanne est soupçonnée d’avoir à Gardanne et à Cassis, entre le 1er janvier 2016 et le 31 décembre 2021, « laissé s’écouler dans les eaux de la mer dans la limite de la mer territoriale, directement ou indirectement, une ou des substances dont l’action ou les réactions ont même provisoirement entraîné des effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore ou à la faune ». Le parquet de Marseille estime donc, après 4 ans d’enquête, avoir rassemblé suffisamment d’éléments venant étayer les arguments avancés depuis des années par des riverains et des associations de défense de l’environnement qui s’époumonent en vain pour dénoncer les pollutions multiples occasionnées par cette usine.

Le sujet n’est pas nouveau puisque les résidus de traitement de l’usine, les fameuses « boues rouges », ont toujours été purement et simplement rejetées dans la nature depuis que le site a été mis en service, il y a plus d’un siècle en 1894. A l’époque, le procédé industriel utilisé, inventé par Karl Joseph Bayer en 1887, était fortement innovant et le site de Gardanne est le premier au monde à l’utiliser ainsi de manière industrielle, après quelques tâtonnements. Il consiste à dissoudre à chaud à l’aide de soude concentrée le minerai de bauxite, alors exploité dans les mines toutes proches du Var, pour en extraire l’alumine, cette poudre blanche qui donne ensuite l’aluminium par électrolyse.

Vue aérienne du site de Mange-Garri, à Bouc-Bel-Air, près de Gardanne, où sont entreposées les résidus solides de la fabrication d’alumine, les fameuses « boues rouges » (photo © Colin Matthieu / Hemis.fr / France TV info)

Mais ce procédé produit des quantités importantes de déchets, ces fameuses boues rouges, alors à raison de 1,5 tonne pour 1 tonne d’alumine produite, des résidus riches en oxydes de fer qui leur donnent cette couleur caractéristique, mais aussi en soude résiduelle, très caustique, et en métaux lourds de type plomb, mercure, cuivre, chrome ou cadmium, ainsi qu’en arsenic et en éléments radioactifs. Des boues toxiques qui ont été longtemps stockées dans tous les vallons situés autour de l’agglomération marseillaise. Jusqu’à ce que Péchiney, alors propriétaire de l’usine de Gardanne, ait la brillante idée de les rejeter directement en mer, au large de Cassis, via une conduite qui court sur plus de 50 km et se rejette en mer à quelques kilomètres du littoral, dans le canyon de la Cassidaigne.

Les canalisations d’effluents toxiques qui partent de l’usine de Gardanne et courent à travers bois jusqu’à Cassis, enterrées sur une partie de leur trajet comme dans la traversée de Carnoux (photo © Guillaume Origoni et Hans Lucas / AFP / Le Monde)

Mise en service en 1966 malgré la protestation des pêcheurs et des écologistes de l’époque, cette conduite, qui traverse toute la commune de Carnoux où elle est repérée en surface par de petites bornes orange, a rejeté plus de 30 millions de tonnes de boues rouges toxiques, directement en mer, en plein cœur du Parc national des Calanques, déposant des sédiments rougeâtres que l’on retrouve dans les fonds marins de Toulon jusqu’à Fos !

La conduite qui rejette en mer à 7 km des côtes de Cassis, les effluents liquides toxiques issus de l’usine d’alumine de Gardanne (photo © Boris Horvat / AFP / 20 minutes)

Il a fallu attendre le 1er janvier 2016 pour que cessent enfin ces déversements directs en mer des boues rouges toxiques, en application de la Convention de Barcelone signée 10 ans plus tôt en 1995 et fixait une date limite au 31 décembre 2015 pour de tels rejets. Une enquête publique mouvementée avait été lancée en août 2015, qui vit le ministre de l’écologie d’alors, Ségolène Royal, se faire désavouer publiquement par le Premier ministre de l’époque, un certain Manuel Vals, il a été accordé une nouvelle autorisation à l’usine de Gardanne, passée entre temps des mains de Péchiney à celle d’Alcan, puis de Rio Tinto, et rachetée en 2012 par un fonds d’investissement anglo-saxon HIG Capital qui l’a regroupé au sein de son nouveau pôle baptisé Alteo.

Les envols de poussières toxiques autour du site de stockage de Mange-Garri empoisonnement la vie des riverains et de l’environnement proche (photo © Boris Horvat / AFP / Géo)

Grâce à la générosité de l’Agence de l’Eau, financée pour l’essentiel par les redevances des usagers sur leur consommation d’eau potable, le fonds d’investissement HIG a pu équiper l’usine de Gardanne de filtres-presses destinés à extraire la phase solide des boues rouges, stockée depuis à l’air libre dans les immenses bassins de Mange-Garri à Bouc-Bel-Air, à raison de 350 000 tonnes supplémentaires chaque année, au grand dam des riverains exposés, en période venteuse, aux envolées de poussières éminemment toxiques. Le reste des effluents liquides continue à être rejeté en mer par les mêmes canalisations, sans autre traitement, moyennant une autorisation préfectorale accordée pour 6 ans et fixant des teneur limites à ne pas dépasser pour certains paramètres de ces effluents, en dérogation avec les seuils réglementaires habituellement appliqués.

Les rejets en mer des boues rouges, désormais arrêtés, mais qui se poursuivent par des rejets d’effluents liquides peu ragoutants : un dessin du caricaturiste Z, publié dans Charlie Hebdo le 24 août 2020

Un montage qui s’apparente fort, comme de nombreux responsables politiques l’ont alors dénoncé, à une lâche concession faite à l’industriel pour lui permettre de continuer à polluer allègrement, moyennant le versement d’une redevance, elle-même minorée de manière totalement dérogatoire, ceci pour répondre à son habile chantage à l’emploi et en échange de vagues promesses de se doter un jour d’une véritable station d’épuration digne de ce nom. Un échéancier avait été alors accordé à l’entreprise pour se mettre progressivement en règle mais les échéances ont été repoussées à de multiples reprises, faute d’atteindre dans les délais les seuils fixés dans l’arrêté. Alteo avait même mis en avant cette pression environnementale pour placer l’usine en redressement judiciaire fin 2019 et organiser son rachat en 2021 par le groupe de logistique minière franco-guinéen United Mining Supply.

Et pourtant, malgré ce traitement de faveur totalement dérogatoire, les services de l’État en charge de contrôler cette installation industrielle ont enregistré, via les quelques analyses effectuées, que même les valeurs dérogatoires concédées n’étaient pas respectées, loin s’en faut. Un prélèvement inopiné réalisé en 2016 indiquait ainsi des dépassements colossaux par rapport aux seuils fixés dans l’arrêté préfectoral, et ceci s’est reproduit depuis malgré les multiples mises en demeure du Préfet et ceci même au-delà de septembre 2020, data à laquelle Alteo s’est vanté d’avoir enfin mis en service une unité de traitement biologique pour traiter ses effluents avant rejet dans le milieu naturel.

Modélisation de l’extension des dépôts de boues rouges au large de Cassis (source © Wild Legal)

Ce sont ces multiples et répétées infractions aux différents arrêtés préfectoraux pourtant largement dérogatoires, qui valent aujourd’hui cette mise en examen suite aux plaintes déposées dès 2018 par huit plaignants représentant des riverains, des pêcheurs et des associations de défense de l’environnement dont ZEA, plaintes qui avaient débouché sur l’ouverture d’une enquête en mars 2019 par le pôle santé du Tribunal judiciaire.

