Archive for juin 2020

Alteo : entre le marteau de la mondialisation et l’enclume de l’environnement

28 juin 2020

A Gardanne, l’usine de production d’alumine existe depuis 1894 et c’est là qu’a été utilisé pour la première fois au monde le procédé industriel mis au point en 1887 par le chimiste autrichien Bayer, lequel permet d’extraire de l’oxyde d’aluminium de la bauxite, alors produite localement dans le sud-est de la France. Ce procédé industriel qui utilise de grosses quantités de soude concentrée à haute température, n’est cependant pas sans impact sur l’environnement dans lequel sont rejetées les énormes quantités de résidus solides produits, les fameuses « boues rouges », riches en produits toxiques de toutes sortes.

Vue aérienne de l’usine Alteo à Gardanne :« une vieille dame usée et fatiguée » selon le professeur Henri Augier (source © La Provence)

Stockés initialement à terre dans de vastes bassins de décantation que la pluie continue de lessiver régulièrement tandis que le vent en disperse les particules fines et toxiques dans tout le voisinage, ces boues rouges ont été ensuite déversées directement en mer grâce à une immense conduite qui traverse tout Carnoux et s’écoule au large des calanques de Cassis.

Ancienne mine de Bauxite à Cabasse dans le Var (carte postale source © Genanet)

Rachetée à Péchiney par le groupe minier anglo-australien Rio Tinto, l’usine est depuis 2012 aux mains d’un fonds d’investissement américain HIG Capital et a été depuis lors rebaptisée Alteo. Cette usine, plus que centenaire, reste un des fleurons mondiaux de la production d’alumines de spécialité, même si les raisons de son implantation initiale à Gardanne, au plus près des sites de production de lignite et de bauxite a perdu tout son sens, maintenant que toutes les activités minières locales ne sont plus qu’un vieux souvenir et que la totalité du minerai de bauxite arrive par bateau après avoir parcouru la moitié de la planète.

La production locale de ces alumines spéciales sert de réfractaire dans la sidérurgie et l’industrie automobile, mais entre aussi dans la fabrication de céramiques et de nombreux produits high tech comme des prothèses médicales, des écrans de smartphone et d’ordinateurs ou encore des batteries lithium-ions. Un marché florissant donc, avec plus de 630 clients répartis dans le monde entier, et une activité très rentable qui permet de faire vivre 480 salariés et de nombreux sous-traitants.

Usine Alteo à Gardanne sous son vernis habituel de dépôt rougeâtre (photo © Boris Horvat / AFP / 20 minutes)

Mais voilà que l’usine se trouve prise entre deux contraintes qui la fragilisent. D’un côté, les exigences environnementales s’accroissent. Après avoir fermé les yeux pendant plus d’un demi-siècle sur les rejets en mer de produits hautement toxiques, l’État a fini par admettre que cela faisait un peu tâche dans le tout nouveau Parc national des Calanques. Depuis début 2016, il a donc fallu qu’Alteo retraite un minimum ses effluents pour les débarrasser au moins de ses métaux lourds, tout en continuant à déverser au large de Cassis et à raison de 270 m³/heure, un liquide encore bien peu ragoûtant et qui dépasse allégrement les normes environnementales.

Alteo, qui revendique un chiffre d’affaire de 242 millions d’euros, affirme avoir investi 8 millions d’euros en 2018 pour tenter d’assainir quelque peu la nature de ses rejets dans le milieu naturel, un investissement d’ailleurs très largement subventionné notamment par l’Agence de l’Eau. Mais qui reste encore insuffisant puisque la date de mise en service de la station d’épuration destinée à traiter les effluents avant rejet en mer, fixée au 31 décembre 2019 par le Tribunal administratif n’a pas été respectée. Il avait donc fallu que le Préfet reporte une première fois jusqu’au 8 juin la date limite autorisée pour la mise en conformité de l’installation. Un report qui s’est avéré insuffisant et qu’il a fallu allonger encore jusqu’au 30 juin et désormais probablement jusqu’au 31 août..

Filtres presses installés sur le site de Mange-Garri à Bouc-Bel-Air (source © Atmosud PACA)

Car dans le même temps, le site de Gardanne est soumis aux aléas économiques de la mondialisation. En l’occurrence, cette pression n’a pas de rapport avec la crise sanitaire que le monde vient de connaître et avec le ralentissement économique qui s’en est ensuivi. Pour Alteo, les ennuis sont antérieurs et dateraient selon ses dirigeants, de l’année 2019. L’opacité qui règne traditionnellement dans le monde des affaires ne permet pas d’en savoir davantage, sinon qu’Alteo est en cessation de paiement depuis le 15 novembre 2019 et que la société a été mise en liquidation judiciaire fin 2019.

Une décision que beaucoup ont jugé très opportuniste puisque les dirigeants d’Alteo étaient alors engagés dans un bras de fer contre les services de l’État pour négocier des délais supplémentaires afin de respecter les exigences environnementales. Ceci, alors même que l’usine fait l’objet d’une information judiciaire pour mise en danger de la vie d’autrui, du fait des émanations toxiques de ses sites de stockage qui empoisonnent tout le voisinage.

Vue aérienne des bassin de stockage des boues rouges près de Gardanne (source © Analytika)

On le voit, dans ce dossier, concilier respect de l’environnement (mais aussi de la santé des populations) et compétitivité économique n’est pas des plus simples dans un système mondialisé où chacun joue sa partition selon ses propres intérêts à court terme. Curieusement pourtant, depuis qu’Alteo a réussi à obtenir les reports de délais qu’elle souhaitait pour différer ses investissements, les repreneurs se pressent pour racheter ce fleuron industriel dans un marché qui semble d’un seul coup être redevenu particulièrement fleurissant. Selon Le Monde, ce sont pas moins de 5 repreneurs potentiels qui sont en train de peaufiner leur offre qu’ils ont jusqu’au 24 juillet 2020 pour déposer.

Il n’en reste pas moins que même si l’avenir économique du site de production d’alumine de Gardanne semble plutôt serein malgré ce jeu de poker menteur auquel se livrent ses dirigeants pour faire monter les enchères, l’impact environnemental, lui, reste bien incertain. En supposant même que la fameuse station d’épuration, promise depuis des années, finisse par voir le jour cet été comme finalement annoncé, il restera à gérer la question du stockage des déchets solides actuellement entreposés à l’air libre sur le site de Mange-Garri dont l’autorisation d’exploiter prend fin le 8 juin 2021. L’industriel prévoit d’agrandir considérablement l’emprise de ces bassins de stockage mais devra pour cela déposer un dossier de demande d’autorisation et bien entendu s’assurer que ces dépôts ne provoquent pas des dégâts environnementaux inacceptables.

Site de stockage de Mange-Garri (photo © AFP / La Croix)

Une opération à haut risque d’autant que l’extension envisagée nécessite ni plus ni moins qu’une modification du Plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI) de la Métropole Aix-Marseille-Provence : un sujet sensible, qu’Alteo ne veut surtout pas se risquer à porter dans le contexte actuel et qui annonce bien des débats en perspective au sein du prochain conseil métropolitain qui devrait se mettre en place début juillet, après le second tour des élections municipales. Il reviendra aux responsables politiques nouvellement élus de trouver à quel niveau placer le curseur entre protection de l’environnement local et compétitivité économique dans un système mondialisé : un beau cas d’école en perspective !

L. V.

Biélorussie : une révolution en pantoufles…

26 juin 2020

En Europe, la démocratie s’est peu à peu imposée comme le modèle dominant, même si les comportements dictatoriaux et les dérives autoritaires ne sont pas totalement absentes de certaines pratiques locales du pouvoir. Il subsiste cependant au moins un pays, officiellement républicain, que chacun s’accorde à classer au rang des véritables dictatures : la Biélorrussie, ou Bélarus selon son nom officiel imposé par les autorités au monde entier…

On en parle peu, mais ce pays de près de 10 millions d’habitants, n’a vraiment rien d’un havre de démocratie républicaine. Coincé entre la Pologne, la Lituanie, la Lettonie, la Russie et l’Ukraine, ce pays plus étendu que la Grèce et presque autant que le Royaume Uni, est une vaste plaine continentale sans débouché maritime mais couverte en partie de forêts. Une partie de ces dernières, au nord de l’Ukraine, reste d’ailleurs partiellement inaccessible à cause de l’irradiation rémanente consécutive à l’explosion de Tchernobyl…

Vue de Minsk, la capitale biélorusse (source © Kayak)

L’indépendance du pays date du 25 août 1991, après l’effondrement de l’URSS mais l’intermède démocratique n’est que de courte durée. Son président actuel, Alexandre Loukachenko, y a été élu pour la première fois en juillet 1994, avec alors 80 % des suffrages, contre son prédécesseur, Stanislas Chouchkievitch qu’il avait réussi à faire chuter suite à des accusations, apparemment infondées, de corruption.

