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Un 1er avril tout feu tout flamme

7 avril 2024

En ces temps de crise et d’austérité, la tradition potache du poisson d’avril aurait presque tendance à disparaître, comme si rire était devenu incongru dans un monde où l’on ne parle plus que conflits sanglants, menaces sur la démocratie, crise économique, perte massive de biodiversité et risque climatique majeur. Il faut dire aussi que certains sont devenus particulièrement chatouilleux et n’hésitent pas à porter plainte pour un simple gag de poisson d’avril ou, pire, à dégainer la kalachnikov pour se venger d’un dessinateur de presse trop incisif…

Le poisson d’avril, source d’inspiration d’innombrables cartes postales (source © Carte postale ancienne / Delcampe)

Et pourtant, certains restent fidèles à la tradition qui remonterait, dit-on, à l’époque de Charles IX qui décida, en 1564, de fixer définitivement le 1er jour de l’année au 1er janvier, ce qui donna l’occasion de se moquer de ceux qui continuaient de la fêter le 1er avril. En réalité, ce rite du poisson d’avril que l’on accroche dans le dos du voisin et des autres blagues potaches que l’on se permet de faire à cette date est, comme souvent, le fruit de traditions multiples qui se télescopent et ont fini par se cristalliser, y compris, peut-être depuis la plus lointaine Antiquité puisque les Grecs dédiait le 1er avril, 12 jours après l’équinoxe de printemps, au dieu du rire, ce qui leur donnait l’occasion de se faire quelques petites farces bien troussées… Une tradition d’ailleurs reprise par nos ancêtres les Romains qui avaient instauré la fête des Hilaria, plutôt le 25 mars, en l’honneur de Cybèle et du retour du printemps, et se permettaient ce jour-là quelques plaisanteries plus ou moins satiriques.

Toujours est-il que cette année encore les médias se sont fait l’écho de nombreuses fausses informations plus ou moins saugrenues publiées à l’occasion du 1er avril, à l’image de celle-ci repérée par France 3 sur le site Facebook de l’office de tourisme Esterel-Côte d’Azur qui annonce sans rire l’implantation d’une nouvelle espèce animale sur les rochers rouges de l’Esterel, en l’occurrence un petit macaque asiatique que l’on voit, sur plusieurs photos, se balader tranquillement dans les pins qui surplombe les rivages de la Côte d’Azur. De quoi susciter quelques commentaires sarcastiques de la part de visiteurs qui observent que de tels spécimens pullulent déjà sur le littoral varois en période estivale…

La biodiversité se renforce sur les pentes de l’Esterel : une nouvelle espèce est arrivée en ce 1er avril… (source © Facebook Office tourisme Esterel Côte d’Azur)

Marsactu n’est pas en reste, lui qui s’est fait l’écho d’un supposé rapport confidentiel que l’amiral Lionel Mathieu, commandant le bataillon des marins-pompiers de Marseille, aurait remis à Benoît Payan, à l’aube de l’inauguration de la marina du Prado, destinée à accueillir les prochains jeux olympiques. Un rapport explosif puisque l’amiral y évoquerait le risque excessif lié à l’arrivée par bateau de la flamme olympique, à bord du fameux Belem, le 8 mai prochain. Il est bien connu que les marins se méfient comme la peste du feu à bord des navires et l’avertissement ne manque pas de crédibilité dans une ville encore marquée par l’incendie dramatique des Nouvelles Galeries, sur la Canebière, le 28 octobre 1938, qui fit au moins 73 victimes et conduisit le gouvernement à placer la ville sous tutelle…

La flamme olympique, jugée trop inflammable par les experts des marins-pompiers de Marseille ? (source © Marsactu)

Selon Marsactu, l’adjoint au maire en charge de la sécurité, Yannick Ohanessian, qui, comme de bien entendu, ne mégote pas avec les risques d’incendie, sitôt alerté par les craintes des marins-pompiers, plancherait déjà sur une solution de repli et imagine proposer au Comité olympique de remplacer le flambeau traditionnel par une version numérique, déclarant au journaliste de Marsactu : « J’ai installé chez moi une fausse cheminée murale, tous mes amis me disent qu’on n’y voit que du feu ». Voilà un sujet qui risque en tout cas d’enflammer les esprits et de mettre de l’huile sur le feu dans un contexte politique local déjà brûlant…

Alors que la bataille fait déjà rage entre les ténors politiques marseillais, Martine Vassal et Renaud Muselier tirant quotidiennement à boulet rouges et pour le moindre prétexte contre le maire en exercice, Benoît Payan, tandis que la Secrétaire d’État en charge de la ville et de la citoyenneté, Sabrina Agresti-Roubache, qui se présente comme « ministre de Marseille » ne rate pas une occasion de rappeler qu’elle a de hautes ambitions pour les prochaines municipales de 2026, voilà que ce 1er avril 2024 a fait surgir de nouvelles affiches électorales pour cette même échéance…

Nicolas Pagnol, déjà en lice pour les prochaines municipales à Marseille ? (source © La Provence)

Des affiches en bonne et due forme, sur fond de Vieux-Port avec l’hôtel de ville en ligne de mire, en faveur de Nicolas Pagnol, le petit fils de l’écrivain et cinéaste provençal. De fait, celui-ci ne décolère pas depuis qu’il a été évincé de la délégation de service publique pour la gestion du château de la Buzine. Ses propos acerbes à l’encontre de la municipalité marseillaise rendent de fait assez crédible un tel engagement de sa part sous une bannière elle-même très offensive puisque le slogan « Nous tous Marseille » est directement inspiré du nom du groupe de rap de Joeytstarr, NTM, et l’on sent bien que cette insulte des quartiers populaires est bien présente à l’esprit de Nicolas Pagnol lorsque ce dernier évoque le maire actuel de Marseille…  

Dans un tout autre registre, La Provence évoque également, parmi les canulars du 1er avril 2024, une annonce assez extraordinaire de la RTM qui indique, sur son compte Instagram : « Ce soir, un phénomène d’une importance rare est annoncé ! ». De quoi faire jaser la journaliste du quotidien régional qui grince : « Une rame de métro qui arrive à l’heure ? N’exagérons pas. Il s’agit d’un événement bien plus habituel : l’observation d’aurores boréales dans le ciel marseillais… ».

Réchauffement climatique ou pas, la RTM annonce des aurores boréales dans le ciel de Marseille (source © compte Instagram RTM)

Avec le dérèglement climatique global auquel on assiste, personne ne sera bientôt plus étonné de voir de tels phénomènes au-dessus de Notre-Dame de la Garde. C’est d’ailleurs précisément pour sensibiliser aux effets du changement climatique que l’artiste suisse Dan Acher avait créé en septembre 2022 une simulation d’aurore boréale dans le ciel marseillais, au-dessus des jardins du palais Longchamp. Une installation artistique impressionnante et qui a manifestement marqué les esprits des chargés de communication de la RTM, manifestement plus à l’aise pour inventer des canulars que pour répondre aux plaintes des usagers de son réseau de transport en commun exposé à des dysfonctionnements quotidiens !

L. V.

La droite marseillaise se donne en spectacle

29 décembre 2023

La dernière séance du conseil municipal de Marseille, le 15 décembre 2023, a donné lieu à une scène totalement surréaliste et, à vrai dire, parfaitement ridicule. Il suffit, pour s’en convaincre de visionner les débats puisque, à Marseille comme dans la plupart des communes françaises désormais (sauf à Carnoux, néanmoins), non seulement les séances du conseil sont publiques, mais elles sont de surcroît enregistrées, traduites en simultané pour les rendre compréhensible aux malentendants, et diffusées en libre accès à qui veut les consulter. Une mesure de base pour qui considère que la démocratie locale suppose un minimum de transparence, chaque habitant étant ainsi en capacité de suivre en direct ou en différé, les décisions prises en son nom par ses élus de proximité et qui concernent sa vie quotidienne et l’avenir de l’espace public dans lequel il évolue, vit, travaille, fait ses courses, se soigne et se divertit.

La première délibération qui ouvrait l’ordre du jour de ce conseil municipal portait sur l’adoption du rapport sur la situation en matière d’égalité entre les femmes et les hommes. La conseillère qui la présente, en l’occurrence Nathalie Tessier, ne peut s’empêcher de revenir en introduction sur les propos tenus la veille par Renaud Muselier. Le président de droite de la Région Provence Alpes Côte d’Azur, qu’il persiste à appeler Sud au mépris des institutions républicaines, ne cache plus guère ses ambitions de briguer prochainement le fauteuil de maire de Marseille. Le poste lui était déjà passé sous le nez après qu’il avait échoué en 2008 à se faire élire à la présidence de la Communauté urbaine d’alors, malgré une large majorité de droite, à la suite d’une basse manœuvre de la part de Jean-Claude Gaudin et de quelques maires voisins qui lui avaient préféré le socialiste Eugène Caselli… Un véritable camouflet pour cet affairiste ambitieux.

Renaud Muselier, sur le plateau de BFM TV le 14 décembre 2023, accusant Benoît Payan de féminicide politique (capture vidéo)

Invité la veille au soir sur le plateau de BFM TV, Renaud Muselier s’est donc laissé aller à une charge en règle contre le bilan à mi-parcours du maire de Marseille, Benoît Payan. Un bilan jugé inexistant par le président de la Région, qui fait évidemment tout ce qui est en son pouvoir pour saper le travail de la municipalité marseillaise, réservant l’essentiel des financements de la Région à ses amis de Nice ou de Toulon, tandis que sa complice, Martine Vassal, déverse les financements du Département et de la Métropole partout, sauf à Marseille !

En tout cas, Renaud Muselier n’a pas fait dans la nuance en affirmant tout à trac : « Benoît Payan a un savoir-faire politique incontestable. Il a fait quelque part un féminicide politique en éliminant tranquillement Mme Rubirola dans une stratégie personnelle ». Un féminicide, rien de moins !  Et le Président de la Région d’insister lourdement en précisant, pour ceux qui n’auraient pas bien saisi que Michèle Rubirola est « une femme verte, médecin, qui a été élue par les Marseillais et qui a été éliminée par un mâle blanc ». Il fallait oser ce choc des couleurs, mais certains osent tout…

Nathalie Tessier lors du conseil municipal de Marseille le 15 décembre 2023 (capture vidéo © event.novialys)

De quoi provoquer l’étranglement de la conseillère déléguée à l’égalité entre les femmes et les hommes, Nathalie Tessier, qui s’offusque donc, le lendemain, en séance de conseil municipal, de ce rapprochement outrancier et rappelle à Renaud Muselier que la notion de féminicide fait référence à une réalité bien plus tragique qui solde le destin de beaucoup trop de femmes qui vivent l’enfer au quotidien et dont la vie parfois s’arrête sous les coups d’un proche qui ne se contrôle plus.

Mais ce rappel à la réalité et à davantage de dignité dans ses paroles politiques glisse sur la droite marseillaise comme l’eau sur les plumes d’un canard. Catherine Pila, une proche de Martine Vassal, réclame aussitôt le micro pour une intervention théâtralisée dans laquelle elle remonte à Olympe de Gouges pour célébrer le combat des femmes françaises en vue de plus d’égalité civique entre les sexes. Son cours d’histoire, soigneusement rédigé et donc mûrement réfléchi s’attarde même sur la « femme des années 80 » chantée par Michel Sardou, une référence en matière de sociologie politique historique comme chacun sait…

Catherine Pila lors du conseil municipal de Marseille le 15 décembre 2023 (capture vidéo © event.novialys)

Et elle en arrive, là où personne ne l’attendait, à savoir qu’il y a 3 ans, jour pour jour, Michèle Rubirola, élue maire de Marseille l’été précédent, choisissait de laisser son fauteuil à son premier adjoint, Benoît Payan. Une décision largement expliquée par la maire démissionnaire, que la presse avait surnommée « la maire éphémère » et qui n’avait jamais eu beaucoup d’appétence pour ce poste éminemment exposé et qui nécessite un engagement et une énergie de tous les jours.

Michèle Rubirola avait accepté de conduire la liste d’union du Printemps marseillais dans une bataille très incertainela droite partait largement favorite. Pour avoir une chance de l’emporter, les différentes composantes de la gauche et des mouvements citoyens issus de la société civile devaient se rassembler et se choisir une tête de liste, rôle que Michèle Rubirola avait accepté de tenir, dans le cadre d’une campagne collective. Issue des rangs écologistes, elle n’avait pas hésité pour cela à tourner le dos à la stratégie de son propre parti qui préférait s’engager, derrière Sébastien Barles, dans une aventure individuelle vouée à l’échec.

Cette approche collective et rassemblée s’était révélée payante, même si la droite marseillaise a tout tenté pour empêcher l’élection de Michèle Rubirola comme maire de Marseille. Il est donc plus que cocasse d’entendre, trois ans plus tard, les mêmes élus de droite, se lamenter que cette dernière n’ait pas souhaité rester à cette fonction et ait préféré la laisser à Benoît Payan, plus expérimenté et plus apte qu’elle à l’assumer au quotidien. Sauf que Catherine Pila voudrait faire croire qu’il s’agit d’un véritable putsch, une odieuse machination ourdie par Benoît Payan pour éliminer sa rivale, une faible femme qui plus est ! Pour un peu, elle laisserait presque entendre que Michèle Rubirola, victime d’un « assassinat politique » a eu bien de la chance de ne pas se retrouver lestée au fond du Vieux-Port. Et pour enfoncer le clou, elle sort de derrière son siège une plaque sur laquelle est inscrit le nom de Michèle Rubirola, maire de Marseille du 28 juin au 15 décembre 2020, et vient la remettre solennellement à l’intéressée qui siège à la tribune aux côtés de Benoît Payan, tandis que les élus de droite chantonnent « Joyeux anniversaire »…

Catherine Pila, avec sa pancarte parodique, dans l’hémicycle du Conseil municipal de Marseille, le 15 décembre 2023 (photo © Valérie Vrel / La Provence)

Un épisode burlesque qui détourne totalement le sens même de la passation de pouvoir qui avait eu lieu fin 2020 à la tête de la municipalité marseillaise, et qui laisse Benoît Payan consterné par cette tragico-comédie qui frise le ridicule. Michèle Rubirola elle-même ressent le besoin d’y répondre pour rappeler une fois de plus que c’est volontairement qu’elle a choisi de laisser la place de maire son premier adjoint, plus apte selon elle à l’exercer pleinement, et qu’elle n’est pas morte politiquement malgré le diagnostic de l’ex directeur de clinique Renaud Muselier, mais qu’elle privilégie une approche collective dans son combat politique. Le maire, quant à lui, enfonce le clou en citant Marc Twain à l’attention du président de la Région PACA, pour lui rappeler qu’il vaut mieux garder la boucher fermée et passer pour un imbécile que de l’ouvrir et de lever tous les doutes

@rubirola2026, un nouveau site parodique qui matraque le message de la droite marseillaise, selon laquelle Benoît Payan serait un usurpateur

Une chose est sûre en tout cas, la droite marseillaise a déjà lancé la prochaine campagne municipale même si les prochaines élections ne sont prévues qu’en 2026. On voit d’ailleurs déjà surgir des comptes parodiques à l’instar de @rubirola2026 sur X (ex Twitter) qui reprend tous les codes couleurs de la campagne d’affichage électoral du Printemps marseillais en 2020 et qui laisse entendre que Michèle Rubirola serait prête à se battre pour retrouver en 2026 le fauteuil de maire qu’elle a très volontiers cédé en 2020 à son colistier Benoît Payan. Une véritable obsession pour la droite marseillaise qui peine manifestement à comprendre qu’on puisse s’investir en politique pour mettre en œuvre collectivement des actions d’intérêt général et pas seulement pour accéder individuellement à des fonctions purement honorifiques : un choc de culture ?

L. V.

Lionel Royer-Perreaut, l’anguille qui aime la soupe…

10 février 2022

L’affaire a fait grand bruit dans le Landerneau politique marseillais : ce mercredi 9 février 2022, Lionel Royer-Perreaut, maire LR des 9e et 10e arrondissements, annonce dans La Provence sa décision de quitter Les Républicains et de soutenir Emmanuel Macron pour les prochaines présidentielles. Lui qui déclarait fièrement il y a moins d’un mois dans les colonnes du même journal « Je soutiens Valérie Pécresse depuis le début », précisant même qu’elle était « la candidate de synthèse par excellence », a donc changé d’avis à deux mois seulement du premier tour de l’élection présidentielle, alors même que la candidate LR reste plutôt bien placée dans le trio de tête des challengers de ce scrutin.