Après des années d’errements, la Justice semble enfin se donner les moyens d’agir sur ce type de pollution industrielle à grande échelle, effectuée au vu et au su de tous, avec la complicité active et revendiquée de nombre de responsables politiques voire scientifiques, et au mépris de toutes les législations et réglementations pourtant plutôt laxistes mises en place. Une belle victoire pour ceux qui se battent depuis des années voire des décennies contre ce type d’impunité !

L. V.

Covoiturage : la Métropole s’y met (enfin)

25 janvier 2024

Plus encore que les navettes et la bouillabaisse, la spécialité qui fait la renommée de Marseille et de sa métropole, ce sont les bouchons sur les voies de circulation ! Le dernier classement diffusé en octobre 2023 par le magazine Auto Plus et établi avec le vendeur de GPS Tom Tom, place une fois de plus l’agglomération marseillaise largement en tête des grandes villes française où l’on perd le plus de temps dans les bouchons, bien avant Paris, Lyon ou même Nice, pourtant bien placée dans ce palmarès.

Les bouchons, une spécialité marseillaise, ici sur l’autoroute du Littoral (photo © P. Magnien / 20 minutes)

Les temps de trajet domicile-travail aux heures de pointe y ont été enregistrés sur plus de trois semaines consécutives à la rentrée 2023 et comparés aux temps nécessaires pour faire les mêmes trajets quand la route est dégagée. Le résultat est effrayant puisque dans l’agglomération marseillaise les temps de trajet sont en moyenne allongés de 81 %, c’est-à-dire que la congestion du trafic double pratiquement le temps passé au volant de sa voiture à s’énerver. Pour quelqu’un qui habite à 30 mn en voiture de son lieu de travail et qui est donc supposé passer une vingtaine d’heures chaque mois dans ses transports quotidiens, il lui en faudra en réalité le double, soit une semaine entière de travail en sus, à raison de 39 heures ouvrés par semaine…

Les raisons de cette situation sont bien connues et sont liées à l’insuffisance des transports en commun, à l’étalement urbain qui rend justement difficile leur organisation, et aux habitudes locales de covoiturage encore peu développées. En septembre 2023, les comptages effectués par Vinci entre 7h et 10h du matin sur les autoroutes A7, A50, A51 et A55 aux abords de Marseille, avaient montré que plus de 95 % des conducteurs de véhicules individuels sont seuls dans leur voiture, un record national selon La Provence puisque ces taux sont plutôt de l’ordre de 75 % en Ile de France ou près de Nantes. C’est précisément pour tenter d’améliorer ce dernier point que la métropole Aix-Marseille-Provence vient d’annoncer un nouveau dispositif incitatif dont la presse locale s’est largement fait l’écho suite à sa présentation officielle à Luminy, le 17 janvier 2024, par Martine Vassal en personne.

Séance inaugurale du dispositif métropolitain de covoiturage à Luminy le 17 janvier 2024, par Martine Vassale, entourée d’Éric Berton (à gauche, président de l’université Aix-Marseille), d’Olivier Binet (cofondateur de Karos) et de Catherine Pila (présidente de la RTM) (photo © Quentin Guéroult / La Provence)

La Métropole s’est alliée pour cela à Karos, une entreprise privée fondée en 2014 et dont l’application de covoiturage est désormais la plus utilisée en France pour les trajets domicile-travail. Depuis juillet 2016, un service de covoiturage intégré aux transports en commun a ainsi été mis en place, en Ile-de-France, permettant les échanges financiers de covoiturage sur la carte Navigo. C’est sur la base de ce retour d’expérience que la Métropole marseillaise a développé son offre locale en s’appuyant sur le principe de la prime de covoiturage de 100 €, créée par l’État en 2023 et reconduite en 2024, focalisée désormais justement sur les déplacements de courte durée (inférieurs à 80 km), entre le domicile et le lieu de travail, mais aussi l’école ou les sites de loisir.

Les joies (et les risques) du covoiturage : un dessin signé Ysope

Avec le nouveau dispositif ajusté en 2024 et doté d’un budget national de 150 millions d’euros, ceux qui s’inscrivent sur la plateforme peuvent bénéficier d’un premier versement de 25 €, dans les trois mois qui suivent le premier trajet effectué. Le solde de 75 € leur sera versé par l’État au plus tard 3 mois après la réalisation du 10e trajet effectivement réalisé. Ces modalités s’appliquent à une vingtaine de plateformes de covoiturage actuellement opérationnelles, mais Karos a légèrement adapté le dispositif à Marseille en s’engageant à créditer chaque utilisateur d’un premier versement de 50 € dès le premier trajet, puis d’un second du même montant après le 10e parcours, à condition que ceux-ci aient été effectués dans un délai maximum de 3 mois.

Le covoiturage désormais à la portée de tous les habitants de la Métropole (photo © Cyril Solier / La Provence)

De surcroît, la collectivité métropolitaine abonde le dispositif, comme la loi l’y incite. Les conducteurs qui offrent leur service de covoiturage recevront désormais 2 € par passager transporté pour des distances allant de 5 à 20 km, puis 10 centimes pour chaque kilomètre parcouru supplémentaire. De quoi faire naître des vocations de partageurs, même si l’objectif n’est évidemment pas de concurrencer les taxis en favorisant le covoiturage professionnel. Quant aux usagers qui comptent bénéficier de la voiture d’un autre pour se rendre à leur travail, il leur en coûtera 50 centimes pour un trajet ne dépassant pas 30 km et 10 centimes le km au-delà de cette distance. Ceux qui possèdent un abonnement aux transports en commun, n’auront même rien à débourser pour tout trajet qui ne dépasse pas ces 30 km.

Le dispositif sera subventionné par la Métropole qui s’appuie sur le Fonds Vert de l’État et qui s’engage à verser jusqu’à 3 € par trajet et par passager transporté. Pour les passagers, les 10 premiers covoiturages seront offerts, histoire de faire découvrir le dispositif et inciter à y adhérer. Tout l’enjeu sera néanmoins de faciliter les déplacements en covoiturage, ce qui passe aussi par la création de parkings relais et de voies réservées au covoiturage sur les grands axes. Les services de l’État planchent justement sur ce dernier point pour concevoir les futures voies de covoiturage sur l’A7 et l’A50, à l’image de celles qui sont déjà opérationnelles notamment dans l’agglomération lyonnaise.

Voie signalée par un losange, réservée au covoiturage, ainsi qu’aux taxis et aux bus, ici à Lyon le long du Rhône (photo © Maxime Jegat / Le Progrès)

Quant aux parkings, c’est l’enjeu principal pour permettre le développement du covoiturage et notamment la bonne liaison avec le réseau de transports en commun, infiniment plus adapté pour les déplacements en centre urbain dense. Des places sont d’ores et déjà réservées dans les parkings relais de la RTM pour les usagers du covoiturage afin qu’ils puissent basculer ensuite sur les autres modes de transport en commun. Reste néanmoins à faire de même sur les lieux de départ, dans les zones d’habitat plus diffus où les covoitureurs peuvent se fixer rendez-vous. Dans des communes comme Carnoux, pourtant idéalement placée à proximité des accès vers l’autoroute comme vers la Gineste, les seuls parkings disponibles portent encore aujourd’hui des panneaux rappelant que le covoiturage y est strictement interdit : pas très encourageant pour développer la pratique !