Le président biélorusse Alexandre Loukachenko le 9 mai 2020 à Minsk (photo © Sergueï Gapon / EPA / MAXPPP / La Croix)

En novembre 1996, après une campagne où les médias ont été fortement muselés, Loukachenko remporte haut la main un référendum qui lui permet d’étendre son mandat présidentiel de 4 à 7 ans et lui donne la possibilité de fermer le Parlement, ce qu’il s’empresse de faire. La police occupe le Parlement et emprisonne 89 des 110 députés considérés comme « déloyaux » et qui sont remplacés dans la foulée par des homes des main, tandis que les pouvoirs des services de renseignement, qui s’appellent toujours KGB en Biélorussie, sont considérablement renforcés.

L’Europe et les États-Unis protestent et refusent de reconnaître la légitimité d’un tel scrutin, d’autant que Loukachenko multiplie les provocations, jugeant en 1995 qu’Adolf Hitler n’avait pas eu que des mauvais côtés, et explusant à tour de bras en 1998 les ambassadeurs de la plupart des pays occidentaux ainsi qu’une délégation du FMI dont il avait traité les membres d’escrocs.

Réélu dès le premier tour en 2001, il l’est également en 2006, officiellement avec 82,6 % des voix, aux termes de campagnes tronquées et très éloignées des standards démocratiques internationaux. Sa quatrième réélection en décembre 2010 passe également comme une lettre à la poste avec un score officiel de 79,67 %, mais suscite néanmoins quelques manifestations populaires. Dès le lendemain, des centaines d’opposants sont arrêtés tandis que sept des neufs candidats à la Présidentielle sont purement et simplement jetés en prison.

Arrestation d’un manifestant le 19 juin 2020 à Minsk (photo © Sergueï Gapon / AFP / Le Monde)

A partir de 2011, des sanctions économiques sous forme de gels d’avoirs sont mises en œuvre par la communauté internationale à l’encontre des dirigeants biélorusses, mais cela n’empêche pas Loukachenko d’être réélu pour la cinquième fois en octobre 2015 avec plus de 80 % des voix. En novembre 2019, un simulacre d’élections législatives permet de purger du Parlement les deux seuls et uniques opposants à qui il a été tout simplement interdit de se représenter.

Et voilà qu’une nouvelle élection présidentielle se profile dans ce pays, prévue pour le 9 août 2020. Bien entendu, Loukachenko y fait figure de grand favori pour son sixième mandat consécutif. Depuis un an, un blogueur du nom de Sergueï Tikhanovski, dénonçait sur internet les dysfonctionnements d’un pays en voie de délabrement, n’hésitant pas à haranguer les passants lors de rassemblements improvisés et publiant des vidéo où il appelle à dire « Stop au cafard ». Bien entendu, le Président ne pouvait pas tolérer un tel désordre et il a fait jeter en prison, le 29 mai dernier ce trublion qui envisageait justement de présenter sa candidature à la Présidentielle. Une candidature désormais écartée puisque le casier judiciaire du citoyen Tikhanovski n’étant plus vierge, sa candidature est irrecevable : tout est tellement simple en dictature !

Le blogueur Sergueï Tikhanovski lors d’un rassemblement populaire le 24 mai 2020, 5 jours avant son arrestation (photo © Vasily Fedosenko / Reuters / Ouest France)

Le blogueur turbulent ne constitue cependant pas la seule menace potentielle pour le pouvoir en place qui craint aussi l’un des candidats déclaré à cette prochaine élection, un certain Viktar Babaryka, qui dirigea pendant 20 ans la banque russe Belgazprombank et qui avait recueilli sans difficulté quelque 400 000 signatures en appui de sa candidature aux Présidentielles, là où il en suffisait de 100 000. De quoi inquiéter suffisamment le Président Loukachenko qui, par précaution élémentaire, a donc fait arrêter son adversaire politique en l’accusant de corruption, profitant au passage de l’occasion pour prendre le contrôle de la banque : il n’y a pas de petit profit quand on est au pouvoir…

Cette fois cependant, une partie de la population a réagi et des manifestations se sont organisées, notamment dans les rues de la capitale Minsk, pour protester contre l’arrestation du blogueur Sergueï Tikhanovski qui avait manifestement réussi à acquérir une certaine popularité et à soulever quelques espoirs. Pour éviter la répression, selon France-Inter, ils se sont simplement massés silencieusement le long des trottoirs plutôt que de défiler dans les rues, certains d’entre eux brandissant des tongs ou des pantoufles et faisant mine d’écraser le cafard, conformément au mot d’ordre imagé de Sergueï Tikhanovski…

Manifestation de soutien aux potentiels candidats d’opposition, à Minsk le 31 mai 2020 (photo © Vasily Fedosenko / Reuters / Courrier International)

Bien entendu, le pouvoir ne pouvait rester inactif face à cette « révolution des pantoufles » et la répression contre les manifestants est impitoyable .140 d’entre aux ont été arrêtés et jetés en prison vendredi dernier, y compris, selon Le Monde un opposant notoire, Mikalay Statkevich, qui avait déjà purgé 5 ans de prison et qui se retrouve de nouveau sous les barreaux.

Étant donné le rapport de force, il n’est pas exclu que le Président Loukachenko parvienne à ses fins avec une n-ième réélection triomphale en août prochain, à condition de mater d’ici là toute velléité de révolte populaire. Il semble cependant que la jeunesse biélorusse soit cette fois bien décidée à ne pas s’en laisser conter, l’épisode de Covid-19 ayant poussé la population à comprendre à quel point le pouvoir était inconséquent. Pendant toute la crise sanitaire, le Président Loukachenko a traité le sujet avec désinvolture et minimisé le risque, au point que chacun a pu se rendre compte qu’il n’était guère crédible. Peut-être un espoir pour le retour vers un régime plus démocratique dans ce trou noir de l’Europe ?

L. V.

A Carnoux, le débat impossible, l’opposition muselée…

24 juin 2020

A Carnoux-en-Provence se tenait jeudi 18 juin 2020, le jour du 75ème anniversaire de l’appel à la résistance du Général De Gaulle, le second conseil municipal de la nouvelle mandature. Le premier, qui s’était tenu à huis clos le 28 mai dernier avait simplement permis d’élire le maire au sein du nouveau conseil municipal et de décider du nombre des adjoints. Vu les conditions sanitaires actuelles, cette deuxième réunion aurait pu être ouverte à un plus large public, mais le maire, Jean-Pierre Giorgi, en avait décidé autrement, menaçant même, au cas où des visiteurs s’invitent, de demander de nouveau le huis clos, quitte à ajourner purement et simplement la séance en cas de refus, jugeant le respect des règles de distanciation sanitaire plus important que celui du débat démocratique…

Une attitude très révélatrice de son choix des priorités pour cette séance dont l’ordre du jour prévoyait le fameux « débat des orientations budgétaires », un épisode primordial de la vie publique locale puisque ce débat, prévu par les textes réglementaires, est l’étape indispensable avant le vote du budget, lequel aura lieu le 2 juillet prochain. Lors de ce débat, le maire présente, comme la loi l’y invite, le contexte macroéconomique et l’état des marges de manœuvres financières locales ainsi que les grandes orientations qu’il compte mettre en avant pour établir le budget municipal pour l’année en cours.

Ce moment est l’un des temps forts de la démocratie communale puisque c’est le moment où se construit le futur budget de la commune, sur la base des propositions de la majorité mais sous la forme d’un véritable débat, ouvert et pédagogique, avec l’opposition. Le débat ne donne pas lieu à un vote, mais il doit nourrir la réflexion de l’équipe municipale en vue de procéder aux derniers ajustements du projet de budget, sur lequel en revanche, les élus devront se prononcer par vote.

Sauf que à Carnoux, en ce 18 juin 2020, le débat n’a pas pu avoir lieu ! Le maire a comme à son habitude détaillé très longuement les orientations budgétaires qu’il compte mettre en avant pour l’élaboration du budget communal, ne faisant en réalité que répéter le texte que tous les conseillers municipaux avaient eu le loisir de découvrir plusieurs jours avant la réunion. Il a ensuite passé la parole à la salle pour lancer le débat. Aucun des 24 autres conseillers élus de la majorité n’a souhaité ajouté le moindre mot, pas plus d’ailleurs que les deux représentants de la liste de Di Rosa.

