Posts Tagged ‘Plongée’

Un record mondial de plongée souterraine

1 décembre 2023

Le 3 novembre 2023, le Marseillais Frédéric Swierczynski a réalisé un véritable exploit en battant le record mondial de profondeur en plongée souterraine, en descendant à -308 m dans la résurgence de Font Estramar, située dans les Pyrénées orientales. L’exploit est passé assez inaperçu, même si la presse s’en est fait les échos, mais il mérite d’être salué car une telle pratique n’est pas à la portée du premier venu !

Frédéric Swierczynski, se préparant à plonger (source © blog Francis Le Guen)

Plonger en apnée est vieux comme le monde. La pratique est fréquente depuis des millénaires dans nombre de civilisations vivant de la pêche et de la récolte des coquillages, de la nacre ou du corail. Au Japon, les Amas, des femmes exclusivement, plongent ainsi traditionnellement depuis au moins 4000 ans dans la baie de Nago, sur l’île d’Okinawa, pour cueillir algues, escargots de mer, poulpes et oursins, même si la pratique est actuellement en train de disparaître.

Mais la plongée récréative en apnée s’est depuis très largement développée, popularisée notamment par le célèbre film de Luc Besson, Le Grand Bleu, qui, en 1988, mettait en scène la rivalité entre deux plongeurs, le Sicilien Enzo Maiorca, premier homme à descendre en apnée sous la barre des 50 m, et le Français Jacques Mayol, qui fut le premier à descendre en apnée à plus de 100 m de profondeur en novembre 1976. Depuis certains ont fait beaucoup mieux, notamment l’Autrichien Herbert Nitsch, détenteur de plusieurs records du monde dont celui de profondeur en immersion libre à 120 m et celui de la technique dite « no limit », qui consiste à descendre en apnée à l’aide d’une gueuse lestée puis de remonter le long du câble ou avec un ballon gonflé d’air, ce qui lui a permis d’atteindre en 2007 la profondeur incroyable de 214 m au large de l’île grecque de Spetses.

Les interprètes du film le Grand Bleu, du réalisateur Luc Besson, incarnant les apnéistes Enzo Maiorca et Jacques Mayol (source © Cinésérie)

Mais c’est une tout autre discipline que la plongée profonde avec bouteilles, développée grâce à l’incroyable démocratisation qu’a connue cette discipline. Au-delà de 20 m, la pratique demande une qualification spécifique, et à partir de 60 m, les plongeurs ne peuvent plus utiliser des bouteilles d’air comprimé classiques car l’azote, au-delà d’une certaine pression partielle devient toxique pour le corps humain. La plongée profonde requière donc le recours à des mélanges spécifiques et surtout exige une adaptation physiologique car le corps humain est sujet, au-delà d’une certaine profondeur, à des risques spécifiques tels que la narcose, dite aussi « ivresse des profondeurs », à l’hyperoxie, due à un excès d’oxygène dans le mélange utilisé, voire au syndrome nerveux des hautes pressions, mis en évidence dès 1962 à l’occasion de plongées de la COMEX en caisson hyperbare à 362 m de profondeur.

L’entreprise marseillaise est d’ailleurs détentrice du record mondial de profondeur atteinte en caisson hyperbare en 1992, à 701 m de profondeur et en scaphandre à 675 m de profondeur ! En plongée à saturation, qui consiste à saturer préalablement l’organisme des plongeurs en les laissant séjourner plusieurs jours dans des caissons, des plongeurs professionnels de la COMEX ont atteint en 1988 la profondeur record de 534 m. Bien entendu, la plongée avec bouteilles ne permet pas de descendre aussi profondément, mais le nageur de combat égyptien Ahmed Gamal Gabr a néanmoins atteint en 2014 la profondeur de 332 m, battant de peu le record mondial détenu depuis 2005 par le Français Pascal Bernabé, descendu en 2005 à 330 m de profondeur au large de Propriano en scaphandre autonome.