L. V.

Rappel : le logement sur la sellette à Carnoux

15 janvier 2024

Comme nous l’avions déjà annoncé ici, la prochaine conférence-débat organisée à Carnoux la semaine prochaine, lundi 22 janvier 2024 à 18h30, dans la salle du Clos Blancheton, sera axée sur les difficultés d’accès au logement, une priorité pour de nombreux Français, et pas seulement à Carnoux, notamment pour les jeunes ménages qui ont de plus en plus de mal à trouver un logement adapté à leurs besoins, en location et encore moins en acquisition.

Un sujet d’actualité, même si le nouveau gouvernement formé par Gabriel Attal le 11 janvier 2024 supprime le poste de ministre du Logement, comme s’il voulait indiquer par là que cette préoccupation majeure de nos concitoyens n’était pas une priorité gouvernementale. Pourtant, les chiffres récents, publiés en toute fin d’année, montrent que sur les 12 derniers mois, le nombre de permis de construire accordés a diminué de plus de 25 % par rapport à l’année précédente et que celui des mises en chantier a baissé de près de 20 % en un an. Après les agences immobilières dont beaucoup ont fermé suite à la réduction des transactions, c’est maintenant le secteur du Bâtiment qui s’inquiète et envisage des licenciements…

Pourquoi une telle crise du logement alors que la croissance démographique naturelle et l’évolution des modes de vie créent un besoin incessant de logements, que beaucoup trop de nos compatriotes vivent dans des logements trop petits, vétustes, voire insalubres, et, pour certains d’entre eux, peinent à trouver un toit et se retrouvent parfois contraint à dormir dans la rue ou dans des hébergements d’urgence, eux-mêmes saturés ? Autant de questions qui justifient cet échange prévu lundi prochain à Carnoux pour identifier les ressorts de cette crise majeure, en comprendre les mécanismes et balayer les pistes qui pourraient permettre d’y répondre. Un rendez-vous organisé par le Cercle progressiste citoyen, ouvert à tous et d’accès libre.

La crise du logement en débat à Carnoux

5 janvier 2024

Comment peut-on encore se loger dans les grandes agglomérations françaises en 2023 ? Depuis plusieurs mois, le sujet est dans tous les médias. Le 28 décembre, Le Monde explique comment des ménages, pourtant aisés, sont contraints de falsifier leurs fiches de paie pour décrocher une location en région parisienne… Le 8 décembre, c’était Les Echos qui alertaient sur la panne durable des chantiers de construction de logements neufs. Le 2 novembre, France 2 consacrait une émission d’Envoyé spécial sur la crise du logement et diffusait des interviews poignantes de salariés obligés de vivre durablement au camping faut de trouver à se loger convenablement, tandis que ceux qui cherchent à acquérir un bien immobilier se voient obligés d’y renoncer faute d’accès au crédit nécessaire. Le 19 octobre, c’était la Fondation Abbé Pierre qui présentait son éclairage régional sur l’état du mal logement en région PACA, dans la continuité de son 28e rapport annuel sur le mal logement publié en février et qui attire l’attention une fois de plus, sur les difficultés croissantes d’accès au logement social et à un toit décent notamment pour les plus précaires. La veille, BFM TV se faisait l’écho du ras le bol des certains habitants du Panier où tous les logements sont transformés en meublés de tourisme loués à la semaine sur internet, empêchant les habitants de ce quartier marseillais populaire de pouvoir encore se loger…

Même le dernier numéro du journal publié en novembre 2023 par le Cercle progressiste carnussien se faisait l’écho de ces difficultés réelles d’accéder à un logement, y compris à Carnoux où les files d’attentes pour le logement social s’allongent tandis que se multiplient les résidences secondaires et les meublés de tourisme en location sur Airbnb, Abritel, Booking ou TripAdvisor.

Extrait du journal n°46 du Cercle progressiste carnussien publié en 2023 avec un dossier spécial logement

Un sujet qui mérite un véritable débat car l’accès au logement fait partie des besoins fondamentaux : notre qualité de vie personnelle dépend fortement de notre capacité à disposer d’un logement décent et adapté, proche de nos lieux de vie, confortable et bien desservi en mode de transport, mais qui ne draine pas la totalité de notre pouvoir d’achat… Une véritable quadrature du cercle en cette période de pénurie croissante de logements à des prix abordables. Comment en est-on arrivé là ? Pourquoi construit-on aussi peu de logements neufs ? Pourquoi un ménage de salariés avec des revenus corrects a-t-il autant de mal à accéder à un logement et encore plus à en devenir propriétaire ? Pourquoi y a-t-il aussi peu de logements sociaux alors que les deux-tiers des Français y sont éligibles ? Pourquoi le droit au logement est-il aussi mal appliqué dans les faits ?

Autant de questions qui méritent un éclairage car le dossier n’est pas des plus simples. C’est à ces questions en tout cas que s’efforcera de répondre la prochaine conférence organisée par le CPC à Carnoux, le lundi 22 janvier 2024. Animée par Francis Vernède, directeur régional PACA de la Fondation Abbé Pierre, et par Aude Lévêque, chargée de mission pour le logement des plus défavorisés, ainsi que par Marc Vincent, directeur du pôle de lutte contre l’habitat indigne à la Ville de Marseille, cette présentation sera l’occasion d’échanger et de débattre en toute liberté sur ce sujet qui touche nécessairement chacun d’entre nous de manière très personnelle.

L’accès est gratuit et ouvert à tous et le rendez-vous est fixé dans la salle municipale du Clos Blancheton à 18h30 : venez nombreux !

Canal de Marseille : la Métropole boit la tasse

3 janvier 2024

Pour assurer une protection minimale des points de captage destinés à l’alimentation en eau potable pour la consommation humaine, la loi prévoit l’instauration de périmètre de protection délimités par un hydrogéologue agréé et inscrit dans les documents d’urbanisme après avoir fait l’objet d’une enquête publique en bonne et due forme.

L’agglomération marseillaise, comme une partie importante des Bouches-du-Rhône et même de certains départements voisins est alimentée en eau potable par le canal de Marseille et le canal de Provence qui acheminent sur de longues distance l’eau prélevée dans le Verdon et la Durance. Ces ouvrages ne datent pas d’hier. Le réseau du canal de Provence, désormais propriété de la Région PACA et géré par la Société du Canal de Provence (SCP), a été pour l’essentiel aménagé entre 1964 et 1986, à la suite de la construction des différents ouvrages de régulation hydraulique du Verdon et est alimenté à partir de la prise d’eau de Boutre, à Vinon-sur-Verdon.