Extrait du site internet http://www.carnoux-citoyenne.fr/

Jacques Boulesteix a donc pris la parole au nom des deux élus de la liste Carnoux citoyenne, écologiste et solidaire, ainsi qu’il le relate lui-même sur le site créé à l’issue des élections, précisément pour rendre compte de son action et des débats en conseil municipal. Il a notamment rappelé que toutes les hypothèses sur laquelle s’appuyaient ces orientations et le projet de budget en découlant dataient d’avant la crise sanitaire du Covid-19 et a fortiori avant la crise économique et sociale qui se profile. Alors même que toutes les collectivités tentent d’ajuster leur action pour anticiper autant que possible cette crise, rien de tel ne semble avoir été prévu à Carnoux.

Extrait d’un article publié par La Provence le 24 juin 2020

Mais le maire de Carnoux ne supporte pas qu’on puisse remettre en cause son expertise technique en matière de construction budgétaire et n’envisage pas de devoir justifier ses orientations budgétaires face à une opposition qu’il considère par principe comme incompétente.

Après quelques minutes seulement d’intervention, il a donc commencé par interrompre Jacques Boulesteix à chacune de ses phrases avant de lui couper définitivement la parole, sous l’œil narquois des autres élus de la majorité, manifestement tous convaincus qu’un débat n’est qu’une perte de temps parfaitement inutile, du moment qu’ils ont la possibilité d’imposer leur point de vue puisqu’ils disposent d’une écrasante majorité.

A Carnoux, une opposition bâillonnée…

Face à une telle obstruction et n’étant plus en mesure de s’exprimer, Jacques Boulesteix a été contraint de quitter la salle. Le débat des orientations budgétaires pour l’exercice 2020 n’a donc pas eu lieu à Carnoux. C’est d’autant plus regrettable que l’état des finances de la Ville avec ses excédents budgétaires colossaux qui se reportent d’année en année autorisait justement des marges de manœuvres importantes pour aider au mieux vivre des Carnussiens face à une situation économique et sociale qui menace de se dégrader dans les prochains mois.

Mais circulez, il n’y a rien à voir ! Tel est le mot d’ordre de Jean-Pierre Giorgi, tout-puissant en son fief, au point qu’aucun des élus de sa liste n’ose ouvrir la bouche en conseil municipal, et qui ne supporte tout simplement pas qu’un autre élu, d’opposition qui plus est, se permette d’émettre des propositions et de susciter le débat.

Toute similitude avec une situation locale serait purement fortuite….

A la rigueur, il est toléré que l’on pose une question, naïve de préférence, histoire de permettre au maître (pardon, au maire) d’étaler sa bonne connaissance des rouages administratifs et de donner, avec un petit chouïa de condescendance, une leçon au malheureux incompétent qui a osé s’exprimer. Mais aller jusqu’à laisser penser qu’on aurait pu peut-être envisager différemment les orientations budgétaires pour la ville de Carnoux relève d’une outrecuidance inadmissible que M. Giorgi ne saurait tolérer. Qu’on se le dise ! Et tant pis pour le débat démocratique et la participation citoyenne : pas de ça à Carnoux…

L. V.

Uzès redécouvre son passé

23 juin 2020

La ville d’Uzès, située dans le Gard à 25 km au nord de Nîmes, qui ne compte actuellement guère que 8500 habitants, n’en finit pas de faire parler d’elle pour la richesse des découvertes archéologiques qui y ont été faites ces dernières années. Selon les historiens, le site a été occupé très tôt en raison de la présence, à proximité, de la Fontaine d’Eure, un groupe d’une dizaine de sources pérennes qui drainent la nappe du massif calcaire et contribuent à alimenter l’Alzon, un affluent du Gardon.

Vestiges de la Fontaine d’Eure captée pour alimenter l’aqueduc romain qui empruntait le Pont du Gard (source © Uzès utile)

Dans l’Antiquité, les tribus ligures qui y étaient établies en firent un nœud de transit commercial en imposant un droit de péage aux Phocéens, ces populations grecques alors installées à Marseille et dans ses environs, qui se rendaient dans les Cévennes pour y exploiter les minerais dont ils avaient besoin. A partir de 125 avant JC, Rome se lance dans la conquête de la Narbonnaise, fondant notamment les cités d’Aquae Sextiae (devenue Aix-en-Provence) ou Telo Martius (l’actuelle Toulon), tandis que Massilia conserve son statut de ville grecque jusqu’à sa prise par Jules César en 49 avant JC.

Le Pont du Gard, vestige de l’aqueduc romain qui alimentait Nîmes depuis la Fontaine d’Eure (source © Avignon Tourisme)

Dès lors, la cité gallo-romaine d’Ucetia, l’actuel Uzes, devient un satellite de la Nîmes augustéenne, alors dénommée Nemausus, à laquelle elle est reliée par un immense aqueduc de 50 km qui capte les eaux de la Fontaine d’Eure pour les acheminer jusqu’à Nîmes en franchissant le Gardon par le célèbre Pont du Gard, construit dans la première moitié du 1er siècle après JC et toujours debout.

Les vestiges de cette époque romaine ne sont pas aussi nombreux à Uzès qu’à Nîmes et se limitaient jusqu’alors à quelques fragments isolas de mosaïque, l’existence de la ville elle-même n’étant attestée que par la mention de son nom sur une stèle nîmoise, parmi ceux de 11 autres villes romaines des alentours., Mais des fouilles effectués en octobre 2016 sur le site de l’ancienne gendarmerie en vue de la construction d’un nouvel internat et d’un réfectoire pour les lycées de la ville ont permis de combler cette lacune en dévoilant de très nombreux vestiges inattendus.

Vue aérienne de la zone 1 en cours de fouille, avec de gauche à droite : le bâtiment à mosaïque antique, la rue et les habitations, mis au jour à Uzès début 2017 (photo © Denis Gliksman, INRAP)

Les 4000 m2 du site ont été intégralement fouillés par l’INRAP, ce qui a permis de constater que les lieux avaient été occupés depuis le premier siècle avant JC jusqu’au VIIème après JC, à la fin de l’Antiquité donc. Un mur de fortification plus ou moins contemporain de la conquête romaine a ainsi été découvert, ainsi qu’un pièce contenant un four à pain qui a été remplacé ultérieurement par un dolium, immense jarre en céramique destinée à la conservation du vin.

Les archéologues à l’œuvre en plein centre d’Uzès (photo © Frédéric Messager, INRAP)

Les nombreuses infrastructures identifiées sur place indiquent qu’on était bien ici au cœur de la cité romaine d’Ucetia, mais le clou de ces découvertes est une ancienne bâtisse à colonnade qui s’étendait sur 250 m2 et dont le sol était orné de deux immenses mosaïques décorées de motifs géométriques traditionnels. L’une d’entre elles, parfaitement conservée est ornée d’un vaste médaillon central entouré de représentations d’animaux polychromes : un hibou, un canard, un aigle et un faon.

L’un des deux panneaux centraux de la pièce mosaïquée antique totalement nettoyé, découverte à Uzès (photo © Denis Gliksman, INRAP)

D’autres vestiges spectaculaires ont été découverts à l’occasion de cette vaste opération de fouille qui s’est poursuivie en 2017, dont une vaste construction de 500 m2 , probablement une ancienne domus romaine, où la présence de nombreuses jarres atteste de la culture vinicole bien présente alors dans la région. Une des pièces de cette maison antique était chauffée avec un plancher sur hypocauste où circulait de l’eau chaude.

Et sur un autre secteur, les fouilles ont mis à jour un ancien carrefour de voies urbaines avec un puits en parfait état de conservation ainsi que les fondations de plusieurs bâtiments dont certains datent du VIème siècle après JC.

Vue aérienne de la partie déjà découverte du cromlech d’Uzès (photo © INRAP / Midi Libre)

En mars 2019, une nouvelle découverte archéologique majeure a eu lieu à proximité d’Uzès, à l’occasion d’un autre chantier de fouilles préventives, conduit également par l’INRAP dans le cadre d’un projet de construction d’une nouvelle route interurbaine et d’un bassin pluvial vers le quartier de Saint-Ambroix. Cette fois, c’est un gigantesque cromlech qui a été mise au jour par les archéologues, un cercle de pierres dressées, ainsi que des installations funéraires, le tout à proximité d’une ancienne voie antique. Une cinquantaine de mégalithes autrefois dressés étaient ainsi disposés en arc de cercle, de manière jointive contrairement au cromlech de Stonehenge, parmi lesquelles une statue menhir à visage humain. Ce cromlech, dont on connaît d’autres spécimens dans le Sud de la France, daterait de 2500 avant JC, tandis que la petite nécropole et la voie antique adjacente remontent à l’occupation romaine.

