Les loups aux portes de Carnoux-en-Provence

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Lors de sa création en 2012, il y a 10 ans déjà, le Parc national des Calanques suscitait un rejet assez unanime des élus locaux, craignant tous que les objectifs de préservation de cet espace naturel remarquable aux portes de l’agglomération marseillaise ne se traduise par des contraintes accrues pour l’aménagement de leur territoire et un regard extérieur sur leurs prérogatives en matière d’urbanisme sur lesquelles ils sont particulièrement chatouilleux.

La commune de Carnoux s’était d’ailleurs opposée à l’unanimité à la proposition qui lui était faite de s’inscrire dans l’aire d’adhésion du Parc ! Le Parc national a pourtant depuis fait la preuve de son utilité pour le respect des zones de non pêche et pour la régulation de la fréquentation estivale dans les calanques surpeuplées, même s’il peine encore à limiter l’impact des rejets polluants en mer et l’envol des déchets urbains

Panneau de signalisation et gardes du Parc national des Calanques (photo © Parc national des Calanques)

Et voilà que l’on apprend désormais qu’une meute de loups a élu domicile dans le Parc national des Calanques, un jeune loup ayant même trouvé le moyen de se faire écraser par un véhicule en traversant la route départementale aux portes de Carnoux, à moins de 100 m de l’entrée du camp de Carpiagne. Un argument qui risque de faire frémir bien des habitants chez qui la peur du loup revient comme un atavisme millénaire. Et même chez certains élus locaux qui risquent de s’emparer du sujet pour dramatiser l’affaire et exiger des mesures d’éradication que les chasseurs du cru se feront un plaisir de mettre en œuvre comme ils l’ont fait dans les Pyrénées où ils mènent la vie dure aux quelques ours que l’on a tenté de réintroduire.

En France, il n’y a pas eu d’opération de réintroduction du loup qui est pourtant considéré comme une espèce protégée, classée vulnérable au niveau européen depuis le début des années 1990, et sur la liste rouge de l’UICN. Autrefois présent sur l’ensemble du territoire national où les éleveurs se sont toujours plaint de son comportement opportuniste qui le faisait s’attaquer aux troupeaux, le loup a fait l’objet d’une traque intense, tous les moyens étant alors bons pour le tuer et réduire ses zones d’habitat. En France, l’espèce était considérée comme totalement éradiquée en 1937, mais quelques individus continuaient à subsister chez nos voisins italiens, dans le massif des Abruzzes, sur les contreforts des Apennins, à l’Est de Rome.

Une meute de loup photographiée par une caméra de surveillance en 2022 aux États-Unis (photo © Wolf Conservation Center / Démotivateur)

Profitant de leur statut d’espèce protégée, cette population résiduelle a fini par reprendre du poil de la bête et à recoloniser un territoire plus vaste. Car le loup gris, Canis lupus de son petit nom, est un grand marcheur qui peut parcourir plusieurs dizaines de kilomètres chaque jour. Il vit en meute dans un vaste territoire de plusieurs centaines de km2, où il chasse généralement la nuit et où il vit en meute selon une hiérarchie très stricte. Mais les jeunes de 2 à 5 ans sont parfois amenés à quitter la meute pour se chercher un partenaire et s’installer sur un autre territoire où la compétition est moins forte. Ils peuvent alors parcourir de grandes distances.

Les loups du parc Alpha dans le Mercantour, dont certains s’étaient échappés à l’occasion de la tempête Alex en octobre 2020 (source © 24 heures)

C’est en 1992 qu’a été de nouveau observé en France un premier couple de loups dans le massif du Mercantour. Depuis, l’espèce s’est fortement dispersée et a largement recolonisé tout le massif alpin ainsi qu’une bonne partie du Massif Central mais on le trouve aussi désormais dans le nord-est de la France et localement dans les Pyrénées orientales. A partir de 1999, on l’observe dans le nord du Var et en 2009 on voit ses traces dans le massif de la Sainte-Baume. Selon l’Office français de la biodiversité, on compterait désormais en France au moins 920 loups recensés sur l’ensemble du territoire national.

Carte de détection du loup en Europe en 2016 (source © Large carnivore initiative for Europe / Office français de la biodiversité)

Il a fallu cependant attendre octobre 2021 pour que sa présence soit officiellement confirmée par le Parc National des Calanques qui diffuse alors la photo d’un couple de loups après une année de traque à l’aide de pièges photographiques et alors que les traces et les témoignages se multipliaient indiquant la présence de cet animal dans le massif, sur les hauteurs de Carpiagne.

Loups photographiés dans les calanques par des pièges photographiques en octobre 2021 (photo © Parc National des Calanques / France 3 Régions)

A cette date, d’autres loups sont déjà repérés du côté de Cadarache et dans les massifs de la Sainte-Victoire et du Mont Aurélien. Le 25 septembre 2022, un troupeau de chèvres paissant à 300 m seulement du village des Pennes-Mirabeau avait d’ailleurs été attaqué par une meute de loups, laissant 12 bêtes mortes, une attaque confirmée par les services de la Préfecture qui ont donc indemnisé la propriétaire du troupeau comme le prévoit la règlementation.

Depuis, le couple de loups des Calanques a eu une portée et les gardes du Parc national ont eu l’occasion de repérer les traces des jeunes. C’est très probablement l’un d’entre eux qui s’est fait écraser à l’entrée de Carnoux, dans la nuit du jeudi au vendredi 13 janvier 2023, par un automobiliste qui n’a même pas jugé utile de s’arrêter ni de se signaler. C’est une patrouille du Centre d’information des routes départementale en tournée d’inspection qui a signalé l’évènement vendredi matin très tôt.

Le cadavre d’un jeune loup écrasé par un chauffard dans la nuit du 12 au 13 janvier 2023 à l’entrée de Carnoux (photo © Parc National des Calanques / La Provence)

Des agents de l’Office français de la biodiversité, de l’Office national des Forêts et du Parc national des Calanques se sont immédiatement rendus sur les lieux. Leurs premières constations laissent effectivement penser que le loup percuté sur la route est bien l’un des jeunes de la meute, mais une autopsie va être réalisée pour le confirmer, même si les causes du décès ne laissent malheureusement aucune place au doute. Une bonne occasion en tout cas de rappeler aux automobilistes de Carnoux qui circulent de nuit, souvent à vive allure, qu’ils prennent ainsi le risque d’entrer en collision non seulement avec un sanglier mais aussi désormais avec un loup. Nous avons la chance de vivre dans un environnement naturel exceptionnel mais il est de la responsabilité de chacun d’agir en conséquence pour le préserver…

L. V.

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Une Réponse to “Les loups aux portes de Carnoux-en-Provence”

  1. Le Parc des Calanques s’invite à Carnoux | Cercle Progressiste Carnussien Says:

    […] Le Parc National des Calanques s’étend aux portes de notre commune de Carnoux-en-Provence. On en parle beaucoup mais la plupart des gens le voient rarement, un peu à l’image de ces meutes de loups, désormais bien implantées dans le massif des Calanques mais tellement discrets que personne ne les voit jamais, sauf à l’occasion d’un drame de la circulation comme celui qui a coûté la vie à un jeune sujet, venu mourir aux portes de la ville. […]

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