Dans un peu plus d’un mois seulement aura lieu la prochaine élection au Parlement européen, le dimanche 9 juin 2024. Rappelons d’ailleurs au passage, pour ceux qui l’auraient oublié, bien qu’il s’agisse quand même de la dixième édition de ces élections qui se tiennent tous les 5 ans depuis 1979, que ce suffrage se fait à un seul tour à la proportionnelle.
Les modalités diffèrent d’ailleurs d’un pays à l’autre. En France, il a été choisi de fixer un seuil minimal de 5 % pour qu’une liste puisse disposer d’un représentant élu, ce qui n’est pas forcément le cas chez certaines de nos voisins. Ainsi, lors du dernier suffrage qui s’était tenu en 2019, et pour lequel pas moins de 34 listes avaient été constituées et validées, parfois in extremis après recours devant le Conseil d’État, seules 6 d’entre elles avaient pu obtenir au moins un représentant au Parlement européen. Les voix qui s’étaient portées sur les 27 autres listes en pure perte représentaient quand même 19,7 % des suffrages exprimées !
On ne sait pas encore combien de listes seront retenues pour concourir lors de la prochaine échéance du 9 juin puisque la date limite pour le dépôt des listes est fixée au 17 mai à 18h, mais il y a fort à parier qu’elles seront au moins aussi nombreuses qu’en 2019 ! A l’époque, le nombre de sièges d’eurodéputés avait été fixé à 705 dont 79 pour la France. Pour la prochaine échéance, inflation oblige et malgré le retrait devenu effectif de la Grande-Bretagne, il y aura 720 sièges en jeu, dont 81 pour notre pays.
La représentation nationale actuelle au Parlement européen compte 23 représentants du Front national, 23 de la République en marche, 13 écologistes, 8 LR, 6 socialistes et 6 représentants de la France insoumise. Au vu des nombreux sondages actuels déjà publiés et qui vont se multiplier dans les semaines à venir, tout laisse penser que la liste du Rassemblement national, menée par Jordan Bardella, arrivera largement en tête, donné actuellement autour de 30 %, ce qui pourrait l’amener à augmenter encore son nombre de représentants au Parlement européen. Viendrait ensuite, au vu des tendances observées jusqu’à présent, la liste macroniste dirigée par l’eurodéputée sortante, Valérie Hayer, qui peine à atteindre la barre des 20 % et pourrai perdre 6 à 7 sièges…
Le troisième homme de cette campagne est pour l’instant l’eurodéputé sortant Raphaël Glucksmann qui mène, comme en 2019, la liste du parti socialiste et que les sondages placent actuellement autour de 12 à 13 %, ce qui pourrait lui permettre de faire élire une douzaine de représentants. Quatre autres listes sont à ce jour données à plus de 5 % avec la perspective pour chacune d’elles de remporter 6 à 7 sièges chacune. C’est le cas de la liste écologiste, pilotée par Marie Toussaint, qui verrait ainsi sa représentation fortement amputée, tandis que la France insoumise, dont la tête de liste est, comme en 2019, Manon Aubry, paraît stable par rapport à 2019. A droite, la liste LR, menée par le très conservateur François-Xavier Bellamy, comme en 2019 également, est pour l’instant crédité d’un score assez comparable à celui obtenu alors, autour de 8 %. Pourrait aussi figurer dans ce dernier carré l’autre liste d’extrême-droite, menée par Marion Maréchal, sous l’étiquette Reconquête, et qui pourrait aussi peut-être se hisser au-dessus de la barre fatidique des 5 %.