Le cromlech d’Uzès en cours de fouille (photo © INRAP / La Croix)

En extrapolant à partir de la zone déjà fouillée, il semblerait que le cercle de pierres faisait pas moins de 240 m de circonférence, mais la poursuite des fouilles pour dégager la totalité du site qui s’étend de part et d’autre exigerait d’acquérir d’autres parcelles. En attendant, la mairie, qui a déjà dépensé 70 000 € pour financer ces fouilles, a fait recouvrir la totalité du site pour la poursuite des travaux, les dalles, dont certaines mesurent plus de 4 m de hauteur, ayant été déplacées et mises à l’abri en attendant une hypothétique poursuite des investigations.

Vestige d’une maison médiévale de Massargues (source © L’Usèrge)

Et ce n’est pas fini puisque depuis juillet 2018 une autre campagne de fouilles a débuté à l’initiative de Samuel Longepierre, un archéologue de l’lNRAP, qui a découvert dans la garrigue, sur la comme de Saint-Quentin-la-Poterie, à quelques km au nord d’Uzès, les vestiges de l’ancien bourg médiéval de Massargues, totalement perdu dans les oubliettes de l’Histoire. Cette petite ville qui dépendait des comtes de Toulouse a été abandonnée vers 1260 à la suite d’un échange entre le Roi de France et de seigneur d’Uzès, alors qu’il s’agissait d’un centre important abritant des activités de poterie notamment et qui s’étendrait sur 3 hectares dont l’essentiel reste encore à explorer.

La petite ville d’Uzès et ses environs n’ont décidément pas fini de lever le voile sur leur riche passé historique…

L. V.

Carnoux : ceci n’est pas une décharge !

21 juin 2020

Depuis maintenant 18 mois au moins, les habitants de Carnoux-en-Provence ont constaté la présence sur le territoire communal d’un énorme tas de gravats, qui plus est sur une parcelle communale, située au cœur même de l’arboretum.

Contrairement aux apparences, ceci n’est pas une décharge… (photo © CPC)

Certes, ce dernier n’est pas le havre de verdure arborée qu’imaginait le Lions Club lors de son aménagement, à deux pas du cimetière et en lisière de la forêt. Les rares arbres qui ont survécu aux conditions pédologiques particulièrement défavorables de cette parcelle, jadis remblayée sur plus d’un mètre d’épaisseur par des déblais de chantier, ont bien du mal à résister au mistral qui balaye et assèche tout sur son passage…

Une mare et des ruches dans le jardin de l’arboretum (photo © Un jardin se crée à Carnoux)

Une partie de la parcelle a néanmoins été confiée depuis 2017 à l’association Un jardin se crée à Carnoux, laquelle a réussi tant bien que mal et à force de terrassements et d’apport de compost, à faire reverdir une petite partie de cette parcelle pour y faire pousser des arbres fruitiers et s’y adonner au maraîchage. Une petit mare artificielle y a même été creusée et deux ruches viennent d’y être implantées.

Le jardin, un oasis de biodiversité au cœur de l’arboretum (photo © Un jardin se crée à Carnoux)

Il est donc pour le moins surprenant qu’un tel terrain communal, où les habitants du quartier viennent quotidiennement se promener ou jardiner, serve ainsi de dépotoir depuis bientôt deux ans, pour des déchets de chantiers issus des travaux d’enfouissement des réseaux dans le cadre de la dernière tranche en cours : gravats, plaques de goudrons et autres déchets de toutes sortes s’entassent ainsi sur plusieurs mètres de hauteur à l’entrée de l’arboretum, sous forme de décharge aussi disgracieuse que polluante.

Bien évidemment, l’entreprise Eiffage qui est à l’origine de ces apports de déchets de chantier, l’a fait avec le plein accord de la commune puisque c’est cette dernière qui est le maître d’ouvrage des travaux et donc son donneur d’ordre.

La pratique est d’ailleurs classique en matière de travaux publics : lorsqu’il s’agit de creuser des tranchées et d’arracher des poteaux en vue de tels travaux d’enfouissement, les entreprises ont tout intérêt à disposer à faible distance d’un terrain permettant d’entreposer provisoirement les matériaux ainsi extraits et les trier pour en réutiliser une partie avant d’évacuer tout ce qui reste en fin de chantier vers une décharge agréée.

Vue aérienne du site avant l’aménagement du jardin en 2017 (source © Google maps)

Généralement et lorsqu’il s’agit comme ici d’une parcelle du domaine public, la collectivité signe avec l’entreprise bénéficiaire une convention d’occupation temporaire, qui précise les modalités de mise à disposition du terrain et surtout de remise en état en fin de chantier, cette convention pouvant même prévoir le versement d’une indemnité pour compenser la perte temporaire de jouissance de la parcelle et les nuisances occasionnées par le stockage temporaire.

Mais à Carnoux où ce dépôt sauvage n’est pas le premier du genre, il semble que rien de tout cela n’ait été prévu et que l’on s’est contenté d’un simple « arrangement » avec l’entreprise qui a donc pu, en toute liberté, déposer régulièrement et stocker ainsi pendant plus d’un an un énorme tas de gravats et de déchets de chantier en plein milieu de l’arboretum.

Pour lui faciliter la tâche, la barrière située à l’entrée du site a même été laissée ouverte, tant et si bien que tout le voisinage, et sans doute quelques entrepreneurs locaux peu regardants, en a déduit qu’une nouvelle décharge gratuite et non réglementée avait vu le jour sur Carnoux, bien pratique pour venir déposer discrètement déchets verts et déblais de démolition, ni vu ni connu.

Après l’enlèvement des déblais par Eiffage, le 19 juin 2020 : et le reste ? (photo © CPC)

Le chantier de terrassement est désormais terminé et Eiffage a replié son chantier. Les services techniques de la mairie lui ayant quand même rappelé que le stockage de ses déchets n’était pas supposé définitif, l’entreprise a fait l’effort de venir récupérer une partie de ses matériaux, après s’être quelque peu fait tirer l’oreille. Mais elle refuse catégoriquement de tout reprendre et a laissé plus de la moitié du tas sur place, considérant que tout les apports ne sont pas de son fait, ce qui est effectivement difficilement contestable, surtout lorsque rien n’a été contractualisé ni surveillé en cours de chantier. Il flotte sur la gestion de cette décharge sauvage, autorisée par la commune, comme un léger parfum d’amateurisme…

L. V.

Lee, le chaton qui ébranle la diplomatie planétaire

19 juin 2020

C’est une histoire belge comme on les adore. Mais qui présente de surcroît une dimension internationale car dans notre système mondialisé, la moindre escarmouche entre Wallons et Flamands a des répercussions jusqu’au Pérou… On a évité, pour cette fois, une nouvelle guerre mondiale mais on n’aura peut-être pas toujours cette chance…

Le chaton Lee et sa jeune maîtresse (source : GAIA)

Tout a commencé début avril au Pérou. Une jeune Flamande de 22 ans, Selena Ali, étudiante en psychologie à Statbroek et ex-candidate au titre envié de Miss Belgique, y était alors en stage pour ses études. Mais le développement de l’épidémie de Covid-19 l’oblige à rentrer précipitamment au pays pour se confiner.

Durant son séjour péruvien, la jeune fille avait adopté un petit chaton tigré dénommé Lee. La rage sévissant de manière endémique dans la région de Cuzco d’où est originaire le petit chat, sa maîtresse prévoyante le fait vacciner, le 24 mars 2020. Son départ précipité du Pérou ne lui permet cependant pas d’obtenir l’autorisation officielle de voyager avec son animal de compagnie puisque, selon la réglementation en vigueur, ce dernier doit accomplir au Pérou une période de quarantaine de 3 mois avant de pouvoir passer la frontière. Une règle dont personne ne connaît d’ailleurs très bien la justification puisque la rage peut se déclarer jusqu’à 12 mois après qu’un animal ait été inoculé par le virus.

Toujours est-il que la jeune Flamande ne s’embarrasse pas de scrupules administratifs. Elle emballe soigneusement son minuscule chaton dans ses bagages en cabine, et vogue la galère ! Le vol semble-t-il se passe sans encombre et le chaton sait se faire discret lors des formalités de douane.