Lionel Royer-Perreaut, annonce son départ du parti LR (photo © Nicolas Vallauri / La Provence)

Une telle annonce qui fait l’effet d’un coup de tonnerre dans la droite marseillaise est d’autant plus étonnante que Lionel Royer-Perreaut avait été en 2020 le maire de secteur le mieux élu de toute les listes LR, avec 45,5 % des suffrages exprimés au deuxième tour, loin devant la liste emmenée par Aïcha Sif pour le Printemps marseillais et celle du Rassemblement national menée par Éléonore Bez. Depuis, il avait tendance à se pousser du col et à se positionner en poids lourd de l’opposition LR au sein du Conseil municipal, monopolisant volontiers la parole avec ses discours sentencieux et moralisateurs, là où l’ancienne tête de liste LR, Martine Vassal, se montrait plutôt discrète lors des débats municipaux.

Élu à la Métropole Aix-Marseille-Provence, il s’y était arrogé le poste de deuxième vice-président du Conseil de Territoire Marseille Provence, délégué à l’habitat et au logement, laissant néanmoins la place de premier vice président au maire de Carnoux, Jean-Pierre Giorgi, par politesse sans doute. Réélu en 2021 au Conseil Départemental des Bouches-du-Rhône, en tandem avec sa présidente sortante, Martine Vassal, il hérite, là aussi d’un poste de vice-président, délégué cette fois aux relations internationales et au rayonnement du territoire marseillais, un beau tremplin pour un responsable politique ambitieux qui commence à lorgner sérieusement sur la mairie de Marseille.

Lionel Royer-Perreaut, préside depuis 2020 la SOLEAM, dont l’action a été critiquée par la Chambre régionale des Comptes (source © Made in Marseille)

Et ce n’est pas tout car le maire de secteur a aussi été porté le 4 novembre 2020 à la présidence de la SOLEAM, alors qu’il présidait déjà, parmi de nombreuses autres institutions, l’office public de l’habitat départemental 3 Habitat. Pas forcément très connue du grand public, la Société publique locale d’aménagement de l’aire métropolitaine (SOLEAM) dont sont membres, outre la Métropole et la Ville de Marseille de nombreuses collectivités locales dont Cassis, Aubagne, La Ciotat ou encore Gémenos, compte une soixantaine de collaborateurs et pilote pour le compte de la Métropole de nombreux aménagements de ZAC et des opérations de renouvellement urbain, avec un bilan mitigé. Son intervention sur le projet de requalification de la place Jean Jaurès à Marseille avait notamment mis le feu à tout le quartier de La Plaine, déclenchant une véritable guerre de tranchée des riverains, au point qu’il avait fallu ériger un mur pour protéger le chantier…

Lionel Royer-Perreaut, qui jadis, en décembre 2009, était venu introduire une conférence organisée à Carnoux par le Cercle progressiste carnussien sur le projet de Parc national des Calanques, est donc unanimement considéré comme un pilier de la droite LR marseillaise, dans ses bastions du Département et de la Métropole, comme dans son rôle d’opposition municipale. D’où l’émoi causé par cette annonce fracassante de quitter brusquement les rangs des Républicains en pleine campagne électorale.

En 2020, l’entente cordiale entre Guy Tessier, Martine Vassal et Lionel Royer-Perreaut pour l’élection du maire de Marseille… (source © Made in Marseille)

En 2020 déjà, son positionnement avait surpris certains lorsqu’il avait joué des coudes pour obtenir l’investiture LR comme tête de liste dans le 5e secteur des municipales marseillaise, à l’issue d’un combat qualifié de « violent et douloureux » contre Guy Tessier qui était pourtant le candidat naturel à cette place. Une guerre fratricide d’autant plus âpre que Guy Tessier était le mentor de Lionel Royer-Perreaut. C’est lui qui l’avait pris sous son aile comme assistant parlementaire en 1995 alors que le jeune Royer-Perreaut, âgé de 21 ans seulement, venait de vivre l’assassinat de la député FN puis UDF, Yann Piat, dont il était attaché parlementaire. Réélue en mars 1993 et membre de la commission d’enquête contre la mafia à l’Assemblée Nationale, la députée envisageait de se présenter aux municipales à Hyères-les-Palmiers, dans le Var, lorsqu’elle avait été sauvagement assassinée par deux hommes à moto, le 24 février 1994.

Le 1er mars 1994, lors des obsèques de la député assassinée Yann Piat (photo © MaxPPP/ France TV info)

Pendant plus de 15 ans, Lionel Royer-Perreaut a fait toute sa carrière politique dans le sillage du député Guy Tessier dont il est devenu suppléant à l’Assemblée Nationale en 2007 et qu’il avait déjà remplacé comme maire de secteur en 2014, lorsque Guy Tessier était devenu président de la Communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole.

En avril 2014, le député Guy Tessier laisse à son adjoint Lionel Royer-Perreaut le fauteuil de la mairie de secteur où il siégeait depuis 31 ans (source © La Provence)

Mais en 2020, Lionel Royer-Perreaut était carrément sorti de ses gonds lorsque, à l’occasion de l’élection du Maire de Marseille, Martine Vassal avait eu la lumineuse idée de proposer Guy Tessier comme candidat, espérant le faire élire au bénéfice de l’âge et avec l’appui discret des élus du Rassemblement national. Ce qui n’avait pas empêché Royer-Perreaut de se représenter quelques mois plus tard en tandem avec Martine Vassal pour se faire réélire, bras dessus, bras dessous, au Conseil départemental…

Affiche de campagne de Lionel Royer-Perreaut et Martine Vassal lors des élections départementales en 2021 (source © Comité femmes Marseille 9/10)

Qu’est-ce qui a donc bien pu pousser cet homme de droite aux convictions libérales solidement chevillées, à claquer ainsi la porte de sa famille politique en pleine bataille électorale ? Pour le comprendre, il ne faut pas oublier qu’une élection peut en cacher une autre : alors que toute l’attention des Français est braquée sur les présidentielles à venir, les responsables politiques, eux, ne pensent qu’aux législatives qui se profilent dans la foulée. Or, dans la sixième circonscription des Bouches-du-Rhône, un fief imperdable pour la droite qui comprend les 9e, 10e et 11e arrondissement de Marseille, c’est Didier Réault qui a été investi par le parti LR pour les prochaines législatives, avec l’inamovible Guy Tessier comme suppléant. Une véritable claque pour Lionel Royer-Perreaut qui est donc aussitôt aller frapper à la porte d’en face, celle de la République en marche, laquelle, ça tombe bien, a toutes les chances, au vu des sondages qui se succèdent depuis des mois, de faire réélire haut la main son champion, Emmanuel Macron. De surcroît, et là-encore ça tombe plutôt bien, le parti présidentiel a justement un peu de mal à trouver des candidats ancrés localement dans le paysage politique et connus des électeurs.

Lionel Royer-Perreaut entretient bien entendu encore un peu le suspens, pour la forme, mais nul ne doute désormais qu’il se présentera donc aux prochaine législatives sous l’étiquette de la future majorité présidentielle. Prudent, il préfère néanmoins laisser passer la présidentielle pour se dévoiler, sait-on jamais ? Quant à la cohérence de son positionnement politique qui risquerait de perturber légèrement certains de ses électeurs, cela ne semble pas trop l’inquiéter. Lui qui a tapé comme un sourd depuis 5 ans maintenant sur la politique menée par Emmanuel Macron, trouve désormais bien des qualités au Chef de l’État, jugeant qu’il a admirablement su gérer la crise sanitaire, sociale et économique qu’a traversé notre pays : une belle clairvoyance, certes un peu tardive, mais mieux vaut tard que jamais…

L. V.

Sophie Joissains claque la porte de la métropole

30 novembre 2021

Soumise à bien des turbulences depuis sa création officielle au 1er janvier 2016, il y a bientôt 6 ans, la Métropole Aix-Marseille-Provence n’en finit pas de subir de violents coups de tabac. Le dernier en date, qui vient de secouer l’hémicycle du Pharo, à l’occasion du récent Conseil métropolitain du vendredi 19 novembre 2021, était assez inattendu, d’autant qu’il vient des rangs même de la majorité de Martine Vassal qui doit en grande partie sa réélection à la tête de la Métropole, en juillet 2020, à sa grande copine, l’ancienne maire d’Aix-en-Provence, Maryse Joissains, malgré les frasques judiciaires de cette dernière.

Maryse Joissains alors soutien de Martine Vassal en vue de sa réélection à la tête de la Métropole en 2020 (photo © David Aussillou / Radio France)

Sauf que le torchon brûle désormais entre les deux femmes qui se sont échangé des courriers bien peu courtois ces derniers temps, avant que Maryse Joissains, définitivement condamnée à 8 mois de prison avec sursis et 3 ans d’inéligibilité pour prise illégale d’intérêt et détournement de fonds publics, ne finisse par démissionner, contrainte et forcée, de tous ses mandats, à la ville comme à la Métropole. Non sans avoir une dernière fois réglé ses comptes en public en s’adressant aux Aixois via le magazine municipal dont sa propre fille est la directrice de publication, tradition familiale oblige… Bien pratique pour faire passer en toute impunité un message au vitriol contre des magistrats « inspirés par une idéologie gauchiste, un esprit de corps et une rare incompétence » qui « ont trouvé du temps pour condamner un maire connu pour sa probité, sa rigueur et sa bienveillance », alertant même sur « le pouvoir des juges » qui serait, selon ses propres termes, « l’ouverture à la dictature ».

Joissains mère et fille (source © Facebook Maryse Joissains Masini)

De la part d’une femme affichant aussi ostensiblement sa foi chrétienne, on aurait pu s’attendre à un esprit de repentance plus affirmé après une condamnation si infamante, qu’elle assimile purement et simplement à « une lettre de cachet » : bigre !… Et si l’ex maire d’Aix a été ainsi condamnée, il faudrait peut-être même en chercher les raisons du côté de son combat acharné contre la réforme en cours de la Métropole, qui risque de voir disparaître les Conseils de territoires et se rééquilibrer les fameuses attributions de compensation qui font les affaires de sa commune au détriment de l’intérêt métropolitain. Elle n’hésite d’ailleurs pas à pointer du doigt le risque de chantage de la part du Département et de la Métropole, tous les deux dirigés par Martine Vassal justement, qui finance largement les communes et peut ainsi menacer de fermer le robinet en cas de désaccord…

Le 3 juillet 2020, Maryse Joissains, encore maire d’Aix-en-Provence, félicite sa fille, Sophie, qu’elle vient de nommer deuxième ajointe (photo © Serge Mercier / La Provence)

Un argument repris sans la moindre nuance par sa fille, Sophie Joissains, qui s’est donc offert le luxe de démissionner en plein conseil métropolitain, le 19 novembre dernier, de ses fonctions de deuxième vice-présidente de la Métropole. Assise au premier rang de l’hémicycle, juste en face d’une Martine Vassal passablement désarçonnée, la toute nouvelle maire d’Aix-en-Provence a pris la parole, à l’issue de la présentation des orientations budgétaires, pour s’en prendre violemment à la Présidente de la Métropole, accusée de duplicité pour avoir accepté de discuter avec l’État le réajustement de ces incontournables attributions de compensation.

Face à face entre Martine Vassal (à gauche, à la tribune) et Sophie Joissains (à droite, au premier rang) lors du Conseil métropolitain du 19 novembre 2021 (photo © Nicolas Vallauri / La Provence)

Après avoir rappelé à Martine Vassal ses engagements de la campagne municipale de 2020, Sophie Joissains a donc démissionné en direct et avec fracas, non sans avoir menacé de saisir illico le Tribunal administratif en cas de mesures de rétorsion comme elle l’a exprimé de manière très crue : « le fait que vous soyez à la fois présidente de la Métropole et du Département conduit inévitablement à des pressions sur les communes qui ont toutes besoin des subventions du Département. Cette pression institutionnelle tient évidemment la parole des uns et des autres. C’est inacceptable ».

On a connu des échanges plus feutrés dans les couloirs de cet hémicycle… D’autant que Martine Vassal a sorti à son tour l’artillerie lourde, accusant carrément la fille de Maryse Joissains de ne pas « être à la hauteur » ni même légitime : « Quant on n’a pas été élue au suffrage universel, on n’est pas là pour donner des leçons ». Une position d’ailleurs curieuse de la part de celle qui vient d’être battue lors des dernières élections municipales à Marseille et qui dirige désormais, grâce au seul soutien des élus locaux périphériques, une Métropole en guerre ouverte contre les exécutifs des deux plus grandes villes de l’aire métropolitaine qui rassemblent à elles seules plus de 60 % de la population !

L’avocat Yves Moraine, ancien proche de Jean-Claude Gaudin et désormais porte-parole de Martine Vassal, ici en mars 2020 (photo © Frédéric Speich / MaxPPP / France 3 Régions)

Et les échanges d’amabilité se sont poursuivis bien après cette séance mémorable, Martine Vassal dépêchant pour cela Yves Moraine, son vice-président du Conseil départemental et un des piliers survivants de l’ère Gaudin, lequel s’est lâché avec délectation pour fustiger cette « sortie surréaliste, décalée et irresponsable » qu’il considère comme « un énième épisode de la guerre de la famille Joissains contre la Métropole. Maryse insultait Gaudin, Sophie agresse Vassal », avant d’oser un calembours d’un goût douteux : « Décidément, à Aix, c’est de mère en pis ! ».

Les 1,9 millions d’habitants de l’aire métropolitaine apprécieront sans doute cette ambiance bon enfant et ces mots savoureux dignes de Pagnol que s’échangent nos responsables politiques en mal de reconnaissance pendant que certains, y compris au sommet de l’État tentent vainement de ramener un peu d’ordre dans cette pétaudière pour lui permettre de prendre enfin à bras le corps les compétences métropolitaines et les enjeux majeurs en termes de mobilité, de développement économique, de logement et de préservation de l’environnement pour lesquels elle avait été créée : bon courage…

L. V.

Querelles de LR en région PACA

30 octobre 2021

Chez Les Républicains en ce moment, le torchon brûle et les querelles de familles commencent à transpirer en dehors du petit cercle fermé des initiés. En politique, tendresse et courtoisie ne sont pas les sentiments les mieux répandus : même lorsque l’on partage les mêmes idées, les intérêts électoraux et les ambitions personnelles finissent toujours par l’emporter et poussent bien souvent les membres d’un même parti à s’invectiver au-delà du raisonnable…

On l’a vu récemment avec les missives successives que Maryse Joissains, l’ex-maire d’Aix-en-Provence, a envoyées à sa pourtant amie et consœur Martine Vassal, LR comme elle, et fraîchement réélue à la tête de la Métropole Aix-Marseille-Provence. « La Métropole est un échec total, nous le savons tous, et toi également : tu l’as bien démontré lors de ton discours d’intronisation, à moins que cela ait été un discours de circonstance… » écrivait ainsi Maryse Joissains, avec tout le tact et le sens de la diplomatie qui la caractérisent, le 9 septembre 2021, en prenant bien soin de mettre toute la presse en copie. Et elle récidivait début octobre, lui écrivant avec toujours autant de gentillesse, teintée d’un léger soupçon de menace : « Pour le moment, avec le chéquier, tu as encore certains maires avec toi, mais je doute qu’avec la perte de leur souveraineté liée à l’exercice des compétences de proximité et d’une partie de leurs moyens financiers, tu ne perdes toute crédibilité et in fine ta légitimité » : ambiance, ambiance…

Maryse Joissains et Martine Vassal : deux copines qui s’embrouillent… (photo © Serge Mercier / La Provence)

Alors que les prochaines élections présidentielles et législatives sont prévues dans quelques mois, forcément, le climat n’est pas partout à la franche camaraderie et la loyauté sans faille. Avec ces primaires qui n’en finissent pas et qui se régleront finalement entre seuls adhérents, à l’occasion d’un congrès interne programmé en décembre, forcément les appétits s’aiguisent et certaines haines recuites ressurgissent. Vue de loin, la démarche semble au moins avoir le mérite de ressouder la famille puisqu’on a vu les deux principaux prétendants, Xavier Bertrand et Valérie Pécresse, qui avaient tous les deux claqué la porte du parti avec fracas, respectivement en décembre 2017 et en juin 2019, s’empresser de reprendre fissa leur carte d’adhérent : une intronisation vaut bien le paiement d’une cotisation…

Xavier Bertrand a finalement accepté de reprendre sa carte d’adhérent LR en prévision du congrès de décembre 2021 : un dessin signé Kak, publié dans l’Opinion

Mais au-delà de ce rapprochement familial touchant, force est de constater que les relations sont parfois tendues entre certains ténors du parti. On l’a vu encore tout récemment avec la sortie de Renaud Muselier  lequel n’a pas hésité à prendre sa plume pour écrire à Christian Jacob, actuel président des Républicains, pour lui dire tout le bien qu’il pense de son collègue, Eric Ciotti, l’un des six prétendant à l’investiture du parti. L’actuel président de la région PACA, qui est en même temps président de la fédération LR des Bouches-du-Rhône, demande ainsi expressément que soit retirée à Eric Ciotti sa fonction de président de la commission nationale d’investiture, l’accusant sans détours de « faire pression pour avoir ses parrainages ». D’ailleurs, Renaud Muselier le dit tout net : si Ciotti est désigné, « je démissionnerai immédiatement de ma famille politique », comme l’ont déjà fait récemment Hubert Falco et Christian Estrosi : à se demander s’il reste encore des responsables politiques locaux dans la grande famille LR…

Renaud Muselier et Eric Ciotti, ici en 2019, du temps où ils se parlaient encore… (photo © Vincent Isidore / MaxPPP / France Bleu)

Et les élections législatives qui se profilent également en 2022, dans la foulée des présidentielles, mettent aussi les nerfs des uns et des autres à rude épreuve. On a assisté ainsi cette semaine à un véritable psychodrame avec le retrait annoncé de Guy Tessier. A bientôt 77 ans, celui qui est le plus vieux député en exercice de l’Assemblée Nationale siège au palais Bourbon depuis 1993, soit près de 30 ans, après avoir dû renoncer à son premier mandat en 1988, battu par Bernard Tapie après que l’élection ait été annulé par le Conseil constitutionnel. Son dernier baroud d’honneur a eu lieu le 4 juillet 2020, lorsqu’il a tenté de présenter sa candidature à la Mairie de Marseille, espérant rallier à sa cause les élus du rassemblement National, lui qui avait commencé sa carrière politique comme membre du groupuscule d’extrême droite Union nationaliste.