Le plongeur Pascal Bernabé, détenteur d’un record de profondeur de plongée entre 2005 et 2014 (photo © François Brun / Paroles de plongeurs)

De plus en plus, les plongeurs utilisent des recycleurs à la place des bouteilles de gaz classiques. Le principe ne date pas d’hier puisque c’est un Britannique qui l’a inventé, dès 1620, fabriquant de l’oxygène par chauffage de salpêtre pour remplir son prototype de sous-marin immergé dans la Tamise ! Depuis les techniques, développés notamment à des fins militaires pour les nageurs de combat, se sont bien développées et a technique permet aux plongeurs de respirer en circuit fermé après retraitement du gaz expiré. Avec ce type de matériel, le record mondial de profondeur a été atteint en octobre 2018 par Jarek Macedonian, descendu à 316 m dans le lac de Garde en Italie.

Xavier Méniscus, ex détenteur du record de profondeur de plongée souterraine à Font Estramar depuis le 30 décembre 2019 (source © Grand Sud)

Et c’est le même type de matériel qui est utilisé en plongée souterraine et qui a donc permis à Frédéric Swierczynski d’atteindre tout dernièrement cette profondeur incroyable de 308 m, pulvérisant le dernier record de profondeur en plongée souterraine, détenu depuis le 30 décembre 2019 par un autre Français, Xavier Méniscus, plongeur professionnel à l’origine de nombreuses avancées dans l’exploration des rivières souterraines de Cassis, qui était alors descendu à 286 m de profondeur dans cette même résurgence de Font Estramar.

Résurgence de Font Estramar avec son eau limpide en surface (source © Plongée infos)

Cette dernière, qui se situe en bordure de l’autoroute A9, sur la commune de Salses-le Château, dans le Roussillon, s’ouvre au pied d’un imposant escarpement rocheux, correspondant à la faille de la Têt, et draine une bonne partie du massif des Corbières pour alimenter l’étang de Salses. Les premières plongées y datent de 1949, avec des équipements développés par Cousteau, mais il a fallu attendre les années 1970-80 pour que les plongeurs dont Claude Touloumdjian puis Francis Le Guen s’aventurent en profondeur dans son immense réseau de galeries noyées. En 1997, Pascal Bernabé y atteint la profondeur de 185 m puis, à partir de 2013, Xavier Méniscus, équipé de recycleurs, permet aux explorations du réseau de faire de grands pas, jusqu’à son record de profondeur réalisé en 2019, à plus de 1 km de l’entrée.

Frédéric Swierczynski en plongée dans la galerie de Port-Miou (photo © Alexandre Legrix / blog Francis Le Guen)

Cette nouvelle avancée, réalisée en novembre 2023 par Frédéric Swierczynski, explorateur spéléonaute marseillais, spécialiste de la plongée en recycleur qu’il pratique depuis ses 18 ans, lui-même découvreur de galerie dans le réseau noyé de Port-Miou, n’est évidemment pas le fruit du hasard mais le résultat d’une expédition soigneusement préparée, accompagné d’une dizaine d’autres plongeurs spéléonautes aguerris, tel qu’il le raconte notamment sur son site. Car un tel exploit demande un matériel très spécifique, redondant pour palier toute défaillance, mais aussi une parfaite maîtrise de soi et une condition physique à toute épreuve, de nombreux plongeurs ayant récemment perdu la vie en plongeant sur ce même site.

Elle demande aussi une solide organisation avec plusieurs plongeurs pour faire les relais aux paliers de décompression. Tracté par un scooter, la descente du plongeur se fait à grande vitesse, accompagné par un autre plongeur jusqu’à 190 m de profondeur. Puis c’est la plongée en solitaire jusqu’à – 260 m atteint en 15 mn seulement mais qui vaut au plongeur pourtant aguerri un déclenchement de syndrome nerveux des hautes pressions, heureusement passager et qui ne l’empêche pas de poursuivre, jusqu’à cette profondeur encore jamais atteinte, explorant pour la première fois des galeries noyées où l’homme n’avait jamais pénétré.

Frédéric Swierczynski remontant à travers le réseau noyé de Font Estramar après son record mondial de profondeur (source © blog Francis Le Guen)

Mais il n’est pas raisonnable de poursuivre car le retour vers la surface s’annonce déjà très long avec des paliers de décompression interminables et douloureux. Pour une descente qui a duré moins de 30 mn, il lui faudra patienter plus de 6h30 pour arriver à émerger de nouveau ! Un exploit remarquable et qui n’est sans doute pas le dernier pour ce plongeur chevronné qui poursuit par ailleurs depuis 2013 ses explorations dans le siphon de la Mescla, dans les Alpes-Maritimes où il avait atteint en août 2016 la profondeur de – 267 m dans le siphon terminal, en attendant la suite…

L. V.

Un fontis à Cassis aussi ?

