Archive for juin 2021

Départementales et régionales : statu quo…

30 juin 2021

C’est grosso modo le statu quo qui prédomine après ces élections locales destinées à renouveler de manière globale l’ensemble des assemblées régionales et départementales de France et dont beaucoup attendaient des changements majeurs. Mais les Français ont boudé les urnes de manière encore plus spectaculaire que lors des échéances précédentes, un tiers seulement d’entre eux faisant l’effort de se déplacer. Et finalement, il ne s’est pas passé grand-chose, sinon une formidable prime aux sortants qui, bien que critiqués en permanence par des électeurs éternellement blasés et râleurs, ont pour la plupart été largement reconduit pour 6 ans : comprenne qui pourra !

L’abstention massive, principale caractéristique de ces élections régionales et départementales : un dessin signé Chaunu (source © Ouest France)

Aux régionales, tous les exécutifs sortant ont été largement reconduits, à gauche comme à droite, à la seule exception de la Réunion où la maire de Saint-Paul, l’ex-communiste Huguette Bello, à la tête d’une liste d’union de la gauche rassemblée en extremis entre les deux tours, a réussi à ravir la Région au sortant LR Denis Robert, un gros cumulard qui traîne toute une batterie de casseroles judiciaires et est sous le coup d’une condamnation à 3 ans d’inéligibilité pour laquelle il a fait appel…

En dehors de ce basculement à gauche, ces élections régionales auront donc vu, sans surprise, la large reconduction des sortants de droite comme de gauche. La plus belle réélection est sans conteste celle de la socialiste Carole Delga plébiscitée avec près de 58 % des suffrages exprimés devant son chalenger RN et devant le LR qui termine avec à peine plus de 18 % des voix. Bien sûr, les esprits chagrins ne manqueront pas de remarquer que si l’on rapporte ces scores au nombre d’inscrits, cela ne fait jamais que 20,9 % d’adhésion pour la Présidente de la Région Occitanie (et à peine plus de 6 % pour son adversaire malheureux, Aurélien Pradié pourtant n°3 national du parti LR dont les ténors n’ont fait guère mieux avec 15 % pour Valérie Pécresse et moins de 17 % pour Xavier Bertrand que chacun présente comme le prochain finaliste de la présidentielle en 2022…

Carole Delga, brillamment réélue à la tête de la Région Occitanie (photo © G.L. / Actu.fr)

Ces régionales ont été en particulier marquées par un net effondrement du parti de Marine Le Pen à qui les sondages promettaient pourtant des scores mirifiques. Touché de plein fouet, comme les autres partis, par une abstention massive et sans doute, comme l’explique Jean Viard à La Provence, par une perte de crédibilité des mouvements populistes à l’issue d’une crise sanitaire mondiale sans précédent, le RN a perdu nombre de ses électeurs. C’est le cas notamment en région PACA où la liste conduite par Thierry Mariani, pourtant arrivée largement en tête au premier tour, n’a finalement recueilli que 420 000 voix soit 300 000 de moins que Marion Maréchal Le Pen au premier tour des régionales de 2015 : le recul est brutal !

Largement battu en Région PACA, Thierry Mariani s’éclipse après un rapide discours désabusé (photo © Loeiza Alle / Marsactu)

Fort du désistement de la gauche en sa faveur et du ralliement de l’écologiste Jean-Marc Governatori, le sortant Renaud Muselier l’a donc très largement emporté au second tour avec 57,3 % des suffrages exprimés et près de deux fois plus de voix qu’au premier tour ! Sa réélection à la tête de l’exécutif régional où il dispose de 84 élus, contre 39 seulement pour le RN, n’est plus qu’une formalité. Arrivé en tête dans les six départements de la région, même dans le Vaucluse, sa stratégie d’alliance avec les centristes du MODEM, de l’UDI et même de la République en marche lui a permis de conserver haut la main son fauteuil à la tête d’une large majorité qui ne compte pourtant que 17 élus régulièrement encartés au parti LR !

La gauche, qui s’était désistée en faveur de Renaud Muselier sera l’éternelle grande absente de cette nouvelle assemblée régionale. Elle pourra en revanche jouer son rôle d’opposant au Conseil départemental des Bouches-du-Rhône où Martine Vassal devrait être reconduite sans surprise à la tête de l’exécutif pour au moins 6 ans encore, avec, là aussi, une confortable majorité. En dehors de Marseille, le seul canton où la gauche tire son épingle du jeu est le fief communiste de Martigues que Gérard Frau et Magali Giorgetti remportent avec plus de 62 % des suffrages exprimés. Les binômes du Printemps marseillais confirment leurs bons scores de l’an dernier à l’image du maire Benoît Payan, réélu avec plus de 75 % des voix avec la maire de secteur Sophie Camard, tandis que 4 autres binômes de l’union de la gauche s’imposent à l’issue du second tour. Certes, dans les cantons d’Istres, de Pelissanne et de Salon-de-Provence 2, certains des élus de cette nouvelle assemblée départementale sont bel et bien classés à gauche, mais ils ont d’ores et déjà annoncé leur choix de se rallier à Martine Vassal, en remerciement de son soutien financier indéfectible.

Martine Vassal fêtant sa victoire en compagnie de Lionel Royer-Perreaut et Laure-Agnès Caradec, le soir du second tour des départementales du 27 juin 2021 (photo © Pierre-Yves Isnard / Marsactu)

Cette dernière, largement réélue avec 68 % des suffrages exprimés, en tandem avec Lionel Royer-Perreaut, se retrouve donc à la tête d’une majorité opulente, ayant même réussi à ravir à la gauche le canton d’Arles et celui de Gardanne, deux fiefs historiques de la gauche. Le RN, qui n’avait gagné en 2015 qu’un seul canton, à Berre-l’Etang, désormais ancré à droite, a remporté la mise dans le 6e canton marseillais où Sandrine d’Angio, ex maire du 13-14, l’emporte de 996 voix face à la gauche. Quant aux deux cantons d’Aix-en-Provence, ils font partie des rares succès du parti gouvernemental LREM qui réussi à y faire élire 3 conseillers départementaux.

Les 5 autres départements de la région PACA disposent désormais tous d’une majorité de droite, y compris les Alpes de Haute-Provence qui étaient pourtant historiquement à gauche depuis une bonne vingtaine d’années. Le Vaucluse est peut-être seul à faire figure d’exception, là où, comme en 2015, gauche et droite se retrouvent à égalité avec 6 cantons chacun, réussissant néanmoins à contenir la poussée du RN qui n’a pas progressé depuis 2015. C’est le maire sans étiquette de Bollène, Anthony Zilio, tombeur de Marie-Claude Bompart, qui risque de jouer les arbitres lors de l’élection du Président de l’exécutif…

Anthony Zilio, maire de Bolène et futur arbitre au Conseil départemental de Vaucluse (photo © Alain Ricci / Le Dauphiné)

Dans les Alpes-Maritimes en revanche, la droite renforce encore son hégémonie en ne laissant plus qu’un seul canton à la gauche. Même configuration dans les Hautes-Alpes où la gauche, bien qu’unie, perd encore la moitié des 4 cantons qu’elle avait conservés en 2015. Quant au Var, où la gauche était totalement absente de l’assemblée départementale depuis 2015, la droite fait carton plein en ne laissant plus au RN qu’un seul canton, celui de Fréjus.

Couleur politique des binômes élus par canton le 27 juin 2021 (source © Ministère de l’Intérieur / Le Monde)

A l’échelle nationale, ces élections départementales confirment globalement cet ancrage du pays à droite, laquelle détient désormais 64 des 95 départements concernés par cette élection. Le Val-de-Marne, dernier département détenu par le Parti communiste, depuis 45 ans quand même, a ainsi basculé à droite, de même que le Puy-de-Dôme qui avait presque toujours été dirigé par la gauche depuis la Libération. Il en est de même du Finistère, désormais ancré à droite, ainsi que l’Ardèche, dernier département marqué à gauche de toute la Région Auvergne-Rhône-Alpes et qui devrait désormais avoir un président LR. Maigre consolation pour la gauche, les départements de Charente et des Côtes-d’Armor repassent sous une majorité issue de l’union de la gauche.

Des résultats qui globalement présentent peu de surprises donc, mais qui confirment néanmoins, élection après élection, que les électeurs de droite restent ceux qui se mobilisent le plus dans un climat de forte désillusion et de désintérêt croissant des citoyens pour la gestion des affaires publiques… Relever le défi de la mobilisation citoyenne devient un véritable enjeu !

L. V.

Les Algériens aussi boudent les élections

28 juin 2021

Alors qu’en France chacun s’interroge sur les raisons qui ont poussé les deux-tiers des électeurs à se détourner des urnes lors des élections départementales et régionales qui viennent de s’achever, force est de constater que, chez nos voisins algériens, le taux d’abstention enregistré à l’occasion des dernières élections législatives est encore plus élevé. A peine 23 % des électeurs se sont déplacés pour aller voter le 12 juin 2021 pour ces élections législatives ! Et encore, sur un peu plus de 24 millions d’électeurs inscrits (dont plus de 900 000 votent à l’étranger), pas moins de un million de votes blanc et nuls ont été décomptés… C’est dire à quel point nos amis algériens, encore davantage que les Français, affichent leur indifférence voire leur écœurement face à la vie politique démocratique !

Bureau de vote à Alger le 12 juin 2021 (photo © Ryad Kramdi / AFP / France 24)

Et pourtant, souvenons-nous de ces foules de jeunes Algériens qui, depuis février 2019, n’ont pas hésité à descendre bruyamment dans la rue à de multiples reprises, d’abord pour protester contre la candidature du vieillard impotent, Abdelaziz Bouteflika, à un cinquième mandat présidentiel, puis pour contrer son désir de se maintenir au pouvoir à l’issue de son mandat, après avoir tout simplement annulé les élections.

Rassemblement dans les rues d’Alger le 22 février 2021 pour célébrer le deuxième anniversaire du lancement du Hirak (photo © Nurphoto / AFP / Courrier international)

Les masses d’étudiants, courageusement rassemblées dans ce mouvement de protestation populaire connu sous le nom de Hirak, avait finalement obtenu en avril 2019 le départ de Bouteflika, remplacé par Abdelkader Bensalah, pour une période intérimaire à l’issue de laquelle ce dernier n’a pas résisté à la tentation de se maintenir au pouvoir. En décembre 2019, malgré la persistance d’une forte mobilisation que le régime n’hésite pas à réprimer férocement, c’est finalement un cacique du régime au pouvoir, Abdelmadjid Tebboune, qui est élu dès le premier tour à l’occasion d’élections présidentielles largement boycottées par la plupart des partis d’opposition et qui se caractérisent déjà par un taux très élevé d’abstention (plus de 60 % !) et de votes blancs et nuls (plus de 1,2 millions…).

Sauvé par la pandémie de Covid-19 qui empêche désormais les manifestants de se rassembler dans la rue, le régime organise le 1er novembre 2020 un référendum constitutionnel, dans un climat de répression impitoyable des opposants issus du Hirak et de certains journalistes indépendants. Ce référendum, qui ne mobilise qu’à peine plus de 23 % du corps électoral, aboutit à l’adoption de la réforme constitutionnelle (avec deux-tiers seulement d’accord). Celle-ci ne change cependant pas fondamentalement le caractère hyperprésidentiel du pouvoir algérien.