L’opération avait tourné en jus de boudin, provoquant même la colère de son vieil « ami » et ancien attaché parlementaire, Lionel Royer-Perreaut, qui lui avait déjà soufflé la tête de liste LR dans les 9e et 10 arrondissements de Marseille et venait de se faire élire maire de secteur. Ce dernier se considère désormais comme l’homme fort des LR à Marseille, après la déconfiture de Martine Vassal lors des dernières municipales. Premier vice-président du Conseil départemental et se positionnant ostensiblement comme chef de l’opposition municipale, il est aussi président de l’office public d’HLM 13 Habitat, gros pourvoyeur de logements sociaux, ce qui permet de s’attacher quelques reconnaissances.

Entente cordiale et sourires forcés de Guy Tessier et Lionel Royer-Perreaut autour de Martine Vassal avant les élections municipale de 2020 (source © Made in Marseille)

Guy Tessier avait naïvement imaginé refiler son siège de député au très libéral Didier Réault, également vice-président du Département et de la Métropole et, accessoirement, président du parc national des Calanques. Mais Lionel Royer-Perreaut, qui est le suppléant du député sortant, a vu rouge en prenant connaissance de tels arrangements et a aussitôt déclaré haut et fort qu’il se jugeait « incontournable », affirmant à qui voulait l’entendre : « personne n’imagine que cette élection puisse se faire sans ma participation et Didier Réault l’a bien compris »…

A quelques mois des prochaines élections électorale et dans le climat de franche camaraderie et de convivialité amicale qui caractérise Les Républicains, les couteaux sont sortis !

L. V.

Jacques Boulesteix : les raisons d’une démission

25 octobre 2021

Jacques Boulesteix, ancien Président du Cercle progressiste carnussien, qui conduisait la liste Carnoux citoyenne, écologiste et solidaire aux dernières élections municipales et qui siégeait au Conseil municipal de Carnoux-en-Provence depuis mars 2020 comme conseiller municipal d’opposition, vient d’annoncer, le jeudi 20 octobre 2021, sa démission. Les raisons de sa démissions sont exposées en détail dans le courrier qu’il a adressé aux autres membres du conseil municipal, courrier qui est accessible sur le site de la liste. Elles sont résumées dans l’interview ci-dessous qu’il a donnée à l’occasion de la publication du dernier journal du Cercle progressiste carnussien.

Jacques Boulesteix, conseiller municipal démissionnaire de Carnoux (source © Carnoux-citoyenne)

CPC : Moins de deux ans de mandat, qu’est-ce qui motive une telle décision ?

Jacques Boulesteix : Tout d’abord le fonctionnement de l’exécutif municipal qui a une vision bien trop étriquée du rôle que peut aujourd’hui jouer un conseil municipal, sa majorité et son opposition et le regret de l’impossibilité d’un travail plus collectif, plus moderne, plus riche de toutes les sensibilités des Carnussiens.

CPC : Pouvez-vous préciser votre analyse en citant des exemples d’initiatives citoyennes retoquées ?

J. Boulesteix : Face aux problèmes sociétaux et environnementaux, le rôle d’une municipalité ne peut plus se limiter aujourd’hui à l’exercice de la proximité et à la stricte gestion administrative des affaires communales. Nos propositions d’ouverture, d’expérimentations, de développement de la citoyenneté, d’initiatives intercommunales, n’ont pas été entendues, ni même, comprises. La citoyenneté (qui n’est pas la proximité) commence au niveau de la commune, par une participation, une implication, une responsabilisation des citoyens. La palette des innovations aujourd’hui déjà permises par la Loi est large : commissions extra-municipales, conseils de quartiers, conseils de jeunes, ateliers thématiques ouverts, budgets participatifs ciblés sur une opération (comme l’école), débats en conseil municipal à l’initiative d’associations, audition d’acteurs économiques ou sociaux avant l’ouverture d’un conseil municipal, référendums communaux, … Aucune n’existe à Carnoux.

Extrait du programme de campagne de la liste menée par Jacques Boulesteix en mars 2020 (source © Carnoux-citoyenne)

CPC Mais alors où se décide la politique de la commune et où est-elle discutée ?

J. Boulesteix : Le conseil municipal n’est qu’une chambre d’enregistrement. Les commissions municipales, sont réunies pour la forme et leur apport est nul. Le Maire est omniprésent et ne laisse même pas ses adjoints rapporter sur la moindre délibération. Aucune commission extra-municipale n’a été créée. Cette forme surannée de gouvernance est aujourd’hui inadaptée dans une commune de notre importance. Depuis notre élection, aucune des propositions formulées par l’opposition n’a été vraiment discutée et retenue, même très partiellement ou simplement transmise à une commission pour être débattue, peut-être amendée. Les documents que nous avons demandés en amont de certains votes (budgétaires ou DSP) n’ont jamais été fournis. Des courriers restent sans réponse, même après relance.

Des propositions concrètes pour la commune de Carnoux, mais pas d’écoute… (source © Carnoux-citoyenne)

CPC : On connaît le rôle accru dévolu à la Métropole. Êtes-vous informés des décisions et des actions qui la concernent et peuvent intéresser la commune ?

J. Boulesteix : Non, le conseil municipal est tenu à l’écart de toute information officielle sur la Métropole, alors que le Maire y est notre seul représentant et que la Loi impose clairement la transmission à tous les conseillers municipaux des ordres du jour, comptes-rendus et autres documents. Malgré nos demandes, la Loi n’est pas respectée.

CPC : Vous avez été élu à Marseille et avez, dans ce cadre, travaillé avec plusieurs maires de sensibilités politiques différentes, pourquoi mettre fin à votre mandat à Carnoux ?

J. Boulesteix : C’est le fondement même de l’exercice d’un mandat local qui nous oppose avec le maire. Les conseillers municipaux sont des élus, pas seulement des administrateurs. Leur rôle va bien au-delà de celui d’une simple gestion. La prise en compte des différentes sensibilités, la responsabilisation et la participation des citoyens, la transparence, le contrôle des affaires publiques sont aujourd’hui des exigences incompatibles avec la manière dont est dirigé notre conseil municipal. Les conditions d’un travail riche, collectif et indispensable ne me semblent pas pouvoir être réunies durant cette mandature. C’est la raison de mon départ.

CPC : Merci Jacques Boulesteix

Article paru dans La Provence le 21 octobre 2021

Comment réformer une métropole « tribale » ?

9 septembre 2021

Ancien président du Conseil de développement de Marseille Provence Métropole et élu d’opposition à Carnoux-en-Provence depuis mars 2020, Jacques Boulesteix est notamment l’auteur de l’ouvrage « Entre peur et raison, La métropole Aix-Marseille-Provence » (éditions de l’Aube, 2015), dans lequel il analysait en détail les forces et les faiblesses de la construction métropolitaine marseillaise. Dans cette tribune rédigée le 3 septembre 2021 et publiée par GoMet, il réagit aux annonces du président de la République, Emmanuel Macron, à l’issue de déplacement de ce dernier à Marseille, au cours duquel il a présenté plusieurs initiatives dans le cadre d’un plan d’actions intitulé « Marseille en grand ».

Emmanuel Macron détaillant son plan d’action Marseille en grand depuis les jardins du Pharo le 2 septembre 2021 (photo © Théo Giacometti et Hans Lucas / Le Monde)

Le Président de la République est donc venu à Marseille pour réaffirmer que l’État apportera toute son aide à la seconde ville de France et à son aire métropolitaine. C’est un élément majeur. En leur temps les premiers ministres Jean-Marc Ayrault (2013), puis Manuel Valls (2015 et 2016) avaient déjà promis quelques milliards qui se font toujours attendre. Cette fois-ci, c’est le Chef de l’État en personne qui a annoncé des investissements « massifs » de l’État pour un territoire qu’il considère en situation d’urgence « sécuritaire, sociale et sanitaire ».

Ces trois urgences sont évidentes. Le scandale de la catastrophe de la rue d’Aubagne, la mise au grand jour du délabrement inouï des écoles et la ghettoïsation insécuritaire d’un tiers toujours plus appauvri de la ville, ont visiblement changé la donne. Pendant 20 ans, les responsables politiques locaux avaient préféré « mettre la poussière sous le tapis » et repousser les problèmes. Et pas que les responsables municipaux ! Rappelons-nous du saugrenu projet de « pont transbordeur » enjambant le Vieux Port, soutenu par le Président de la Région à la veille des dernières élections municipales.

Emmanuel Macron accompagné de Jean-Michel Blanquer dans une école de Marseille le 2 septembre 2021 (photo © Daniel Cole / France TV Info)

Car, à l’incurie de la gestion municipale des deux dernières décennies, s’ajoutent les incohérences des financements des autres collectivités, soit pour des raisons politiques soit pour des raisons structurelles. L’État a également joué à l’autruche, alors qu’il aurait pu, depuis longtemps, initier une stratégie à l’échelle de l’aire métropolitaine. Toutes ces années, chacun a voulu, en quelque sorte, tirer profit de la faiblesse des autres. Durant 50 ans, nous n’avons élaboré aucun projet à l’échelle métropolitaine. Et pour cause ! Si certaines communautés urbaines ont été constituées dès la fin des années 1960, Marseille a été la dernière grande ville française à voir son aire métropolitaine politiquement structurée, en 2016. Et encore, largement avec l’opposition d’une majorité de communes… Cela nous a coûté cher. Lyon a 50 ans d’expérience métropolitaine. Sa métropole a fusionné avec une partie du département du Rhône dès 2015. Corrigée du nombre d’habitant, la région lyonnaise affiche une activité économique 20 % plus importante et presque 100 000 emplois de plus que dans la métropole marseillaise. Le taux de pauvreté est de 18,6 % pour la métropole marseillaise, contre 16,1 % pour celle de Lyon.

Reconnaissons au Président de la République d’avoir analysé que, sans l’effort de l’État, et sans doute sans son autorité, il n’y aura pas de rétablissement. Il a été également clair sur un point : la Métropole est inefficace et « a du mal à porter des projets d’intérêt commun ». C’est le point central. Dans un style très direct, il a insisté sur la nécessité de régler « les problèmes d’organisation et de gouvernance ». « Sinon, je ne mets plus d’essence dans un système qui continue à garder les mêmes freins. C’est non. » … « Il faudra peut-être modifier la loi et moderniser à un rythme forcé. Sinon ça ne marchera pas. »

Le Président de la République après son discours du 2 septembre 2021 à Marseille (photo © Reuters / La Tribune)

Reste à voir si le chef de l’État se donnera les moyens politiques de faire évoluer la législation afin de donner enfin un véritable sens à la Métropole. Aujourd’hui, celle-ci se réduit à une « métropole des maires » paralysée par un localisme politique suranné. Ceux-ci l’ont compliquée à l’extrême, par exemple en exigeant la création, unique en France, de six Conseils de Territoire, strate artificielle, coûteuse et totalement inutile, où néanmoins, les présidents et vice-présidents sont confortablement indemnisés. Ils l’ont vidée de toute logique globale : lors des transferts des équipements communaux en 2017, par exemple, de petits équipements locaux, qui ne sont pas à l’évidence de nature métropolitaine, ont été transférés à la Métropole alors que ceux qui le sont à l’évidence ne l’ont pas été. De même, des transferts de financements d’équipements locaux, votés en urgence par les municipalités quelques mois avant la mise en place de la métropole, ont durablement hypothéqué les nouveaux projets d’intérêt général, notamment en matière de transports.

Passée la période d’opposition stérile et les multiples recours administratifs, la plupart des maires tirent en fait aujourd’hui un large bénéfice de cette Métropole redistributive qui privilégie l’intérêt municipal plutôt que l’intérêt métropolitain. Les maires sont donc pour le statu quo et réticents à tout rééquilibrage territorial. Certes, tant bien que mal, mais avec grande lenteur, le conseil métropolitain a pu élaborer les grands schémas dont il a la compétence exclusive, mais peu ont encore été approuvés, et les plans ne suffisent pas.

Des relations qui restent tendues entre le maire de Marseille, Benoît Payan, et la présidente du Département et de la Métropole, Martine Vassal (photo © Frédéric Speich / La Provence)

Le mélange des élections a également favorisé cette situation malsaine en entraînant une absence de débat métropolitain lors des dernières élections municipales. Ce scrutin particulier fait souvent des maires les seuls conseillers métropolitains de leur commune. Il ne leur impose aucun bilan ou discussion en conseil municipal. Quelque part, cela réduit la métropole à une institution « tribale », territoriale ou politique, souvent les deux, avec ses alliances et ses guerres, ses souverains et ses vassaux, que les politologues dissèquent avec une patience d’ethnologues.

La Métropole ne réussira que si elle constitue une collectivité de plein exercice, avec une élection au suffrage direct indépendante. Il y a nécessité à de véritables débats démocratiques autour de programmes politiques et de listes de candidats à son échelle. La situation actuelle, dans laquelle les seules listes sont communales n’a aucun sens. Elle morcelle la métropole et éloigne les citoyens de la démocratie à l’échelle métropolitaine, alors que celle-ci constitue aujourd’hui leur véritable aire sociale, culturelle et économique d’emploi, d’activités, de loisirs, de commerces, d’études et d’habitat.

Le Président de la République au chevet de Marseille : après la pluie de critiques, le soleil des retrouvailles ? (photo © AFP / L’Express)

La Métropole, c’est d’abord l’affaire des citoyens. Elle ne pourra se développer qu’avec eux et pour eux. Cet espace de vie commun ne peut supporter plus de disparités sociales et territoriales. La Métropole doit être d’abord un espace de solidarités pour être un espace de développement. Il est illusoire de penser que cela ne se fera pas sans une nouvelle légitimité, celle de la démocratie, et donc d’un changement dans le mode d’élection. La concrétisation des promesses présidentielles ne se fera qu’à ce prix.

J. Bx.

Aix-en-Provence : une démission inévitable

5 septembre 2021

Certaines stratégies politiques sont tellement cousues de fil blanc que leur annonce, même médiatisée, a bien du mal à se faire passer pour un scoop… La démission annoncée de la maire d’Aix-en-Provence, Maryse Charton, ex-épouse Joissains et petite fille du Corse Masini dont elle s’est appropriée le patronyme, en fait partie. Annoncée le 1er septembre 2021, cette démission n’a pas surpris grand monde, alors même que cette figure du clientélisme aixois, surtout connue pour sa gouaille et son franc-parler, avait été confortablement réélue en juin 2020, avec 43 % des suffrages exprimés, à l’issue d’une triangulaire qui opposait sa liste LR-UDI à une liste LREM et à une liste d’union de la gauche menée par le professeur d’université Marc Pena.

Maryse Joissains, démissionne in extremis avant d’être inéligible (photo © Cyril Sollier / La Provence)

Pourtant, en juin 2020, Maryse Joissains, était quelque peu en délicatesse avec la Justice. Condamnée en juillet 2018 à 10 ans d’inéligibilité et un an de prison avec sursis pour prise illégale d’intérêt et détournement de fonds publics, elle avait vu sa peine réduite par la Cour d’appel de Montpellier à un an d’éligibilité et six mois de prison avec sursis.

Mais l’ancienne avocate auprès de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, qui s’était fait connaître au début des années 1980, pour ses plaidoiries contre l’État dans les affaires du sang contaminé et de l’amiante, connaît trop bien les rouages de l’institution judiciaire et a su habilement tirer partie de toutes les ficelles du métier pour ne pas s’avouer aussi aisément vaincue. Elle forme immédiatement un pourvoi en cassation pour bénéficier du caractère suspensif de la procédure et le 19 février 2020, à 3 semaines seulement du premier tour des élections municipales, elle réussit à faire annuler cette peine d’inéligibilité par la Cour de cassation pour une erreur de droit.