23 octobre 2023

La galerie noyée du Bestouan fait partie, avec celle qui débouche en mer dans la calanque de Port-Miou, de ces rivières souterraines de Cassis qui en font rêver plus d’un, même si les ingénieurs de la Société des eaux de Marseille, qui imaginaient les exploiter dans les années 1960, pour l’alimentation en eau potable de la métropole marseillaise, et y ont même édifié un barrage souterrain, en 1977, sont depuis longtemps passés à autre chose. Ce qui n’empêche pas la commune de Cassis de réfléchir très sérieusement à implanter un forage sur le tracé de cette rivière souterraine du Bestouan, au niveau de la caserne des pompiers, pour y puiser une eau gratuite et presque douce puisque le niveau de salinité à cet endroit n’est que de quelques grammes de sel par litre, 10 fois moins donc que dans l’eau de mer, de quoi permettre, après désalinisation légère, de l’utiliser pour la défense contre l’incendie voire l’arrosage des espaces verts communaux.

Sommet du barrage souterrain édifié à la fin des années 1970 près de l’exutoire de la rivière souterraine de Port-Miou (photo © Florian Launette / Parc national des Calanques)

Le travail patient et obstiné de générations de plongeurs souterrains a permis de déterminer avec précision le tracé de cette galerie naturelle ennoyée du Bestouan, en la remontant depuis la mer, à contre-courant. Le site de l’association Cassis Rivières Mystérieuses, rappelle l’épopée de ces premières explorations qui datent de 1965. En 1978, Claude Touloumdjian atteint la distance de 1300 m dans ces méandres piégeux et où le courant est localement très fort et la visibilité faible, à l’origine de quelques accidents dramatiques. Il dépasse les 2000 m en 1983 et Francis Leguen atteint 2290 m en 1989, avant que Marc Douchet, l’actuel président de l’association CRM n’explore les parties terminales du réseau, butant à 2950 m dans la galerie principale et à 3000 m dans la galerie du flou qu’il a découverte, à une profondeur respective de 30 et 33 m sous le niveau de la mer.

L’exploration des rivières souterraines de Cassis, une activité qui exige un équipement très spécifique (photo © Hervé Chauvez / CD 13)

Mais c’est en octobre 2005, grâce à l’usage des recycleurs, que le plongeur britannique John Volanthen finit par trouver, à travers les éboulis qui obturent l’extrémité de la galerie du flou, un passage qui lui permet de remonter jusqu’à une vaste salle terminale d’une trentaine de mètres de largeur et d’au moins 35 m de hauteur, encombrée par un cône d’éboulis.

Plongée dans les rivières mystérieuses de Cassis (photo © Florian Launette / La Provence)

Dès 2004, des balises électro-magnétiques posées au niveau des cloches intermédiaires avaient permis de repérer de manière assez précise le tracé de la galerie et d’en reporter la projection en surface. Mais il avait fallu attendre mai 2019 pour que le plongeur Alexander Fox arrive à poser une telle balise sur un bloc émergé, au pied des éboulis de la salle terminale, désormais dénommée salle Volanthen. Des mesures de repérage en surface ont alors permis de détecter avec une bonne précision l’aplomb de cette salle qui se trouve dans les vignobles, près de la Ferme Blanche, à proximité du rond-point du Mussuguet. Une topo très précise effectuées par console électronique embarquée par le plongeur Xavier Meniscus permet désormais de disposer d’un relevé fiable du réseau entre la mer et cette salle terminale.