Tout se corse lorsque Selena Ali se met à raconter son histoire sur les réseaux sociaux. L’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire (AFSCA), en charge des contrôles vétérinaires, s’étrangle d’indignation. La rage est totalement absente du territoire belge depuis 2001 et les autorités sanitaires wallonnes sont très chatouilleuses sur le sujet. L’animal n’ayant pas accompli sa quarantaine réglementaire avant de fouler le sol belge constitue donc un grave danger pour le pays déjà en proie au Covid-19. Aucun centre agréé n’existant en Belgique pour lui permettre d’achever sa période de quarantaine, le chaton Lee doit donc être euthanasié sans délai…

Le jeune chaton Lee qui a mis sens dessus-dessous la Nation belge (source : GAIA)

La décision implacable de l’AFSCA, fin avril, plonge la jeune étudiante dans le désarroi. Se refusant à voir sacrifié son petit chaton sur l’autel des exigences réglementaires de l’AFSCA, elle décide donc de cacher l’animal. Lorsqu’un agent de l’AFSCA se rend à son domicile accompagné de la police début mai, pour venir récupérer l’animal, il fait chou blanc et repart bredouille.

Dès lors, l’affaire prend une dimension nationale et, en moins d’une semaine, embrase l’ensemble du monde médiatique belge. Comme souvent en Belgique, la bataille oppose rapidement Wallons et Flamands, divisant le pays en deux camps inconciliables qui se déchirent sur les réseaux sociaux où l’affaire devient virale.

Convaincus de leur bon droit et de l’importance du risque encouru en matière de santé publique, les responsables de l’agence fédérale, soutenus par leur ministre de tutelle, le francophone Denis Ducarme, attaquent la jeune Selena Ali en justice. Le 15 mai 2020, une audience a lieu devant le Tribunal de première instance néerlandophone d’Anvers concernant le chaton Lee. L’AFSCA réclame alors pas moins de 5.000 € d’astreinte par heure à Selena Ali, tant qu’elle ne laisse pas son chat Lee se faire tuer. Ulcérée par la campagne de presse qui soulève le pays, l’AFSCA exige de surcroît une interdiction de parole de la propriétaire sous peine de 1.000 € d’amende par infraction.

C’est la goutte de lait qui fait déborder la gamelle… La décision d’euthanasier le chaton Lee au prétexte qu’il n’avait pas montré patte blanche au moment de poser ses coussinets sur le tarmac de l’aéroport belge avait déjà provoqué l’indignation de tous les défenseurs des chats. Mais l’exigence de museler aussi sa maîtresse en lui interdisant d’alimenter les réseaux sociaux est jugée attentatoire à la liberté d’expression.

Une campagne très médiatisée… (source : Planète Vie)

L’association belge de défense des animaux, GAIA, s’engage de toutes ses forces dans ce débat qui prend des allures de guerre civile. Le ministre (néerlandophone) du Bien-être animal (eh oui, ça existe!), Ben L.G. Weyts, et la Région flamande, soutiennent GAIA dans sa croisade contre la bureaucratie wallonne liberticide et sa volonté d’en finir avec le chaton Lee.

L’ambassadeur du Pérou en poste à Bruxelles tente bien de s’interposer pour essayer de sauver la vie de son ressortissant en proposant de le rapatrier temporairement au Pérou, mais le ton monte entre défenseurs du chaton Lee et partisans de la manière forte pour régler ce problème de santé publique. Des marques de prêt-à-porter surfent sur la vague en imprimant des tee shirts portant la mention « Blijf van mij poesje » (Ne touche pas à mon chat)…

De son côté et malgré l’injonction du tribunal, le chaton Lee et sa jeune maîtresse continuent à jouer au chat et à la souris avec les agents de l’AFSCA. Et le 29 mai 2020, tout le monde s’est retrouvé de nouveau devant la Justice, qui avait pourtant bien d’autres chats à fouetter, mais qui se devait de ne pas donner sa langue au chat face à un tel enjeu national. Heureusement, un terrain d’entente a finalement été trouvé. L’ambassadeur du Pérou a réussi à convaincre les autorités sanitaires de son pays d’accepter le petit chaton sur son sol natal pour qu’il y termine sa quarantaine écourtée, ce qui ne pose finalement aucun problème réglementaire, contrairement à ce qu’affirmait jusque-là l’AFSCA. Et le petit chaton a donc repris l’avion début juin pour purger sa peine tandis que sa maîtresse se voyait infliger une amende pour importation illégale d’animal.

Tout est bien qui finit bien donc, même si la Belgique tout entière a été au bord de la crise de nerfs pendant plus d’un mois pour une simple histoire de chaton et qu’il a fallu l’intervention d’un diplomate péruvien pour apaiser les tensions. On n’ose imaginer ce qu’une nouvelle affaire Dreyfus pourrait avoir comme conséquence dans un tel climat…

L. V.

A Carnoux, un nouveau site pour les citoyens

14 juin 2020

Jean-Pierre Giorgi, réélu maire de Carnoux-en-Provence pour son quatrième mandat successif (source : La Provence du 29 mai 2020)

Le 15 mars 2020, les habitants de Carnoux-en-Provence, comme ceux de plus de 30 000 communes en France, ont donc tranché le débat démocratique dès le premier tour des élections municipales, plaçant très nettement en tête la liste conduite par le maire sortant, Jean-Pierre Giorgi, avec plus de 67 % des suffrages exprimés. Sur les 29 conseillers municipaux que compte la commune, et par la grâce du scrutin majoritaire, 25 sont donc désormais issus de la liste Ensemble pour Carnoux, qui n’en comptait que 24 dans la mandature précédente.

Les deux autres listes se partagent donc les strapontins restant, avec deux conseillers municipaux chacune. Celle menée par Gilles Di Rosa, qui a perdu la moitié de ses élus par rapport à 2014, a vu ses principales têtes de liste jeter l’éponge et est donc désormais représentée au Conseil municipal par Jérôme Raffetto et Corine Mordenti, qui étaient respectivement en troisième et huitième position sur la liste.

Jacques Boulesteix et Cristèle Chevalier, les deux élus de la liste Carnoux citoyenne, écologiste et solidaire (source : Carnoux citoyenne)

Quant à la liste intitulée Carnoux citoyenne, écologiste et solidaire, qui présentait, pour la première fois depuis 50 ans que la commune de Carnoux existe, des orientations très nettement en faveur d’une meilleure prise en compte de l’environnement dans notre cadre de vie local, elle est représentée, comme il se doit, par ses deux têtes de liste, Jacques Boulesteix et Cristèle Chevalier.

Après trois mois et demi de mise en sommeil pour cause de pandémie mondiale et de confinement généralisé, le nouveau conseil municipal de Carnoux s’est finalement réuni le 27 mai 2020 pour procéder en son sein et à huis clos à l’élection du maire, reconduisant sans surprise à ce poste et jusqu’en 2026, Jean-Pierre Giorgi qui assume ces fonctions depuis 2001, suivant en cela les pas de son ami Jean-Claude Gaudin qui aura, lui aussi, occupé pendant 25 ans le fauteuil de maire de sa commune.

La première séance du Conseil municipal le 27 mai 2020 (source : Carnoux citoyenne)

Durant la campagne électorale, la liste Carnoux citoyenne, écologiste et solidaire avait constamment mis en avant son souhait d’une plus grande implication des citoyens dans les choix et les orientations de la vie publique locale. Jamais peut-être nous n’avons été confrontés à des défis aussi importants, dont certains d’ampleur planétaire, comme le changement climatique global et l’appauvrissement drastique de la biodiversité, qui menacent l’avenir même de l’humanité.

Pour faire face à de tels enjeux, compter sur le flair de nos seuls responsables politiques élus pour prendre les bonnes décisions est un pari pour le moins risqué. Au contraire, mobiliser l’intelligence collective de citoyens, qui n’ont jamais été aussi bien formés et informés, est sans doute plus efficace pour prendre ensemble les virages qui s’imposent et modeler notre cadre de vie local en s’inscrivant dans cette transition écologique, énergétique mais aussi sociale, économique et démocratique qui s’impose à nous.

C’est dans cette optique que s’est constituée la liste Carnoux citoyenne, écologiste et solidaire en faisant appel à toutes les bonnes volonté désireuses de s’impliquer dans la gestion responsable et durable de la commune. C’est avec cette même volonté de dialogue et d’échange que s’est construit le programme de la liste. C’est donc logiquement dans ce même esprit constructif et participatif que les deux élus envisagent leur mandat, en associant autant que possible les habitants de Carnoux aux choix qui les engagent.

Extrait du site internet www.carnouxcitoyenne.fr

Un site internet spécifique vient donc d’être créé, dans la continuité de celui qui avait fonctionné durant toute la campagne électorale à l’adresse www.carnouxcitoyenne2020.fr et qui reste consultable, permettant à chacun non seulement de prendre connaissance de la composition de la liste et des propositions des candidats, mais de participer activement aux échanges en vue de la finalisation du programme, de dialoguer et aussi de consulter un ensemble de dossiers et de documents particulièrement riches sur le fonctionnement et les enjeux de la commune et de son aire métropolitaine.