Un dessin signé Red (source © Blog d’Alexandre Castronovo)

La culpabilité de Maryse Joissains est confirmée par la Cour de cassation, plus haute juridiction de l’État, mais ce tour de passe-passe lui permet de se présenter malgré tout aux suffrages des électeurs qui, ravis de ce brio avec lequel la dame se joue des règles communes, lui accorde donc de nouveau sa confiance en la réélisant pour un quatrième mandat. Les Français disent se méfier de la probité de leurs représentants politiques mais adorent reconduire aux responsabilités des élus pourtant pris la main dans le sac et déjà lourdement condamnés : comprenne qui pourra…

Le 7 décembre 2020, six mois après sa réélection triomphale, Maryse Joissains est de nouveau condamnée par la Cour d’appel qui, cette fois alourdit sa sentence en la condamnant à 3 ans d’inéligibilité et 8 mois de prison avec sursis. Mais qu’à cela ne tienne : un nouveau pourvoi en cassation permet encore de gagner du temps et de suspendre l’application de la peine tout en restant en fonction.

Un dessin signé Charmag, publié dans Le Ravi en décembre 2020

On se doute bien que, malgré la grande patience de l’institution judiciaire, le petit jeu a ses limites et que le couperet va bien finir par tomber un jour. C’est pour devancer l’échéance, attendue avant la fin du mois de septembre, que Maryse Joissains a donc fini par envoyer au Préfet des Bouches-du-Rhône, sa lettre de démission dans laquelle elle prétend sans vergogne « C’est avec une vive émotion et un serrement de cœur que je me vois contrainte pour des raisons de santé de démissionner de mes fonctions de maire d’Aix-en-Provence ».

Pour un peu, on verserait une larme sur ce drame humain qui affecte la vieille dame de 79 ans, laquelle témoigne ainsi du calvaire que lui a valu cet acharnement judiciaire incompréhensible : « Cette décision improbable m’a valu une émotion si forte qu’elle a entraîné mon hospitalisation d’urgence, et ce pendant 10 jours. J’en suis ressortie quasi aveugle », tout en précisant que cette « convalescence encore longue » ne lui permettra pas « d’exercer pleinement son mandat ».

Maryse Joissains avec sa fille Sophie lors de son procès en appel à Montpellier en mars 2019 (photo © Pascal Guyot / AFP / le Progrès)

On ne peut bien entendu que souhaiter un prompt rétablissement à cette femme courageuse et admirable de dévouement pour le bien public de ses concitoyens, tout en se demandant s’il est bien raisonnable, dans un tel contexte, de la laisser pousser l’abnégation jusqu’à souhaiter rester adjointe au-delà du 15 septembre, ce qui lui permet, accessoirement de rester vice-présidente de la Métropole Aix-Marseille-Provence et toujours présidente du Conseil de territoire du Pays d’Aix, structure qui a remplacé formellement l’ancienne Communauté d’agglomération.

Heureusement, les Aixois se rassureront en sachant que la mairie reste en de bonnes mains puisque c’est la propre fille de Maryse, Sophie, qui devrait reprendre le flambeau. Nommée par sa mère dès 2001 directrice de cabinet à la tête justement de cette ex-communauté d’agglomération, Sophie Joissains a connu une ascension politique foudroyante en devenant, dès 2008, adjointe à la culture d’Aix-en-Provence et vice-présidente de l’agglomération puis, dans la foulée, sénatrice des Bouches-du-Rhône et vice-présidente de la Région PACA. Réélue avec sa mère en 2014 puis en 2020, elle est actuellement deuxième adjointe sur une liste taillée sur mesure pour lui permettre d’hériter à tout moment du fauteuil de maire sans qu’un autre colistier ne vienne lui faire de l’ombre.

Sophie Joissains avec sa mère (source © Archives Narjasse Kerboua / Made in Marseille)

Même en démocratie, le fonctionnement dynastique fonctionne parfaitement quand on a le sens de la famille, à défaut de celui de la probité. De ce point de vue, la famille Joissains fait très fort puisque la mère et la fille ne font jamais que poursuivre l’œuvre du père, Alain Joissains, élu maire d’Aix-en-Provence en 1978, déjà à la suite d’une bataille juridique, et qui avait dû laissé sa place en 1983 pour avoir financé la villa de ses beaux-parents avec des fonds publics. Condamné en appel à 2 ans de prison avec sursis pour recel d’abus de biens sociaux, il avait été nommé directeur de cabinet par son épouse dès la victoire de cette dernière aux municipales de 2001. A Aix-en-Provence, et quoi que puisse en penser la Justice, on a le sens des liens familiaux…

L. V.

Miyawaki : les forêts urbaines de demain ?

26 août 2021

C’est devenu un leitmotiv des programmes électoraux lors des dernières municipales marquées, comme la séquence précédente des européennes, par une forte poussée écologiste, du moins dans les grandes métropoles : chacun veut replanter des arbres en ville ! A Paris, Anne Hidalgo a promis de planter 170 000 arbres durant sa mandature, tandis que le maire de Toulouse, le Républicain Jean-Luc Moudenc s’engageait à en planter 100 000 dans sa ville. A Metz, la candidate écologiste proposait d’en planter 1 500 par an, ce qui amenait son adversaire LR à doubler aussitôt la mise avec un objectif annuel affiché de 3 000 nouvelles plantations… L’ère des maires bâtisseurs a désormais cédé la place à celle des élus planteurs !

Le maire de Lyon, Grégory Doucet, plantant un arbre fruitier, le 23 novembre 2020, dans le 8e arrondissement (photo © Laurette Duranel / Actu Lyon)

A Lyon, le nouveau maire écologiste élu en juin 2020, Grégory Doucet, ne s’était pas engagé sur un nombre d’arbres mais avait néanmoins mis en avant, dans son programme électoral, sa volonté de reverdir la ville pour lutter contre les îlots de chaleur, participer à l’absorption du CO2 et favoriser la biodiversité en site urbain. Son objectif est de planter un peu partout des mini forêts et des vergers de quelques hectares, tout en reboisant les Balmes de Fourvière sur près de 80 ha.

Le dernier bulletin municipal de Lyon revient justement sur cet objectif en expliquant son ambition de créer, dès 2021, pas moins de « 26 forêts Miyawaki » dans les différents arrondissements de la cité lyonnaise. Et pour ceux qui d’aventure ne sauraient pas ce qu’est une forêt Miyawaki, les élus lyonnais font œuvre de pédagogie en expliquant, schéma à l’appui, les différentes étapes d’un tel projet !

Le botaniste japonais Akira Miyawaki (source © RTBF)

A vrai dire, la technique mise au point par Akira Miyawaki, un botaniste japonais récemment décédé le 16 juillet 2021, est surtout destinée à revégétaliser des talus dégradés en site urbain ou sur des friches industrielles. Cet écologue s’est de fait appuyé sur le constat que la végétation arborée actuelle du Japon, principalement constituée d’espèces introduites pour leur intérêt forestier, comme le pin, le cèdre, le mélèze ou le cyprès, est assez éloignée de sa composition naturelle, moins de 1 % des forêts du pays pouvant être considérées comme indigènes.

Forêt primaire de Yakushima, au sud de l’île japonaise de Kyushu (source © Nostal Asie)

Ses cartographies détaillées des peuplements forestiers l’ont ainsi conduit à identifier les espèces dominantes d’une forêt primaire naturelle, composée principalement de feuillus. Il a alors constitué une banque de graines de ces espèces autochtones et bien adaptées aux conditions climatiques locales, qu’il a testées sur différents sites de friches industrielles à reboiser, constatant que ces plantations étaient plus résistantes, même sur des substrats et dans des conditions difficiles. Son approche, très technique, qui consiste à sélectionner les espèces les mieux adaptées, représentatives d’une forêt locale mature, à préparer les plants en pépinière, à enrichir le sol d’humus artificiel, et à planter selon une forte densité mais en respectant la répartition naturelle selon les espèces, a effectivement donné de très bons résultats, permettant de reconstituer rapidement, en 20 à 30 ans, des forêts en milieu tropical humide, qui généralement mettent plusieurs siècles à se développer.

Associé à partir de 1998 à un ambitieux projet de réintroduction du chêne de Mongolie le long de la grande muraille de Chine, il a piloté la plantation de 400 000 arbres, ce qui a aidé à populariser son approche, au point que les pays européens l’ont érigé en véritable dogme pour le reboisement en ville. Le principe est de planter de jeunes plants soigneusement adaptés au contexte local, selon un maillage irrégulier très serré (avec 3 à 5 plants au m²) en prévoyant un entretien (arrosage et désherbage) pendant les trois premières années, puis de laisser la sélection naturelle faire son œuvre. La proximité des plants les oblige à une forte compétition pour la lumière, dont à une croissance rapide.

Exemple de croissance rapide en 10 ans d’une forêt plantée par le professeur Miyawaki et son équipe à l’université de Yokohama (source ©
Boomforest)

Une chose est sûre, le concept est à la mode et la municipalité de Lyon le présente comme une approche quasi miraculeuse. Pourtant, le recul n’est pas encore très important pour en évaluer les limites, d’autant que les premiers constats font état d’un coût élevé et d’une mortalité très forte les premières années. Mais qu’à cela ne tienne ! Début mars 2021, l’association bien nommée Boomforest, a organisé dans le parc de Parilly, près de Lyon, une journée de plantation de 700 jeunes plants sur une parcelle minuscule de 200 m2 à proximité de l’hippodrome de Bron. Des dizaines de bénévoles dont un groupe scolaire ont été mobilisées pour faire de cette plantation un moment festif et convivial.

Parcelle reboisée selon la méthode Miyawaki le 7 mars 2021 à Parilly : paillage des plants après plantation (source © Le potager minimaliste)

L’avenir dira si la croissance de ce bosquet répond bien aux espérances de ses instigateurs, mais déjà la Ville de Lyon envisage de répéter l’expérience pour replanter pas moins de 4 500 arbres dans le quartier difficile de la Duchère et souhaite développer de telles forêts Miyawaki dans les 9 arrondissements de la ville, partout où des terrains peuvent s’y prêter. Et ceci malgré le scepticisme des chercheurs de l’Institut national de recherche en agronomie et environnement, qui dénoncent une approche plus marketing que réellement scientifique, impulsée par de nombreuses start up qui flairent le bon filon et répètent en boucle des arguments non vérifiables, mettant surtout en avant la rapidité d’obtention de résultats visibles plus que la durabilité à long terme.

Plantation d’arbres le long du périphérique parisien à Montreuil en avril 2018, selon l’approche Miyawaki par Boomforest (photo © CC BY-NC-ND / Muséum national d’histoire naturelle)

Une approche qui devrait sans doute inspirer la Région PACA dont le Président réélu, Renaud Muselier, avait annoncé en novembre 2019 sa volonté de planter pas moins d’un million d’arbres d’ici 2021, dont 200 000 en site urbain : la course à la plantation est lancée…

L. V.

Carnoux : le règne de l’entre-soi

8 juin 2021

Le 8 mai fait partie de ces dates de commémorations nationales qui permettent de partager un moment de recueillement non partisan, en l’occurrence destiné à célébrer la fin de la Seconde guerre mondiale et la victoire des Alliés contre le nazisme. Considérée en France comme un jour férié depuis une loi de 1953, le statut de cette date a quelque peu évolué au fil du temps. Son caractère férié avait été aboli en 1959 à l’instigation du général de Gaulle, dans un souci de rapprochement avec nos voisins allemands, rétabli en 1968, de nouveau supprimé par Valéry Giscard d’Estaing en 1975 et finalement confirmé en 1981 par François Mitterrand.

A Carnoux-en-Provence, on ne rate jamais une occasion de célébrer une victoire militaire et les éditions successives du Messager, l’organe d’information officiel de la municipalité, contiennent des pleines pages de photos de cérémonies avec uniformes militaires et porte-drapeaux devant le monument aux morts d’une des rares communes françaises qui ne déplore pourtant aucun soldat tombé au combat.

Commémoration du 8 mai 1945 à Carnoux-en-Provence, en 2017 (source © Messager n°48)

Mais on choisit aussi un peu les cérémonies. Le Messager d’octobre 2020 listait les cérémonies qui n’avaient pu être honorées en 2020 en raison du Covid : 8 mai (victoire sur les nazis), 8 juin (militaires morts en Indochine), 18 juin (appel de de Gaulle). En 2021, le souvenir de la déportation (dernier dimanche d’avril) a été commémoré pour la première fois depuis 5 ans. La journée nationale de la Résistance (27 mai), n’a en revanche pas été honorée.

De même, les restrictions dues au Covid ont certainement bon dos, les conseillers de l’opposition, notamment ceux de la liste Carnoux citoyenne, écologiste et solidaire, n’ont pas été conviés, sauf pour le 11 novembre. Les commémorations à Carnoux sont très strictement organisées. D’une façon excessive, quasi militaire, ce qui n’est pas le cas notamment à Marseille ou même Aubagne, où ce qui est recherché est la participation du plus grand nombre d’habitants. Le protocole est adapté et n’y reste pas dans une stricte rigidité.

Moment de recueillement à l’occasion de la Journée nationale du souvenir des victimes et héros de la déportation, le 25 avril 2021 à Carnoux (source © Carnoux citoyenne)

Le 8 mai dernier, l’ensemble des élus municipaux n’avaient pas été conviés, notamment ceux de l’opposition, mais la plupart des élus de la majorité étaient présents. Alors que le protocole sanitaire était inchangé, ces derniers avaient donc préféré venir à la commémoration du 8 mai plutôt qu’à celle de la déportation.

A Carnoux, l’entre-soi est une figure imposée de la municipalité dirigée par Jean-Pierre Giorgi depuis 2001. Même une cérémonie officielle célébrant un événement aussi consensuel que la victoire sur l’Allemagne nazie se transforme en un happening organisé en cercle restreint où seuls les amis proches sont invités. Les conseillers municipaux d’opposition, qui représentent pourtant une part non négligeable de l’électorat carnussien (33 % lors des municipales de 2020) ne font manifestement pas partie des personnes que le maire juge nécessaire de prévenir et encore moins d’associer à ce type de rassemblement républicain pourtant sans la moindre connotation partisane.

Jean-Pierre Giorgi, élu à Carnoux depuis 1983 et maire inamovible depuis 2001 (source © Facebook)

Cette tendance à s’approprier ainsi les affaires publiques, même les plus symboliques d’entre elles, au profit de son seul cercle d’affidés, est révélatrice d’une pratique confiscatoire du pouvoir de la part d’un élu en place depuis si longtemps qu’il en oublie les principes de base d’une démocratie représentative où les élus ne sont que des gestionnaires temporaires au service de l’ensemble de la collectivité. Pour notre maire, seuls ses amis et électeurs ont droit à une certaine considération.

Ainsi, à Carnoux la pratique en vigueur veut que tous les conseillers municipaux de la majorité perçoivent une rémunération, à l’exception des seuls 4 élus de l’opposition. Cette répartition des indemnités de fonction entre les élus siégeant au conseil municipal est régie par un article du Code général des collectivités territoriales, lequel précise que les indemnités des membres du conseil sont fixées par délibération. La loi prévoit de fait que « dans les communes de moins de 100 000 habitants, il peut être versé une indemnité pour l’exercice effectif des fonctions de conseiller municipal ». Il est donc légitime que ces indemnités, qui constituent une dépense obligatoire pour la collectivité, soient versées à chaque conseiller élu, sous réserve qu’une délégation lui ait été confiée, et non pas au seul maire et aux 8 adjoints qu’il a désignés.

Les indemnités de fonction des conseillers municipaux, mode d’emploi (source © Association des maires de France)

C’est ce qui a été délibéré lors du conseil municipal du 18 juin 2020, à l’issue duquel a été adoptée la répartition des indemnités entre les 25 élus de la majorité, à l’exception donc des 4 élus d’opposition. Un dispositif parfaitement légal mais qui traduit assez bien le peu de considération du maire envers ceux qui ne partagent pas ses idées, même s’ils se dévouent eux aussi pour représenter leurs concitoyens et gérer au mieux les intérêts de la collectivité.

Une telle répartition sélective des indemnités de fonction (qui n’est pas propre à la ville de Carnoux-en-Provence, loin s’en faut !) a un petit côté féodal, dans lequel le chef de clan répartit le butin entre ses fidèles, histoire de s’attacher leur loyauté, tout en se gardant bien de faire le moindre geste en faveur des représentants des autres clans. Pas vraiment une conception très ouverte d’une démocratie représentative moderne et apaisée, mais n’en demandons pas trop…

L. V.

Martine Vassal : demain, on boit gratis !

26 Mai 2021

La Présidente sortante LR des Bouches-du-Rhône, par ailleurs à la tête de la Métropole Aix-Marseille-Provence, est décidément prête à tout pour se faire réélire. Récemment récipiendaire d’une Marianne d’or destinée à saluer la gestion de la crise sanitaire du Covid-19 par le Département, Martine Vassal ne pouvait bien évidemment pas rater l’occasion, en pleine campagne électorale pour sa réélection, de faire un petit cadeau, aux frais du contribuable, selon une stratégie clientéliste dont elle est coutumière et qui lui a plutôt bien réussi jusqu’à présent.