Le canal de Marseille, au-dessus de Coudoux (photo © Alain Amblard)

Quant au Canal de Marseille, sa construction est bien plus ancienne puisqu’elle a débuté en 1839 et s’est achevée pour l’essentiel en novembre 1949, date de l’arrivée dans le nouveau bassin du palais Longchamps, de l’eau captée plus de 80 km en amont, dans la Durance sur la commune de Pertuis. Après la réalisation du barrage de Serre-Ponçon, mis en eau en 1961, un canal usinier a été aménagé par EDF en rive gauche de la Durance pour alimenter une série d’usines hydroélectriques jusqu’à la dernière d’entre elle, située à Saint-Chamas, où l’eau résiduelle se déverse dans l’étang de Berre, participant largement à la dégradation de la qualité biologique de cette lagune naturelle. C’est en tout cas désormais sur ce canal EDF que se fait l’alimentation en eau du Canal de Marseille, sur la commune de Saint-Estève-Janson. Les ouvrages de ce réseau sont concédés à la SEMM, une société du groupe Véolia, qui en est donc le gestionnaire, mais c’est désormais la Métropole Aix-Marseille-Provence qui en est la propriétaire.

Ces ouvrages de transport d’eau brute prélevée dans la Durance ou dans le Verdon sont en partie de simples canaux à ciel ouvert qui traversent parfois des milieux très urbanisés, notamment dans le nord de Marseille. La protection de cette ressource précieuse constitue donc un enjeu majeur et il est étonnant qu’il ait fallu si longtemps pour enfin initier la procédure visant à instaurer des périmètres de protection autour des ouvrages.

Vue aérienne du canal de Provence près de la Sainte-Victoire (photo © SCP / La Tribune)

Pour ce qui est du Canal de Provence, la SCP a lancé la démarche dès 2011 mais le Conseil Régional a attendu octobre 2020 pour enfin engager la procédure visant à la mise en place de périmètres de protection autour du canal et de ses ouvrages annexes. L’hydrogéologue agréé a rendu son avis fin 2021, proposant la mise en place de 76 périmètres de protection immédiate autour des ouvrages les plus sensibles, déjà globalement bien protégés mais où la SCP a encore besoin d’acquérir certaines parcelles supplémentaires, et des périmètres de protection rapprochée, de part et d’autre du canal. Ces derniers sont constitués d’une bande de protection renforcée de 8 à 10 m de large à partir des hauts de berge, et d’une bande plus distante, également de 8 à 10 m de largeur. Sur chacun de ces espaces, des interdictions sont prévues, pour limiter tout risque d’activité polluante.

Comme le prévoit la procédure, plusieurs enquêtes publiques ont été lancées conjointement, qui se sont déroulées du 13 mars au 14 avril, concernant pas moins de 36 communes des Bouches-du-Rhône, dont celles d’Aix-en-Provence et de Marseille, avec pour enjeu de permettre la poursuite de l’autorisation délivrée à la Société du Canal de Provence, d’alimenter plus de 2 millions d’habitants en eau potable à partir de ces ouvrages. Une enquête parcellaire concernant pas moins de 1678 propriétaires, tous consultés au préalable par courrier, fait partie intégrante de la procédure afin d’avertir chacun des propriétaires concernés des impacts potentiels sur sa parcelle, certaines de ces parcelles étant destinées à être rachetées par la collectivité pour les besoins des périmètres de protection immédiat, à l’amiable ou, au besoin, dans le cadre d’une déclaration d’utilité publique (DUP). La SCP a indiqué avoir provisionné pas moins de 4 millions d’euros pour indemniser les propriétaires concernés.

Berges du canal de Provence (photo © SCP / Registre d’enquête publique)

L’avis donné par les commissaires enquêteurs à l’issue de ce gros travail de concertation est favorable, tant pour l’enquête parcellaire, que pour la DUP et pour la poursuite de l’autorisation d’exploitation pour la consommation humaine. Un avis motivé résumé dans un épais rapport de 95 pages, accessible sur le site de la Préfecture, et qui a permis au Préfet de signer, en date du 5 décembre 2023, un arrêté autorisant la poursuite de la procédure.

Le canal de Marseille, ici avenue d’Albret dans le 13e arrondissement de Marseille (photo © Valérie Vrel / La Provence)

Mais il n’en a pas été de même pour la Métropole qui avait à faire exactement le même exercice pour la mise en place des périmètres de protection du Canal de Marseille. Elle a elle-aussi adressé, à l’été 2023, un courrier aux multiples propriétaires des parcelles situées le long du tracé du canal et de ses différentes branches, dont celle qui part d’Aubagne et traverse Carnoux vers Cassis et La Ciotat. Mais le courrier était rédigé en termes abscons et n’a fait qu’attirer la méfiance des propriétaires concernés, qui se sont persuadés que la Métropole cherchait à les exproprier. L’enquête publique elle-même s’est déroulée du 4 septembre au 6 octobre 2023 et a porté, comme pour le Canal de Marseille à la fois sur l’enquête parcellaire proprement dite, sur la DUP et sur l’autorisation d’exploitation pour la consommation humaine, non seulement sur le réseau du canal, mais aussi sur le bassin du Réaltor, sur les hauteurs de Vitrolles.

Le bassin du Réaltor, réserve d’eau brute située sur le plateau de l’Arbois et alimentée par le Canal de Marseille (source © Voyagez chez nous)

Une enquête assez lourde également puisqu’elle portait sur 21 communes au total, dont celle de Carnoux-en-Provence, mais surtout qui a mis en lumière une impréparation évidente de la part de la Métropole, laquelle a notamment reconnu n’avoir strictement rien budgété pour procéder à l’indemnisation des plus de 7000 propriétaires concernés, comme la loi le prévoit pourtant ! Un amateurisme qui a conduit les commissaires enquêteurs à délivrer un avis défavorable. Seuls les maires de 7 des communes concernées se sont exprimés, généralement pour émettre de fortes réserves et les enquêteurs ont regretté l’absence d’implication des élus métropolitains qui n’ont même pas daigné les rencontrer dans ce cadre, ainsi que le déficit total de communication de la part de la Métropole qui n’a diffusé aucune information et n’a même pas organisé de réunion publique pour expliquer les tenants et aboutissants de la démarche ainsi que ses implications concrètes.

Un véritable fiasco démocratique donc pour la Métropole qui s’est finalement résolue, dans un communiqué piteux, diffusé en toute discrétion entre Noël et le Jour de l’An, à annoncer qu’elle renonçait à son projet et allait revoir sa copie, prenant acte du rapport accablant des commissaires enquêteurs qui pointent cruellement tous les manquements du dossier.  