Eboulis de la salle Volanthen, terminus amont de la rivière souterraine du Bestouan, à 3 km en amont de l’exutoire en mer (photo © Maxime et Patrice Cabanel / source Facebook EFPS)

Une nouvelle plongée effectuée tout dernièrement, le 15 octobre 2023, par les frères Patrice et Maxime Cabanel a permis d’atteindre de nouveau cette fameuse salle Volanthen, au prix de plusieurs heures d’efforts intenses à lutter contre le courant tout en restant concentré sur le fil d’Ariane, vade mecum du spéléonaute. Et pour la première fois, les plongeurs ont pris le temps de prendre quelques photos de cette salle sur laquelle s’arrête (pour l’instant) le réseau. Des photos totalement exceptionnelles, et, qui plus est d’une grande qualité, mises en ligne par Patrice Cabanel sur le site Facebook de l’École française de plongée souterraine.

La cloche de fontis et les éboulis tombés du toit dans la salle Volanthen (photo © Maxime et Patrice Cabanel / source Facebook EFPS)

Comme John Volanthen avant eux, ils décrivent une salle d’effondrement, de 25 à 30 m de diamètre, surmontée d’une immense cloche de fontis dont ils estiment la hauteur à environ 40 m. Les photos montent une fracturation assez intense de la voûte avec des bancs de toit qui sont tombés les uns après les autres, faisant remonter progressivement la voûte de toit selon cette forme de cloche très caractéristiques des effondrements souterrains localisés.

La base des éboulis se situant dans l’eau, cela signifie que le sommet actuel de la voûte serait grosso modo à l’altitude 40 m NGF. Dans la mesure où les cartes topographiques indiquent en surface une altitude d’environ 93 m à l’aplomb de ce point, cela signifie qu’il reste une épaisseur de recouvrement d’une cinquantaine de mètres au-dessus de cette cavité souterraine en cours d’effondrement. Au vu des dimensions de la salle, c’est en théorie suffisant pour que, même si le phénomène de chute des bancs de toit se poursuit, cela ne se traduise pas par un effondrement en surface, grâce à l’effet de voûte qui est mobilisé.

Chute des premiers bancs de toit dans le calcaire Urgonien fracturé au niveau de la voûte de la salle Volanthen (photo © Maxime et Patrice Cabanel / source Facebook EFPS)

Mais les incertitudes dans ce domaine sont fortes car cela dépend beaucoup du degré de fracturation et d’altération des bancs supérieur de calcaire, mais aussi de la nature du recouvrement superficiel, au-dessus des bancs de calcaire massif d’âge Barrémien à faciès Urgonien. Il se trouve d’ailleurs qu’un travail de thèse de Carole Romey, en 2013, avait mis en évidence les vestiges d’un paléolac d’âge Pléistocène avec ses dépôts sédimentaires fins, justement à cet endroit, à l’aplomb de la salle d’effondrement tel qu’on le connait actuellement…

La prudence s’impose donc en la matière. Il n’y a pas forcément à craindre un effondrement brutal avec apparition d’un cratère en surface comme on le voit parfois dans des environnements karstiques de ce type, ou en lien simplement à la présence de cavités souterraines naturelles ou creusées de la main de l’homme. Mais une telle éventualité ne peut pas être totalement exclue non plus, tant les précédents de ce type sont nombreux, à l’exemple de ces affaissements miniers ou de ces effondrements de marnières ou de carrières souterraines abandonnées qui surviennent soudainement au milieu d’un champ ou près d’une maison….

Effondrement d’anciennes carrières souterraines dans les vignes de Saint-Emilion, survenu en 1997  (source © Rapport BRGM R40635 / Infoterre)

Rappelons notamment les quelques 4000 et quelques effondrements d’anciennes cavités souterraines de toutes sortes, pour la plupart vestiges des tranchées de la guerre de 1914-18, qui s’étaient produits en quelques semaines sur le plateau picard en 2001, à la suite d’une forte inondation par remontée de nappe dans le bassin de la Somme, et d’un très violent orage survenu début juillet. Une manière, brutale mais efficace, pour la nature géologique de notre sous-sol de se rappeler au bon souvenir de l’homme insouciant qui vit en surface…

L. V.

Cassis explore ses rivières mystérieuses

1 février 2023

Les rivières souterraines qui débouchent en mer à Cassis font partie de ces lieux mystérieux dont l’exploration humaine est encore loin d’avoir percé tous les secrets. Et comme tous les sites auréolés d’une part de mystère, ils attisent la curiosité, l’homme n’ayant de cesse d’aller explorer ces espaces encore méconnus, parfois au péril de sa vie.