Martine Vassal au micro de RMC, le 19 mai 2021 à 8h30, annonçant comme un scoop le maintien des aides aux bars-restaurants (photo © RMC)

Ainsi qu’elle l’exposait avec enthousiasme au micro de RMC, mercredi 19 mai 2021, le jour de la réouverture des terrasses, « On va profiter de nos terrasses, et je peux vous annoncer un scoop : on a décidé avec la Métropole et le Département pour toute l’année 2021 d’exonérer l’ensemble des terrasses pour aider les restaurateurs. On l’avait fait jusqu’en mai, on va jusqu’en décembre parce que les restaurateurs on les aime beaucoup, ils en valent la peine et on compte sur eux pour tout respecter ».

Une annonce fort généreuse en apparence mais qui a quelque peu agacé certains élus de la municipalité de Marseille, au point qu’ils se sont sentis obligés de rappeler gentiment à la Présidente du Département et de la Métropole que la gestion de la redevance perçue pour l’occupation temporaire du domaine public par les terrasses des bars et des restaurants relevait d’une compétence exclusive de la commune…

Terrasse de restaurant sur le Vieux-Port à Marseille (photo © Frédéric Speich / La Provence)

Il est vrai qu’il existe quelques exceptions. Le contraire serait beaucoup trop simple, le législateur ayant considéré avec sagesse que la question du partage des compétences entre collectivités territoriales était une affaire beaucoup trop sérieuse pour qu’on puisse se permettre de la rendre compréhensible par le commun des mortels.

Comme l’a précisé France 3, il existe en effet une particularité à Marseille puisque le Département, au titre de sa compétence portuaire (qui, faut-il le rappeler ne porte pas sur la gestion du port de Marseille, laquelle relève d’une autre entité le Grand Port Maritime de Marseille, vous suivez ?), le Département donc est la collectivité gestionnaire de l’espace public situé à proximité immédiate du Vieux-Port. A ce titre, c’est donc lui et non pas la mairie qui perçoit les redevances pour une petite centaine d’établissements situés dans ce secteur, de même d’ailleurs qu’à Cassis ou La Ciotat notamment. De la même manière, c’est la Métropole qui est gestionnaire de certaines zones industrielles et commerciales, ce qui lui permet de gérer à ce titre certaines conventions d’occupation temporaires du domaine public dans ces secteurs.

La réouverture des bars, un événement majeur, attendu avec impatience… Un dessin signé Glez

De fait, ces quelques établissements, qui sont exonérés de taxe depuis octobre 2020, pourront donc, grâce à l’extrême générosité de Martine Vassal, continuer à bénéficier de cette mesure jusqu’à la fin de l’année, ce qui devrait représenter un manque à gagner que Mme Vassal elle-même estime à 800 000 € pour la Métropole et à 700 000 € pour le Département. Bien entendu, cela est sans commune mesure avec les 1700 établissements qui sont du ressort de la Ville de Marseille, même si cette dernière a aussi accordé une exonération des taxes pendant la période de confinement pour un montant qu’elle chiffre à 1,2 millions d’euros.

Le maire de Marseille, Benoît Payan, à la rencontre des cafetiers et restaurateurs (photo © Ville de Marseille / Destimed)

Le maire de Marseille en personne, Benoît Payan, est donc monté au créneau et s’est porté à la rencontre des restaurateurs pour faire connaître le dispositif proposé par la municipalité et destiné à faciliter la réouverture des terrasses en autorisant les cafetiers et restaurateurs marseillais à doubler gratuitement leur emprise sur l’espace public, quitte à créer de nouvelles terrasses là où les conditions de circulation le permettent. Une démarche qui a connu un vif succès puisque 500 commerces s’étaient déjà inscrits au jour de la réouverture !

Cette mesure, qui a fait l’objet d’une délibération présentée en conseil municipal vendredi 21 mai, reste valable au moins jusqu’au 30 septembre prochain, et sa prolongation éventuelle semble même envisagée, même si Roland Cazzola, conseiller municipal délégué à l’espace public, reconnaît volontiers à Marsactu : « Je serais favorable à l’exonération pour 20 ans si les finances de la Ville le permettaient, mais ce n’est pas le cas ». Un discours de responsabilité qui tranche quelque peu avec les annonces démagogiques de Martine Vassal… La politique est décidément un métier !

L. V.

A Carnoux, les mouches volent-elles trop haut ?

1 Mai 2021

Depuis les dernières élections municipales, en mars 2020, et malgré une campagne plutôt mouvementée, le maire de Carnoux-en-Provence, Jean-Pierre Giorgi, élu depuis bientôt 30 ans dans cette commune, s’est une nouvelle fois succédé à lui-même. Sur les 29 conseillers municipaux, et par la grâce du scrutin majoritaire, 25 sont issus de son propre camp. Les deux listes d’opposition qui s’étaient présentées disposent chacune de deux sièges. Mais curieusement, les conseils municipaux qui se tiennent à Carnoux se résument en de longs monologues du maire et des échanges entre celui-ci et les deux seuls élus de la liste Carnoux citoyenne, écologiste et solidaire, Jacques Boulesteix et Cristèle Chevalier. Tous les autres conseillers présents se contentent d’attendre sagement et en silence que la séance veuille bien se terminer. Ainsi va la démocratie à Carnoux…

Jean-Pierre Giorgi lors du conseil municipal du 15 octobre 2020 (photo © Corinne Matias / La Provence / Carnoux citoyenne)

Bien sûr, ce n’est pas en lisant les comptes-rendus officiels accessibles sur le site de la mairie, qu’on peut s’en rendre compte. Ces derniers ne sont que de simples relevés de décisions qui listent les délibérations votées sans que le citoyen puisse se faire la moindre idée ni du contexte ni de l’objectif ni bien sûr des conséquences de ces décisions et encore moins des discussions qu’ont pu susciter, au sein de l’assemblée de nos représentants élus, ces prises de décisions. Quel contraste, à l’heure de l’ère du numérique et de la transparence démocratique, avec la plupart des autres communes où les débats en conseil municipal font l’objet de comptes-rendus exhaustifs et, de plus en plus, de transmissions vidéo parfois même en direct, comme c’est le cas à Marseille par exemple, mais aussi dans bien des communes dont notre voisine Roquefort-La Bédoule.

Inutile non plus d’espérer assister à la séance du conseil municipal pour suivre en direct les échanges. Depuis un an et malgré la taille démesurée de l’hôtel de ville tout neuf dont la superficie a pourtant triplé, le maire tire prétexte de la crise sanitaire pour limiter drastiquement tout intrusion du public pendant les séances, menaçant d’instaurer le huis clos en cas de besoin.

En revanche, des comptes-rendus détaillés de chacune des réunions du conseil municipal de Carnoux sont librement accessibles sur le site internet créé par la liste Carnoux citoyenne, écologiste et solidaire, alimenté par Jacques Boulesteix. Tous les documents préparatoires sont en ligne ainsi que l’essentiel des échanges, ce qui permet au Carnussien curieux, de savoir ce qu’il s’est réellement dit en séance.

Extrait du site Carnoux citoyenne

Une pointe d’humour permet aussi de rendre compte, de manière quelque peu décalée, de l’ambiance de la séance vu d’en haut, au travers du regard perçant de deux mouches virtuelles, Zagzig et Zigzag, dont la vision perçante à 360° permet de rendre compte avec un zest de dérision et un peu de hauteur du ton des échanges. Un humour décalé qui malheureusement échappe largement à certains des protagonistes comme en témoigne le courrier virulent adressé aux deux élus de la liste Carnoux citoyenne, écologiste et solidaire, par Denise Ségarra, à la suite du compte-rendu du dernier conseil municipal en date, qui s’est déroulé le 8 avril 2021.

Denise Ségarra aux côtés du maire de Carnoux le 3 juillet 2020 (source © Mairie de Carnoux)

La deuxième adjointe au Maire, en charge des affaires sociales, de l’enfance, de la jeunesse et des affaires générales (tout un programme !) n’a guère apprécié que les deux fines mouches qui survolent d’un œil curieux et quelque peu candide les séances du conseil aient eu le sentiment d’y observer « 27 béats et 2 critiqueurs ». L’un des deux diptères avait pourtant bien pris soin d’indiquer à son comparse virevoltant que « les béats ne sont pas forcément ceux qu’on pense et les critiqueurs non plus », mais l’élue a tenue à faire savoir qu’elle préférait les qualificatifs de « satisfaits et tranquilles » pour qualifier les élus de la majorité, tout en reprenant les deux insectes impertinents qui avaient osé insinuer que « un conseil municipal, c’est le lieu le plus coincé et le plus hiérarchisé du monde. Faire bouger un maire d’un poil c’est plus difficile que de désensabler l’Ever Given du canal de Suez ».

Fort heureusement, Denise Ségarra, a une vision nettement plus optimiste que nos deux mouches qui sans doute volent trop haut pour ne pas se rendre compte que le Maire « est ouvert aux discussions constructives mais non politiciennes. S’il fait de l’autosatisfaction, elle est justifiée lorsqu’on voit la transformation de la commune sans augmentation des taxes et sans endettement depuis des années ». Chez ces gens-là, Monsieur, on ne cause pas, on compte, comme le dit la chanson…

Extrait du site Carnoux citoyenne

En tout cas, le coup d’oeil indiscret que les deux indésirables ont osé porté sur l’écran de smartphone d’un des élus municipaux, tranquillement occupé à jouer avec son gadget en attendant que la séance se termine, n’a guère été du goût de Madame l’adjointe au Maire qui s’insurge, à juste titre bien évidemment, que la photo qui illustre l’article n’ait pas été prise lors de cette réunion. Faudra-t-il désormais équiper Zagzig et Zigzag d’un appareil photo miniature pour témoigner de manière plus objective de ce qui n’est après-tout qu’un péché bien véniel ?

En tout cas, nos deux insectes, qui manifestement agacent profondément certains élus de Carnoux, sont désormais prévenus que la tapette à mouches n’est jamais bien loin et que certains les surveillent du coin de l’œil : on a beau prôner l’objectivité et le dialogue soi-disant constructif, la majorité ne se gêne pas pour rappeler que la loi du plus fort est toujours la meilleure…

L. V.

Villa Valmer : un casse qui ne passe pas…

18 avril 2021

Et voilà que le chantier de la Villa Valmer refait parler de lui… Pour ceux qui auraient raté les épisodes précédents, rappelons que cette somptueuse bâtisse de trois étages, édifiée dans le style Renaissance en 1865 pour le compte du fabricant d’huiles Charles Gounelle, au cœur d’un magnifique parc qui surplombe directement la Corniche, est depuis 1967 propriété de la Ville de Marseille. Celle-ci y avait installé son agence d’urbanisme puis avait demandé en 1999 le classement de plusieurs ornements intérieurs de la bâtisse, au titre de la protection des monuments historiques, tout en laissant public l’accès au parc. Les jeunes mariés ont depuis pris l’habitude de venir faire leurs photos dans ce parc où la vue sur la rade de Marseille est exceptionnelle.

La Villa Valmer, un joyau architectural dans un écrin de verdure (source © Cafeyn)

Mais l’entretien du patrimoine public n’a jamais été le point fort de la Ville de Marseille qui a laissé se dégrader inexorablement cette pépite architecturale. En octobre 2016, on apprenait ainsi que les organisations internationales dont l’association Plan Bleu et diverses structures dépendant de la Banque Mondiale, tous hébergés gratuitement par la Ville depuis 2009, devraient quitter prochainement les lieux. En effet, la Ville souhaitait mettre à disposition ce site chargé d’histoire et idéalement positionné à un opérateur privé pour en faire un hôtel de luxe.

L’affaire avait fait quelque peu tousser la Chambre régionale des comptes qui, dans son rapport rendu public en 2019 sur la situation financière et patrimoniale de la Ville de Marseille, s’étonnait que la Ville ait loué un étage entier de la tour La Marseillaise, pour la modique somme de 670 000 euros par an, pour y loger 25 malheureux fonctionnaires dans un espace qui aurait pu en accueillir 4 fois plus ! Une opération d’autant plus surprenante que l’hébergement de ces quelques agents ne coûtait rien jusque-là et correspondait à un avantage en nature qui ne dépassait pas 250 000 € selon la CRC…

Intérieur dégradé de la Villa Valmer : salle du 1er étage en 2016 (source © GoMet)

Mais ce sont surtout les riverains qui se sont inquiétés de cette opération immobilière consistant à privatiser, pour le seul bénéfice d’un promoteur et d’une poignée de riches clients, cette somptueuse demeure, patrimoine public de la collectivité et son magnifique parc attenant. Bien entendu, à l’époque, la Ville clamait haut et fort que les jardins resteront ouverts au public.

Il avait fallu attendre fin 2017 pour apprendre que la Ville avait effectivement lancé un appel à projet en vue de mettre à disposition ce site prestigieux, via un bail de 60 ans, au promoteur immobilier, Pierre Mozziconacci, par ailleurs à la tête de 14 entreprises réparties entre Paris, Marseille et Olmeto, en Corse. L’objectif est de transformer la bâtisse en un hôtel 5 étoiles de 39 chambres avec spa, piscine, restaurant étoilé et accès privé à la mer. L’opposition s’étrangle devant un tel projet contre lequel l’écologiste Hervé Menchon et le socialiste Benoît Payan s’égosillent en vain lorsqu’il est adopté en conseil municipal le 8 octobre 2018.

Vue aérienne du site avec son grand parc arboré au dessus de la Corniche (source © Géoportail)

Benoît Payan va même jusqu’à déposer un recours devant le Tribunal administratif tant il s’étonne de la modicité du loyer consenti au promoteur, à peine 330 000 € par an pour la part fixe, soit deux fois moins que le simple coût annuel du relogement des quelques agents déplacés ! « Non content de priver les Marseillais de la plus belle partie du plus beau parc de Marseille, cette privatisation va également leur coûter de l’argent » déplore alors l’élu d’opposition.

A son arrivée à la tête de la municipalité, fin juin 2020, il découvre que le permis de construire avait en réalité déjà été délivré le 14 août 2019 et que l’affaire est donc pliée. Dès le mois d’octobre 2020, les nouveaux élus entreprennent néanmoins une négociation serrée avec le promoteur bénéficiaire de l’opération et dont le projet prévoit de privatiser 30 % de la surface du parc arboré. Le 5 mars 2021, la nouvelle adjointe à l’urbanisme, Mathilde Chaboche, confirme ainsi que le projet d’hôtel 5 étoiles sera bien mené à terme mais qu’un accord a été trouvé avec le promoteur pour que la totalité des 2 000 m² de parc restent totalement accessibles au public, moyennant un déplacement du projet de piscine tandis que le bâtiment situé à l’est du parc sera transformé en résidence d’artistes.

Article publié par David Coquille dans La Marseillaise le 14 avril 2021 (source © La Marseillaise)

Le chantier débute dans la foulée, bien caché derrière d’énormes palissades dont les entrées sont surveillés par une armée de vigiles très dissuasifs. De quoi attirer la suspicion des nouveaux élus marseillais qui s’inquiètent de voir pénétrer dans le parc des engins destinés à l’arrachage des arbres. Le promoteur les rassure tant bien que mal, mais le mardi 13 avril 2021, ce sont les riverains des immeubles avoisinants qui s’étonnent de voir les pelleteuses s’attaquer à la démolition de la villa elle-même. Certes, le permis de construire prévoyait la démolition d’un petit local attenant mais pas des dépendances et des terrasses situées à l’arrière du bâtiment.

Alerté, le nouveau maire, Benoît Payan, voit rouge et se précipite immédiatement sur les lieux avec son adjointe à l’urbanisme. Ils ne peuvent malheureusement que constater les dégâts et faire stopper les engins bien partis pour faire table rase de tout ce qui les gêne. Mathilde Chaboche s’étrangle en dénonçant un acte « monstrueux pour les amoureux du patrimoine et illégal ». Benoît Payan se fend même d’un communiqué pour rappeler que « le patrimoine de la Ville de Marseille n’appartient pas aux promoteurs mais aux Marseillais et aux Marseillaises, j’en suis le garant ».

Vue du chantier après la démolition du 13 avril 2021 (photo © Franck Pennant / La Provence)

Une posture qui n’émeut guère Pierre Mozziconacci, lequel se justifie en évoquant la présence d’anciennes cuves d’eau qui auraient fragilisé les fondations de cette partie du bâtiment. Dans le doute et plutôt que de lancer de coûteuses études géotechniques qui auraient fait perdre un temps précieux, il a préféré tout raser. Une posture radicale qui oblige la Ville à faire constater, par des agents assermentés, l’infraction caractérisée et à faire stopper le chantier en attendant. Dès le lendemain, le dossier a fait l’objet d’un signalement au procureur et le promoteur a été enjoint d’arrêter les travaux, tandis que les négociations reprenaient pour trouver une issue à ce bras de fer.