La concertation publique, un exercice difficile, indispensable à l’exercice d’une démocratie vivante, un dessin signé Ucciani (source © Blog Noisy-le-Grand)

Promis, juré, la Métropole annonce qu’elle va revoir sa copie et qu’elle lancera une nouvelle procédure pour laquelle « une attention toute particulière sera portée à la possibilité d’adapter les mesures de protection fixées par les experts hydrogéologues, et à l’information du public, des institutions et des acteurs économiques, préalablement à l’ouverture d’une nouvelle enquête publique ». Le B-A-BA d’une démarche de concertation publique en somme, si l’on veut avoir une chance de recueillir l’assentiment général… Une approche que la Métropole semble avoir pour le moins négligé dans ce dossier, estimant sans doute que ces enquêtes publiques n’intéressent plus personne et que cela ne vaut vraiment pas le coup de faire des efforts pour communiquer sur un sujet aussi technique et peu médiatisé. Une petite erreur d’appréciation qui risque de coûter cher à la collectivité…

L. V.

Approvisionnement en eau : un chantier souterrain…

10 novembre 2023

La plupart des habitants des Bouches-du-Rhône, du Var et des Alpes de Haute-Provence, dont l’alimentation en eau potable, en eau industrielle et en eau d’irrigation, provient pour une large part, et même en totalité pour l’agglomération marseillaise, des prises effectuées sur la Durance et le Verdon, se moquent bien de la manière dont l’eau est acheminée jusque dans leur cuisine et leur salle de bain. Chacun est tellement habitué à ce geste banal qui consiste à ouvrir un robinet et à y voir couler une eau limpide et de qualité, que l’on a tendance à oublier toute la technicité et les investissements, ainsi que les efforts de maintenance au quotidien, qui sont nécessaires pour que chacun dispose ainsi, aussi aisément et à moindre coût, d’une ressource vitale mais à laquelle 30 % de la population mondiale n’a toujours pas accès…

L’accès à l’eau potable, un luxe dont on n’a pas toujours conscience… Puisage de l’eau dans le village de Mwamanongu en Tanzanie (source © Bob Metcalf / Wikimedia Commons / BPI)

Dans bien des régions, les populations, et surtout les femmes, consacrent une partie non négligeable de leur temps et de leur énergie à parcourir de grandes distances pour aller s’approvisionner chaque jour à une source, un puits ou un simple marigot, y puiser une eau parfois peu ragoûtante, et la transporter ensuite jusqu’à leur domicile. Dans nombre de grandes villes, les populations les plus pauvres n’ont pas accès à un réseau de distribution d’eau potable à domicile et doivent dépenser des sommes importantes pour acheter à des revendeurs cette eau indispensable aux usages quotidiens, pour se laver comme pour boire et faire la cuisine.

Le conflit actuel autour de la bande de Gaza, totalement assiégée par l’armée israélienne dont le premier geste a été de couper l’approvisionnement en eau pour affaiblir les populations, est une illustration de ce pouvoir que détient celui qui dispose des ressources en eau. Les populations méditerranéennes ont été, de tout temps, très soucieuses de cette question de l’accès à l’eau. Sauf que depuis que la Provence s’est équipée d’un réseau efficace d’approvisionnement à partir des prélèvements effectués dans le Verdon, chacun a tendance à oublier à quel point nous sommes dépendants de cette source d’alimentation en eau.

Voilà pourtant qu’un chantier colossal s’est ouvert depuis un an, justement pour sécuriser l’alimentation en eau potable des Provençaux, par le réseau désormais interconnecté avec l’ancien canal de Marseille mais alimenté principalement par le canal de Provence depuis le Verdon. La Société du Canal de Provence (SCP), créée en 1957, avait précisément pour objet d’assurer ce nouvel approvisionnement en eau potable de la Provence, même si la ville d’Aix-en-Provence, à l’époque, puisait déjà l’essentiel de son eau dans le Verdon, acheminée par le vieux canal du Verdon, creusé par une armada de bagnards sous Napoléon III, entre 1857 et 1875.

Entrée du tunnel de Malaurie sur l’ancien canal du Verdon (photo © André M. Winter / Carto.net)

Dès le départ, l’objectif des gigantesques aménagements effectués sur le Verdon était multiple, visant non seulement l’alimentation en eau potable et l’irrigation, voire le tourisme, mais aussi la production hydro-électrique. En 1967, un barrage est édifié sur le Verdon, en amont de la ville de Gréoux-les-Bains, créant la cinquième et dernière retenue de l’aménagement global du bas Verdon, le lac d’Esparron. Une prise d’eau y est installée, alimentant un nouveau canal qui conduit l’eau jusqu’à la retenue de Bimont, achevée elle en 1952 pour sécuriser l’approvisionnement en eau de l’agglomération aixoise, et d’où part la branche du canal qui alimente l’agglomération marseillaise depuis le réservoir du vallon Dol, mis en service en 1973.

Le partiteur de Boutre, tête de réseau du canal de Provence (source © g-eau / SCP)

Dès la prise d’eau dans le lac d’Esparron, l’eau circule en souterrain via la galerie des Maurras, un ouvrage de 5,4 km de longueur et 6 m de diamètre, creusé directement dans le rocher. L’eau débouche ensuite dans un ouvrage à l’air libre, le canal de Malaurie jusqu’au partiteur de Boutre, point de départ du canal de Provence, géré par la SCP et d’où provient l’essentiel de notre eau potable, avec un prélèvement annuel moyen de l’ordre de 240 millions de m3. L’autre partie de l’eau est déviée via cet ouvrage vers une conduite forcée qui alimente l’usine hydroélectrique EDF de Vinon-sur-Verdon.

Schéma de principe des installations de prise d’eau amont depuis le lac d’Esparron jusqu’à l’usine hydroélectrique de Vinon-sur-Verdon (source © EDF Hydro Méditerranée / Biotope / SCP – Dossier de demande de dérogation)

En 2019, lors d’une visite de contrôle menée par les équipes d’EDF Hydro Méditerranée, des infiltrations d’eau sont observées sur le trajet de la galerie des Maurras, à 1 km de son extrémité amont. En 2020, des investigations effectuées dans la galerie, par robot plongeur équipé d’un sonar, détectent d’énormes cavités de 20 m de hauteur et sur 80 m de longueur, qui se sont formées par érosion de la galerie, sans doute du fait de la dissolution du gypse présent dans le massif rocheux, sous l’effet de l’eau sous pression qui circule en permanence dans l’ouvrage à un débit colossal de 55 m3/s. Si cette galerie devait finir par s’effondrer sous l’effet de cette érosion régressive, c’est l’alimentation en eau de plus de 2 millions d’habitants de 3 départements, dont tous ceux de l’agglomération marseillaise, qui serait directement menacée, ainsi que l’irrigation de plus de 50 000 ha mais aussi le refroidissement de l’usine du CEA à Cadarache !

Chantier de réhabilitation et d’étanchéification de l’ancien canal du Verdon en aval de la galerie des Maurras (source © SCP/ Var Matin)

Depuis lors, EDF et la SCP s’activent pour tenter de remédier à ce risque majeur. Dès septembre 2022, la SCP a engagé un gros chantier de réhabilitation de l’ancien canal du Verdon, désormais abandonné et qui a été rénové sur 1,8 km de longueur tandis qu’on été restaurés les 4,1 km de l’ancien souterrain des Maurras et les 175 m de l’ancien tunnel des Marlines. L’objectif de ces travaux, qui ont aussi nécessité l’installation d’une nouvelle station de pompage sur le lac d’Esparron, est de remédier à l’impossibilité de faire transiter l’eau dans la galerie EDF des Maurras pendant les 3 hivers successifs qui seront nécessaires pour shunter cette galerie dans la partie endommagée.