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune lors de son discours d’investiture en janvier 2020 (photo © Toufik Doudou / AFP / France TV5 Monde)

La promulgation de cette nouvelle constitution, qui n’a manifestement pas suscité une adhésion franche et massive de la part du peuple algérien, tarde de surcroît à être promulguée du fait de l’absence du Chef de l’État, Abdelmadjid Tebboune, qui a contracté le Covid-19 et a été évacué en Allemagne dans un état plus que préoccupant. C’est le 18 février 2021 seulement que l’Assemblée populaire nationale est finalement dissoute et le 11 mars que les élections sont convoquées pour son renouvellement.

Suite à une modification de la représentation, le nombre de sièges à pourvoir, pour une durée de 5 ans, est réduit de 462 à 407. L’organisation de ces élections législatives plonge de nombreux partis dans l’embarras, plusieurs d’entre eux appelant au boycott, comme ils l’avaient fait pour le référendum constitutionnel. Un contexte qui oblige à une certaine prudence quant à l’analyse des résultats de ces élections, boudées par la grande majorité du corps électoral.

Caricature du dessinateur algérien Dilem, publiée le 13 mars 2021 (source © Liberté Algérie)

Il n’en demeure pas moins que c’est un désaveu pour le Front de libération nationale (FLN), toujours au pouvoir depuis l’indépendance et qui se retrouve avec seulement 98 députés dans la nouvelle assemblée alors qu’il en avait 159 dans la précédente. Plus inquiétant, cette élection est marquée par un franc succès des partis islamistes. Le principal d’entre eux, intitulé Mouvement de la société pour la paix (MSP) remporte ainsi 65 sièges, soit 31 de plus que dans la précédente mandature. Son challenger et allié, le mouvement El-Bina, nouveau venu sur la scène politique, remporte quant à lui 39 sièges. Un succès guère rassurant dans un pays qui a été dévasté par le terrorisme islamiste entre 1990 et 1999 !

Certes, le MSP préserve une certaine ambiguïté en se présentant comme islamiste modéré tandis que le Chef de l’État affirme que l’Algérie « s’est débarrassée définitivement de l’islam idéologique ». Pour autant, l’actuel président du MSP, Abderrazak Makri, est un fervent admirateur du Turc Recep Tayyip Erdogan et l’ancien fondateur du parti, Mahfoud Nahnah, décédé en 2003 après avoir été candidat aux présidentielles de 1995 et 1999, était clairement lié à la confrérie des Frères musulmans.

Panneaux d’affichage électoral à Alger la veille du scrutin du 12 juin 2021 (photo © Ryad Kramdi / AFP / Courrier international)

L’Algérie attend désormais la formation du nouveau gouvernement qui devrait s’appuyer, comme le précédent sur une coalition rassemblant les deux alliés traditionnels, le FLN et le RND (Rassemblement national démocratique, qui dispose désormais de 58 sièges après en avoir perdu 42 depuis 2017), ainsi que les indépendants (au nombre de 84 dans la nouvelle assemblée) et les islamo-conservateurs. Une chose est sûre, la représentation féminine est la grande perdante de ces élections législatives puisque sur les 8000 candidates qui se présentaient aux suffrages, seules 35 ont été élues alors qu’elles étaient 146 dans la précédente assemblée. En Algérie comme dans la Tunisie voisine, l’islam politique prospère et le féminisme a encore bien des marges de progression…

L. V.

Katulu ? n° 63

26 juin 2021

Après quelques mois de silence et de confinement, tout revit et le cercle de lecture carnussien Katulu ? publie une nouvelle compilation de notes de lecture. De quoi découvrir ou retrouver de nouvelles œuvres, émouvantes, innovantes, surprenantes, captivantes, envoûtantes, passionnantes ou barbantes, c’est selon…

Retrouvez l’intégralité des notes de lecture de ces livres (Katulu_63). Si vous aussi vous avez envie d’échanger en toute convivialité autour de vos derniers coups de cœur de lecteur, venez nous rejoindre pour les prochaines réunions qui se tiennent régulièrement à Carnoux-en-Provence !

Embrasser l’eau et la lumière

Catherine Ecole-Boivin

L’histoire de ce livre se situe à la limite de la Vendée, dans les environs du Collet, autrefois grand port de la « Baye de Bretagne », la Baie du Sel. Ce livre est passionnant car il nous raconte l’histoire du sel, le travail du sel, des saulniers. On se laisse porter par un récit lent et paisible, très bien écrit. Une découverte.

La première partie, le ventre du marais, nous fait découvrir, en nous racontant l’histoire d’Agnès, la Saulnière et d’une petite fille Lucille (Lulu, la narratrice) qui ne la quitte pas, ce que fut le travail du sel pendant plusieurs siècles. Les habitants récoltaient le sel par évaporation… ils ont eu l’idée de brasser l’eau d’une certaine manière, pour récolter le sel qui se formait naturellement dans la saumure du marais.

L’histoire du sel c’est aussi l’histoire des guerres de Vendée (1793-94), des massacres, des rancunes familiales, l’impossibilité du pardon donc l’impossibilité d’épousailles entre les familles, la malédiction : un fils perdu à chaque génération.

La mémoire du marais, deuxième partie, c’est l’histoire de la narratrice Lucille, sa lutte comme femme pour s’occuper d’une saline, pour devenir saulnière, une tâche réservé aux garçons. Lulu, l’adolescente envoyée à la ville par son père pour « être placée » (cela se situe dans les années 1950) va découvrir le monde après une enfance dans une famille rurale et pauvre. Mais le marais « l’appellera » et elle finira par vaincre les résistances multiples et devenir « la saulnière » comme lui avait enseigné la vieille Agnès.

Marie-Antoinette

Philipe Delerm (photo © Hervé Quelle / MaxPPP / France Inter)

La vie en relief

Philippe Delerm

« Je ne suis pas de mon temps, je suis tout mon temps ». Des souvenirs d’enfance à la pandémie actuelle, l’auteur « met des mots sur ce qu’on a cessé de voir alors qu’on est entouré de toutes ces choses là. » C’est le talent de Philippe Delerm l’inventeur d’un genre « l’instantané littéraire ».

« Vivre par les toutes petites choses. Des sensations infimes, des phrases du quotidien, des gestes, des bruits, des odeurs, des atmosphères. Écrire sur tout cela. Car écrire et vivre c’est la vie en relief… Transformer en sujet ce qui n’en est pas un, la perspective est délicieuse. »

L’auteur qui se dévoile en chantre de l’inquiétude : « si on ne s’inquiète pas pour les autres, si on aime pas les autres, il n’y a pas de bonheur. » « Le malheur c’est de perdre quelqu’un. Le bonheur, c’est d’avoir quelqu’un à perdre. » C’est le goût du bonheur et son inquiétude qui fait le relief de la vie.

Un livre plein d’amour, de douceur… une poésie pour chaque instant… le plaisir de parcourir ces lignes comme celui de la fraîcheur au bord d’une rivière, comme le murmure de l’eau sur les pierres polies… la vie s’écoule…

Marie-Antoinette

La vie mensongère des adultes

Elena Ferrante

La vie mensongère des adultes est une histoire qui se passe à Naples actuellement. C’est la description de ce que vit une adolescente entre 13 et 16 ans : Giovanna, dans un milieu intellectuel, bourgeois, dans un quartier huppé de Naples. Elle ne manque de rien, les parents enseignants sont présents, sont aimants. Jusqu’au jour où elle découvre la vérité sur sa tante Vittoria, la sœur de son père, qui vit dans les bas quartiers populaires de Naples, femme de ménage, parlant essentiellement le napolitain. C’est un séisme pour Giovanna. Giovanna va tout faire pour prendre contact avec Vittoria, elle veut la connaître pour comprendre ce qu’elle est et ce qu’elle est en train de devenir.

C’est aussi le moment où le père de Giovanna va quitter sa famille pour vivre avec la femme de son ami… et avec ses filles les grandes amies de Giovanna. ; Giovanna n’a plus de référence ou plutôt elle se rend compte que finalement les adultes ne sont pas fiables et particulièrement hypocrites.

L’analyse de l’adolescente qui a été choyée, reconnue et qui tout d’un coup se retrouve très seule, avec la découverte de sa tante qui lui insuffle désormais tout ce qu’elle a comme ressentiment contre son frère. Pour Giovanna c’est sa tante Vittoria qui a raison, jusqu’à ce qu’elle se rende compte que Vittoria est particulièrement vulgaire, sans culture, souvent méchante… Tout cela lui a permis d’élargir son champ d’intérêt et de connaître des jeunes et des adultes en dehors du milieu feutré dans lequel elle vivait auparavant. De découvrir des valeurs de solidarité dans ce monde où la vie de tous les jours est difficile.

Le livre est facile à lire mais il dégage en permanence un malaise général dont j’ai eu du mal à me défaire… c’est peut être le génie de ce livre…

Cécile

La voyageuse de nuit

Laure Adler

L’auteure, Laure Adler, dont on a pu garder le souvenir de la jeune et brillante animatrice sur France-Culture qui, en 1976, participait à certaines émissions littéraires et artistiques (Pollak, Pivot ),un temps chargée de mission à l’Elysée, elle revient à la direction de France-Culture de 1999 à 2005 et organise maintenant sa retraite vers tout ce qu’elle n’a pas pu faire pendant sa vie active.

Maintenant, à 70 ans, Laure Adler s’interroge sur « la vérité de l’âge » et ironise sur les expressions « on prend de l’âge… on fait son âge… on ne fait pas son âge ». Qu’est ce que la vieillesse dont parlèrent si bien Beauvoir et Duras ? Une avancée vers la fin qu’elle a suivie chez ses parents, ses amis, dans les villes, dans les campagnes.

« L’âge opposé à jeune… Tu es jeune, tu es vieux… le racisme des âges, de tous les âges » dont parle Roland Barthes. L’âge marque-t- il plus durement les femmes que les hommes, selon le métier ? Et de citer nombre d’acteurs, écrivains, artistes, peintres, musiciens, hommes et femmes politiques : la vieillesse leur fait la part belle.

« L‘âge est un laché prise qui autorise une forme de dépassement ». Il est vrai qu’à ces âges-là on perd parfois la boule ou la santé ! Il est vrai aussi que les EHPAD et même les établissements de luxe n’apportent pas la tendresse nécessaire au confort moral des pensionnaires, faute de moyens humains, une « ghettoïsation » indigne accentuée par la crise du coronavirus…

Observant l’approche de la mort chez les mamifères, dont l’homme, mort subie ou choisie, il importe de « Garder le goût du monde, trouver chaque jour le sel de la vie » alors qu’à l’instar de Beauvoir « moi je suis devenue une autre, alors que je demeure moi-même ». Voilà le sentier souple rempli d’anecdotes, de citations, que Laure Adler nous propose pour faire route vers la finitude.

Roselyne

Hervé Le Tellier (photo © Joël Saget / AFP / France Inter)

L’ANOMALIE

Herve Le Tellier

Prix Goncourt 2020

L’auteur nous place face à un miroir convexe qui réfléchit le temps, le tord, en éliminant la notion du réel et nous enfonçant dans le vertige du virtuel si proche de nous. La vérité si elle existe perd ses limites et s’invente. On peut détester cette Anomalie pour son caractère invraissemblable ou l’apprécier justement pour le plaisir de la science fiction.

L’histoire nous raconte un avion, vol régulier Paris – New York, parti le 10 mars, rencontrant une turbulence. Cent six jours après, le 24 Juin, le même avion atterrit à nouveau transportant à son bord les mêmes 250 passagers. Il s’agit du double parfait du vol précédent. Le lecteur soudainement se trouve tour à tour captivé, horrifié, admiratif mais perdu côté raison !