Une bonne occasion en tout cas, pour les nouveaux élus, de faire passer un message aux promoteurs immobiliers trop longtemps en terrain conquis à Marseille et qui devront peut-être s’habituer à un plus grand respect des règles communes. A Marseille comme à Carnoux, où l’on n’a pas l’habitude de s’embarrasser du dépôt d’un permis de démolir pour transformer un bâtiment en un tas de gravats, fusse-t-il une villa historique ou un hôtel de ville, ce petit rappel à l’ordre n’est sans doute pas inutile…

L.V.

A Marseille, Don Camillo au conseil municipal

5 avril 2021

Le 2 avril 2021, en ce jour de Vendredi saint, se tenait la réunion du Conseil municipal de Marseille. Une réunion particulièrement attendue puisqu’elle devait notamment permettre l’adoption du budget 2021, le premier élaboré par la nouvelle municipalité élue en juin dernier. Un dossier largement médiatisé et dramatisé par le maire, Benoît Payan, qui alerte depuis des mois sur l’état catastrophique dans lequel il a trouvé les finances de la Ville, acculée face à un véritable mur d’endettement.

Benoît Payan en conférence de presse le 7 janvier 2021 (photo © Christophe Simon / AFP / Challenges)

Difficile, dans ces conditions, de tenir les engagements ambitieux de la campagne menée par le Printemps marseillais, notamment en matière de rénovation des écoles et autres équipements publics municipaux, laissés en déshérence depuis des années. Mais c’est pourtant le pari de la municipalité d’essayer de concilier cette ambition rénovatrice avec l’absence d’augmentation des impôts locaux, en s’appuyant sur une large renégociation de la dette, rendue possible par la faiblesse des taux actuels.

Les plus curieux des citoyens marseillais ont pu suivre en direct ce conseil municipal fleuve qui est entièrement retranscrit sur le site de la Ville, transparence des débats oblige, et que Marsactu a également commenté en direct grâce à l’abnégation de trois de ses journalistes qui se sont relayés dès 8h30 du matin et jusqu’à un peu plus de 18h, pour conclure par la traditionnelle formule : « l’ordre du jour est épuisé, et nous avec »…

Benoît Payan, lors du Conseil municipal du 2 avril 2021 (extrait vidéo source © Ville de Marseille)

Il faut dire que, pour la première fois de son histoire et du fait de la crise sanitaire qui vient bousculer les traditions démocratiques même les mieux ancrées, ce conseil était organisé en visioconférence. Rien que l’appel des 101 conseillers en début de séance relevait déjà de la gageur, le temps que chacun se fasse rappeler à l’ordre parce qu’il avait oublié de rallumer son micro en temps opportun, ou vice-versa, au risque de partager en direct certaines conversations privées qui auraient sans doute mérité de le rester…

Un exercice démocratique de haute voltige qui a permis à tout un chacun de découvrir le bureau ou le salon des élus et leur art tout personnel de la mise en scène. L’occasion de constater le véritable capharnaüm qui règne chez l’ancienne tête de liste Bruno Gilles par exemple, avec un incroyable entassement de livres et d’objets hétéroclites jusqu’au plafond…

Bruno Gilles, intervenant lors du Conseil municipal du 2 avril 2021 (extrait vidéo source © Ville de Marseille)

L’occasion aussi de voir que certains, à l’instar de la conseillère LR Emmanuelle Charafe qui n’intervient que pour défendre le bilan médical de la Métropole et du Département, suit les débats depuis sa voiture, tout en précisant qu’elle s’est arrêtée le temps de prendre la parole. Quant à la conseillère RN, Gisèle Lelouis, sa fébrilité suite à un problème technique de larsen en direct lui fait couper carrément sa caméra après un tripotage frénétique des réglages de son ordinateur !

Dans un tel contexte, adopter dans la journée les 129 rapports inscrits à l’ordre du jour était une véritable gageur. Mais le pari a été tenu, grâce à un système de vote implicite par groupe politique, révélant un indéniable talent d’animateur du Maire, assis à la tribune et flanqué de sa première adjointe et éphémère prédécesseur, Michèle Rubirola, et de son adjoint aux finances, Joël Canicave, protégé sur ses arrière par ses deux fidèles du Cabinet, Arnaud Drouot et Lauriane Deniaud, tous masqués comme il se doit.

Germaine Poinso-Chapuis, ministre de la Santé publique en novembre 1947 (photo © Getty / France Culture)

Benoît Payan s’est même payé le luxe de dresser, à la reprise des débats en début d’après-midi, un vibrant hommage à Germaine Poinso-Chapuis, première femme ministre de plein exercice, nommée au Ministère de la Santé dès 1947. Cette avocate marseillaise de droite, élue à l’Assemblée Nationale dès 1945 et réélue à deux reprises, est restée conseillère municipale de Marseille jusqu’en 1959 et Jean-Claude Gaudin affirme que c’est elle qui lui a inspiré sa vocation d’homme politique !

Curieusement, les ténors de la droite marseillaise furent bien silencieux lors de cette réunion du Conseil municipal de Marseille au cours de laquelle ni Martine Vassal ni Lionel Royer-Perreaut, ni d’ailleurs Stéphane Ravier, ne jugèrent utiles de prendre la parole. Pourtant, cette séance fut l’occasion d’un échange savoureux entre Benoît Payan et Catherine Pila, dans un sketch qui mériterait de figurer au répertoire du Petit Monde de Don Camillo.

Rassemblement de Templiers catholiques en 2019 devant l’abbaye Saint-Victor (source © Templiers d’aujourd’hui)

En l’occurrence, c’est le père Gérard, curé de la paroisse de Saint-Victor, qui tenait le rôle de Don Camillo, par le truchement de sa porte-parole officielle, Sœur Catherine Pila, laquelle s’était déjà illustrée lors des dernières municipales en allant faire campagne à l’église entre deux sermons dominicaux. Cette dernière s’est livrée, en plein conseil municipal, à la lecture d’un texte interminable et totalement surréaliste, dans lequel elle explique par le menu en quoi le fameux père Gérard trouve louable l’initiative présentée par la mairie d’organiser, une fois par mois, un marché bio sur la place devant l’église, mais s’oppose fermement à l’idée qu’il puisse se tenir le dimanche, « jour du culte ». Elle égratigne au passage le fait d’organiser une réunion du Conseil municipal le jour du Vendredi saint et l’absence de concertation préalable avec le conseil paroissial. Selon elle, le père Gérard est même persuadé que l’installation de ce marché bio devant Saint-Victor est une véritable déclaration de guerre à sa paroisse et elle se fait longuement l’écho de ses inquiétudes, comme si tenir un marché le jour du Seigneur serait en réalité une provocation qui remet en cause la liberté du culte.

Catherine Pila, intervenant lors du Conseil municipal du 2 avril 2021 (extrait vidéo source © Ville de Marseille)

Une provocation doublée d’une autre puisque la municipalité envisage d’ouvrir au public le square Bertie Albrecht considéré comme « le jardin de la paroisse » et qui est utilisé sporadiquement pour réunir les fidèles. Benoît Payan s’impatiente de la voir égrener « la litanie de tous les saints » et de se faire le porte-parole du clergé en plein conseil municipal malgré la loi de séparation de l’Église et de l’État qui date pourtant de 115 ans ! Il tente en vain de lui couper la parole mais c’est finalement la défaillance du micro de Mme Pila qui finit par faire taire l’élue d’opposition, déterminée à lire jusqu’au bout son discours du père Gérard. Sophie Camard, maire de secteur, apaise la tension en expliquant qu’elle et ses services ont bien évidemment rencontré le fameux père Gérard et n’ont aucun mal à trouver avec lui un terrain d’entente qui devrait permettre la tenue de ce malheureux petit marché bio mensuel, sans que cela ne risque de déclencher une nouvelle guerre de religion comme le laisse entendre Catherine Pila. Le temps pour Benoît Payan de lancer un « amen » et de passer au sujet suivant, et voila que c’est le tour du député Julien Ravier de rebondir en expliquant qu’à la Valentine aussi, la municipalité a commis ce crime majeur contre le culte catholique en imaginant organiser un autre marché de producteurs un dimanche.

On en reste coi devant un tel déferlement de bigoterie d’un autre âge de la part d’une droite marseillaise dont la mauvaise foi va jusqu’à prétendre que, bien évidemment, ils défendraient avec la même vigueur l’organisation d’un marché, fusse-t-il de producteurs bios, un vendredi ou un samedi, car cela ne pourrait être interprété que comme une attaque intolérable contre le culte israélite ou musulman.

Don Camillo (interprété par Fernandel) et Peppone (Gion Cervi), ou le dialogue impossible ? (source © DR / 24 heures)

Le citoyen marseillais ne peut qu’être confondu devant de tels propos qui mettent ainsi la religion au cœur de la vie publique communale dans un État pourtant laïc. On se croirait en effet revenu à l’époque des affrontements entre Don Camillo et le maire communiste Peppone, dans l’Italie post fasciste, ou pire encore aux violents affrontements entre révolutionnaires et cléricaux du temps de la Révolution française. Rappelons d’ailleurs au passage que ce père Gérard, dont Mme Pila fait si grand cas, a eu un homonyme, qui n’était pas curé mais paysan, le seul cultivateur d’ailleurs élu à l’Assemblée constituante en 1789, et dont le révolutionnaire Collot d’Herbois se fit le porte parole, dans son célèbre Almanach du père Gérard. A Marseille, il semblerait que la Révolution couve toujours et que les affrontements entre la société civile et le clergé restent d’actualité : voila qui n’a rien de rassurant !

L. V.

Présidentielle 2022 : à quoi peut-on s’attendre ?

22 février 2021

La séquence des municipales vient à peine de se terminer avec son intermède interminable entre le premier tour gelé par un confinement inédit en mars 2020 et le second tour à la fin du mois de juin, suivi dans la foulée par l’élection des maires puis celle des exécutifs de l’intercommunalité, avant de se poursuivre, comme cela a été le cas à Marseille, par un réajustement de dernière minute qui a conduit la ville à se doter d’un troisième maire en un an, du jamais vu ! Passons sur l’élection sénatoriale de septembre et voilà que se profilent déjà à l’horizon, a priori pour les 13 et 20 juin prochain deux élections pour le prix d’une, histoire de renouveler en seule fois le Conseil départemental et l’Assemblée régionale.

Et ensuite, ce sera le tour des Présidentielles d’ores et déjà programmées pour avril 2022 avec les législatives dans la foulée, sans doute en juin. Alors forcément, quatorze mois à l’avance, chacun commence à se demander qui seront les candidats assez fous pour se présenter à une telle fonction où il n’y a que des coups à prendre et dont les titulaires successifs voient leur côte de popularité fondre comme neige au soleil tandis que les médias et les réseaux sociaux n’en finissent pas de se répandre en critiques et invectives de tous ordres à leur égard…

Emmanuel Macron pas pressé de se porter candidat pour 2022 : un dessin signé Chaunu (source © Pinterest)

Il est sans doute trop tôt pour faire des hypothèses. Bien sûr il est très probable que le vainqueur de 2017, Emmanuel Macron, se présentera à sa propre succession malgré la piètre opinion qu’ont de lui et de sa politique un grand nombre de Français toujours prompts à dénigrer le pouvoir en place. Comme tout président sortant, il attendra sans doute le dernier moment pour entrer en campagne tant il est malaisé d’endosser simultanément les rôles de chef de l’exécutif et de candidat en campagne électorale. Au risque de devoir renoncer comme François Hollande avait dû le faire lors des dernières présidentielles…

Mais on ne voit pas très bien à ce stade quelle personnalité pourrait l’empêcher de se faire réélire tant l’échiquier politique national semble dévasté. Son challenger le plus probable, sinon le plus crédible, est, qu’on le veuille ou non, Marine Le Pen qui a déjà affirmé depuis début 2020 qu’elle se tenait prête pour sa troisième candidature. En 2017, moins de 900 000 voix la séparait d’Emmanuel Macron au premier tour et plus d’un Français sur trois avait voté pour elle au second tour. Tous les sondages actuels la donne d’ailleurs qualifiée face au président sortant pour cette prochaine échéance.

Marine Le Pen en embuscade ? Un dessin signé Kak, publié dans l’Opinion

Bien entendu, cela ne veut rien dire tant qu’on ignore quels seront les autres candidats. Jean-Luc Mélenchon en tout cas s’est d’ores et déjà engagé, qui se présentera lui-aussi pour la troisième fois consécutive, au nom de la France insoumise. Il était arrivé en quatrième position en 2017 avec un peu moins de 20 % des suffrages exprimés et sa cote de popularité s’est bien érodée depuis. Comme pour Marine Le Pen, on voit mal comment une personnalité aussi clivante pourrait arriver à rassembler sur son nom une majorité de Français au second tour, mais sait-on jamais ?

Jean-Luc Mélenchon, candidat pour la troisième fois consécutive (photo © Gérard Julien / AFP / L’Express)

D’autres candidats ont aussi fait part dès à présent de leur volonté de se présenter. C’est le cas de Nicolas Dupont-Aignan, déjà au rendez-vous en 2012 et 2017 et dont on a bien du mal à suivre les errements politiques. Il en est de même pour l’inclassable berger des Pyrénées, Jean Lassalle dont on risque de nouveau d’entendre la voix rocailleuse. C’est aussi le cas de Jean-Frédéric Poisson, éliminé des primaires de la droite en 2017 et qui vient de renommer son parti La Voix du Peuple. Le président de l’UPR et éternel chantre du Frexit, François Asselineau, serait également dans la course, de même que Christophe Lagarde, président de l’UDI qui affirme sans ciller : «  Je suis le seul à avoir les idées, le parti, l’argent, les élus locaux, les signatures, et je ne vois pas l’intérêt de suivre quelqu’un » : effectivement, avec autant d’atouts dans son jeu, on voit mal comment il pourrait ne pas l’emporter dès le premier tour…

Xavier Bertrand, candidat déjà déclaré à droite (photo © Dimanche en campagne / France 3 régions)

A croire en tout cas que ni la droite ni la gauche parlementaires traditionnelles ne s’intéressent à cette élection… A droite, on évoque certes les noms de plusieurs personnalités dont Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, qui milite pour l’organisation de nouvelles primaires, tandis que d’autres candidats tels Xavier Bertrand (qui a déjà annoncé sa candidature après avoir quitté le parti LR), Valérie Pécresse, ou même Rachida Dati se tiennent en embuscade. Le général Philippe de Villiers, qui avait démissionné avec fracas de son poste de chef d’État-major des Armées et dont les ouvrages connaissent un beau succès de librairie, se verrait bien aussi en recours après cette période de crise et d’incertitudes…

Et à gauche ? En dehors de la France insoumise, décidée à faire cavalier seul quoi qu’il arrive, rien n’indique à ce stade qu’arrivera à émerger une candidature de synthèse capable de rassembler une éventuelle majorité de gauche. L’écologiste Yannick Jadot semble bien décidé à tenter sa chance coûte que coûte, mais ne paraît guère se préoccuper de rassembler au-delà de son camp.

Arnaud Montebourg, futur candidat en 2022 ? (photo © JF. Paga / La Montagne)

Quant à ce qui reste du parti socialiste, dont le premier secrétaire, Olivier Faure, s’époumone en vain à appeler à une « union des gauches », sa position paraît bien loin d’être fixée. On parle beaucoup d’Anne Hidalgo qui pourrait délaisser son fauteuil de Maire de Paris pour Élysée comme Jacques Chirac l’avait fait avant elle, mais aussi d’Arnaud Montebourg, l’ancien ministre de François Hollande, qui a pourtant tourné le dos à la politique pour se lancer dans l’apiculture avec sa marque Bleu Blanc Ruches, avant de créer La Compagnie des amandes, puis de lancer une marque de glaces fermières bio sous le nom La Mémère.

D’autres candidats sans doute émergeront d’ici 2022 mais quels que soient ceux qui s’affronteront lors de cette échéance phare de la vie politique française, on ne peut s’empêcher de s’interroger sur l’absence totale de débat politique de fond alors que cette élection aura lieu dans à peine plus d’un an. Le confinement imposé par la pandémie de Covid-19 aurait-il anesthésié toute volonté de mettre en œuvre un programme ambitieux qui réponde aux attentes des Français ?

L. V.

Trappes : chausse-trappe de la laïcité ?

15 février 2021

Il suffit parfois de peu de choses pour faire naître dans notre pays une belle et forte polémique qui enflamme tous les esprits, met le feu aux plateaux-télé, noircit les pages de nos quotidiens et vient semer la pagaille en dressant les uns contre les autres, au sein des foyers comme entre collègues de travail, chacun s’invectivant à qui mieux mieux, comme si sa vie en dépendait. La dernière en date porte sur des sujets liés à la place de la laïcité dans l’éducation nationale, un point particulièrement sensible qui ne peut manquer de susciter polémiques et invectives.