État de la voûte du souterrain des Maurras par où transitait l’ancien canal du Verdon, avant sa réhabilitation par la SCP pour servir d’alimentation de secours pendant les travaux de by-pass de la galerie des Maurras (source © Biotope / SCP – Dossier de demande de dérogation)

Les dégâts causés par la dissolution du gypse sont en effet tels qu’il a été préférable de dévier carrément la galerie pour contourner la zone de désordres en construisant une dérivation, sous forme d’une nouvelle galerie de 200 m de long et 7 m de diamètre, qui sera, quant à elle, entièrement chemisée par un revêtement intérieur en béton projeté avec géomembrane. Les travaux préparatoires ont débuté en juin 2023 avec la mise en place d’une nouvelle porte étanche pour faciliter l’accès des engins à la galerie. Celle-ci a été entièrement vidangée fin octobre et les travaux de creusement du by-pass commenceront en janvier 2024. Ils seront interrompus entre avril et septembre, période estivale pendant laquelle les besoins d’alimentation en eau potable sont tels que la galerie des Maurras devra être remise en service pour assurer un débit suffisant qui doit atteindre 12 m3/s en période de pointe. A ce rythme, il faudra 3 périodes hivernales successives pour achever le chantier, si tout va bien, en avril 2026, une fois la nouvelle galerie entièrement creusée et revêtue.

Installations de chantier à l’entrée amont de la galerie des Maurras, pour l’équipement d’une nouvelle porte étanche (source © SCP/ Var Matin)

Pendant les phases de chantier, c’est en principe une pompe dite Bergeron, de très grosse capacité, capable de débiter 6 m3/s, conçue et mise en place lors du chantier de construction de la centrale hydroélectrique de Vinon-sur-Verdon, qui alimentera le canal SCP en aval, pour maintenir l’alimentation en eau potable des populations, bien qu’à un niveau très inférieur au pic nécessaire en période estivale. Mais comme on n’est jamais à l’abri d’une panne, la SCP a préféré prendre ses précautions et disposer d’un plan B, lequel pourrait aussi être mobilisé en complément de la pompe Bergeron si les travaux sur la galerie de Maurras devaient, suite à un aléa de chantier, se poursuivre au-delà du mois d’avril.

Station flottante de pompage installée par la SCP sur le lac d’Esparron en secours (source © SCP / EDF Hydro Méditerranée)

D’où la station de pompage flottante d’une capacité de 4 m3/s, installée sur le lac d’Esparron, alimentant une conduite enterrée de 1,5 m de diamètre qui se déverse ensuite dans l’ancien souterrain des Maurras, plus ou moins parallèle à la galerie EDF du même nom avant d’alimenter l’ancien canal du Verdon ponctuellement remis en état. Des travaux de grande ampleur qui ont coûté 10 millions d’euros à SCP et qui coûteront au total plus de 40 millions d’euros à EDF. Mais c’est le prix à payer pour que chacun ait de l’eau en tournant son robinet, sans trop se poser de question sur tous les efforts nécessaires pour y parvenir…

L. V.

Minopolis : le futur marché de gros de Marseille ?

8 novembre 2023

Le lieu n’est pas forcément très connu des Marseillais car son accès est réservé aux professionnels. Pourtant, le Marché d’intérêt national (MIN) des Arnavaux, opérationnel depuis 1972, est le deuxième plus gros marché agroalimentaire de France derrière celui de Rungis : il s’y échange chaque année plus de 580 000 tonnes de produits frais ! Regroupant sur place 267 producteurs présents à l’année, il alimente commerces de détail, marchés et restaurateurs, fournissant à lui-seul 30 % de la consommation en produits frais de la métropole : fruits et légumes, mais aussi fromage, viande, poissons ou même fleurs coupées. Chaque nuit, des centaines de primeurs, producteurs, grossistes et manutentionnaires déchargent leur marchandise destinée à alimenter l’immense métropole marseillaise et sa région…

Dans les coulisses du MIN des Arnavaux (source © Marseille tourisme)

Une activité qui ne date pas d’hier puisque la notion de marché de gros existe à Marseille depuis les années 1840. A l’époque, c’était des femmes, les « partisanes », qui se chargeaient d’acheter en gros auprès des producteurs et revendaient ensuite la marchandise aux vendeurs au détail. Une activité alors installée en plein centre-ville, en divers lieux successifs, regroupés à partir de 1860 boulevard du Musée et Cours Julien sous le nom de marché central d’approvisionnement où se développent, à partir de 1871 des ventes à la criée. Une activité qui se poursuivra pour la vente du poisson, sur les quais du Vieux-Port, tandis qu’un marché de production s’installe au début du XXe siècle à la Plaine Saint-Michel.

En 1963 est créée la SOMIMAR, une société d’économie mixte, chargée de la construction et de l’exploitation d’un marché d’intérêt national pour l’agglomération marseillaise. La Ville de Marseille se porte acquéreur d’un vaste terrain aux Arnavaux et y entreprend l’édification des bâtiments qui ouvrent leurs portes en 1972, destinés initialement au seul commerce de gros des fruits et légumes. En parallèle, la Ville décide en 1970 de transférer la halle aux poissons du Vieux-Port vers l’entrée de l’Estaque, sur le site de Saumaty où est aménagé un nouveau port de pêche, également géré, jusqu’à il y a peu, par la SOMIMAR.

Vue aérienne du site du MIN des Arnavaux désormais enserré entre la L2 et l’autoroute A7 (source © SOMIMAR / Les EPL)

En 2017, le MIN des Arnavaux se voit amputé de près de 8 ha et perd 25 000 m2 d’entrepôts au profit de la nouvelle L2, le contournement nord de Marseille, qui a mis des décennies à se concrétiser. Mais cette perte est très largement compensée par le regain d’activité que lui apporte sa position stratégique à proximité immédiate de l’autoroute A7 et de la nouvelle L2, qui facilite sa desserte depuis le Var et l’Est marseillais.

Devenu en 2020, le Marché Marseille Méditerranée, pour acter son ouverture croissante vers de nouveaux territoires, le MIN des Arnavaux porte depuis cette même année, un projet ambitieux qui vise en une transformation radicale du site pour entrer de plein pied dans la transition écologique qui s’impose. Partant du principe que les camions qui livrent des marchandises en ville sont à l’origine d’une part importante du trafic routier, de la pollution de l’air et des nuisances aux riverains, le directeur de la SOMIMAR, Marc Dufour, imagine transformer le site en une gigantesque plateforme de stockage logistique à partir de laquelle se feront les livraisons de proximité au moyens de véhicules décarbonés, électriques ou à hydrogène, alimentés en énergie par une production locale à base de 150 000 m2 de panneaux photovoltaïques en toiture, qui serviront aussi à faire tourner les chambres froides.

Vidéo de présentation du projet Minopolis (source © Minopolis / You Tube)

Le projet porté depuis cette date consiste à construire, au-dessus des infrastructures actuelles, une dalle de 12 ha, sur laquelle seront édifiés plusieurs niveaux de bâtiments sur une emprise de 60 000 m2, profitant de la déclivité naturelle du terrain pour surélever ainsi significativement les constructions actuelles sans créer de vis-à-vis dommageable pour les riverains dont les habitants de la cité La Paternelle située juste au-dessus.