On peut trouver virtuose ce paradigme osé du trou noir, cette photocopieuse de nous-mêmes ; l’auteur n’insinue-t-il pas que « Toute réalité est une construction et même une reconstruction » ?

Une théorie qui ouvre le champ à des digressions scientifiques, religieuses ou des propositions psycho philosophiques qui peuvent d’ailleurs agacer le lecteur et le perdre dans une certaine dissonance cognitive !

L’auteur nous met ainsi face à notre miroir interne, notre double narcissique à la manière de Freud et devant nos inquiétantes étrangetés. Face à nos doubles chacun s’accomode ou pas, y croit ou pas, s’accepte ou pas. Aussi faut-il admettre que parfois :« l’ignorance est bonne camarade et (que) la vérité ne fabrique jamais du bonheur ».

Le roman par son style et son sujet, mêlant à la fois poésie et réalisme, magie et science, mélancolie et positivisme ne peut que nous toucher. Lorsqu’il nous enjoint : « il faut toujours préférer l’obscurité à la science », il faut entendre dans ce chant de l’obscur la gloire de l’imaginaire. Son hommage au non-dit est la consécration de l’imagination, sa délicatesse et sa puissance, la supériorité de l’homme sur la nature et un appel à la complicité et à l’émotion de ses lecteurs.

Nicole

Franck Bouysse (source © Librairie Le Failler)

Né d’aucune femme

Franck Bouysse

Ce roman m’a tenue en haleine par l’enchaînement rapide des actions ; on ne s’y ennuie jamais ! C’est un mélange de tendresse et d’horreur. C’est un conte fantastique dans un style poétique rondement mené pour entraîner le lecteur dans les péripéties du roman !

Cette histoire est celle de Rose, jeune fille de 14 ans dans la France profonde, vendue par son père, pour pouvoir faire vivre ses autres enfants, à un Maître des Forges. Désormais elle devra vivre entre cet homme cruel et sa vieille mère tout aussi perfide : la sorcière. Sa vie sera une suite d’épisodes malheureux, même dramatiques ! Son père qui regrettera son geste sera assassiné purement et simplement dans une atroce violence ! Elle sera violée dans des souffrances insoutenables pour donner un héritier au Maître : « Ce soir là j’ai compris que c’était vraiment le diable ».

Pour supporter cette odieuse vie, Rose sentit en elle le besoin de raconter sa terrible histoire. A travers cette soif d’écrire on devine l’auteur qui semble obéir à l’héroïne pour laisser vagabonder son imagination : «les mots passent de ma tête à ma main avec une facilité que j’aurais jamais crue possible… même ceux que je pensais pas posséder… Les mots représentent la seule liberté qu’on ne peut pas me retirer… »

« Après coup, en fait, je m’aperçois qu’évidemment, il y a un message, il y a une révolte. Cela devient quelque chose de très actuel, contemporain. C’est une femme debout et c’est vraiment un hymne à la force de cette femme-là et peut-être des femmes en général ». A lire , c’est passionnant !

Josette J.

Paris Mille vies

Laurent Gaudé

Entre art poétique et récit fantastique, Laurent Gaudé célèbre Paris, sa ville, et se souvient. Il nous entraîne dans une déambulation, la nuit, dans cette ville. Il semble avoir traversé les siècles. Il nous fait vivre la vibration, qui le connecte au monde des morts notamment par le biais de ces plaques qui sont parfois sur les façades des immeubles : les frontières sont abolies, entre le passé et le présent, les morts et les vivants. Comment une ville a envie d’être lue et de se créer une mémoire dont elle est fière, et dont elle a envie de garder trace. C’est d’abord ça la présence des morts, c’est d’être à un coin de rue, et de se rendre compte qu’un poète ou un écrivain a vécu dans cet immeuble, qu’un résistant est tombé…

Mille vies entrent dans la nôtre et dansent avec nous les morts sur le pavé comme ceux de la rue Gay Lussac et la rue St Jacques : les mêmes rues de François Villon ou de mai 68.

Un livre fantastique, aux récits innombrables, aux évocations historiques multiples, aux confidences intimes, aux réflexions métaphysiques et une écriture poétique qui vous porte page après page.

Marie-Antoinette

Quatre vingt-treize

Victor Hugo (1873)

Il s’agit d’un roman historique situé au moment où la Convention est aux mains de Robespierre et de Danton (le comité de salut public) et où le royalisme, profitant de ces discordes néfastes, joue en Vendée sa dernière partie. C’est en Vendée que Victor Hugo a placé le nœud de son récit. L’insurrection a pris de l’ampleur, grâce au marquis de Lantenac ; les petites colonnes républicaines se sont fait écraser.

L’épopée se poursuit au milieu des sacs de villages, fermes incendiées, femmes éventrées ou fusillées, horreurs commises de part et d’autre. À la reprise de la ville de Dol par les bleus (les révolutionnaires), le proconsul Cimourdain, arrivé de Paris, amène avec lui la guillotine, pour Lantenac : il interdit qu’on le fusille, il faut qu’il monte sur l’échafaud.

Finalement, après un acte de bravoure du marquis sauvant au prix de sa vie 3 orphelins, le choix devient cornélien pour Gauvain, neveu du marquis, devenu commandant en chef des armées républicaines « la république est-elle plus sauvage que les royalistes ?» Il n’y avait qu’une issue possible. Gauvain prend la place de son oncle sur l’échafaud. Au moment où le couperet s’abat, un coup de pistolet se fait entendre : Cimourdain s’est brûlé la cervelle. Il n’a pas pu survivre à la disparition de son protégé.

Un livre extraordinaire relu avec beaucoup de plaisir. C’est Victor Hugo et son écriture extraordinaire, avec en permanence une précision de sa pensée qui passe par une succession d’adjectifs, de locutions… on est loin des SMS…

Cécile

Une vie française

Jean-Paul Dubois

Prix Femina en 2004 – Prix Goncourt en 2019

Ce roman s’incarne dans notre histoire politique contemporaine qui s’égrène de De Gaulle (1958) à Chirac (après 2002) et se déroule à Toulouse.

Il est à la fois un autre MOI et le miroir de SOI avec ses personnages, les Blick, les Villandreux, les Milo, Anna, Paul et les autres. Tous servent de paysage social et politique plus ou moins proche de nous et représentent les différentes marches de l’échelle sociétale. L’écriture de l’auteur est faite d’un trait personnel très simple, ce qui rend le roman authentique et l’histoire vivante.

Les événements historiques, familiers à nous tous, jalonnent l’Histoire (avec un grand H) sans romance, sans jugement, sans explication, sans certitude ni vérité. Du récit se dégage à la fois une petite musique tantôt bravache, admirative, mélancolique et nostalgique au gré des rides du temps qui passe. Dans ce livre il y a aussi une ode à la nature, un parti pris écolo, ce rêve d’immuabilité de beauté majestueuse de lumière.

Je ne vous dirai pas ces plates-formes insouciantes et ses bas-fonds de l’âme. Cet effort de vivre ou cet épuisement. Ce perpétuel mouvement de retrait ou de mouvement. Ces bas-fonds ou cette crête. Je retiens surtout ce regard empreint d’une douceur mélancolique, sans pathos mais pénétrante et si la beauté ne résiste pas plus au temps que la force, s’il n’y a aucune certitude sur soi ou sur l’autre, il reste ce mystérieux et tenace instinct de survie.

« Ce quelque chose plutôt que rien » et cette LOI qui tient à l’Ordalie ce jugement de DIEU ou de la nature qu’il nous faut accepter !

Nicole

Gobé par une baleine…

23 juin 2021

C’est une mésaventure plutôt exceptionnelle qui est arrivée à Mickaël Packard, un Américain de 56 ans originaire de Provincetown, à 200 km environ de Boston, et pêcheur de homard. Ce vendredi 11 juin 2021, alors qu’il plongeait à 13 m de profondeur au large de la plage de Hering Cove, dans la baie de Cape Code au Massachussetts, pour aller arracher des homards au fond de l’océan, il a senti une énorme poussée et s’est retrouvé tout d’un coup enserré dans une cavité sombre, soumis à des mouvement de malaxage ultra vigoureux : il a alors compris qu’il venait d’être gobé par mégarde par une baleine en train de le mâchouiller avant de l’avaler…

Mickaël Packard, pêcheur de homard (photo © M. Packard / Facebook)

Persuadé que sa dernière heure était venue, le malheureux pêcheur de homards pouvait néanmoins continuer à respirer grâce à son équipement de plongée mais n’en menait pas large, ballotté en tous sens par les puissants muscles de l’énorme cétacé. Une situation bien peu confortable et qui fait irrésistiblement penser à celle de Jonas, le prophète biblique qui, voulant se soustraire à l’ordre divin d’aller prêcher à Ninive, est jeté par dessus bord du navire où il avait embarqué et se retrouve avalé par un énorme cétacé dans le ventre duquel il passe trois jours à méditer et à se repentir avant de finir par être recraché vivant !

Jonas recraché par une baleine : vitrail de l’église Saint-Aignan à Chartres (source © Le livre scolaire)

Un mythe dont on retrouve de nombreuses variations dans bien des légendes. Les aventures de Sinbad le marin, dans les Contes des mille et une nuits, relatent ainsi le hasard qui a amené l’équipage du navire où il se trouvait à faire relâche sur une petite île accueillante qui se révéla rapidement être le dos d’une énorme baleine qui, en se secouant, envoie tous ces intrus à la baille…

Même le fameux conte pour enfants, Pinocchio, repris ensuite par Walt Disney, raconte comment la marionnette en bois devenue vivante, se retrouve avalée par un énorme animal marin, requin ou poisson selon les versions, dans le ventre duquel il retrouve son géniteur, le vieux Gepetto. Pinocchio, aussi futé qu’un Ulysse moderne, a l’idée de faire brûler dans le ventre de Monstro, les restes de la barque que l’animal avait avalé en bloc, dégageant une fumée acre qui fait tousser la baleine, au point de recracher tout ce qu’elle avait gobé, mais la mettant en même temps dans une telle fureur qu’elle poursuit avec hargne ceux qui viennent de lui échapper…

Quant une baleine à bosse ouvre la bouche, mieux vaut ne pas être devant… (photo © Philip Hoare / The Guardian)

Mickaël Packard lui avait oublié son briquet et n’avait pas de petit bois sous la main. Il aurait eu d’ailleurs bien du mal à allumer un feu de camp dans la cavité buccale de la baleine évidemment remplie d’eau de mer. Mais après une trentaine de secondes passées à broyer du noir, il a eu la surprise de voir un peu de lumière au bout du tunnel : gênée par cette bouchée un peu trop volumineuse pour être avalée, la baleine venait de refaire surface et a prestement recraché l’importun. Au risque de décevoir les amateurs de contes pour enfants, il semble en effet que l’œsophage des baleines à bosse soit un peu trop étroit pour avaler tout cru un plongeur avec son attirail…

Heureusement pour lui, le pêcheur malchanceux n’était pas seul car son passage dans la gueule de la baleine l’avait quelque peu secoué et il a été régurgité, sans blessure grave certes, mais quand même couvert de contusions ! Son acolyte, Josuah Mayo, le suivait des yeux depuis la surface et l’a aussitôt secouru pour l’aider à remonter sur le bateau avant d’appeler les secours. Il a d’ailleurs fallu placer le plongeur en observation pendant quelques jours à l’hôpital le temps qu’il se remette sur pied.