En l’occurrence, tout est parti d’une lettre ouverte aux enseignants, publiée le 1er novembre 2020 dans le Nouvel Obs par Didier Lemaire, professeur de philosophie depuis 20 ans au lycée de La Plaine de Neauphle à Trappes dans les Yvelines. Au lendemain de l’assassinat de Samuel Patty, cet enseignant décapité par un jeune islamiste tchétchène pour avoir parlé à ses élèves de la liberté d’expression en évoquant les caricatures de Mahomet, Didier Lemaire fait part de ses difficultés croissantes face à « la progression d’une emprise communautaire toujours plus forte sur les consciences et sur les corps ».

Le professeur de philosophie Didier Lemaire sur le plateau de Cnews (source © Le JDD)

Le professeur, que certains décrivent comme obsédé par l’influence croissante de l’islamisme radical, s’est pourtant fortement investi après les attentats de 2015, pour développer des actions de prévention auprès de ses élèves, comme en témoigne notamment le politologue Rachid Benzine, enfant de Trappes lui-même et auteur d’une pièce de théâtre intitulée « Lettres à Nour », que l’enseignant a réussi à faire jouer au lycée. En 2018, Didier Lemaire avait cosigné une lettre au Président de la République pour défendre la laïcité à l’école, avec Jean-Pierre Obin, auteur en 2004 du fameux rapport sur « les signes et manifestations d’appartenance religieuse dans les établissements scolaires ».

Et voilà que le 6 février 2021, un article du Point se fait l’écho des inquiétudes persistantes de ce professeur de philo chevronné qui affirme désormais s’inquiéter pour sa propre vie du fait de l’ambiance délétère dans laquelle il exerce son métier, sous une protection assez lâche de la police, et qui dénonce une sorte de laisser-faire généralisé dont profiteraient les milieux islamistes. Un emballement médiatique généralisé s’ensuit qui conduit le professeur à exprimer ses craintes sur nombre de plateaux télé où il explique que la ville de Trappes est gangrénée par une expansion incontrôlée du salafisme.

Une situation que d’autres avant lui ont déjà dénoncé, en particulier les journalistes Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin, auteurs en 2018 du livre « La Communauté », une enquête particulièrement fouillée qui dénonce de fait l’emprise islamiste sur cette petite cité de 32 000 habitants qui a connu un essor démographique très rapide à partir des années 1970, du fait de sa localisation dans l’emprise de la ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines.

Tenue par le PCF jusqu’en 2001, la ville a vu s’ériger de nombreuses barres HLM dans lesquelles sont venues s’entasser de nombreuses familles issues de l’émigration maghrébine. La plupart des familles d’origine française, italienne ou portugaise ont quitté la ville à partir des années 1980 tandis que s’installait une délinquance endémique alimentée par le trafic de drogue. Dès 1989, la ville fait partie de ces laboratoires où se développent les projets de rénovation urbaine : plus de 350 millions d’euros y ont été investis dans le cadre de la politique de la ville. L’incendie (probablement d’origine accidentelle même si cette thèse reste controversée) de la synagogue en 2000 se traduit par un départ massif de la communauté juive, jusque-là très présente.

Prière à la mosquée de Trappes (source © Trouve ta mosquée)

En 2001, la ville bascule aux mains du socialiste Guy Malandain qui promet la construction d’une mosquée. La ville compte désormais 15 mosquées et 6 salles de prières. La cellule islamiste locale Ansar-el-Fath, dont le chef avait recruté Khaled Kelkal, un des auteurs de l’attentat contre le RER B à Saint-Michel en 1995, enrôle des combattants pour l’Irak avant d’être démantelée en 2005. D’autres prennent le relai et, entre 2014 et 2016, ce sont pas moins de 77 jeunes de la ville qui partent faire le Jihad en Syrie. De fait, il est bien difficile de nier l’emprise qu’a réussi à imposer au fil du temps la mouvance salafiste dans une ville où la plupart des femmes ne sortent que voilées et où, en juillet 2013, l’arrestation d’une femme en burqa avait provoqué de violentes émeutes qui ont embrasé certains quartiers pendant 3 jours consécutifs.

Un dessin signé Plantu, paru dans Le Monde

Si le discours de cet enseignant de Trappes a suscité une telle polémique, c’est en partie parce qu’il a été plus que mollement soutenu par le préfet des Yvelines, Jean-Jacques Brot, lequel a tenu à préciser que le prof de philo n’avait à sa connaissance jamais reçu de menace de mort directe. Bref un mythomane, à qui Gérald Darmanin a quand même fini par proposer, le 11 février, de bénéficier d’une protection rapprochée. Mais si l’affaire s’est ainsi emballée, c’est surtout parce que tout ceci a coïncidé avec le vote de la loi sur les valeurs de la République et surtout avec l’annulation de l’élection municipale de Trappes qui a été décidée le 2 février 2021 par le tribunal administratif de Versailles.

En mars 2020, le premier tour de cette élection avait vu s’opposer le maire sortant socialiste, Guy Malandain qui, à 82 ans briguait un quatrième mandat, et son ancien adjoint à la jeunesse et aux sports, un certain Ali Rabeh. Ce dernier, membre de Génération.s, le mouvement de Benoît Hamon, reprochait à son mentor de se rapprocher de LREM mais surtout de ne pas lui laisser la place tant attendue. De fait, les électeurs avaient largement tranché en faveur d’Ali Rabeh qui avait donc remporté ces élections avec 40,4 % des suffrages devant son challenger de droite, Othman Nasrou qui recueillait 37,2 % des suffrages tandis que Guy Malandain arrivait en troisième position. Or le futur maire n’a pas hésité à utiliser sa propre association « Cœurs de Trappes » à « des fins de propagande et de promotion personnelle » en procédant, entre les deux tours des élections, à une distribution massive de masques anti-Covid accompagnés d’une « notice d’utilisation où figurait une photo d’Ali Rabeh identique à celle utilisée pour ses documents et affiches de campagne ». La ficelle était en effet un peu grosse, d’autant que le nouvel élu a aussi été épinglé en décembre 2020 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

Ali Rabeh, élu maire de Trappes le 3 juillet 2020 (source © La Gazette de Saint-Quentin-en-Yvelines)

Bien que condamné à un an d’inéligibilité, Ali Rabeh a immédiatement fait appel en Conseil d’État afin de pouvoir conserver son siège et se représenter en attendant. Et voilà que le jeudi 11 février, le maire entouré de plusieurs de ses adjoints s’est rendu en personne à 8 h du matin devant le lycée où enseigne Didier Lemaire, pour distribuer aux élèves des tracts les assurant de son soutien indéfectible contre les propos de leur professeur, qu’il juge infamant à leur égard. Le maire n’a ainsi pas hésité à pénétrer à l’intérieur de l‘établissement pour discuter directement avec les élèves devant les autres enseignants ébahis.

Une intrusion jugée totalement démagogique et parfaitement inadaptée par l’ensemble des professeurs de l’établissement, d’autant que le proviseur du lycée avait pris la peine la veille, de préciser aux élus qu’aucun tract ne devait être distribué dans son enceinte. Les enseignants, choqués par une telle récupération politique, se sont immédiatement fendus d’un communiqué exprimant leur solidarité avec leur collègue mis en cause dont « la sincérité de son engagement ne fait aucun doute » et rappelant que « la récupération politique actuelle dont notre lycée fait l’objet est proprement insupportable et doit immédiatement cesser ».

Du coup, le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer a diffusé à son tour un communiqué réprouvant fermement cette intrusion politique au sein d’un établissement, tandis que toute la droite montait au créneau, Valérie Pécresse et Renaud Muselier en tête, pour dénoncer cette manœuvre visant à « attaquer un peu plus encore un professeur déjà pris pour cible et sous protection policière ».

On assiste ainsi, à travers cette nouvelle polémique qui, malheureusement vient s’ajouter à de multiples autres, à la confirmation que nos responsables politiques ne savent plus très bien où ils habitent… Pendant des décennies, la gauche a défendu bec et ongles la notion de laïcité face aux résistances du clergé catholique unanimement soutenu par la droite. Et voilà que désormais, une frange importante de cette même gauche, sous couvert de solidarité avec les minorités, quand ce n’est pas par simple calcul électoral, fait preuve d’un aveuglement coupable face à la menace islamiste tandis que la droite, et maintenant l’extrême-droite, se retrouve à défendre la notion de laïcité…

Un dessin signé Cambon, repris dans urtikan.net

Un tel aveuglement idéologique de la gauche la pousse, sans qu’elle ne s’en aperçoive, à adopter un positionnement qui va à l’encontre même de sa nature profonde et des principes de fraternité et de justice républicaine qu’elle a toujours défendue. Un piège politique majeur dans laquelle elle est en train de sauter à pieds joints et dont l’affaire de Trappes est un bon exemple. Les passionnés de toponymie ne manqueront d’ailleurs pas d’observer que le nom même de la ville est issu de l’ancien français qui désigne justement un piège en forme de fosse recouverte de branchages qui servait à attraper les jeunes loups aux dents longues : un mécanisme vieux comme le monde mais qui semble toujours fonctionner…

L. V.

Val’Tram : petit tramway deviendra grand…

13 février 2021

Le succès des romans autobiographiques de Marcel Pagnol aura beaucoup fait pour assurer la renommée de la ligne de tramway n°40 qui depuis 1907 permettait de relier Marseille à Aubagne. Partant de l’ancienne gare de Noailles, elle empruntait la ligne de l’Est jusqu’à Saint-Pierre, puis celle de la Pomme prolongée vers les Camoins où elle se raccordait à l’autre ligne parallèle mais moins rapide, la n°39, qui reliait depuis 1905 la place Saint-Ferréol au centre-ville d’Aubagne. Mais ces lignes de tramway n’ont pas survécu à l’essor de l’automobile et les derniers tramways ralliant Aubagne se sont arrêtés en juin 1958 pour laisser la place à des liaisons par autobus.

L’ancien tramway historique n°40 circulant dans le centre-ville d’Aubagne au début du XXe siècle (source © Transport Urbain)

Il a fallu attendre alors un demi-siècle pour que soient relancées en 2009 les réflexions en vue d’un nouveau tramway pour pallier les difficultés de circulation devenues insupportables dans la vallée de l’Huveaune. Ce sont alors deux lignes de tramways qui sont programmées. La première devait relier sur 7 km la zone industrielle et commerciale des Paluds au quartier du Charrel en passant par la gare d’Aubagne et la plupart des grands établissements scolaires de la ville. La seconde, prévue pour une mise en service en 2019, sur une longueur sensiblement équivalente, devait relier la gare d’Aubagne à La Penne-sur-Huveaune, en prévision d’un prolongement futur jusqu’à Marseille.

Lancé en 2013, les travaux se sont en réalité limités à un tout petit tronçon de 2,8 km entre la gare d’Aubagne et le Charrel car le projet s’est retrouvé au cœur des débats de la campagne municipale de 2014, le candidat et futur maire Gérard Gazay, pilonnant à boulets rouges ce projet jugé démesuré pour une ville de 35 000 habitants et surfant sans vergogne sur le mécontentement des habitants et des commerçants qui râlaient contre les travaux en cours.

Simulation d’accident lors des essais de mise en circulation du tramway d’Aubagne en août 2014 (source © La Marseillaise / PCF)

Il faut dire que ce projet de tramway suscitait beaucoup d’interrogations liées certes à la taille de la ville d’Aubagne, jugée insuffisante pour justifier un investissement de cette importance, mais aussi au fait qu’il s’agissait du premier tramway au monde destiné à être gratuit, puisque la gratuité des transports avait été décidée en 2010 dans ce qui était alors la Communauté d’agglomération du pays d’Aubagne et de l’Étoile. De fait, la nouvelle majorité issue des élections de 2014, et qui a eu le privilège d’inaugurer dans la foulée ce premier tronçon de tramway mis en service le 1er septembre 2014, a aussitôt décidé d’en rester là, si bien que depuis cette date la ville d’Aubagne est restée avec le réseau de tramway le plus petit qui puisse exister. Et le plus cher également puisque ces 2,8 km sont revenus à plus de 90 millions d’euros auxquels s’ajoute environ 1 million d’euros de coût annuel d’exploitation, ce qui fait quand même cher du km parcouru…

Une des rames du tramway d’Aubagne (photo © Xavier Leoty / MaxPPP / France 3 Régions)

La raison de ce coût particulièrement élevé résulte d’ailleurs directement du fait que le projet avait été dimensionné pour un linéaire sans commune mesure avec ce qui a été réalisé. Sur les 8 rames qui ont été commandées, seules 3 sont de fait en service. Mais l’aménagement du territoire n’est pas un long fleuve tranquille et les décisions prises ne brillent pas toujours par leur cohérence. Les vicissitudes de l’autre projet de desserte, dénommé Val’Tram, ce tram-train projeté pour relier sur 14,4 km La Bouilladisse à Aubagne en empruntant le tracé de l’ancienne voie ferrée le Valdonne, en témoignent également.

La voie ferrée de Valdonne en 2015 : un embryon d’infrastructure à réexploiter ? (photo © Camille Fallet / Libération)

En 2015, la société publique locale Façonéo avait confié au groupement Systra / Gautier-Conquet, une mission de maîtrise d’œuvre pour la réalisation de ce projet, soutenu à l’époque par la Communauté d’agglomération. A l’issue des études d’avant-projet, la métropole Aix-Marseille-Provence devenue compétente en matière de transports publics communautaires, avait déjà douché les enthousiasmes en exigeant un phase du projet avec un premier tronçon limité entre Aubagne et Pont-de-Joux. Le maître d’œuvre avait dû revoir sa copie et avait finalement chiffré le projet à 153 millions d’euros, sachant que l’État et le Département s’engageaient à le subventionner à hauteur de près de 50 millions.

Le tracé du futur Val’Tram tel que prévu en 2017 (source © Transport Urbain)

Une addition jugée excessive par la métropole qui avait donc soigneusement gelé le projet jusqu’à ce que Martine Vassal ne se décide à le ressortir des cartons en octobre 2019, à l’approche des élections, histoire de montrer que la collectivité ne reste pas inactive face au besoin de renforcement du réseau de transports en commun métropolitains. En juin 2020, à quelques jours du second tour des dernières élections municipales, la métropole a donc lancé une consultation pour sélectionner un nouveau maître d’œuvre afin de relancer l’étude du projet après avoir élagué un certain nombre d’opérations connexes d’aménagement urbain, dont la refonte du pôle d’échange de la gare d’Aubagne ou le réaménagement du cours Voltaire que Gérard Gazay tenait à faire passer dans le sillage de l’opération globale.

Maquette de la future gare Val’Tram de Roquevaire selon les esquisses initiales (source © Gautier Conquet Architectes / Made in Marseille)

Moyennant ces quelques modifications, le coût prévisionnel du projet a été ramené à 136,7 millions d’euros, incluant l’achat du foncier, les frais d’étude, l’acquisition de quatre rames supplémentaires et la réalisation de deux parkings relais à Auriol et à Pont-de-l’Etoile, ainsi que deux tronçons de pistes cyclables. Ce marché de maîtrise d’œuvre vient tout juste d’être attribué pour un montant de près de 6 millions d’euros à un groupement constitué d’Ingerop, de Fondasol et de Strates Architectures.

Un nouvel espoir peut-être pour ceux qui empruntent chaque jour cet itinéraire complétement saturé où l’on recense près de 90 000 déplacements quotidiens. D’ici 2025 si tout va bien, les voyageurs pourront emprunter ce tramway périurbain qui reliera en 25 minutes la gare d’Aubagne à la commune de la Bouilladisse avec 10 stations et une rame toutes les 10 minutes en heures de pointe : bientôt le bonheur pour ceux qui pestent actuellement dans les embouteillages quotidiens le long de ce trajet ?

L. V.

Peut-on faire confiance à La Provence ?

6 février 2021

On a coutume de dire qu’en France, la commune est l’échelon de base de la démocratie de proximité. Le conseil municipal, lieu de débat démocratique par excellence, doit légalement se réunir au moins une fois par trimestre et aussi souvent que nécessaire pour prendre les décisions qui intéressent directement la vie de la cité. Les débats en conseil municipal sont publics et font l’objet d’un compte-rendu qui doit être librement accessible à tous les habitants de la commune, pouvant même être retransmis en direct ou en différé par tous les moyens de communication audiovisuels adaptés.

Le conseil municipal, lieu de débat démocratique : un dessin signé Seb

Une démarche adoptée par un grand nombre de communes françaises de toutes tailles qui n’hésitent pas à transmettre l’intégralité des débats du conseil municipal et à en publier de larges extraits dans le bulletin d’information municipal, afin que tout un chacun puisse en prendre connaissance. Une démarche d’autant plus nécessaire en ces temps de crise sanitaire où le respect des règles de distanciation ne permet pas toujours d’accueillir le public dans des salles parfois exiguës.