Une extension qui se ferait donc sans aucune artificialisation supplémentaire de terrain, un argument écologique fort qui séduit d’autant plus les élus écologistes marseillais que le site se trouve juste en bordure de la nouvelle ZFE, la zone à faible émissions, où le trafic de véhicules polluants est désormais réglementé. Un point que Marc Dufour n’hésite pas à mettre en avant, affirmant à qui veut l’entendre que son projet réduira de 28 % le trafic routier en centre-ville et baissera de 70 % les missions de particules fines, tout en permettant de créer 1200 emplois directs peu qualifiés dans ces quartiers nord qui en ont bien besoin… Le projet envisage aussi d’installer une cuisine centrale alimentée en direct par les produits frais locaux arrivant sur place, autant d’arguments qui ont permis d’inscrire ce projet dans le dossier de Marseille, lauréat du label européen des 100 villes neutres en carbone d’ici 2030, une gageure, voire une galéjade…

Maquette de la future plateforme logistique imaginée au-dessus du MIN des Arnavaux (source © SOMIMAR / Made in Marseille)

Le coût d’un tel projet a été estimé à 600 millions d’euros, avant même que ne débutent les études qui permettront sans doute d’en affiner la faisabilité et probablement d’en revoir le coût à la hausse, comme souvent. Mais Marc Dufour affirme que le tour de table financier est déjà bouclé, les investisseurs privés se bousculant pour y participer, parmi lesquels La Poste, la Caisse des Dépôts, Meridiam ou encore la CMA CGM, le groupe richissime de Rodolphe Saadé. Pourquoi alors le projet est-il toujours dans les cartons, au grand dam de son initiateur ?

Il y a d’abord un petit hic institutionnel, typique de la gestion marseillaise des affaires publiques. La SOMIMAR gère en pratique le MIN des Arnavaux via une délégation de service publique, reconduite à deux reprises depuis 1972 et officiellement jusqu’en 2037, mais sans jamais aucune mise en concurrence. Une situation désormais parfaitement illégale depuis l’adoption des lois Sapin et qui a finalement obligé son actionnaire principal, la Métropole Aix-Marseille-Provence, à prendre en décembre 2022 une délibération par laquelle la société d’économie mixte actuelle est transformée en SPL, une société publique locale, dont la Métropole est actionnaire à 95 % et la Ville de Marseille à 5 %.

Le directeur général du Marché Marseille Méditérranée, Marc Dufour, présentant la maquette de son projet de transformation (source © GoMet)

Exit donc les acteurs privés qui participaient à la SOMIMAR et qui obligeaient à un respect de la mise en concurrence. On est maintenant en famille et les collectivités aux manettes sont supposées avoir les mains libres pour la gestion du site par la nouvelle SPL, a priori au 1er janvier 2024. D’ici là, son directeur, Marc Dufour, atteint par la limite d’âge devra céder son poste, peut-être à Didier Ostré, l’ancien directeur général des services de la Ville de Marseille, à en croire les rumeurs qui bruissent dans la presse. Mais le projet de reconfiguration du site lui-même exigera probablement la création d’une nouvelle structure spécifique, de type SEMOP (société d’économie mixte à opération unique) pour pouvoir y associer les acteurs privés qui se pressent au portillon…

Toujours est-il que 3 ans après avoir été dévoilé, le projet de reconfiguration du marché des Arnavaux, n’a toujours pas avancé d’un pouce, au grand dam de son initiateur qui a même tenté de le faire inscrire dans le projet « Marseille en grand », lancé par le Président de la République en 2021 et désormais porté par la nouvelle Secrétaire d’État Sandrine Agresti-Roubache. En cause, sans doute les éternels « chicayas » entre la Ville et la Métropole, mais aussi la CCI et la Région.

Renaud Muselier, Martine Vassal et le Préfet Christophe Mirmand, en visite au MIN des Arnavaux en avril 2021 (source © Made in Marseille)

Personne n’est officiellement contre le projet, en dehors de Samia Ghali qui reproche surtout l’absence de concertation qui a prévalu à l’élaboration de ce projet et le caractère un peu trop entreprenant de son initiateur, mais personne ne fait rien pour le faire avancer, surtout pas la Métropole, pourtant acteur principal, qui ne voudrait pour rien au monde favoriser la concrétisation d’un projet de nature à favoriser la décongestion du centre-ville de Marseille, alors même que ceci pourrait être porté au crédit de son adversaire politique actuellement installé à la mairie : la politique à ses raisons que la raison ne conçoit pas…

Espérons en tout cas que ce projet plutôt novateur, baptisé pompeusement Minopolis par son concepteur, ne connaîtra pas le même sort que son quasi homonyme, le Minotaure, soigneusement enfermé dans un labyrinthe conçu par Dédale, d’où il n’avait aucune possibilité de sortir un jour…

L. V.

Marseille songe (enfin) à exhumer ses cours d’eau

6 novembre 2023

Certaines villes comme Paris ou Lyon s’enorgueillissent du fleuve qui les traverse et structure leur espace urbain. Ce n’est pas le cas à Marseille dont le territoire urbain s’est pourtant développé autour de deux fleuves côtiers, certes modestes et à débit bien faible au cœur des périodes de sécheresse estivale. L’Huveaune et son affluent, le Jarret, ont pourtant entre la fin du XVIe siècle et l’achèvement du canal de Marseille en 1849, constitué une source importante d’approvisionnement en eau potable de l’agglomération phocéenne, et ont largement contribué au développement industriel de la ville. Il en est de même du ruisseau des Aygalades, qui traverse ses quartiers nord avant de se jeter en mer à Arenc et dont les berges et la cascade faisaient les délices de la bourgeoisie marseillaise venue prendre le frais sur son rivage ombragé.

La cascade des Aygalades et son havre de fraicheur (source © Made in Marseille)

Mais le développement de l’urbanisation a eu raison de ces cours d’eau qui ont disparu au cours du XXe siècle, enserrés dans des cadres en béton et recouverts sur une large part de leur linéaire pour laisser la place aux routes, aux hangars industriels et aux immeubles d’habitation, indispensables au développement de la métropole marseillaise. Un cours d’eau méditerranéen, quasi sec en été et capable de déborder largement en emportant tout sur son passage lors des fortes pluies d’automne, voilà qui prend de la place et qui fait désordre. D’où ce réflexe des urbanistes jusqu’à il y a peu, d’enterrer systématiquement ces cours d’eau dans des busages enterrés, ce qui permet par la même occasion de les transformer en égouts où les industriels peuvent déverser ni vu ni connu tous leurs effluents de la pire espèce…

Le Jarret à l’air libre dans la traversée de Marseille au début des années 1950 (source © Made in Marseille)

C’est ce qui est arrivé pour les cours d’eau marseillais sur la majeure partie de leur traversée urbaine. Au début des années 1950, le Jarret qui était devenu dans la traversée de Marseille un égout à ciel ouvert aux berges jonchées de déchets, a été entièrement enserré dans un cadre en béton sur tout son parcours entre Saint-Just et la Timone. Décidés par Gaston Deferre, à une époque où la protection de l’environnement était le moindre des soucis, les travaux ont duré de 1954 à 1968 et le Jarret a depuis lors totalement disparu de la vue des Marseillais, son tracé donnant naissance à d’immenses boulevards urbains à deux fois trois voies, désormais dénommés boulevards Jean Moulin, Sakakini, Françoise Duparc et Maréchal Juin.