Attention aux collisions avec les baleines… (photo © Rodrigo Buendia / AFP / Ouest France)

Il se trouve cependant que son ami Mayo, qui a été témoin de la scène, est le fils d’un des chercheurs du Center for Coastal Studies de Provincetown, ce qui donne une certaine crédibilité à ce récit. Selon lui, il s’agissait d’une jeune baleine à bosse, sans doute encore assez inexpérimentée pour gober sans discernement un plongeur harnaché avec ses bouteilles comme si c’était un banc de sardines. Il faut dire à sa décharge que le secteur est connu pour être une zone où les baleines à bosse se nourrissent à cette période de l’année, fonçant bouche ouverte et happant sans distinction l’eau et les poissons se trouvant sur leur passage, pour ensuite relarguer à travers leurs fanons l’eau filtrée et avaler tout le reste.

Sachant qu’une baleine à bosse mesure en moyenne autour de 17 m de longueur et pèse pas moins de 30 tonnes, mieux vaut donc ne pas s’approcher trop près lorsqu’elle est ainsi en quête de nourriture ! Mickaël Packard s’en est donc plutôt bien sorti malgré ses multiples hématomes et la photo le montrant tout sourire sur son lit d’hôpital a fait le tour du monde.

Mickaël Packard sur son lit d’hôpital se remet de ses émotions (source © BBC)

D’autant que ce miraculé n’en est pas à sa première mésaventure comme s’en est rendu compte le canard local, Cape Code Times, dont les journalistes se sont aperçus, en fouillant dans les archives de presse, qu’il avait déjà échappé par miracle à un accident d’avion, en novembre 2001. Âgé alors de 38 ans, il se rendait pour son travail au Costa Rica à bord d’un vol commercial de la compagnie Sansa Airlines. Suite à une avarie, l’appareil s’écrase dans le jungle. Le pilote, le copilote et un passager sont tués sur le coup. Mickaël Packard, gravement blessé à l’abdomen et au torse, fait partie des cinq survivants, tous sérieusement amochés. Grâce à la radio et aux balises de détresse de l’avion, ils parviennent à alerter les secours. Ces derniers mettent deux jours pour arriver à les rejoindre et les évacuer, in extremis selon le médecin qui les prend en charge, persuadé qu’ils n’auraient pas survécu une nuit de plus dans l’état où ils se trouvaient.

Mickaël Packard fait décidément partie de ces durs à cuire que la Mort a bien du mal à attraper dans ses filets, malgré les gros efforts d’imagination dont elle a su faire preuve. Rares sont ceux qui peuvent raconter à leur entourage comment ils ont été gobés puis recrachés par une baleine à bosse, même si le nombre de ces dernières est en train de remonter légèrement depuis que le moratoire de 1986 a mis fin officiellement à leur chasse commerciale, alors qu’il ne restait plus que 20 000 individus de cette espèce à travers les océans de la planète. Il faut vraiment jouer de malchance pour arriver encore de nous jours à se faire avaler par un animal devenu aussi rare !

L. V.

Encore une fois, la gauche se dégonfle !

21 juin 2021

Comme d’habitude serait-on tenté de dire… Une nouvelle fois, le second tour de ces élections départementales et régionales, dimanche prochain 27 juin 2021 se résumera, pour l’électeur carnussien, comme pour de nombreux autres en France, à un n-ième duel entre un candidat de la droite LR et un autre du Rassemblement national…

Pour ces élections départementales, et pour la première fois depuis bien longtemps, la gauche locale avait pourtant fait l’effort de se présenter unie dans le canton de La Ciotat comme dans une bonne partie des Bouches-du-Rhône, même si l’union n’avait pas réussi à englober les mouvements citoyens pourtant fortement mobilisés depuis la belle victoire du Printemps marseillais l’an dernier.

Danielle Milon et Patrick Ghigonetto, assurés d’être élus au second tour des élections départementales, le 27 juin 2021 (source © La Provence)

Mais cela n’a pas suffi pour endiguer un fort tropisme de l’électorat local pour la droite et l’extrême droite. A Carnoux, comme d’ailleurs à La Ciotat, pourtant le fief des candidats de la liste d’union de la gauche, le binôme du RN arrivait même en tête du premier tour, laissant néanmoins la victoire à la droite LR sur l’ensemble du canton. La maire de Cassis et celui de Ceyreste sont largement en tête avec plus de 42 % des suffrages exprimés à l’issue de ce premier tour, assurés d’être élus sans difficulté à l’issue du second tour.

Avec près de 25 %, le binôme de gauche fait un score plus qu’honorable dans un secteur aussi marqué à droite, mais cela ne suffit pas pour le qualifier. Il lui aurait en effet fallu remporter au moins 12,5 % des inscrits pour pouvoir se maintenir au second tour, ce qui était quasiment mission impossible avec un taux de participation aussi faible, deux-tiers des électeurs n’ayant pas jugé utile de se déplacer…

Un dessin signé Ysope, publié dans Le Ravi

Quant à la Région, le pari était encore plus difficile pour la liste d’union de la gauche menée par l’écologiste Jean-Laurent Felizia, un paysagiste quasi inconnu, simple élu municipal d’opposition dans la petite commune varoise du Lavandou. Son score final de quasiment 17 % à l’échelle régionale et qui dépasse même les 20 % dans les Bouches-du-Rhône, est cependant loin d’être ridicule et lui aurait permis d’obtenir un nombre d’élus non négligeable au second tour.

Il a d’ailleurs été sérieusement tenté de se maintenir pour arbitrer le duel du second tour entre les deux frères ennemis de la droite, Renaud Muselier et Thierry Mariani. Mais la pression des états-majors des partis de gauche qui le soutenaient a été trop forte et il a donc annoncé dès le lendemain du vote qu’il ne pousserait pas plus loin l’aventure et qu’il se résignait donc à jeter l’éponge. Les électeurs de gauche se retrouveront donc, pour la deuxième fois consécutive et pour six ans encore, sans le moindre représentant au Conseil régional PACA.

Le candidat de la gauche unie, Jean-Laurent Felizia, s’est donc retiré après quelques heures d’hésitation (photo © Antoine Tomaselli / MaxPPP / Midi Libre)

Une décision difficilement compréhensible dans un tel contexte où Renaud Muselier, soutenu par le parti présidentiel LREM et qui venait de recevoir le renfort de l’écologiste de droite, Jean-Marc Governatori, était à peu près assuré d’être réélu, même dans une triangulaire. Bien qu’arrivé en tête à l’issue du premier tour, le RN dépassait tout juste la barre des 36 % à l’échelle régionale, loin derrière son score de 2015 qui ne lui avait pourtant pas permis d’atteindre la majorité absolue au second tour.

La crainte de voir Thierry Mariani en tête au second tour était donc très largement infondée. Mais les états-majors politiques parisiens ont préféré monter l’affaire en épingle et dramatiser à outrance ce risque de voir le RN remporter la Région PACA, diabolisant tant et plus Thierry Mariani qui a pourtant fait toute sa longue carrière politique dans les rangs chiraquiens, qui menait la liste UMP aux régionales de 2010 aux côtés de Bernard Deflesselles, et dont on aurait bien du mal à distinguer en quoi ses idées et sa pratique politiques diffèrent de celles de son vieil ami Renaud Muselier…

Renaud Muselier et Thierry Mariani, lors du débat avant le premier tour des régionales (photo © AFP / 20 minutes)

Mais la politique est aussi affaire de symbole et il fallait donc sacrifier la défense des idées de la gauche écologiste sur l’autel du vieux mythe totalement éculé du front républicain, un réflexe pavlovien qui oblige la gauche responsable à s’effacer au profit des vieux renards de la politique affairiste et sans scrupule dont Renaud Muselier est un bel exemple.

Un dessin signé Gagdz

Un sacrifice que Christophe Castaner avait fait sans la moindre hésitation en 2015, avant de quitter ostensiblement les rangs de la gauche pour rejoindre en courant ceux des Macronistes. Mais on aurait pu imaginer davantage de conviction et de combativité de la part des candidats d’union de la gauche en 2021, dans un contexte où jamais on n’a vu un candidat de droite en ballottage défavorable se désister au profit d’un adversaire de gauche pour faire barrage au Front national. Comment les électeurs déjà plus que désabusés et aussi faiblement mobilisés pourraient-ils encore se déplacer pour aller voter alors que leur choix démocratique est aussi clairement bafoué par ceux qui sont supposer les représenter ?

L. V.

Élections à Lima : c’est pas le Pérou…

19 juin 2021

Cette année, les Péruviens votaient, comme c’est de coutume tous les cinq ans dans ce pays, pour renouveler leur Président de la République et les 130 députés du Congrès de la République. Une échéance électorale un peu particulière dans ce pays andin qui avait conquis son indépendance de haute lutte contre les colons espagnols en 1821, avec l’aide du Vénézuélien Simón Bolivar.

Funérailles officielles en août 2015 de victimes d’un accrochage entre l’armée péruvienne et le Sentier lumineux (photo © Max Cabello / AFP / Le Point)

L’histoire récente du Pérou a été marquée dans les années 1970 par la contestation radicale du Sentier lumineux, un mouvement de guérilla réprimé par l’armée et à l’origine d’un climat d’instabilité politique récurrente. En 1990, c’est le mathématicien d’origine japonaise, Alberto Fujimori, qui est ainsi élu à la tête du pays, alors miné par les attaques terroristes du Sentier lumineux et de nombreux scandales de corruption. Réélu en 1995 malgré la dérive autoritariste de son régime Fujimori est destitué en 2000 et doit s’enfuir en catastrophe au Japon. Tenté par un retour aux affaires à l’occasion des élections suivantes de 2006, il est arrêté au Chili, extradé et finalement condamné en 2009 à 25 ans de prison.

Alberto Fujimori, ancien Président du Pérou entre 1990 et 2000, actuellement emprisonné (photo © Marie Hippenmeyer / AFP / Justice Info)

En 2006, c’est Alan García Pérez, ancien président de 1985 à 1990, qui est réélu, face au chef du parti national péruvien, Ollanta Humala Tasso, lequel accède à la Présidence en 2011 dans un duel serré face à Keiko Fujimori, la propre fille du Président déchu Alberto Fujimori. Cette dernière était la favorite des milieux d’affaire et sa défaite se solde par une chute spectaculaire de la Bourse du Pérou ! En 2016, Keiko Fujimori est de nouveau qualifiée pour le second tour de l’élection présidentielle et elle perd de nouveau, pour quelques dizaines de milliers de voix, face à Pedro Pablo Kuczynski qui l’avait pourtant soutenue au second tour en 2011.

En 2017, le scandale politique de corruption lié à l’entreprise brésilienne Odebrecht est à deux doigts d’entraîner sa destitution tandis que son prédécesseur, Ollanta Humala, est placé en détention pour blanchiment d’argent. Kuczynski sera à son tour contraint à la démission en mars 2018, remplacé par son vice-président, Martin Vizcarra. C’est en effet une des particularités de la constitution péruvienne d’élire, en même temps que le Président de la République, deux vice-présidents, pour aller au bout du mandat en cas de décès ou de destitution, une sage précaution au vu des récentes vicissitudes que cette démocratie a rencontrées.