En octobre 2015, une conférence organisée à Carnoux par le Cercle progressiste carnussien avec la participation des membres de l’association cassidaine Cassis, les rivières mystérieuses, avait ainsi battu tous les records d’affluence en rassemblant pas moins de 120 personnes dans une salle du Clos Blancheton remplie à craquer. Et depuis, les spéléologues et les plongeurs ont poursuivi leurs investigations, progressant peu à peu dans leur connaissance de ces réseau karstiques souterrains qui courent sous nos pieds et finissent en galeries ennoyées jusqu’en mer, au Bestouan et dans la calanque de Port-Miou.

Travaux de désobstruction au fond d’un puits naturel sur le plateau du Mussuguet en octobre 2022, à la recherche d’une jonction avec la rivière souterraine de Port-Miou (photo © CRM)

On connait de mieux en mieux la configuration de ces réseaux et l’on sait maintenant que les tentatives de barrage édifié dans les années 1970 à la sortie de la galerie de Port-Miou pour préserver cette ressource d’eau douce potentiellement exploitable et la protéger des arrivées d’eau salée était vouée à l’échec. Il semble en effet que les mélanges avec l’eau de mer se font très en amont, par des arrivées encore inexplorées, au niveau du puits terminal reconnu jusqu’à plus de 230 m de profondeur.

Plongée de Xavier Méniscus dans la rivière souterraine de Port-Miou (photo © Guillaume Ruoppolo / Subaqua)

Ces avancées, rendues possible par le courage de plongeurs souterrains, spéléonautes bardés d’électronique et d’appareils respiratoires de plus en plus sophistiqués, ont même fait l’objet d’un reportage diffusé par TF1 à une heure de grande écoute, ce qui traduit bien la fascination qu’exerce sur l’homme ces espaces souterrains encore en voie d’exploration, à deux pas de Carnoux.

Du coup, pour ceux qui voudraient tout savoir de ces fameuses rivières mystérieuses de Cassis et des dernières découvertes encore en cours, ne ratez surtout pas la conférence qui aura lieu très prochainement au Centre culturel de Cassis, le mardi 20 février 2023 à partir de 18h, en présence notamment de Marc Douchet, plongeur émérite et actuel président de l’association Cassis, les rivières mystérieuses, de Gérard Acquaviva, ex président de cette même association et de Louis Potié, qui dirigeait dans les années 1960 le Syndicat de recherche de Port-Miou créé à l’époque par la Société des Eaux de Marseille, laquelle plaçait alors beaucoup d’espoir dans l’exploration de ces précieuses ressources en eau douce en plein cœur du massif des Calanques.

A Cassis, le mystère rôde dans les rivières souterraines qui courent sous nos pieds : c’est le moment de s’y immerger pour un petit frisson d’aventure…

L. V.

Une forêt souterraine en Chine !

15 Mai 2022

La Terre a beau avoir été explorée dans ses moindres recoins, elle réserve parfois encore d’agréables surprises à ceux qui s’aventurent dans ses régions restées les plus sauvages. C’est notamment le cas de cette expédition chinoise dirigée par un certain Chen Lixin, qui vient de rendre publique, le 7 mai 2022, la découverte d’un immense gouffre karstique perdu dans une zone montagneuse et entièrement boisée de la région autonome du Guangxi Zhuang, à l’extrême sud de la Chine, près de la frontière vietnamienne.

Vue aérienne de l’entrée d’un gouffre karstique, prise en avril 2020, dans la région du Guangxi (photo © Zhou Hua / Xinhua)

Ce gouffre, exploré par une armada de scientifiques chinois, présente des dimensions exceptionnelles puisque, selon le témoignage de Zhang Yuanhai, un ingénieur de l’Institut de géologie du karst, rattaché au Service géologique chinois, ce gouffre immense, situé près du village de Ping ‘e, au sud de Luoxi, s’étend sur 306 m de longueur et 150 m de largeur, pour une profondeur maximale de 192 m ! C’est la surface de 10 terrains de football, mais situé à une profondeur par rapport au sol quasi équivalente à la hauteur de la tour Montparnasse à Paris …