Les travaux d’enfouissement du Jarret dans un cadre en béton, entrepris dans les années 1950 (source © FNE / Histoire d’hommes et de rivières)

De cours d’eau bucolique, le Jarret s’est ainsi transformé en rocade urbaine dont le tracé a été ensuite prolongé vers le nord jusqu’à La Rose (avenue Jean-Paul Sartre) et vers le sud, jusqu’à sa confluence avec l’Huveaune vers Sainte-Marguerite, donnant naissance aux boulevards Schloesing et Rabatau, après une courte apparition à l’air libre à l’entrée du parc du XXVIe centenaire.

L’ancien lit du Jarret dans les années 1980, ici devant la Timone, devenu un large boulevard urbain saturé de voitures (source © Made in Marseille)

Déjà au Xe siècle le cours du Jarret, qui se jetait jusqu’alors dans le Vieux-Port, avait été détourné au niveau de l’église des Chartreux pour l’envoyer rejoindre l’Huveaune. Dévalant des pentes du massif de l’Étoile, le petit fleuve côtier parfois impétueux qui traversait ainsi toute l’agglomération marseillaise a donc quasiment disparu du paysage en dehors de son cours amont encore visible dans les quartiers nord d’Allauch et sur Plan-de-Cuques ainsi que dans le quartier de la Croix-Rouge, au nord de la Rose.

Le ruisseau du Jarret au nord de Marseille, dans sa partie non busée (source © Made in Marseille)

Son confluent avec l’Huveaune est tout sauf naturel, constitué d’un ouvrage en béton dont les murs sont entièrement tagués, à quelques centaines de mètres en amont du barrage qui détourne la quasi-totalité des eaux de l’Huveaune vers la station d’épuration située sous le stade Delort, à côté du stade Vélodrome, ce qui permet de les évacuer directement en mer via l’émissaire de Cortiou. En périodes de crue, néanmoins, les flots reprennent leur chenal naturel, et vont se déverser directement sur les plages du Prado alors justement surnommées « épluchures beach »…

Le barrage de la Pugette près du Vélodrome, juste en aval de la confluence avec le Jarret : les eaux de l’Huveaune y sont détournées de leur lit naturel pour être rejetées en mer à Cortiou (photo © Laurent Miguet / Le Moniteur)

Mais voilà qu’en décembre 2021, un appel à manifestation d’intérêt, organisé par le Ministère de l’écologie et destiné à mieux aménager les territoires en mutation exposés aux risques naturels, avait permis de distinguer une équipe conduite par Jérôme Mazas et son équipe d’Horizons Paysages, associé au bureau d’études hydrauliques Artélia, au sociologue Etienne Batin, à l’architecte du patrimoine Sébastien Cord, à l’agence de paysage Puya et aux urbanistes de Madania, lesquels proposent de reconfigurer la confluence entre le Jarret et l’Huveaune. L’idée serait de la déplacer un peu plus en amont dans un cadre paysager renaturé qui serait l’aboutissement de la voie verte imaginée par la Métropole sur les berges de l’Huveaune. Le cadre en béton actuel dans lequel le Jarret finit son cours servirait alors uniquement en cas de forte crue pour évacuer plus rapidement les eaux en furie dans ce secteur inondable de La Capelette. Mais en dehors de ces périodes de crues, les eaux du Jarret, dans leur tronçon terminal pourraient ainsi se retrouver de nouveau à l’air libre en serpentant dans un parc verdoyant, au milieu d’un paysage urbain largement reconfiguré.

Une vision idyllique qui n’est sans doute pas prête de se concrétiser, les services de la Métropole ayant mis 2 ans avant de reprendre contact avec l’équipe lauréate. Mais le projet est assurément dans l’air du temps au vu de ce qui est en train de voir le jour sur l’autre fleuve côtier marseillais qu’est le ruisseau des Aygalades, lui aussi grande victime de déversements incontrôlés et de pollutions industrielles majeures pendant des décennies. Une première étape dans la renaturation du cours aval de cette rivière est en cours avec l’achèvement de la première tranche du parc de Bougainville, entre la ligne de métro vers la station Capitaine Gèze et les tours délabrées de la résidence Bellevue, rue Félix Pyat, désormais bordées par le nouvel ensemble des Docks Libres en voie de livraison sur le périmètre d’Euroméditerranée.

Maquette du parc Bougainville en cours d’aménagement de part et d’autre de la ligne de métro vers la station Capitaine Gèze, au pied des tours de Bellevue (Félix Pyat) et des immeubles en construction des Docks Libres à droite (source © D’Ici Là / Le Moniteur)

Ce projet est dans les cartons depuis des années, piloté par l’Établissement public d’aménagement Euroméditerranée, et il vise à terme à créer un parc urbain de 14 hectares le long du ruisseau des Aygalades qui sera exhumé de son cadre en béton actuel pour serpenter de nouveau à l’air libre au milieu d’un cadre naturel arboré, futur poumon vert de ce quartier qui pour l’instant n’est qu’un entrelacs de parkings sordides, de hangars industriels en ruine, d’habitats vétustes délabrés et de casse autos hideuses. L’essentiel du foncier, qui correspond à l’ancienne gare ferroviaire du Canet n’est pas encore libéré et il faudra attendre au moins 2027 pour espérer voir s’ouvrir ce futur parc des Aygalades de 10 ha.

En revanche, la partie située la plus en aval et qui correspond au parc de Bougainville, prévue sur 4 ha en deux phases successives, commence à prendre forme. Rien n’a encore été entrepris à l’Est de la ligne de métro, là où il est justement prévu de démolir le cadre en béton des Aygalades sur 200 ml et d’élargir le lit de la rivière en le réhaussant car il a été profondément encaissé sous l’effet des aménagements successifs. Mais le petit jardin prévu de l’autre côté du métro, sur 2 ha, au pied des tours Bellevue, est quasiment terminé, bien que pas encore livré à la Ville de Marseille qui en assurera la gestion.

La première tranche du parc de Bougainville en voie d’achèvement, mais déjà utilisée (photo © P. K. / La Provence)

Un article de La Provence, en date du 2 novembre 2023, s’amusait d’ailleurs de cette situation étonnante de ce chantier encore inachevé et officiellement fermé au public, mais envahi par des dizaines de familles qui testent déjà depuis quelques semaines les jeux d’enfants flambants neufs tandis que les pelouses sont déjà jonchées de déchets, fautes de poubelles encore pas installées. Euroméditerranée reconnait avoir laissé un accès pour permettre de rejoindre le métro mais affirme contre toute évidence que le parc reste interdit au public tandis que les ouvriers du chantier soupirent : « C’est fermé mais c’est comme ça. C’est Marseille… »

Toujours est-il que la renaturation de ce petit tronçon du ruisseau des Aygalades, qui commence tout juste, a été chiffrée à 94 millions d’euros, dont 13,7 millions devraient être subventionnés par l’Agence de l’Eau au titre de la lutte contre les inondations et la restauration des milieux aquatiques. Le futur parc avec son cours d’eau à l’air libre pouvant déborder sur les berges enherbées participera en effet à une meilleure gestion du risque en cas de crue. Mais cela montre néanmoins à quel point exhumer ainsi ces cours d’eau que l’on avait enfouis par commodité, pour développer le passage des voitures et le développement industriel, n’est pas une mince affaire…

L. V.