Alan Garcia, Président du Pérou de 1985 à 1990 puis de 2006 à 2011, suicidé en avril 2019 alors que les policiers venaient l’arrêter pour soupçon de corruption (photo © Oscar Farje / MaxPPP / France Culture)

Soumis à de fortes turbulences suite à sa dissolution du Congrès, Martin Vizcarra est à son tour destitué le 9 novembre 2020, dans un climat de corruption endémique qui a même vu l’ancien président Alan Garcia se suicider en avril 2019, juste avant d’être arrêté et traduit en justice pour corruption. En même temps, le pays doit faire face à une situation sanitaire catastrophique liée à la pandémie mondiale. Le Pérou est en effet, record peu enviable, le pays qui a été le plus touché au monde en nombre de décès du Covid par million d’habitants !

Son successeur, Manuel Merino, démissionne après quelques jours seulement, finalement remplacé le 17 novembre 2020 par Francisco Sagasti. Le Pérou aura ainsi connu la rare expérience de voir se succéder trois présidents différents à sa tête en une semaine : à côté, la ville de Marseille qui a connu trois maires successifs en 6 mois fait figure de grande stabilité politique…

Lors du premier tour de cette dernière élection générale péruvienne qui intervient dans un contexte aussi mouvementé, le 11 avril 2021, pas moins de 18 candidats se présentent aux suffrages du peuple péruvien pour accéder à la magistrature suprême, parmi lesquels notamment un ancien footballeur professionnel, George Forsyth, et une anthropologue d’origine française, Verónika Mendoza, considérée comme proche des actuels dirigeants vénézuéliens.

Pedro Castillo, le 10 juin 2021, encore dans l’attente du résultat officiel de l’élection présidentielle, 4 jours après le second tour (photo © Gian Masko / AFP / Le Monde)

Celui qui arrive en tête du premier tour, avec moins de 19 % des suffrages, s’appelle Pedro Castillo et se présente au nom du parti marxiste-léniniste Pérou libre, dont il n’est cependant pas membre. Porté à la tête d’un mouvement de grève d’enseignants en 2017, ce quasi inconnu coiffé d’un éternel chapeau de paille a bénéficié à plein de son image d’enseignant pauvre et intègre face à une élite politique riche et corrompue.

Accusé de sympathies avec le Sentier lumineux et partisan de nationaliser de larges pans de l’économie péruvienne pour investir massivement dans l’agriculture, la santé et l’éducation, ses adversaires politiques le classent à l’extrême gauche. Même le prix Nobel de littérature, Mario Vargas Llosa, opposant historique d’Alberto Fujimori, a préféré soutenir la fille de ce dernier, manifestement effrayé par les idées révolutionnaires de Pedro Castillo en matière économique, mais aussi par son conservatisme sociétal d’un autre âge, caractérisé notamment par ses prises de positions en faveur du rétablissement de la peine de mort et en opposition à l’avortement, au mariage homosexuel et aux droits de l’homme.

Keiko Fujimori, une pierre à la main en plein débat pour les élections présidentielles, le 30 mai 2021 (photo © AFP / Le Matin)

Un positionnement qui explique largement que Keiko Fujimori, à la tête du parti de droite radicale Force populaire, avait reçu lors de ces élections un large soutien de la part des médias nationaux et des milieux d’affaire, malgré sa propre mise en examen pour corruption qui lui a valu un séjour en détention préventive entre 2018 et 2020. Toujours est-il que, comme en 2011 et en 2016 et selon le vieil adage « jamais deux sans trois », Keiki Fujimori a raté de peu son élection au second tour qui s’est déroulé le 6 juin 2021. Sur un peu moins de 18 millions de suffrages exprimés et avec un taux de participation plus qu’honorable de 74,5 %, il a manqué 45 000 voix à Keiko Fujimori pour accéder enfin à la Présidence de la République !

Comme on s’en doute, la candidate battue a tout fait pour contester un résultat aussi serré, mobilisant des bataillons d’avocats pour tenter de faire annuler les votes de certaines zones rurales qui s’étaient portés massivement en faveur de son adversaire. Il a donc fallu attendre une bonne dizaine de jours pour que la victoire de Pedro Castillo soit enfin officialisée avec un score final de 50,12 %, délai au cours duquel près de 800 recours ont été analysés et finalement rejetés.


Pedro Castillo et Keiko Fujimori, à Lima, le 17 mai 2021 : deux visions idéologiques qui s’affrontent radicalement… (photo © Martin Mejia / AP / Le Monde)

Malgré son acharnement désespéré, la candidate des élites qui voulait à tout prix remporter cette élection pour maintenir le statu quo économique et accessoirement sortir son père de prison et s’assurer sa propre immunité judiciaire, a donc laissé la place à une extrême gauche idéologique qui rêve de renverser la table. Un duel entre deux visions sociétales radicalement opposées et qui laisse dubitatif sur l’avenir de ce pays d’Amérique latine caractérisé par des inégalités sociales particulièrement fortes, une violence politique inquiétante et une corruption élevée : autant d’ingrédients qui ne laissent guère augurer d’un avenir radieux pour les prochaines années. Comme quoi, la démocratie, même pluraliste, ne peut pas tout résoudre…

L. V.

Mariani – Muselier : les surenchères démagogiques

15 juin 2021

A une semaine du premier tour des élections régionales, prévu le 20 juin 2021, le climat se tend entre les deux principaux protagonistes, des amis de 30 ans qui ont tous les deux mené en parallèle leur carrière politique au sein du même parti chiraquien et qui se retrouvent désormais dans un face à face agressif où tous les coups semblent permis, au risque d’en oublier l’intérêt général et le sens des responsabilités.

Alors que les sondages placent en tête, à l’issue du premier tour, la liste du Rassemblement national menée par Thierry Mariani, celui-là même qui conduisait en 2010 la liste UMP avec Bernard Deflesselles comme tête de liste pour les Bouches-du-Rhône, son vieil ami Renaud Muselier, leader d’une liste de droite qui n’affiche sur ses tracts de campagne le logo d’aucun parti, n’hésite pas à porter plainte devant le Tribunal administratif contre son allié d’hier.

Renaud Muselier et Thierry Mariani, à l’occasion du débat télévisé organisé le 9 juin 2021 par France 3 (photo © Patrick Gherdoussi / Le Monde)

Il faut dire que Thierry Mariani a frappé un point sensible en accusant Renaud Muselier et Christian Estrosi d’avoir en 5 ans, « embauché 77 personnes dédiées à leur cabinet et à leur communication contre 75 personnes pour la sécurité et les transports ». Des chiffres que le président sortant de la Région PACA conteste vigoureusement en affirmant avoir recruté 80 agents pour la sécurité ferroviaire sans que les effectifs du service communication n’aient sensiblement évolué. Les deux versions ne sont d’ailleurs pas formellement incohérentes, d’autant que la Chambre régionale des comptes avait en effet pointé du doigt le recrutement, entre 2015 et 2018, d’un nombre de collaborateurs de cabinets très supérieur à ce que la loi autorise. Le juge tranchera peut-être…

Toujours est-il que ces échanges acerbes, parmi bien d’autres qui émaillent une campagne agressive de part et d’autre, viennent souligner la volonté de surenchère, sur le terrain de la sécurité, des deux candidats les mieux placés. Un positionnement mûrement réfléchi dans la mesure où tous les sondages montent que la sécurité est la préoccupation principale d’une majorité d’électeurs, et ceci alors même qu’elle ne relève absolument pas des compétences du Conseil régional.

Agents de la police ferroviaire devant la gare Saint-Charles en septembre 2018 (photo © France 3)

Mais cela n’empêche pas le Rassemblement national de l’afficher parmi ses « 5 priorités pour la région de demain » en se fixant curieusement pour objectif de « rétablir la sécurité partout et éradiquer l’islamisme », comme si le fondamentalisme religieux était la seule source d’insécurité au quotidien… Thierry Mariani s’amuse d’ailleurs au passage, sur ses tracts de campagne, à dénoncer la gabegie des portiques de sécurité que la majorité sortante voulait installer dans toutes les gares de la région et pour laquelle elle a dépensé pas moins de 6,8 millions d’euros, avant de reconnaître l’inefficacité du dispositif qui ne remplacera jamais une présence humaine…

Quant à Renaud Muselier, il n’hésite pas à placer la sécurité et la santé, deux prérogatives purement régaliennes et qui ne relèvent pas des compétences de la Région, en tête de ses engagements de campagne : un comble pour celui qui est, depuis fin 2019, à la tête de l’Assemblée des Régions de France ! On apprend ainsi, au détour de sa profession de foi, l’existence de « trois gardes régionales » qu’il ambitionne de renforcer en dotant les « forces de l’ordre » d’un « Fonds protection sécurité de 10 millions d’euros par an ».

Garde forestière régionale dans le Parc naturel régional des Alpilles (source © PNR Alpilles)

On connaissait la Garde nationale, survivance des milices citoyennes formées sous la Révolution française, dissoute en 1871 après la répression contre la Commune, et qui, depuis 2016 regroupe désormais les troupes de réserve volontaires de l’armée. Mais qui connaît cette « garde régionale des lycées » créée en 2018 et qui en réalité se constitue de 128 jeunes médiateurs en contrat d’apprentissage, auprès de certains des 140 lycées de la région ? La garde régionale forestière, quant à elle, est un dispositif qui permet de faire appel à de jeunes volontaires pour aider à surveiller les massifs forestiers en période estivale après une formation préalable d’une semaine. Quant à la garde régionale ferroviaire, la SNCF reconnaît l’existence d’une centaine d’agents de médiation, en partie rémunérés par la Région, qui aident au quotidien la police ferroviaire. De quoi relativiser quelque peu les belles envolées lyriques du président sortant…

Les trois têtes de liste principales pour les régionales en PACA : Thierry Mariani (RN), Renaud Muselier (LR) et Jean-Laurent Felizia (Union de la Gauche) (photo © MaxPPP / France Inter)

Comme dans toute campagne, les propositions des candidats se veulent alléchantes pour attirer l’électeur et la surenchère des promesses n’est jamais bien loin, à l’exception bien sûr de quelques listes dont le seul objectif est de jalonner le terrain médiatique pour exister. C’est le cas bien sûr de Lutte Ouvrière qui, à son habitude, réussit le tout de force de remplir deux pages de diatribe anticapitaliste sans évoquer une seule fois le rôle du Conseil régional, pourtant objet de la présente campagne. C’est la cas aussi de la liste ZOU, les rois du balai, dont le seul objectif est d’appeler à la candidature d’Eric Zemmour pour la présidentielle de 2022.

D’autres en revanche, ne se privent pas d’énoncer les propositions même les plus farfelues, à l’instar des écologistes de droite de Jean-Marc Governatori, ex gérant fortuné de la chaîne d’ameublement Fly, qui affichent comme première priorité de leur programme d’« instaurer un cadastre marin pour protéger le domaine public maritime », comme s’ils ignoraient que ce domaine, étant par nature public, n’a justement pas besoin d’être cadastré… Passons aussi sur la proposition assez curieuse de la liste régionaliste intitulée « Oui la Provence » qui veut instaurer un référendum pour imposer le nom de Provence à la région PACA. Les habitants des départements alpins et de la Côte d’Azur apprécieront certainement cette volonté d’hégémonie bien de nature à réveiller des querelles de clocher d’un autre âge !