Un gouffre gigantesque, découvert en 2019 dans les mêmes conditions, perdu au milieu d’une forêt quasi inexplorée (Capture image vidéo © China Daily)

Et le plus étonnant est que le fond de ce gouffre gigantesque, où ont été identifiées trois entrées de grottes, abrite une forêt primaire luxuriante parfaitement préservée. Certains arbres, ainsi enracinés au fond de la zone d’effondrement, s’élèvent jusqu’à 40 m de hauteur. Mais ils ont encore de la marge pour atteindre simplement le niveau du sol environnant, vu la hauteur des parois subverticales qui entourent cette forêt quasi souterraine…

Une forêt luxuriante bien protégée au fond d’un gouffre d’effondrement karstique exploré en 2019 dans le même secteur du Guangxi (Capture image vidéo © China Daily)

Ces dolines gigantesques sont nombreuses dans la région et celle-ci n’est que la trentième ainsi découverte dans le secteur. Il faut dire que les Chinois explorent méthodiquement cette région depuis plusieurs années et ont déjà communiqué sur de précédentes découvertes, notamment en 2019, lorsqu’ils avaient exploré, à partir d’une autre zone d’effondrement karstique, un vaste réseau de galeries souterraines qui reliaient pas moins de 19 dolines.

Du fond de ces gigantesques dolines karstiques du Guangxi partent d’innonbrables galeries souterraines creusées par le passage de l’eau et ornées de magnifiques concrétions calcaires (Capture image vidéo © China Daily)

Un réseau particulièrement étendu, creusé au fil des siècles par les circulations souterraines de l’eau qui s’infiltre à travers le massif calcaire, se charge en acide carbonique au contact du sol, et vient dissoudre la roche calcaire, élargissant peu à peu les fissures naturelles du massif jusqu’à former d’immenses goulots où l’eau circule librement au milieu de magnifiques concrétions formées par la recristallisation à l’air libre du carbonate de calcium, selon un cycle naturel qui défie les lois du temps.

En Chine, ces gouffres d’effondrement karstiques de grandes dimensions sont dénommés « tiankeng ». Mais on en trouve également de taille remarquable notamment au Mexique ou en Papousie-Nouvelle Guinée. Le volume de celle qui vient d’être découverte près de Ping ‘e dépasserait les 5 millions de m³, ce qui est considérable. Mais on en connaît de bien plus gigantesques encore. Celle qui est connue sous le nom de « Garden of Eden », en Malaisie ferait ainsi de l’ordre de 150 millions de m³, et renferme elle-aussi une forêt tropicale luxuriante en son sein, ainsi que des départs de galeries souterraines fort prisées des touristes.

Forêt luxuriante au fond du Garden of Eden, en Malaisie (source © Tripadvisor)

En Europe, la plus grande doline karstique répertoriée, dont le volume est estimé à environ 30 millions de m³, serait celle du Lac Rouge, situé en Croatie près d’Imotski. Ses hautes falaises rougeâtres qui délimitent les bords de la zone d’effondrement, mesurent au plus haut 241 m de hauteur !

Vue aérienne du Lac Rouge en Croatie (source © La Provence)

Bien entendu, il n’existe pas de forêt tropicale luxuriante au fond de ce gouffre gigantesque, mais un magnifique lac d’un bleu profond, qu’un robot avait exploré en 2003 jusqu’à plus de 200 m de profondeur, sans en atteindre le fond. Le plongeur marseillais Frédéric Swiercynski, un habitué des plongées dans les rivières souterraines de Cassis, avait lui-même tenté de l’explorer en mai 2017 en descendant jusqu’à 300 m pour tenter de repérer les jonctions éventuelles par galeries souterraines qui pourraient mener jusqu’à la mer, mais le Lac Rouge n’a pas encore livré tous ses secrets…

L. V.

Vieux-Port de Marseille : le grand ménage en direct

31 octobre 2020

Comme tous les bassins nautiques situés en centre-ville, le Vieux-Port de Marseille, édifié en lieu et place de l’ancienne calanque du Lacydon, est le réceptacle de tous les déchets qu’y jettent négligemment les passants depuis les quais où qui y sont poussés par le vent lorsque celui-ci balaie les rues de la cité et renverse les poubelles. Pas étonnant, dès lors, qu’on y retrouve, dans la vase du fond, des tonnes de déchets : canettes de bière et papiers gras, vélos et trottinettes, barrières de chantier et plots de signalisation, mais aussi parfois vieux canapé, lave-linge usagé et épave de voiture ou de moto…