Ce nouveau site est ouvert au public depuis le 9 juin 2020 à l’adresse suivante www.carnouxcitoyenne.fr. Chacun y trouvera des informations sur l’actualité municipale et la vie dans la commune et ses environs ainsi que des dossiers pour favoriser la réflexion de chacun. Des compte-rendus de chacun des conseils municipaux de la mandature seront diffusés, dont celui du premier de la série, qui s’est tenu le 27 mai et auquel seuls les élus ont pu assister, crise sanitaire oblige. L’ordre du jour des séances à venir, dont celle du 18 juin qui verra notamment l’approbation du compte de gestion et le vote du compte administratif pour l’année 2019, ainsi que le débat des orientations budgétaires pour l’exercice 2020.

Les élus du nouveau Conseil municipal de Carnoux le 27 mai 2020 (source : Carnoux citoyenne)

La ville de Carnoux s’est distinguée jusque là par une extrême opacité dans sa gestion des affaires communales et une très grande discrétion dans la diffusion des comptes-rendus de séance de son Conseil municipal, comptes-rendus qui se résument au strict minimum, au point de valoir à la municipalité sortante un rappel à l’ordre de la part de la Chambre régionale des Comptes. Sur le site officiel de la commune, seuls les comptes-rendus des dernières séances restent accessibles. Le nouveau site de la liste Carnoux citoyenne, écologiste et solidaire permet quant à lui d’ores et déjà de consulter les archives de ces documents pour l’ensemble de la mandature écoulée car chacun a le droit de savoir ce qui se décide en son nom dans cette instance par les représentants que nous nous sommes collectivement choisis. La transparence démocratique fait peu à peu son chemin dans Carnoux…

L. V. 

A Marseille, l’incertitude règne

12 juin 2020

Au premier tour, une guerre d’affichage sans pitié… (photo © Gérard Julien / AFP / Le Monde)

Après 25 ans d’un règne sans partage de la droite sur la deuxième ville de France, aux mains d’un Jean-Claude Gaudin désormais largement discrédité et à bout de souffle, on se doutait bien que la succession ne serait pas des plus sereines. Le premier tour des municipales, organisé le 15 mars en pleine crise sanitaire du Covid-19 n’avait pas déçu les amateurs de sensations fortes avec ses bagarres de rues entre colleurs d’affiches et même une tentative de vol de l’urne dans un bureau de vote de la rue Félix Pyat par 5 hommes armés de kalachnikov. A Marseille, on a jamais peur d’en faire trop quand il s’agit de marquer les esprits…

Comme on pouvait s’y attendre au vu du contexte sanitaire dans lequel s’était déroulé ce premier tour en pleine période de pandémie mondiale et de psychose généralisée, le taux d’abstention y a atteint des records, dépassant partout les 60 % et même les 70 % dans les quartiers nord de la ville. Avec un tiers seulement des électeurs qui a jugé bon de se déplacer, les résultats de ce premier tour n’ont bien évidemment guère de valeur et laissent escompter bien des surprises lors du second, prévu dans 15 jours, le dimanche 28 juin 2020, plus de trois mois après, du jamais vu sous la Cinquième République !

Résultats d’un sondage réalisé par Ipsos-Sopra Steria pour franceinfo, France Bleu et La Provence, en janvier 2020 le score du FN et des écologistes a été quelque peu surestimé, celui du Printemps marseillais manifestement sous-évalué… (source © France TV Info)

Ceci dit, le premier tour avait quand même révélé son lot de surprises inédites. Tous les sondages et surtout les pronostics généreusement publiés par La Provence, donnaient Martine Vassal largement en tête, elle qui disposait du soutien indéfectible de son parrain et mentor en politique, le maire sortant Jean-Claude Gaudin. Déjà Présidente de la Métropole Aix-Marseille-Provence et du Conseil Départemental des Bouches-du-Rhône, elle se voyait bien désormais aussi dans le fauteuil du Maire. Et pourtant, elle n’est arrivée qu’en deuxième position avec seulement 22,3 % des suffrages exprimés et à peine plus de 36 000 voix, là où les listes de Gaudin en avaient recueilli plus de 96 000 en 2014.

Les résultats du premier tour : une vision globale quelque peu trompeuse dans une élection qui se joue par secteur (source © France TV Info)

Mais rien n’est encore joué pour autant, surtout dans une élection qui se déroule sur 8 secteurs, le maire lui-même étant finalement élu ultérieurement parmi les 101 conseillers municipaux, lesquels correspondent au premier tiers des conseillers élus secteur par secteur. Un mode électif indirect donc, qui peut réserver de nombreuses surprises encore, surtout dans un paysage aussi éclaté.

L’affiche de campagne du Printemps marseillais dans les 1er et 7e arrondissements (source © site Sophie Camard)

Chaque secteur est en effet une élection à part entière et rien n’indique que l’on aura la moindre idée, au soir du second tour, de qui finira dans le fauteuil du Maire. Les listes du Printemps marseillais, conduites par Michèle Rubirola, sont certes arrivées en tête du premier tour en nombre de voix global. Dans le premier secteur (1er et 7e arrondissements) et au vu des résultats du premier tour, sa candidate, Sophie Camard, suppléante du député Jean-Luc Mélenchon, semble avoir de bonnes chances de l’emporter face à la maire sortante LR Sabine Bernasconi, dans une triangulaire où le RN ne devrait faire que de la figuration, d’autant que l’écologiste Sébastien Barles s’est désisté en sa faveur.

Benoît Payan, tête de liste du Printemps marseillais dans les 2e et 3e arrondissements (source © Parti socialiste)

Il en sera probablement de même dans le deuxième secteur du centre-ville (2e et 3e arrondissements), où le socialiste Benoît Payan est en bonne posture dans une quadrangulaire avec le RN, la LR Solange Biaggi et la maire sortante Lisette Narducci, ancienne guériniste ralliée à Gaudin puis à Bruno Gilles et qui, jamais avare d’un revirement, vient de créer la surprise en recevant le soutien de LREM.

Bruno Gilles, quelque peu amer après un premier tour qui ne lui a pas permis de percer face aux listes de Martine Vassal (photo © Olivier Monge / Myop / Libération)

La situation est sans conteste plus ouverte dans le troisième secteur, le fief de Bruno Gilles, un ancien soutien de Gaudin, désormais dissident LR et que même son ami Renault Muselier ne peut plus soutenir trop ouvertement par peur de perdre l’investiture LR pour les prochaines Régionales de 2021. Contre toute attente, c’est Michèle Rubirola qui y est arrivée en tête du premier tour. Ils s’affronteront donc le 28 juin, avec un candidat RN en arbitre spectateur. Mais rien n’est joué à ce stade en raison du fort taux d’abstention initial et du jeu des reports de voix, toujours incertain. Certes le Printemps marseillais reçoit le soutien des écologistes, éliminés d’emblée et le candidat LREM, également hors course, a appelé à voter pour cette liste, mais Bruno Gilles a reçu de son côté le soutien officiel de l’ex candidat LR…

Dans le quatrième secteur (6e et 8e arrondissements), l’ex fief LR de Jean-Claude Gaudin, où Martine Vassal en personne est tête de liste, cette dernière est arrivée gagnante au premier tour, mais elle est talonnée par la candidate du Printemps marseillais, Olivia Fortin, laquelle a pu fusionner sa liste avec celle de l’écologiste Christine Juste, tandis que le candidat de Bruno Gilles a retourné sa veste dans l’entre-deux tours pour venir rallier Martine Vassal. Mais leur duel risque d’être entravé par le maintien de deux autres candidats, l’un RN et l’autre LREM puisque Yvon Berland a finalement décidé de maintenir sa liste dans le seul secteur où il avait réussi à dépasser le seuil fatidique des 10 % : de quoi rendre le résultat quelque peu incertain et donner des sueurs froides à la candidate LR…

Lionel Royer-Perreault (à droite) assuré de remporter le 5e secteur avec le député Guy Tessier (à gauche), sur les listes de Martine Vassal (au centre) (source © Made in Marseille)

Dans les cinquième et sixième secteurs, les jeux semblent en revanche déjà faits. Dans les 9e et 10e arrondissements, le maire sortant LR, Lionel Royer-Perrault, un proche de Guy Tessier, fait la course en tête devant son challenger RN et ne devrait donc pas être inquiété par la candidate du Printemps marseillais même confortée par le soutien des écologistes. Quant au maire sortant des 11e et 12e arrondissements, Julien Ravier, LR également, il sera opposé au second tour au RN qui a fait un gros score, mais aussi à la liste du Printemps marseillais, menée par Yannick Ohanessian et à celle de Robert Assante, soutenue par Bruno Gilles, une configuration qui devrait assurer au maire sortant de garder son fauteuil.