Renaud Muselier en meeting à Saint-Raphaël le 5 juin 2021 (photo © Valéry Hache / AFP / TV5 monde)

En revanche, on s’interroge lorsque des promesses aussi étranges émanent de la majorité régionale sortante conduite par Renaud Muselier dont certains tracts tiennent quasiment de la promotion commerciale avec des titres racoleurs comme « Une place achetée, une place offerte ! », « la carte ZOU sera gratuite… pour les 18-25 ans… jusqu’à la fin de l’année 2021 », « 3000 jobs pour les jeunes » ou encore « 100 places offertes aux supporters pour les trois premiers matchs de leur club préféré de la région ». Un tel discours totalement infantilisant, qui fait appel aux instincts les plus bassement mercantiles des électeurs, ne met guère à l’honneur l’esprit de dévouement et de service public de nos responsables politiques locaux et risque de ne pas vraiment favoriser la mobilisation citoyenne en faveur de cette élection qui risque de connaître un fort taux d’abstention…

L. V.

Le Département s’endette pour les communes

13 juin 2021

Le budget de l’aide du Conseil Départemental des Bouches-du-Rhône aux communes explose… son endettement aussi !

Cette sorte de clientélisme territorial, dont la Présidente, Martine Vassal, attend sans doute des gains électoraux, a déjà porté ses fruits politiques. Certains élus sortants, mollement classés à gauche dans l’hémicycle départemental, ont loué et soutenu cette politique. Ils en ont été récompensés. A Fos et Istres, les candidats de centre-gauche, responsables municipaux vantant l’action de Martine Vassal, ne se sont vu opposés aucun concurrent du parti des Républicains pour les prochaines élections départementales qui se tiendront la semaine prochaine, dimanche 20 juin 2021. Les 28 millions d’euros de subventions départementales reçues, rien que pour Fos, depuis 2015, expliquent grandement cette entorse à la logique politique.

Martine Vasal en campagne pour sa réélection à la tête du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône (photo © Narjasse Kerboua / Made in Marseille)

De son côté, le maire de Roquefort-la-Bédoule, élu en 2020 entre autres avec l’appui de la France Insoumise, contre le maire LR sortant, soutient aussi Martine Vassal. Il faut dire, comme l’affirme la maire de Cassis dans la Provence du 12 juin, que « cela représente pour le canton 51 M€… ». Le maire de Carnoux, « bâtisseur du nouveau Carnoux » comme le présente le Courrier des Maires du 31 mai 2021, suit comme d’habitude le mouvement, soutenant la présidente du Département, en dehors de toute « politique politicienne », bien entendu …

Aide la et Vassal t’aidera… un dessin signé Yakana publié dans Le Ravi

L’argent du contribuable utilisé à des fins politiques, ce n’est pas nouveau, mais pour les Bouches-du-Rhône, cela atteint des sommes vraiment considérables. Pendant les élections départementales de 2015, Martine Vassal dénonçait l’explosion de cette ligne qu’avait décidée son prédécesseur. Le mensuel local Le Ravi note que « En six ans, de 2008 à 2013, Jean-Noël Guérini a distribué aux 119 communes du département 623,6 millions d’euros, soit 103 millions d’euros par an en moyenne. Sous la présidence de Martine Vassal, entre 2015 et 2019, soit cinq exercices, le montant accordé s’est envolé de 25 % pour atteindre 778,3 millions d’euros, soit 155,3 millions d’euros par an en moyenne ! ».

Cette largesse n’a pas été uniforme, comme l’a encore analysé dernièrement Marsactu. Au top, la petite commune de Mas Blanc-des Alpilles et ses 507 habitants qui, depuis avril 2015, ont reçu la somme rondelette de 3,6 millions d’euros pour rénover l’hôtel de ville et la voirie, créer des commerces ou des logements : une manne financière de 1171 € par an et par habitant ! Pas mal lotie non plus, la ville d’Eygalières, qui a reçu 4 996 € par habitant durant la mandature, ce qui est du même ordre de grandeur que l’effort communal lui-même en matière d’investissements. Au moins 16 villes ont reçu plus de 1500 € par habitant. Les Baux-de-Provence ont reçu 932 € par habitant de 2015 à 2019, Marseille seulement 54 €.

Un dessin signé Trax, publié dans Le Ravi

En 2019, avant le Covid, le budget départemental d’aide aux communes (142 M€) était nettement supérieur à celui des routes départementales (106 M€), et à celui de la mobilité 110 M€), qui sont pourtant des compétences obligatoires majeures attribuées exclusivement au Département.

Un rapport de février 2021 de la Chambre régionale des comptes a épinglé le Département pour non respect des obligations de prise en charge des mineurs non accompagnés, qui fait partie des compétences obligatoires exclusives du Conseil départemental. En mars, c’était la Défenseuse (nationale) des droits, Claire Hédon, qui déclarait : « Le Département des Bouches-du-Rhône ne respecte pas ses obligations légales de recueil provisoire d’urgence et porte ainsi atteinte aux droits fondamentaux des mineurs non accompagnés et à leur intérêt supérieur ».Toujours en mars, le Tribunal Administratif ordonnait au Département des Bouches-du-Rhône de respecter ses obligations et de prendre en charge des mineurs isolés laissés volontairement en déshérence.

Affiche apposée à l’entrée de l’église Saint Féréol, dénonçant l’inaction du Département en faveur des enfants des rues (photo © Lisa Castelly / Marsactu)

Dans un tweet publié le 2 mars 2021, Martine Vassal répondait que cela contraignait le Département « à mobiliser 50 M€ » qui « pourraient être mis à disposition de nos habitants en situation d’extrême fragilité […] Stop à l’exploitation de la détresse ! », reconnaissant implicitement l’insuffisance des crédits mobilisés par le Département pour les plus pauvres. La solidarité constitue pourtant l’une des principales compétences obligatoires des Départements, contrairement à l’aide aux communes.

Mais comment le Département peut-il financer ces généreuses subventions communales ? En fait, le Département ne cesse de s’endetter. De 253 M€ en 2010, la dette a dépassé aujourd’hui le milliard d’euros. Cette dette équivaut à peu près à la somme versée aux communes depuis 6 ans. Et selon un document présenté aux élus départementaux le 22 janvier 2021, la majorité actuelle imagine que la dette de la collectivité pourrait atteindre 2,5 milliards en 2024… Cette dette n’est pas due au Covid. Comme le montre le graphe ci-dessous, établi par Marsactu, la dette a dévissé dès l’arrivée aux manettes en 2015 de Martine Vassal.

L’évolution de l’endettement du Conseil départemental ou comment l’aide politique aux communes creuse la dette… (source © Marsactu)

Pour les communes, cette aide bénite est une aubaine. Le Département finance assez systématiquement (avec d’importantes distorsions politiques quand-même) leurs investissements à hauteur de 60 % et leur permet de ne pas emprunter. La ville de Carnoux fait d’ailleurs partie des commune qui bénéficient à plein de ce dispositif politiquement très avantageux. On comprend mieux le soutien de certains maires à cette pratique. Ce qui est sûr, cependant, c’est que le contribuable départemental subventionne les communes afin que la charge d’emprunt du contribuable communal soit plus faible. Beau tour de passe-passe !

J. Bx.

(article publié sur le site de la liste Carnoux citoyenne, écologiste et solidaire)

Bansky : l’artiste qui se moque du marché de l’art

10 juin 2021

La scène avait marqué les esprits : le 6 octobre 2018, un des tableaux les plus célèbres de l’artiste britannique anonyme Bansky, s’est autodétruit dans les locaux du célèbre commissaire-priseur Sotheby’s. L’œuvre, représentant une petite fille avec un ballon rouge en forme de cœur, s’est retrouvée lacérée par une déchiqueteuse alors même qu’elle venait tout juste d’être adjugée pour la modique somme de 1,185 millions d’euros. L’artiste iconoclaste révélait alors sur les réseaux sociaux être lui-même à l’origine de ce massacre à la déchiqueteuse. Il avait caché dans le cadre du tableau un mécanisme secret et un complice a actionné la télécommande au moment fatidique sous les yeux ébahis de l’acheteuse qui venait péniblement de remporter la mise après une surenchère acharnée face à 26 concurrents…

Des employés de Sotheby’s dévoilent « Girl with balloon » de Banksy partiellement autodétruite et rebaptisée « Love is in the bin », le 12 octobre 2018 à Londres (source © France TV Info)

Un beau pied-de-nez au marché de l’art mais qui ne semble pas avoir eu beaucoup d’effet puisque Sotheby’s exposait fièrement le tableau à demi-déchiqueté quelques jours plus tard, après que son auteur l’ait rebaptisée par dérision « l’amour est dans la poubelle » et alors même que les spécialistes estimaient que ce geste spectaculaire avait probablement fait grimper de 50 % la cote du tableau lui-même ! En matière artistique, c’est la renommée qui compte, beaucoup plus que la qualité esthétique…

« Devolved Parliament », peinture sur toile de Bansky peinte en 2009 (photo © Sotheby’s / Connaissance des arts)

Certains voient même dans cet acte extravagant un véritable coup de génie médiatique de l’artiste qui, tout en se moquant ouvertement de l’esprit mercantile et passablement absurde du marché de l’art moderne, contribue à faire monter la cote de ses œuvres. Le 3 octobre 2019, une de ses toiles satiriques représentant le Parlement britannique peuplé uniquement de chimpanzés a ainsi été adjugée pour le prix record de 11,1 millions d’euros ! Porté par l’esprit de contradiction, l’artiste est allé jusqu’à vendre certaines de ses toiles dans les rues de New York pour 60 dollars alors que leur valeur était estimée à 160 000 $… Il y a une dizaine d’années, il a même poussé la provocation jusqu’à mettre en vente un tableau portant la seule inscription : « I can’t believe you morons actually buy this », que l’on pourrait traduire, grosso mode par : « Je ne peux pas croire que vous soyez assez idiots pour acheter une telle merde ». On ne saurait être plus clair en effet…

« Flower Thrower » : le lanceur de fleurs, manifestant déterminé en faveur de la paix ? (source © Lofty Trend)

Et pourtant, les œuvres de cet artiste de rue dont on ignore toujours la véritable identité ne peuvent laisser indifférents. Son « lanceur de fleurs », peint pour la première fois au pochoir en 2003 sur le mur qui sépare Israël des territoires palestiniens, ne manque ni de force ni de poésie.

« Sweeping it under the Carpet », sur un mur de Londres (source © Cnews)

Son portrait d’une femme de chambre qui pousse la poussière sous le tapis, apparu pour la première fois en 2006 sur un mur un peu lépreux du quartier londonien de Chalk Farm, en hommage à ces employés que personne ne voit et que nul n’aurait l’idée d’immortaliser dans une œuvre d’art, ne peut laisser indifférent non plus.

Le triptyque de Banksy « Vue de la mer Méditerranée, 2017 » mis aux enchère au profit d’un hôpital pour enfants de Bethléem, en Cisjordanie (photo © Guy Bell / Shutterstock / SIPA / France TV Info)

Il en est de même de son triptyque intitulé « Vue de la Méditerranée, 2017 », qui constitue un hommage poignant au drame des migrants qui se noient en tentant la traversée sur des embarcations de fortunes. L’artiste est parti de peintures à l’huile du XIX e siècle montrant des paysages marins sur lesquelles il a ajouté de multiples gilets de sauvetage échoués sur le rivage, formant des scènes particulièrement évocatrices de la crise migratoire. Ces toiles, exposées dans un hôtel de Bethléem dont les chambres donnent directement sur le mur de séparation construit par l’État israélien, ont ensuite été vendues au profit d’un hôpital de cette même ville.