Le Vieux-Port de Marseille, vu d’en haut et… du fond (source © Made in Marseille)

En 2016, la Fédération des sociétés nautiques des Bouches-du-Rhône (FSN 13) avait ainsi pris l’initiative de lancer une opération annuelle de nettoyage du Vieux-Port, ce qui à l’époque n’avait pas été fait depuis 2004. L’idée était bien sûr d’insister sur l’aspect pédagogique en médiatisant l’opération pour inciter les plaisanciers qui fréquentent régulièrement le site à prendre soin de leurs déchets de toute sorte pour éviter qu’ils ne finissent à la baille, même les jours de fort mistral.

Affiche de la première opération du genre, initiée en 2016 (source © FSN 13)

Organisée le 8 octobre 2016 avec l’appui de nombreuses personnalités locales et le renfort de plusieurs institutions et associations sportives et environnementales, l’opération avait connu un beau succès médiatique et est, depuis, renouvelée chaque année. Ainsi, l’an dernier, le 19 octobre 2019, des centaines de citoyens et responsables associatifs, dont environ 200 plongeurs s’étaient mobilisés selon Made in Marseille qui couvre régulièrement l’évènement.

Vers 16 h, un premier bilan dressé par l’association MerTerre qui anime également d’autres opérations du même type dont celle intitulée Calanques propres, faisait état de 45 m³ de déchets de toutes sortes sortis du Vieux-Port par cette armada de bénévoles. L’année précédente, en 2018, le volume de déchets était encore plus impressionnant et il avait fallu 21 bennes mises à disposition par la Métropole Aix-Marseille-Provence pour les évacuer en décharge.

Une trottinette sauvée des eaux lors d’une opération de nettoyage du Vieux-Port (photo © Georges Robert / La Provence)

Pas moins de 4 333 objets divers et variés avaient ainsi été extraits de la vase du Vieux-Port, parmi lesquels beaucoup de canettes et bouteilles en verre, mais aussi un chevalet de peintre, 42 vélos, 15 skate et trottinettes, 7 poussettes, un brancard (vide), plusieurs bidets et cuvettes de wc, une amphore antique (comme quoi l’habitude de jeter ses déchets dans le Vieux-Port ne date pas d’hier), et même un obus de la dernière guerre, qui n’est pas à proprement parler un vulgaire détritus mais qui a obligé à faire appel aux démineurs…

Pour 2020, crise sanitaire oblige, il n’était pas question de rassembler sur le Vieux-Port des centaines de volontaires pour aller à la quête des déchets immergés. Place donc à la technologie high tech. Et bien entendu, c’est à la start-up marseillaise Notilo Plus qu’il a été fait appel. Créée en 2016 par Benjamin Valtin et Nicolas Gambini, cette société a en effet développé des drones sous-marin autonomes déclinés en version loisirs sous le nom de IBubbles, et en version professionnelle sous l’appellation Seasam.

Le drone aquatique, un outil pour accompagner fidèlement le plongeur et assurer les prises de vue sous-marine (photo © Notilo Plus / Marcelle média)

Fruit d’un partenariat avec la compagnie maritime CMA CGM, ces drones qui sont dotés d’un dispositif de propulsion autonome sans fil et d’un système de mémorisation et de géolocalisation, sont en effet parfaitement adaptés pour effectuer un parcours pré-programmé en repérant les endroits où ils sont déjà passés et en localisant avec précision ce qu’ils observent, ce qui en fait des auxiliaires très précieux pour inspecter la coque des navires, identifier les défauts éventuels et vérifier l’état des peintures en vue de décider et d’orienter les opérations de maintenance.

