PLUi d’Aubagne : une urbanisation toujours galopante…

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Le Pays d’Aubagne et de l’Étoile n’a plus vraiment d’existence légale en tant qu’entité administrative autonome et le Conseil de territoire qui constituait le dernier vestige de cette ancienne communauté d’agglomération a disparu au 1er juillet 2022. Et pourtant, la Métropole Aix-Marseille-Métropole n’a pas encore vraiment tiré les conclusions de cette intégration métropolitaine, continuant à élaborer son PLUi (plan local d’urbanisme intercommunal) par petits morceaux, en se calant sur le périmètre des anciennes intercommunalités désormais disparues.

Et c’est ainsi qu’elle vient d’ouvrir, le 21 septembre 2021 et pour une durée d’un mois, l’enquête publique concernant l’élaboration du premier PLUi couvrant les 12 communes de l’ex Pays d’Aubagne et de l’Étoile, largement développé autour de la partie amont de la vallée de l’Huveaune, depuis Saint-Zacharie (dans le Var) jusqu’à la Penne-sur-Huveaune, en passant bien sûr par Aubagne. Une configuration d’autant plus curieuse que ce périmètre englobe la commune de Cuges-les-Pins qui n’est pourtant limitrophe d’aucune des autres communes concernées, mais pas Gémenos qui figure néanmoins en plein cœur du territoire, occupant l’essentiel de la riche zone des Paluds. Une incohérence telle que la photo choisie par la Métropole pour illustrer ce futur PLUI est justement centrée sur ce secteur hors PLUi !

La plaine agricole des Paluds, largement occupée désormais par la zone industrielle et commerciale malgré son caractère inondable (source © Métropole AMP)

Comme pour le PLUi adopté fin 2019 sur le territoire adjacent de l’ex communauté urbaine MPM, englobant Carnoux, celui qui est ainsi soumis à consultation sur le Pays d’Aubagne et de l’Étoile n’est bien entendu qu’une simple agrégation, après actualisation, des anciens PLU élaborés à l’échelle communale et qui restent applicables jusqu’à l’entrée en vigueur du nouveau document réglementaire, prévue pour 2023 si tout va bien, avec seulement quelques années de retard.

Plan d’assemblage des planches du PLUI d’Aubagne accessible via une carte interactive (source © Métropole AMP)

Force est cependant de reconnaître que rien n’est acquis concernant l’adoption de ce précieux document destiné à servir de cadre réglementaire, pour les années à venir, pour tous les projets d’urbanisation et plus généralement d’aménagement du territoire sur ce périmètre. Avant même le début de l’enquête publique, pour laquelle les services de la Métropole ont mis à disposition un site dédié avec un registre numérique d’enquête et même une carte interactive, les critiques pleuvent en effet sur ce projet que beaucoup considèrent comme totalement anachronique.

Le préfet lui-même, Christophe Mirmand, a sorti la grosse artillerie pour tirer à boulets rouges en écrivant à Martine Vassal en personne, dès le 9 septembre 2022, pour lui faire part de ses plus extrêmes réserves quant à la régularité de ce projet de PLUI, pointant du doigt de graves manquements en matière de prise en compte des risques naturels, notamment dans la vallée de l’Huveaune largement inondable, de préservation des paysages et de l’environnement, de production insuffisante de logements et surtout de consommation excessive des espaces agricoles. Le PLUi prévoit en effet de consommer pas moins de 275 hectares pour les urbaniser, ce qui n’est pas autorisé par la législation actuelle, la loi Climat exigeant de diviser par deux la consommation de nouveaux espaces au cours de la prochaine décennie 2022-2031.

Les lotissements de maisons individuels perdues dans la pinède, fortement consommatrices d’espace, coûteuses à desservir en infrastructures et fortement exposés aux feux de forêt : un modèle à oublier ? (source © Novelisimmo)

Et paradoxalement, il ne prévoit pas assez de nouveaux logements, préférant continuer à s’étaler par la construction de nouveaux lotissements sur les riches terres agricoles (et irriguées) de la vallée alluviale de l’Huveaune, plutôt que de densifier les zones déjà urbanisées des centres-villes, en voie de paupérisation et de désertification. L’heure n’est plus à la disparition des précieuses terres maraîchères autour desquelles pourrait se redévelopper une agriculture de proximité et des circuits courts d’approvisionnement. Elle n’est plus non plus à l’étalement urbain avec des villas individuelles de plus en plus éloignées des lieux de vie et des espaces de travail, de plus en plus coûteuses en infrastructures et impossible à desservir en transports en commun. Il est temps désormais de sanctuariser espaces naturels et terrains agricoles tout en densifiant les centres urbains plus faciles à relier aux transports publics, notamment près des prochaines gares du Val’Tram, ce qui suppose de construire des logements à la place des friches industrielles et des hangars commerciaux en voie de délaissement.

Terres agricole et espaces naturels destinés à être inexorablement grignotés au profit de nouveaux lotissements via le PLUi d’Aubagne… (photo © Clémentine Veysse / Marsactu)

Bref, tout l’inverse de ce que prévoit la Métropole avec ce PLUi hors du temps qui, du coup, déclenche des critiques tous azimuts avant même son adoption. La Chambre d’agriculture tire elle-même la sonnette d’alarme depuis des mois sans être entendue, regrettant que l’on puisse ainsi ouvrir à lotissement les terres agricoles les plus riches et les mieux aménagées, à proximité des marchés de distribution. L’Agence régionale de santé pointe de son côté de graves défaillances de ce projet d’aménagement du territoire qui ne tient pas compte, pour la délimitation des zones à urbaniser, des nuisances sonores, de la pollution de l’air ou encore des réseaux d’assainissement inadaptés.

Quant à France Nature Environnement, la FNE 13 pointe les incohérences de fond de ce PLUi qui ne prend pas assez en compte les risques naturels, y compris celui lié aux feux de forêt, de plus en plus inquiétants, et qui prévoit d’aggraver encore l’étalement urbain alors que celui-ci a déjà consommé, au cours des 10 dernières années 160 ha de zones agricoles et 192 ha d’espaces naturels, pour accueillir au total 3000 habitants supplémentaires. Or, le diagnostic préalable au PLUi identifie pas moins de 420 ha de potentiel constructible au sein des zones urbaines, ce qui offre la possibilité de construire 7000 nouveaux logements et même plus de 12 000 en densifiant un peu, selon les recommandations des services de l’État.

Le projet de Val’Tram, une opportunité pour densifier les centres urbains près des accès aux transports en commun tout en restaurant la place de la nature en ville (source © Gautier Conquet Architectes / Made in Marseille)

Bref, la Métropole peut d’ores et déjà s’attendre, avant même la fin de l’enquête publique ouverte jusqu’au 20 octobre, à devoir revoir entièrement sa copie. Un comble pour un processus de longue haleine engagé en février 2019 et qui a fait l’objet de multiples concertations et réunions publiques en amont. En démocratie, il ne suffit pas de consulter, encore faut-il aussi écouter et prendre en compte les avis des intéressés, une règle que Martine Vassal et ses équipes, préoccupées avant tout de faire plaisir aux élus locaux, ont peut-être un peu tendance à oublier…

L. V.

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Une Réponse to “PLUi d’Aubagne : une urbanisation toujours galopante…”

  1. Le futur hôpital d’Aubagne aux Gargues… | Cercle Progressiste Carnussien Says:

    […] un nouveau PLU, désormais intercommunal, entré en application le 6 juillet 2022, malgré de fortes oppositions locales. Et voilà que le 17 janvier 2024, la Métropole a engagé la concertation publique en vue de […]

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