Stéphane Ravier, en bonne voie pour conserver la mairie de secteur des 13e et 14e arrondissements (source © Rassemblement National)

Le septième secteur (13 et 14e arrondissements) est depuis 2014 entre les mains du RN Stéphane Ravier et pourrait bien le rester puisque ce dernier était largement en tête du premier tour, devant le général David Galtier, le candidat de Martine Vassal. Le second tour se résumera en effet à un duel entre ces deux candidats, tous les deux classés très à droite. Contre toute attente, le Printemps marseillais a en effet décidé de jeter l’éponge et de ne pas présenter de liste au second tour alors que les voix de gauche étaient majoritaires par rapport à celles recueillies par LR. Un suicide politique dont la gauche marseillaise est coutumière et qui risque d’obérer définitivement ses chances d’accéder à la mairie de Marseille puisque ce secteur est celui qui élit le plus de conseillers municipaux et que la gauche est d’ores et déjà assurée, avant même l’élection, de n’en remporter aucun !

Quant au dernier secteur (15e et 16e arrondissements, dans les quartiers Nord), celui tenu par la dissidente ex-socialiste et surtout clientéliste Samia Ghali, il a lui aussi de bonnes chances de basculer au RN dont la liste est très bien placée en deuxième position. Curieusement, la liste écologiste s’est ralliée non pas à celle du Printemps marseillais, menée par le communiste Jean-Marc Coppola, mais bien à celle de Samia Ghali. Le candidat soutenu par Martine Vassal, quant à lui, ne figurera pas au second tour.

Qui demain à la tête de la Mairie de Marseille ? (photo © Bertrand Langlois / AFP / 20 minutes)

Dans une telle configuration, on voit bien que rien n’est donc encore joué. La seule certitude est que, sauf énorme surprise personne ne devrait disposer, à l’issue du second tour d’une majorité absolue. Cela signifie que le maire sera vraisemblablement élu à la majorité relative, dans le cadre d’un jeu d’alliances et de compromis qui risque fort de le fragiliser pour toutes les décisions importantes qu’il aura à prendre, dont le vote du budget qui devra intervenir avant fin juillet et qui ne sera sans doute pas une partie de plaisir…

Les listes LR seront probablement celles qui auront le plus grand nombre de conseillers élus mais risquent d’avoir bien du mal à trouver un consensus sur le choix d’un candidat du fait des tensions fortes entre Martine Vassal et Bruno Gilles, ce qui pourrait bien favoriser l’émergence d’un troisième homme tel que Guy Tessier. Au vu des scores du premier tour, le RN, qui détenait déjà 20 % des sièges dans le Conseil municipal actuel et qui est le seul à se maintenir dans tous les secteurs, devrait engranger un nombre de sièges très conséquent et jouera probablement un rôle d’arbitre majeur au sein du futur conseil municipal. Quant au Printemps marseillais, dans l’hypothèse où il arriverait à faire élire un maire de son bord, Michèle Rubirola ou Benoît Payan, celui-ci se retrouverait en tout état de cause face à un conseil municipal composé peu ou prou de deux tiers d’élus RN et LR, ce qui ne lui rendra pas la tâche facile. Marseille n’est décidément pas au bout de ses peines…

L .V.

Un confinement mondial à géométrie variable

7 juin 2020

La pandémie mondiale de Covid-19 n’est pas encore achevée. En ce jour, dimanche 7 juin 2020, les chiffres qui circulent et que l’on peut retrouver sur différents médias dont Sortir à Paris, font état de près de 7 millions de cas confirmés dans le monde pour quasiment 400 000 morts attribués à cette épidémie virale. Le recul est désormais bien établi en Europe même si l’on a encore enregistré, dans les dernières 24 heures, 46 décès en France attribués au Covid-19 et encore un peu plus de 200 au Royaume-Uni. Mais il n’en est pas encore de même aux États-Unis où, même si le pic est passé depuis mi-avril, le nombre de morts était encore de 1 128 ces dernières 24 heures, pour un bilan provisoire qui dépasse désormais les 100 000 décès. Et la pandémie fait désormais rage en Amérique du Sud, notamment au Brésil où le nombre quotidien de victimes ne cesse d’augmenter de jour en jour, et a atteint 904 hier, avec sans doute des chiffres officiels très en deçà de la réalité effective.

Evolution des cas de Covid-19 en France jusqu’au 18 avril 2020 (source © IMHT)

Ceci dit, et même si l’heure n’en est pas encore à dresser des bilans, alors que le monde médical recherche encore un vaccin contre ce coronavirus tout en continuant à s’interroger sur l’efficacité éventuelle des traitements à base d’hydrochloroquine, les tentatives d’évaluation des stratégies de confinement mises en œuvre commencent à voir le jour. Jamais en effet l’humanité n’avait testé à une telle échelle le confinement massif de sa population.

Alors que les dernières décennies avaient au contraire été caractérisées jusque-là par une véritable explosion de la mobilité, voilà que brusquement, tout déplacement est devenu interdit. Sortir de chez soi pour aller acheter sa baguette de pain est devenu une aventure périlleuse qui a même valu à certains d’écoper d’une amende de 135 € pour avoir eu la malchance de rencontrer un policier zélé considérant que cela ne faisait pas partie des denrées alimentaires de base…

Un dessin signé Kristian (source © France Bleu)

Aller se promener sur la plage ou dans la colline, même de manière solitaire, est devenu en quelque semaines une activité profondément subversive et passible de poursuite. Et l’on ne parle même pas des régimes qui ont profité de la situation pour instaurer des dispositifs de traçage des moindres mouvements de leurs citoyens pour tenter de les suivre avec une précision inframétrique afin d’alerter tous ceux qui auraient malencontreusement croisé la route d’une personne suspectée d’être contagieuse.

Paradoxalement, une telle démarche de confinement généralisé n’aurait jamais été possible sans les outils de communication numérique qui ont permis d’une part d’informer la totalité de la population de ces règles fortement attentatoires aux libertés individuelles et évolutives d’une semaine à l’autre, mais aussi de mettre en place des solutions alternatives pour que les gens continuent à communiquer entre eux voire à poursuivre à distance une partie de leur activité professionnelle.

Contrôle policier à Paris pendant le confinement (source © Twitter Le Parisien)

Des outils qui permettent aussi, après coup, de dresser un bilan de la manière dont le confinement a été mis en œuvre d’un pays à l’autre. Le smartphone que chacun ou presque a désormais tout le temps dans sa poche, constitue avant tout un implacable mouchard. Chacun est désormais suivi en permanence dans ses moindres déplacements, au point même que certaines applications grand public en sont à compter le nombre de pas que nous faisons chaque jour, pour notre bien-être, bien entendu… Les utilisateurs qui acceptent de livrer leurs données de géolocalisation, et ils sont désormais très nombreux, alimentent de nombreux outils permettant désormais de suivre en masse les déplacements des individues.

Evolution du taux de fréquentation des centres commerciaux et lieux de loisir en France au début de l’épidémie de Covid-19 (source données © Google Maps / Colibree)

Google Maps a ainsi rendu public sous forme de données globalisées et anonymisées (pour respecter les différentes réglementations en vigueur sur la protection des données individuelles) les déplacements de millions de personnes dans le monde durant la crise sanitaire du Covid-19. On sait ainsi jour après jour quelle a été la fréquentation des lieux publics, rapportée à la fréquentation en temps habituel.

Ainsi, en France au plus fort de l’épidémie et jusqu’à début mai, le taux de fréquentation des centres commerciaux et lieux de loisir tels que cafés, restaurants, musées, bibliothèques, cinémas, parcs à thèmes, plages ou jardins publics était tombé à moins de 20 % de leur taux de fréquentation habituel. Normal puisque la plupart de ces établissements étaient alors fermés au public, contrairement aux magasins d’alimentation et pharmacie qui, eux, restaient accessibles, mais dont la fréquentation avait aussi baissé de 40 à 60 %.

La rue de Rome, grande artère commerçante de Marseille, déserte pendant le confinement (source © France3 Régions)

Une preuve, s’il en était besoin, que le confinement a été remarquablement respecté dans notre pays. Ces derniers jours, et toujours selon les observations de Google Maps à partir du positionnement de nos smartphones, le taux de fréquentation est redevenu habituel dans les parcs, commerces et pharmacies, mais reste inférieur de 40 % dans les centres commerciaux et centres de loisirs.