A Toulon aussi, des élus réticents à poursuivre la retransmission des débats en conseil municipal : un dessin signé Deligne et publié par Var Matin le 9 septembre 2020

Mais une démarche qui est à mille lieux de ce qui se pratique dans notre commune de Carnoux-en-Provence où le maire, élu sans discontinuer depuis bientôt 40 ans et à ce poste depuis 20 ans, n’est guère adepte des débats publics, écourte autant que possible les discussions en conseil municipal et n’évoque jamais dans le bulletin municipal ni l’ordre du jour des séances à venir ni le contenu des réunions passés. Il a même fallu un rappel à l’ordre de la Chambre régional des comptes pour qu’il accepte finalement de rendre public, sur le site internet de la commune, des comptes-rendus un peu plus détaillés de ces réunions. Mais depuis les dernières élections de mars 2020, toutes les réunions du conseil municipal se sont tenues de fait à huis clos, au motif que la nouvelle mairie, malgré ses dimensions imposantes, est trop petite pour accueillir du public…

Dans ces conditions, les Carnussiens qui s’intéressent un minimum à la vie de leur commune n’ont d’autre solution que d’aller consulter, sur le site Carnoux citoyenne écologiste et solidaire, tenu par les deux élus d’opposition, Jacques Boulesteix et Cristèle Chevalier, des comptes-rendus un peu plus étoffés que le simple rappel des décisions et délibérations qui figure sur le site de la mairie.

Sauf à faire confiance à la presse locale qui est supposée s’intéresser un minimum aux décisions qui sont prises par nos élus au nom de l’intérêt général. De fait, bonne surprise !, le quotidien La Provence a fait paraître, dans son édition locale du mercredi 3 février 2021, un article circonstancié sur le déroulement du dernier conseil municipal qui s’est tenu à Carnoux jeudi 28 janvier à 18h.

Article publié par La Provence, édition d’Aubagne-La Ciotat le 3 février 2021

On y apprend ainsi que l’essentiel des débats a porté sur l’octroi par la commune, d’une avance de 30 000 € accordée au Carnoux Football Club, en attendant le vote du budget municipal et l’attribution des subventions aux associations qui pourra en découler. Les trois autres sujets évoqués concernent la télétransmission de données numériques à la Préfecture et la signature d’une convention avec une société privée à qui la commune délègue le soin de gérer le respect de la confidentialité des données personnelles numériques que manipule la mairie, ainsi que l’adoption formelle du rapport annuel concernant la délégation de service publique sur l’eau et l’assainissement.

Sauf que le compte-rendu de cette même réunion, tel qu’il figure sur le site des élus de la liste Carnoux citoyenne écologiste et solidaire, fait ressortir un léger décalage avec le contenu de cet article. Les différents points évoqués par la Provence n’ont en effet manifestement donné lieu à aucune discussion ni débat, la question de l’avance sur subvention au club sportif que les journalistes de La Provence comme étant « au cœur du conseil » n’étant qu’une simple décision technique sans le moindre enjeu et dont la présentation n’a sans doute pas dépassé une minute, alors que l’essentiel des débats a porté sur la gestion de la distribution de l’eau potable et de l’assainissement, tant sur les questions de tarification que sur l’investissement et les travaux d’entretien des infrastructures.

La longue intervention de Jaques Boulesteix à ce sujet est d’ailleurs particulièrement riche en enseignements quant aux différents éléments qui pourraient être améliorés dans le sens de l’intérêt général pour optimiser la gestion publique de ce réseau particulièrement vital et dont la compétence, qui incombe à la Métropole, a été déléguée à la même entreprise privée depuis des années.

Le compte-rendu officiel de ce conseil municipal n’est pas encore accessible sur le site de la mairie, mais on espère qu’il sera plus conforme à la réalité des débats que cet article de La Provence dont on comprend qu’en réalité le signataire n’a tout simplement pas assisté à la réunion ! Ce qui du coup interroge sur la pertinence des informations qui sont ainsi offertes aux lecteurs de ce quotidien de référence. Rédiger le compte-rendu d’une réunion sur la base du simple ordre du jour assorti sans doute d’un communiqué de la mairie transmis à l’avance, sans même faire l’effort d’assister aux débats ni d’interroger les élus présents, voilà qui relève pour le moins de l’escroquerie intellectuelle…

Une information bien sourcée et soigneusement recoupée, la base du travail journalistique… Un dessin signé Adrien René

Pas étonnant dans ces conditions que les Français ne fassent preuve que d’une confiance très limitée dans les médias comme l’a encore montré le dernier rapport annuel du Reuters Institute Digital News qui, sur la base d’une vaste enquête internationale, montre que la France est l’un des pays où l’on fait le moins confiance aux médias : moins d’un Français sur quatre affirme accorder confiance à la manière dont est traitée l’information par les différents médias. Le baromètre publié par La Croix montre aussi une dégradation constante des Français pour la crédibilité des médias même si la presse écrite retient encore la confiance de 46 % des personnes interrogées. Au vu de tels articles publiés par un quotidien local de référence, quasi monopolistique, on finit par comprendre pourquoi…

L. V.

Mais où sont les motocrottes d’antan ?

21 novembre 2020

On se plaint souvent que le journalisme d’investigation serait en voie de disparition, effacé au profit de médias racoleurs, versant dans le sensationnel et le superficiel. Le journaliste à l’ancienne, qui prend le temps de fouiller dans les archives, d’interroger les témoins, de croiser ses sources et de remonter pas à pas le fil de ses enquêtes, creusant sans relâche sous la surface des choses pour débusquer, sinon la Vérité, du moins des convictions : tout cela serait-il en train de s’effacer dans un monde qui ne vibre plus qu’à l’immédiateté, où le seul enjeu qui vaille est de sortir l’information plus vite que les autres et de l’exprimer en le moins de mots possible pour que chacun puisse en prendre connaissance avant tout le monde ?

Le journaliste David Castello Lopes au micro d’Europe 1 (source © Europe 1)

Heureusement, il existe encore de véritables journalistes d’investigation, capables comme David Castello-Lopes, de creuser à fond un sujet en remontant dans le temps pour bien en saisir toute la genèse et l’évolution. Responsable du développement des nouveaux formats audiovisuels pour Le Monde (tout un programme), il est aussi réalisateur de la série « Depuis quand » sur Canal +, une chronique savoureuse sur l’origine des objets, des tics de langage et des mots. Et il anime également une chronique intitulée « Les origines », dans l’émission « Historiquement votre », diffusée sur Europe1, dans laquelle il s’interroge avec délectation sur les raisons qui ont conduit à créer tel ou tel produit ou objet de notre quotidien.

Son goût immodéré de savoir et sa soif inextinguible de connaissance qui le poussent ainsi à s’interroger sur l’origine des choses l’a ainsi conduit à mener l’enquête afin de répondre à la question existentielle suivante : « Pourquoi les motocrottes parisiennes ont-elles disparu ? ». Une question qui n’est pas si futile qu’il n’y paraît. Chacun se souvient en effet de ces motos rutilantes peintes en vert et blanc, imaginées et mises en œuvre par le maire de Paris d’alors, un certain Jacques Chirac, sous forme d’une force de frappe moderne, rapide et efficace, destinée à se déployer sur les trottoirs de la capitale pour y faire disparaître en un tour de main les déjections canines en train de devenir le fléau des villes modernes.

Une motocrotte en action à Paris (source © Paris zigzag)

Ces motos, des Yamaha XT 250, avaient subi une profonde transformation pour les métamorphoser en engins futuristes d’une technicité redoutable avec leur bras articulé muni d’un aspirateur avec brosse ultra-rapide, leur réservoir embarqué destiné à servir de réceptacle pour étrons canins et leur seau d’eau propre pour rincer la chaussée après usage. De vrais petits bijoux de technologie, enfourchés par des pilotes émérites tout de vert vêtus, écologistes avant l’heure et qui pourchassaient la crotte de chien à longueur de trottoir.

Il faut dire que Jacques Chirac jouait là sa crédibilité de grand élu de la Nation, lui qui après avoir démissionné en 1976 de son poste de premier ministre et qui, bien que député de la Corrèze, s’était lancé à la conquête du fauteuil de maire de la capitale, un poste qui n’avait pas été pourvu depuis plus d’un siècle et qu’il remporta (de justesse) en mars 1977 après avoir axé l’essentiel de sa campagne sur le thème de la propreté en ville et de la résorption des quelques 20 tonnes de déjections canines qui finissent, bon an mal an, dans les rues de la capitale.

Jacques Chirac, élu maire de Paris en mars 1977 (photo © Henri Bureau / Sygma / Corbis / Getty / Le Parisien)

Les motocrottes, mises au point avec l’aide de l’incontournable Jean-Claude Decaux, l’ami intime de tout maire qui se respecte, constituent donc l’arme la plus aboutie qui soit pour mener cette guerre de reconquête contre les déjections canines qui empoisonnent la vie du promeneur parisien. Les habitants de la capitale ne s’y trompent pas, d’ailleurs, eux qui rebaptisent spontanément ces aspirateur à caca montés sur deux roues des « chiraclettes »…

Dans les années 1980, ces engins redoutables et bien visibles sont partout dans les rues de Paris, pour traquer le moindre étron intrus. Une tâche pas si facile qu’il n’y paraît et qui demande du doigté de la part du chauffeur, lequel doit positionner son aspirateur parfaitement à l’aplomb de la crotte rebelle pour bien la gober sans l’étaler. Tout un art qui fait que les candidats ne se bousculent pas pour conduire des engins aussi voyants pour mener à bien une tâche répétitive et exigeant beaucoup de concentration tout en s’attirant les quolibets de certains malappris.

La chiraclette en action, pas si facile d’usage qu’il n’y paraît… (photo © Mairie de Paris / Le Monde)

Quand le socialiste Bertrand Delanoë est élu maire de Paris en mars 2001, environ 120 motocrottes sillonnent encore les rues de la capitale. Mais la nouvelle équipe municipale se rend vite compte que cette belle opération de communication est en réalité un gouffre financier. Le dispositif coûte en effet à lui seul pas moins de 4,5 millions d’euros par an. L’écologiste Yves Contassot, devenu adjoint au maire en charge de l’environnement et de la propreté urbaine, calcule que cela revient à 12 € le kilo de caca ramassé !

Après les motocrottes, une nouvelle invention plus légère, mobile et écologique, qui reste néanmoins à tester (source © Retrouvailles 24)

Le 11 avril 2002 à minuit, l’heure du crime, un des deux hangars dans lesquels sont entreposées les précieuses motocrottes s’embrase mystérieusement et 64 engins sont réduits en cendre. Le coup est rude pour la brigade de nettoyage motorisée patiemment formée entretenue par les anciennes équipes chiraquiennes. C’est alors le coup de grâce et en 2004, la dernière motocrotte encore en action ramasse son dernier étron avant de filer dans les oubliettes de l’Histoire.

Distributeur de sacs pour déjections canine à Paris en 2001 (source © La Dépêche)

A leur place, une toute autre stratégie a été mise en place par la nouvelle municipalité : une amende de 150 € pour tout propriétaire de chien qui ne ramasserait pas les déjections de son animal familier, malencontreusement oubliées sur la voie publique. C’est beaucoup moins spectaculaire et l’effet en termes de communication électorale est sans commune mesure, mais c’est redoutablement efficace et nettement moins coûteux pour la collectivité !

Encore une fausse bonne idée dont on aurait peut-être pu faire l’économie d’un test en vraie grandeur aux frais du contribuable…

L. V.

Carnoux : la mairie a fini par tomber…

27 juillet 2020

Un gros tas de gravats : voilà tout ce qui reste de la mairie de Carnoux… Déjà en septembre 2017, alors que les terrassements pour l’extension de l’hôtel de ville battaient leur plein, l’édifice paraissait bien menacé avec ses fondations totalement déchaussées et ses murs à moitié cassés surplombant l’abîme, à la verticale d’un trou béant. Une situation qui avait d’ailleurs vaguement inquiété le maître d’œuvre et avait incité ce dernier à réclamer des investigations géotechniques complémentaires en vue de vérifier la bonne stabilité de l’édifice, construit un peu à la va-vite dans l’euphorie qui avait suivi l’érection de la ville pionnière de Carnoux-en-Provence au rang de nouvelle commune de plein droit.

Un tas de gravats, voilà tout ce qu’il reste de l’ancienne mairie de Carnoux-en-Provence (photo © CPC – 26 juillet 2020)

Un léger correctif qui venait à l’époque en complément de plusieurs autres et qui expliquait pourquoi le montant prévisionnel global du projet, chiffré initialement à 2,9 millions d’euros passait alors officiellement à 3,7 millions d’euros, alors même que le montant de l’opération était déjà à cette date en réalité de 5 millions d’euros comme le confirme sans la moindre ambiguïté le panneau légal d’information qui figure le long des palissades du chantier. C’est d’ailleurs bien sur cette base de 5 millions que le Conseil Départemental des Bouches-du-Rhône a accordé sa subvention de 2,2 millions d’euros.

Vue du panneau affichant les caractéristiques du projet, dont le coût est de 5 millions d’euros et précisant que le permis de démolir est accordé pour une surface de 31 m² (photo © CPC)

Il faut dire aussi que le maître d’ouvrage avait assez mal anticipé certains éléments du projet, oubliant notamment de tenir compte de la présence potentielle d’amiante dans les locaux de l’ancienne poste et des locaux associatifs situés à l’arrière de la mairie, ce qui avait considérablement retardé leur démolition, pourtant préalable à tout le reste de l’opération.

Depuis, les travaux ont bien avancé malgré quelques aléas de chantiers dont un incendie spectaculaire qui a bien failli faire partir tout l’édifice en fumée et obliger à tout recommencer à zéro, sans oublier la faillite de l’entreprise qui n’a pas survécu à un tel chantier et qu’il a fallu remplacer à la suite d’un nouvel appel d’offres. Des vicissitudes malheureusement fréquentes dans un projet public d’envergure qui est en gestation depuis des années et qui commence à être bien placé sur la liste des prétendants pour égaler le record du chantier le plus long de l’agglomération marseillaise, pour l’instant détenu haut la main par la L2…

La nouvelle mairie de Carnoux en cours de construction à côté de l’hôtellerie de la Crémaillère (photo © CPC – 26 juillet 2020)

Sauf que l’on commence à s’interroger sur le caractère évolutif de ce projet. En janvier 2017, la revue officielle de la municipalité, dans son n°46 du Messager, qualifiait ce projet d’ « extension de la mairie et construction du Point accueil tourisme », une appellation qui figure sur tous les dossiers de consultation des entreprises et sur les demandes de permis de démolir et de construire. Le calendrier des travaux prévoyait alors quatre phases successives : après la démolition de l’ancienne poste devaient s’engager la construction du point accueil et celle de l’extension de la mairie, suivies, « d’avril à décembre 2018 », par « la réhabilitation de la mairie existante ». Il est alors bien précisé que cette dernière consistera en un « réaménagement des locaux actuels ». D’ailleurs, le permis de démolir accordé alors et toujours affiché le long du mail évoque une démolition sur une emprise de 31 m² qui correspond a priori à celle de l’ancienne poste et des anciens locaux du CCAS situés à l’arrière de la parcelle.

Il n’avait donc jamais été question jusque-là, dans les organes de communication officiels de la municipalité d’une démolition complète de l’ancienne mairie puisqu’il s’agissait de simplement de reconfigurer l’ancien bâtiment en le raccordant au nouveau. Mais manifestement le projet a encore évolué entre temps et il a finalement été décidé de raser complètement l’ancienne mairie pourtant solidement construite en béton armé il y a une petite cinquantaine d’années. C’est donc chose faite depuis cette semaine et il ne reste plus qu’un gros tas de gravats à la place de la mairie de Carnoux. Pour une simple reconfiguration de l’aménagement intérieur, telle que le prévoyait le projet, voilà qui est bien radical…

Chantier de démolition de l’ancienne mairie de Carnoux-en-Provence (photo © CPC – 26 juillet 2020)

Une bonne manière de faire table rase du passé et d’incarner le renouveau architectural sinon politique de cette municipalité au pouvoir depuis si longtemps, Jean-Pierre Giorgi y étant élu sans discontinuer depuis 37 ans. On construisait jadis pour plusieurs générations, surtout pour les bâtiments publics sensés affirmer la continuité de l’administration. A l’heure où Carnoux s’enorgueillit de célébrer chaque année la semaine du développement durable, voilà un bien mauvais signal donné à ce souci de pérennité et d’économie de moyens en réduisant ainsi en miettes et à grands coups de pelle mécanique un bâtiment public qui, une fois réhabilité et réaménagé, devait s’intégrer dans un nouveau projet architectural précisément conçu dans ce but. Le maire connaît sans doute les raisons d’un tel revirement. Peut-être daignera-t-il un jour en faire part à ses concitoyens ?

L. V.