Un Brexit douloureux : peint à Douvres le 7 mai 2017 (source © Bansky)

Comment ne pas citer également cette peinture murale gigantesque apparue des mains de Bansky le 7 mai 2017 sur le pignon aveugle d’une maison de Douvres en Grande-Bretagne pour évoquer le Brexit avec un ouvrier perché sur une échelle, affairé à effacer à l’aide d’un marteau et d’un burin, une des étoiles jaunes du drapeau européen, symbolisant ainsi le retrait des Britanniques de la construction européenne, au prix d’une fracturation collatérale quelque peu douloureuse…

Artiste engagé, maniant habilement la peinture au pochoir et le street art, antisystème et provocateur, pourvu d’un sens très développé de l’humour et de l’autodérision, Bansky, dont on ne connaît toujours pas l’identité, porte un regard décalé et acéré sur l’actualité et les dérives de notre société de consommation, tout en profitant des excès d’un marché de l’art moderne pour le moins débridé. Auteur de plusieurs documentaires et de multiples expositions, son engagement en faveur des humbles et notamment des migrants lui vaut un fort capital de sympathie. Sa peinture sur une porte en hommage aux victimes du Bataclan, volée puis retrouvée en Italie, a récemment contribué encore à sa notoriété, de même que son œuvre hommage à Georges Floyd, montant une bougie qui commence à consumer le drapeau américain : des gestes forts et une esthétique qui parle à chacun et permet de faire passer des message avec sans doute plus d’efficacité qu’un simple discours…

L. V.

Carnoux : le règne de l’entre-soi

8 juin 2021

Le 8 mai fait partie de ces dates de commémorations nationales qui permettent de partager un moment de recueillement non partisan, en l’occurrence destiné à célébrer la fin de la Seconde guerre mondiale et la victoire des Alliés contre le nazisme. Considérée en France comme un jour férié depuis une loi de 1953, le statut de cette date a quelque peu évolué au fil du temps. Son caractère férié avait été aboli en 1959 à l’instigation du général de Gaulle, dans un souci de rapprochement avec nos voisins allemands, rétabli en 1968, de nouveau supprimé par Valéry Giscard d’Estaing en 1975 et finalement confirmé en 1981 par François Mitterrand.

A Carnoux-en-Provence, on ne rate jamais une occasion de célébrer une victoire militaire et les éditions successives du Messager, l’organe d’information officiel de la municipalité, contiennent des pleines pages de photos de cérémonies avec uniformes militaires et porte-drapeaux devant le monument aux morts d’une des rares communes françaises qui ne déplore pourtant aucun soldat tombé au combat.

Commémoration du 8 mai 1945 à Carnoux-en-Provence, en 2017 (source © Messager n°48)

Mais on choisit aussi un peu les cérémonies. Le Messager d’octobre 2020 listait les cérémonies qui n’avaient pu être honorées en 2020 en raison du Covid : 8 mai (victoire sur les nazis), 8 juin (militaires morts en Indochine), 18 juin (appel de de Gaulle). En 2021, le souvenir de la déportation (dernier dimanche d’avril) a été commémoré pour la première fois depuis 5 ans. La journée nationale de la Résistance (27 mai), n’a en revanche pas été honorée.

De même, les restrictions dues au Covid ont certainement bon dos, les conseillers de l’opposition, notamment ceux de la liste Carnoux citoyenne, écologiste et solidaire, n’ont pas été conviés, sauf pour le 11 novembre. Les commémorations à Carnoux sont très strictement organisées. D’une façon excessive, quasi militaire, ce qui n’est pas le cas notamment à Marseille ou même Aubagne, où ce qui est recherché est la participation du plus grand nombre d’habitants. Le protocole est adapté et n’y reste pas dans une stricte rigidité.

Moment de recueillement à l’occasion de la Journée nationale du souvenir des victimes et héros de la déportation, le 25 avril 2021 à Carnoux (source © Carnoux citoyenne)

Le 8 mai dernier, l’ensemble des élus municipaux n’avaient pas été conviés, notamment ceux de l’opposition, mais la plupart des élus de la majorité étaient présents. Alors que le protocole sanitaire était inchangé, ces derniers avaient donc préféré venir à la commémoration du 8 mai plutôt qu’à celle de la déportation.

A Carnoux, l’entre-soi est une figure imposée de la municipalité dirigée par Jean-Pierre Giorgi depuis 2001. Même une cérémonie officielle célébrant un événement aussi consensuel que la victoire sur l’Allemagne nazie se transforme en un happening organisé en cercle restreint où seuls les amis proches sont invités. Les conseillers municipaux d’opposition, qui représentent pourtant une part non négligeable de l’électorat carnussien (33 % lors des municipales de 2020) ne font manifestement pas partie des personnes que le maire juge nécessaire de prévenir et encore moins d’associer à ce type de rassemblement républicain pourtant sans la moindre connotation partisane.

Jean-Pierre Giorgi, élu à Carnoux depuis 1983 et maire inamovible depuis 2001 (source © Facebook)

Cette tendance à s’approprier ainsi les affaires publiques, même les plus symboliques d’entre elles, au profit de son seul cercle d’affidés, est révélatrice d’une pratique confiscatoire du pouvoir de la part d’un élu en place depuis si longtemps qu’il en oublie les principes de base d’une démocratie représentative où les élus ne sont que des gestionnaires temporaires au service de l’ensemble de la collectivité. Pour notre maire, seuls ses amis et électeurs ont droit à une certaine considération.

Ainsi, à Carnoux la pratique en vigueur veut que tous les conseillers municipaux de la majorité perçoivent une rémunération, à l’exception des seuls 4 élus de l’opposition. Cette répartition des indemnités de fonction entre les élus siégeant au conseil municipal est régie par un article du Code général des collectivités territoriales, lequel précise que les indemnités des membres du conseil sont fixées par délibération. La loi prévoit de fait que « dans les communes de moins de 100 000 habitants, il peut être versé une indemnité pour l’exercice effectif des fonctions de conseiller municipal ». Il est donc légitime que ces indemnités, qui constituent une dépense obligatoire pour la collectivité, soient versées à chaque conseiller élu, sous réserve qu’une délégation lui ait été confiée, et non pas au seul maire et aux 8 adjoints qu’il a désignés.

Les indemnités de fonction des conseillers municipaux, mode d’emploi (source © Association des maires de France)

C’est ce qui a été délibéré lors du conseil municipal du 18 juin 2020, à l’issue duquel a été adoptée la répartition des indemnités entre les 25 élus de la majorité, à l’exception donc des 4 élus d’opposition. Un dispositif parfaitement légal mais qui traduit assez bien le peu de considération du maire envers ceux qui ne partagent pas ses idées, même s’ils se dévouent eux aussi pour représenter leurs concitoyens et gérer au mieux les intérêts de la collectivité.

Une telle répartition sélective des indemnités de fonction (qui n’est pas propre à la ville de Carnoux-en-Provence, loin s’en faut !) a un petit côté féodal, dans lequel le chef de clan répartit le butin entre ses fidèles, histoire de s’attacher leur loyauté, tout en se gardant bien de faire le moindre geste en faveur des représentants des autres clans. Pas vraiment une conception très ouverte d’une démocratie représentative moderne et apaisée, mais n’en demandons pas trop…

L. V.

Des trous, encore des gros trous…

6 juin 2021

C’est un phénomène qui se produit plus souvent qu’on ne l’imagine mais qui frappe tellement l’imagination qu’on a toujours du mal à y croire : brusquement le sol se dérobe et un gouffre se forme sous nos pieds, comme si les portes de l’enfer s’ouvraient brusquement pour tout engloutir !

C’est encore ce qui vient de se produire le 29 mai 2021, dans une zone d’agriculture intensive située près de Santa Maria Zacatepec, dans L’État de Pueblo, à une bonne centaine de kilomètres au sud-est de Mexico. Le trou, quand il est apparu au beau milieu des champs mesurait environ 5 m de diamètre, mais il s’est rapidement agrandi atteignant 60 m de diamètre dès le 31 mai. Et l’évolution se poursuit puisque le 1er juin, la chaîne d’information Euronews annonçait qu’il avait atteint 80 m et il en est désormais à 100 m !

Vue aérienne du gouffre apparu dans les champs près de Santa Maria Zactepec, en date du 1er juin 2021 (photo © Jose Castañ ares / AFP / RTL)

Son expansion galopante que rien ne semble arrêter rapproche désormais dangereusement le gouffre de la ferme la plus proche que les autorités ont dû se résoudre à évacuer en urgence tout en essayant de contenir à distance les badauds qui affluent. Le trou, aussi impromptu qu’inquiétant, de forme quasi circulaire et rempli d’eau boueuse, ferait plus de 20 m de profondeur et a bien évidemment attiré l’attention des réseaux sociaux qui s’amusent à imaginer toutes sortes d’hypothèses pour expliquer l’origine de cette piscine géante dans laquelle certains facétieux verraient bien barboter l’ogre Shrek, tandis que d’autres y voient forcément la main des extraterrestres…

Le gouffre de Santa Maria Zacatepec, une simple piscine pour l’ogre Shrek ? (photomontage © Luis Gabriel Velasquez / Twitter / Ouest France)

Les investigations pour déterminer l’origine de cet effondrement sont encore en cours mais les circulations d’eaux souterraines en sont certainement largement responsables. Le fait que le trou se soit très rapidement rempli d’eau confirme que cette eau est celle de la nappe phréatique naturelle, laquelle fait l’objet à cet endroit d’intenses pompages agricoles.

Le sol de cette région est largement recouvert par des dépôts de cendres volcaniques issues des éruptions successives du Popocatepetl, un matériau granulaire très fin, qui constitue un excellent substrat agricole, mais qui s’érode facilement. Les pompage intensifs ont probablement contribué à soutirer une partie de ces matériaux en profondeur, jusqu’à provoquer un fontis qui a fini par remonter jusqu’à la surface du sol selon un mécanisme bien connu des carriers.

Car ce type de phénomène est en fait très fréquent. Il résulte souvent de l’effondrement d’anciennes cavités souterraines, comme on a pu le voir encore assez récemment près d’ici, à Roquevaire, où des effondrements très comparables se sont formés au droit d’ancienne carrières souterraines de gypse, abandonnées depuis des années. Des phénomènes très similaires continuent d’ailleurs de se produire sur d’anciennes exploitations de gypse à Marseille, dans le secteur des Caillols notamment.

Effondrement d’anciennes carrières souterraines de gypse à Roquevaire en 2005 (source © SDIS des Bouches-du-Rhône / Ministère de l’écologie)

Le gypse est en effet un matériau qui se dissout facilement sous l’effet des circulations d’eux souterraines, ce qui explique ces apparitions de gouffres en surface. Ainsi, le 22 août 1992, un gouffre de 80 m de diamètre et de 15 m de profondeur était brusquement apparu en pleine nuit, sur la commune de Bargemon dans le Var. Heureusement, aucune victime n’avait été à déplorer même si les premières maisons n’étaient guère éloignées des bords de l’abîme ainsi créé.

Plus récemment, le 8 octobre 2014 en soirée, un autre effondrement spectaculaire s’était produit sur la commune du Luc, toujours dans le département du Var, entre la Nationale 7 et l’autoroute A8, juste au pied d’un petit groupe d’immeubles d’habitations. Le cratère de 25 m de diamètre et 15 m de profondeur avait continué d’évoluer jusqu’à saper les fondations du bâtiment le plus proche qui avait dû bien évidemment être évacué.