Des chiffres qui sont d’ailleurs confirmés par une analyse publiée par son concurrent, Apple, qui a rendu publiques des données très comparables basées non pas sur le géoréférencement des smartphones mais sur les recherches d’itinéraires, lesquelles ont chuté de 80 % voire davantage pendant la crise sanitaire, confirmant bien que les Français sont, dans leur immense majorité, restés chez eux pendant le confinement.

Evolution du nombre de recherches d’itinéraires en France pendant la crise sanitaire (source données © Apple / Labo FNAC)

Ces chiffres sont intéressants à analyser car ils sont disponibles dans le monde entier et permettent donc de comparer les stratégies mises en œuvre d’un endroit à l’autre. On retrouve par exemple chez nos voisins espagnols et italiens des tendances très comparables à ce que l’on observe en France. Curieusement, les chiffres sont également assez proches en Inde, un des rares pays du Sud a avoir pratiqué une politique très stricte de confinement, au prix de conséquences économiques et sociales d’ailleurs dramatiques.

Par comparaison, dans un pays comme l’Allemagne le taux de fréquentation des centres commerciaux et lieux de loisir n’a baissé que de 53 % au plus fort de l’épidémie, très loin donc des 82 % observés en France dans les même conditions. Au Danemark, cette baisse de fréquentation a été plus faible encore, de l’ordre de 29 %, tandis que la Suède observait une baisse minime, évaluée à 20 %. Des taux très comparables à ceux constatés à Hong Kong ou au Japon (- 25 %), sans même parler de la Corée du Sud où la fréquentation n’a été réduite que de 13 % pendant la crise sanitaire.

Les effets psychologiques du confinement ont peut-être été sous-estimés… Un dessin signé Deligne (source © Bado, le blog)

Ces chiffres confirment donc, s’il en était encore besoin, que les mesures de confinement global imposées en France ont été particulièrement sévères. Elles ont conduit à une paralyse totale de l’économie du pays pendant trois mois et à un climat de psychose généralisée, au point que nombre de parents ont refusé, à l’image du Premier ministre lui-même, d’envoyer leurs enfants à l’école lorsque celle-ci à rouvert ses portes.

Et pourtant, le bilan sanitaire de cette pandémie mondiale montre que la stratégie française n’a pas été particulièrement performante au vu du nombre de morts et par comparaison avec de nombreux autres pays. Tout laisse désormais à penser qu’une stratégie plus ciblée de lutte contre une telle épidémie aurait sans doute été plus efficace que cette immobilisation générale et indistincte, par ailleurs catastrophique par ses conséquences économiques et sociales, et ceci sans doute pour plusieurs années. Peut-être fera-t-on mieux la prochaine fois, à condition de savoir en tirer les enseignements ?

L. V.

Dette publique française : c’est grave, docteur ?

2 juin 2020

La dette publique de la France correspond en principe à l’ensemble des emprunts que devront rembourser l’État français lui-même mais aussi les collectivités territoriales et tous les organismes publics dont ceux qui gèrent la sécurité sociale. Au troisième trimestre 2019, cette dette s’élevait à la somme astronomique de 2415 milliards d’euros, dépassant pour la première fois le produit intérieur brut annuel du pays, autrement dit l’ensemble des richesses produites au cours de l’année 2019 en France.

Un dessin signé Ixène (source © Pinterest)

Le chiffre n’est pas anodin puisque, rapporté à la population française il représente quand même 36 000 € par an soit 3 000 € par Français et par mois. Une donnée à rapprocher du salaire annuel net moyen en France qui, en 2015 (derniers chiffres publiés à ce jour) s’élevait 26 634 € par an, soit un peu plus de 2 200 € par mois. Un rapprochement qui indique sans la moindre équivoque qu’il reviendra aux générations futures de payer notre train de vie actuel…

Evolution de la dette publique française en milliards d’euros et en pourcentage du PIB (source © Wikipedia)

Et avec la crise économique qui se profile après trois d’inactivité due au Covid-19, tout indique que la richesse nationale va connaître un repli significatif en France au cours de l’année 2020. Le 6 mai dernier, la Commission européenne a rendu publiques ses prévisions pour l’année et annonce un repli moyen du PIB de 7,4 % dans l’Union européenne, mais qui pourrait atteindre 8,2 % pour la France, presque autant que l’Espagne et l’Italie… Un tel recul serait d’ailleurs du jamais vu dans notre pays depuis les années de guerre de 1939-45 !

Prévisions d’évolution du PIB dans les pays européens en 2020 (infographie © Statista / données UE)

Selon une analyse d’Alternatives économiques, les recettes publiques de l’État devraient baisser de 84 milliards d’euros au cours de l’année 2020, du fait principalement de la réduction des rentrées d’impôts sur les revenus et sur les bénéfices des entreprises, conséquence directe de la baisse de l’activité économique. Inversement, tout indique que les dépenses publiques seront en hausse, pour payer les transferts sociaux rendus nécessaires par la crise économique et sociale, une hausse évaluée à 66 milliards sur l’année. Avec de telles prévisions, la part des dépenses publiques dépassera pour la première fois la barre des 60 % du PIB national, un record alors que la France se distingue déjà par rapport à l’ensemble de ses voisins européens par un taux de dépenses publiques particulièrement élevé.

Un dessin signé Kak (source © L’Opinion)

Avec de tels chiffres, le montant du déficit public de la France, qui était déjà de 72 milliards d’euros en 2019, soit grosso modo 3 % de son PIB, devrait passer à 222 milliards, ce qui représente pas loin de 10 % du PIB : on est bien loin des fameux critères de Maastricht !

Mais le plus inquiétant sans doute est que ce déficit exceptionnel, combiné à une forte baisse du PIB, va se traduire mécaniquement par une hausse significative de notre niveau d’endettement qui pourrait ainsi atteindre 117 % du PIB selon les prévisions actuelles. On reste bien loin des valeurs déjà enregistrées au Japon, en Grèce ou même aux États-Unis, mais on atteint quand même un niveau très supérieur à celui de la plupart des pays…

Le commun des mortels est toujours surpris de constater qu’un pays peut s’endetter au-delà du montant des richesses qu’il crée dans le même temps. En réalité, plus que la dette elle-même, c’est l’évolution du patrimoine public qu’il convient de prendre en compte. S’endetter n’est pas un problème en soi et est même considéré par de nombreux économistes comme le signe d’une gestion dynamique : la dette d’aujourd’hui permet d’investir pour créer les richesses de demain.

Le point important à prendre en compte n’est donc pas le niveau de la dette, mais plutôt celui du patrimoine public, autrement dit les bâtiments et les infrastructures, qui en principe tend à s’accroître. Mais force est de constater que depuis 2008, alors que le niveau d’endettement s’accroît d’année en année, la valeur du patrimoine public net (le patrimoine moins la dette) ne cesse de baisser ! Alors qu’il approchait les 60 % du PIB en 2008, il est tombé à 16,8 % en 2014 et tout indique que cette baisse s’est poursuivie depuis.

Un dessin signé Ranson (source © France TV info)

La vulnérabilité de notre pays vient en réalité du fait que cet endettement croissant ne sert guère aux investissements d’avenir. Il y a bien longtemps déjà que ce n’est plus l’État qui investit pour créer les infrastructures qui permettront le développement des prochaines décennies. L’essentiel de l’investissement public se fait désormais via les collectivités territoriales (qui elles ne sont pas autorisées à s’endetter outre mesure puisque, contrairement à l’État, leur budget annuel doit nécessairement être équilibré) et surtout par le privé, au travers notamment des partenariats public-privé.

Du coup, comme on le voit dans les projections pour l’année 2020, si l’État continue à s’endetter, dans des proportions que certains commencent à juger quelque peu alarmantes, ce n’est pas pour assurer les investissements du futur, mais c’est de plus en plus pour payer ses propres coûts de fonctionnement et notamment la hausse inexorable des dépenses sociales.

Un dessin signé Weyant (source © blog P. Dorffer)

En 1980, les dépenses sociales représentaient 20 % du PIB national alors que cette part est montée à 31,2 % en 2018, une des plus élevées du monde. Ces dépenses sont destinées à la fois à la santé publique (avec, comme on l’a vu lors de la crise du Covid-19 des résultats plus que mitigés par comparaison avec d’autres pays), aux prestations sociales (où notre pays se caractérise de fait par un des taux de pauvreté les plus faibles du monde, grâce à l’importance de ces transferts sociaux) mais aussi à la prise en charge des pensions de retraite et de la vieillesse. Un modèle social très protecteur auquel les Français sont particulièrement attachés et qui a fait ses preuves durant les crises récentes, mais dont la pérennité mérite néanmoins une vigilance toute particulière au vu des prévisions actuelles qui ne sont guère rassurantes…

L. V.