Comme en 2019, la grosse inconnue de cette séquence électorale reste le taux de participation qui avait tout juste atteint 50 % lors de ce dernier suffrage. Tout laisse malheureusement à penser que cette année encore un Français sur deux ne prendra même pas la peine de se déplacer le 9 juin prochain pour aller exercer son droit de vote, alors même que l’Europe est au cœur de notre vie quotidienne et que la majorité de notre législation actuelle est directement dérivée des directives européennes. Jamais la France n’a été autant intégrée à l’Union européenne, dans un monde désormais multipolaire où même un bloc aussi important que l’Europe peine à exister face aux appétits de puissance des États-Unis, de la Chine, de la Russie mais aussi de nombreux pays émergents en pleine expansion. Et pourtant, les Français ont du mal à s’intéresser aux débats qui agitent le Parlement européen…
Ce n’est pourtant pas faute d’efforts de communication et de pédagogie pour rendre accessibles à tous les arcanes de ce lieu de démocratie. Saluons à ce sujet la série remarquable intitulée sobrement Parlement, écrite par Noé Noblet et produite par Cinétévé, Artemis Productions et CineCentrum, dont les 20 épisodes des saisons 1 et 2 ont été diffusés sur France TV en avril 2020, suivi d’une saison 3 tournée en 2022 et diffusée en septembre 2023.
On y voit les premiers pas au Parlement européen d’un jeune assistant parlementaire français, Samy, joué par le comédien Xavier Lacaille, qui débarque à Bruxelles au lendemain du vote du Brexit, et découvre les rouages de la démocratie européenne aux côté de son eurodéputé fainéant, Michel Specklin, de l’anglaise Rose, de l’italien Guido, de l’allemand Martin Kraft, ou encore du fonctionnaire européen ultra-compétent et incorruptible, l’impénétrable Eamon. Un bijou d’humour et d’autodérision, sans prétention mais plein d’esprit et qui a le mérite de faire pénétrer au cœur des arcanes complexes du Parlement européen mais aussi de la Commission européenne, où l’on découvre le fonctionnement au jour le jour de nos institutions européennes avec les enjeux auxquels est confrontée la construction européenne, les rivalités entre états membres, le rôle des lobbyistes et la manière dont s’élabore un consensus politique dans un tel bazar. De quoi donne au citoyen européen une vision plus humaine et terriblement incarnée de ces froides institutions qui paraissent si loin de nos préoccupations mais dont les décisions pèsent si fortement sur notre vie quotidienne.
Et voilà que Cinétévé, le producteur de cette série à succès, vient de s’allier avec l’Institut Jean Monet, une fondation attachée à promouvoir l’idéal d’union et de paix qui animait les pères fondateurs de l’Union européenne, pour produire une série de clips inspirés directement de la série télévisée Parlement et destinés à inciter les jeunes (notamment) à voter en masse lors de la prochaine échéance électorale du 9 juin 2024. Sur les 8 clips de campagne prévus, 2 sont déjà accessibles en ligne sur le site dédié. On y retrouve l’humour grinçant et décalé propre à la série télévisée, et ses messages pédagogiques qui font mouche…
Espérons que les Français, et notamment les plus jeunes d’entre eux qui s’étaient largement abstenus en 2019, seul un tiers des 18-39 ans ayant alors fait l’effort de glisser un bulletin dans l’urne, soient sensibles à cette campagne. D’autant qu’elle est loin d’être la seule, les initiatives se multipliant actuellement pour inciter le maximum de jeunes européens à aller voter et à s’intéresser de plus près au fonctionnement démocratique de nos institutions. C’est notamment le cas de la plateforme Ensemble, mais aussi du Parlement européen lui-même qui met à disposition une boîte à outils pédagogique dans ce but, tandis que la Commission européenne s’efforce, via son site Les décodeurs de l’Europe, de combattre certaines idées reçues sur les dysfonctionnements de l’Europe.
Même des agences de communication s’y mettent et lancent des campagnes d’affichage pour diffuser des messages incitant chacun à se mobiliser pour cette échéance électorale, à l’instar de l’agence Image & Stratégie, qui insiste sur l’idée que chaque citoyen est acteur du choix des politiques publiques, même celles décidées dans des institution qui nous paraissent trop souvent lointaines, opaques et éloignées de nos préoccupations quotidiennes. C’est l’esprit même de la démocratie dans laquelle chaque voix compte, sauf celles qui décident de ne pas participer au scrutin…
L. V.