Vue de l’effondrement du Luc en date du 17 octobre 2014 (source © BRGM)

Dans certains secteurs où les exploitations souterraines ont été nombreuses, les effondrements peuvent être particulièrement fréquents. Cela avait notamment été le cas sur le plateau picard, dans la Somme, en 2001, où plus de 3500 effondrements avaient été recensés en quelques mois, à la suite d’un gros orage survenu dans un contexte d’inondation par remontée de nappes. Beaucoup d’entre eux étaient liés à d’anciennes galeries creusées dans la craie ou les limons sus-jacents, pour servir de caves, de souterrains-refuges ou d’abris liés à la guerre de tranchées qui s’était déroulée ici pendant la Première guerre mondiale.

Effondrement survenu en juillet 2001 à Andechy (Somme) au milieu d’un champ de betteraves, lié vraisemblablement à l’existence d’anciennes tranchées non comblées depuis la guerre de 1914-18 (source © BRGM)

A l’issue du conflit, au cours duquel nombre de villages avaient été entièrement rasés, le gouvernement avait payé les populations locales pour reboucher les tranchées et les aider ainsi à se réinstaller. Mais les innombrables chambres souterraines annexes qui servaient de chambrées pour les soldats, voire de réfectoires, d’hôpitaux de campagne ou de bureaux pour les officiers, étaient souvent restées intactes, jusqu’à ce qu’elles finissent par s’effondrer au milieu des champs de betteraves ou des nouveaux lotissements construits depuis…

Effondrement d’une ancienne marnière à Neuville-sur-Authou, dans l’Eure, en 2001 (source © Thirel solutions)

Nombre de ces anciennes cavités qui s’effondrent aujourd’hui sont aussi liés à l’exploitation de la craie, longtemps pratiquée dans une large moitié nord de la France, pour amender les champs, notamment en Normandie et en Île-de-France. Les agriculteurs avaient en effet l’habitude de creuser des puits à partir desquels ils extrayaient des blocs de craie qu’ils disposaient à la surface des champs. Désagrégé par le gel, ce matériau crayeux servait à chauler les sols argileux pour améliorer leur fertilité. Le nombre de cavités de ce type, simplement rebouchées en surface mais rarement comblées est ainsi estimé à plus de 140 000 pour les seuls départements de la Seine-Maritime et de l’Eure, ce qui donne une idée de l’ampleur du risque encouru lorsque ces cavités s’effondrent brusquement, comme cela a été le cas par exemple le 13 mars 2001, à Neuville-sur-Authou, en Normandie, où un jeune homme a été englouti dans le cratère qui s’est formé juste devant la maison de son beau-frère.

Gouffre béant formé sur le parking de l’hôpital de la Mer à Naples le 8 janvier 2021 (photo © Ciro Fusco / ANSA / Midi Libre)

Et l’on pourrait multiplier ainsi les exemples à l’infini tant le phénomène est finalement assez courant. Citons par exemple, pour rester dans l’actualité récente le gouffre gigantesque qui s’est formé le 8 janvier 2021 sur la parking d’un hôpital de Naples, sans faire de victimes mais entraînant la perte de nombreux véhicules qui avaient mal choisi leur emplacement pour se garer. Les raisons d’un effondrement brutal aussi spectaculaire seraient à rechercher dans les fortes précipitations qui s’étaient abattues sur la ville les jours précédents.

Le cratère C17 (25 m de diamètre et 30 m de profondeur) apparu en septembre 2020 en Sibérie, provoqué par une explosion souterraine de méthane ? (source © Le Parisien)

En Sibérie, en revanche, c’est plutôt le réchauffement climatique que les scientifiques mettent en cause dans l’apparition de plusieurs cratères repérés ces dernières années dans la péninsule de Yamal. Depuis 2013, il s’agit d’une petite vingtaine de gouffres ainsi apparus, de plusieurs dizaines de mètres de profondeur. En l’occurrence, ils semblent liés au dégazage du méthane contenu dans le pergélisol en profondeur. Leur apparition se fait de manière brutale sous forme d’une véritable explosion, précédée par un gonflement du sol, parfois sur plusieurs mètres, avant que la couche superficielle de sol ne cède sous la pression sous-jacente. Avec le changement climatique global, la Terre n’a pas fini de nous étonner et il vaut mieux regarder où l’on met les pieds…

L. V.

L’écotaxe poids lourds de retour ?

1 juin 2021

Tout le monde l’a oublié mais rappelons-nous qu’en octobre 2013, la Bretagne était à feu et à sang, en pleine révolution pour protester contre l’instauration de l’écotaxe destinée au transport routier par camions. José Bové voyait la FNSEA et le MEDEF contre cette révolte qui, de fait avait été initiée dès l’été par les professionnels de l’agro-industrie avec le soutien des sections syndicales de Force ouvrière des abattoirs industriels Doux et Gad. Depuis cet épisode des Bonnets Rouges, celui des Gilets Jaunes est passé par là et chacun a oublié ce mouvement de folie collective qui s’est traduit par l’incendie de la plupart des 20 portiques qui avaient été installés en Bretagne en vue de la perception de cette taxe, dont le principe avait pourtant été voté à la quasi unanimité en 2009, dans l’euphorie du Grenelle de l’Environnement.

Manifestation violente de Bonnets Rouges devant le portique écotaxe de Lanrodec, dans les Côtes d’Armor (photo © Eric Rannou / Le Télégramme)

Chassée par la porte en Bretagne, après que Ségolène Royal, effrayée par ces mouvements de révolte violente, eut finalement annoncé le 9 octobre 2014 la suspension du dispositif malgré les énormes investissements déjà consentis pour se perception (par un consortium privé), voilà que l’écotaxe poids-lourds s’apprête à revenir par la fenêtre, du côté alsacien cette fois. Sans même attendre le vote définitif de la loi Climat et résilience, toujours en discussion, le gouvernement a en effet publié, le 27 mai 2021, une ordonnance qui autorise la Collectivité européenne d’Alsace, ce nouvel OVNI institutionnel qui regroupe depuis le 1er janvier 2021 les anciens départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, à instaurer une taxe sur le transport routier de marchandises.

La nouvelle écotaxe ne verra sans doute pas le jour avant 2024 car l’épisode breton a laissé des traces et les Alsaciens comptent bien passer d’abord par une phase de négociation avec les transporteurs routiers avant de remettre enfin en service ces fameux portiques toujours en place mais jamais utilisés. Les transporteurs routiers devront probablement s’équiper d’un boîtier pour être détectés lors de leur passage afin de déclencher le prélèvement de la taxe. Il devrait en coûter une quarantaine d’euros pour traverser l’Alsace au volant d’un 40 tonnes, soit un montant comparable à celui perçu pour un trajet de l’autre côté du Rhin.

Les portiques de 2013 vont-il bientôt être enfin mis en service en Alsace ? (photo © Denis Slagmulder / DDM illustration / La Dépêche)

C’est en fait la véritable raison de cette taxe que la région alsacienne (tout comme d’ailleurs d’autres régions, dont l’Ile-de-France) réclame à cors et à cris depuis des années. Les autoroutes côté français n’étant pas taxées, tout le trafic local de poids lourds s’y reporte pour éviter de payer l’écotaxe qui a cours en Allemagne.

Reconnaissons en effet, pour être honnête, que la France est un des rares pays européen à ne pas appliquer cette directive européenne dite Eurovignette, qui date pourtant de 1999 et que la France a transposé en droit national dès 2006. Un dispositif qui paraît d’ailleurs difficilement contestable puisque son objectif est de faire participer les transporteurs routiers au coût d’entretien du réseau routier dont ils sont les principales sources de dégradation, tout en réduisant la pollution de l’air en encourageant le report du transport de marchandises vers le rail.

Le fret ferroviaire, particulièrement développé en Suisse : train de l’opérateur SSB Cargo (source © Actu Transport Logistique)

La Suisse avait d’ailleurs donné l’exemple en adoptant cette écotaxe dès 2001 pour tous les véhicules de plus de 3,5 tonnes. Une taxe dont le montant dépend des caractéristiques du poids lourd et du kilométrage parcouru mais qui a indéniablement fait ses preuves en rapportant plus de 1,2 milliards d’euros par an, ce qui a permis de développer les infrastructures ferroviaires qui concentrent désormais 71 % du transport de marchandise alors que cette part ne cesse de se réduire en France où elle ne dépasse pas 9 % en 2019 !

Dès 2004, l’Autriche, nouveau nœud routier avec l’élargissement de l’Union européenne aux pays de l’Est, emboîtait le pas en instaurant à son tour une écotaxe poids lourds, suivi dès 2005 par l’Allemagne, d’abord uniquement sur les véhicules de plus de 12 t, puis, depuis 2015, sur tous ceux de plus de 7,5 t circulant sur les autoroutes et certaines routes fédérales, avec des taxes pouvant aller jusqu’à 28 centimes d’euro par km. Géré par l’organisme Euro Toll, ce dispositif rapporte chaque année plus de 4 milliards d’euros à l’État allemand. Depuis le 1er juillet 2018, ce système a même été étendu à l’ensemble du réseau routier national.

En Allemagne, une écotaxe poids lourds qui s’applique désormais à tous les véhicules de plus de 7,5 tonnes (photo © Euro Toll / Sud Ouest)

Et bien d’autres de nos voisins ont mis en vigueur des dispositifs comparables. Au Danemark, en Suède, au Luxembourg, mais aussi aux Pays-Bas, tous les véhicules de plus de 12 t (sauf les autocars) doivent être munis d’une eurovignette pour pouvoir franchir les péages d’autoroutes, avec un tarif qui varie selon les émissions polluantes et le nombre d’essieux du poids lourd. La Belgique est également concernée, mais elle a remplacé depuis 2016 l’eurovignette par une taxe kilométrique pour tous les véhicules de plus de 3,5 t, avec des tarifs variables selon les régions (de 7 à 29 centimes d’euros par km) et un système de détection par caméras automatiques.

A l’Est de l’Europe, la Slovaquie a aussi instauré son écotaxe dès 2010, suivie par la Pologne en 2011, puis la République tchèque en 2012. Le Portugal s’y est mis à son tour en 2013, l’année même où les portiques bretons partaient en fumée sous les huées des Bonnets Rouges. Même la Grande-Bretagne a instauré à partir de 2014 un système de taxation pour tous les poids lourds étrangers de plus de 12 t circulant sur le réseau public.

La dégradation des routes sous l’effet du trafic routier, une réalité coûteuse pour la collectivité, ici à l’Isle-sur-la-Sorgue, dans le Vaucluse (photo © Boris Loumagne / Radio France)

Dans un tel contexte, il paraît bien délicat de persister à refuser l’application en France d’une telle taxe qui permettrait d’engranger de l’ordre de 4 milliards d’euros chaque année, alors même que l’État et les collectivités territoriales peinent à trouver les budgets nécessaires pour assurer l’entretien du réseau routier et la réhabilitation des ouvrages d’arts, sachant que selon un audit, rendu public en 2018, après l’effondrement du pont de Gêne, un tiers des 12 000 ponts de ce réseau nécessiterait des réparations, 7 % d’entre eux présentant même un risque non négligeable d’effondrement. Un argument qui sera peut-être plus facilement entendu que celui de la nécessité de diminuer le transport routier de marchandises, source de pollution et de nuisances ?

L. V.