Les drones aquatiques de Notilo Plus utilisés pour l’opération (source © Marcelle média)

C’est donc à un robot sous-marin de ce type, équipé de différentes caméras, qu’a été confié le soin de cartographier au préalable l’ensemble des déchets visibles au fond du port, puis de guider un plongeur afin d’aller les récupérer directement sans perdre de temps à les rechercher. Jeudi 15 octobre 2020, une opération médiatique a ainsi été organisée dans les locaux de l’Union nautique marseillaise au pied du Pharo. Deux drones de Notilo Plus filmaient dans le bassin le plongeur en train de récupérer les déchets dans son filet et les images étaient retransmises en direct sur écran géant et sur la chaîne Youtube afin que les enfants des écoles puissent suivre l’opération.

C’est la maire de Marseille, Michèle Rubirola, qui a insisté pour que les écoliers puissent ainsi suivre en direct les opérations afin de prendre conscience de tous les déchets qui finissent ainsi leur course dans le fond du port. Présente sur place, ainsi que la maire de secteur Sophie Camard qui raconte sa plongée dans le Vieux-Port à l’occasion d’une édition précédente de l’opération, elle assiste au dialogue qui s’instaure entre une dizaine de collégiens de Team 13, une association de jeunes bénévoles qui organise des opérations de protection de l’environnement, et quelques spécialistes.

Présentation en direct par Nicolas Gambini, président de Notilo plus, des images du nettoyage (source © Marcelle média)

Parmi eux, un membre de l’ONG Planète mer, qui s’est donné pour mission de préserver les milieux marins en lien avec les activités humaines associées, mais aussi une représentante de Citeo, une entreprise privée chargée par l’État d’organiser, piloter et développer le recyclage des emballages ménagers et des papiers dans le cadre de la responsabilité élargie du producteur. Une autre start-up marseillaise, au nom typiquement provençal de Green City Organisation était également présente pour vanter les mérites de son dispositif de filet D’Rain qui récupère les micro-déchets à la sortie des collecteurs d’eau pluviale pour éviter leur rejet direct en mer.

Après quelques déboires techniques liés à une transmission médiocre par wi-fi, les images filmées en direct par les drones ont permis d’assurer un incontestable succès à cette nouvelle action de nettoyage du Vieux-Port. Pas moins de 124 classes étaient connectées en direct pour suivre le déroulement des opérations et profiter des commentaires, de nombreuses autres se connectant ultérieurement pour profiter de cette séquence un peu exceptionnelle et dont la portée pédagogique est incontestable. Un jour peut être, les fonds du Vieux-Port ne ressembleront plus à un vaste dépotoir…

L. V.

A Cassis, drame dans la rivière mystérieuse

12 janvier 2020

Xavier Méniscus en plongée à la Font Estramar le 30 décembre 2019 (source Midi Libre)

La plongée souterraine est sans doute un des sports les plus dangereux qui existe et les accidents n’y sont pas rares. Celui qui vient de se produire cette semaine à Cassis n’en est qu’un des multiples exemples même si cette pratique de la plongée en spéléologie a bénéficié ces dernières années de très gros progrès techniques qui permettent d’atteindre désormais des profondeurs et des distances jugées inimaginables jusque-alors. Une bonne illustration en est d’ailleurs le record du monde de profondeur que vient de battre Xavier Méniscus, un habitué des rivières souterraines de Cassis, lui qui a atteint, dès 2016 la profondeur de 233 m dans le puits terminal de la galerie naturelle ennoyée qui débouche à Port-Miou.

Le 30 décembre 2019, ce même plongeur, ancien de la COMEX et scaphandrier professionnel depuis plus de 30 ans, a ainsi atteint la profondeur inégalée en spéléologie de 286 m dans le gouffre de la Font Estramar, situé à Salses-le-Château dans les Pyrénées Orientales. Une descente au fond du gouffre qui n’a durée que 22 minutes grâce à sa parfaite connaissance des lieux et aux multiples repérages effectués depuis des années dans ce réseau karstique naturel, mais qui a été suivie d’une interminable remontée de pas moins de 10h30, en respectant de longs paliers de décompression pour éviter que le sang du plongeur n’entre en ébullition. Ce jour-là, Xavier Méniscus a dépassé de quelques mètres le record mondial détenu jusque-là par le plongeur Nuno Gomes dans une cavité d’Afrique du Sud.

Mais de tels exploits ne sont pas à la portée du premier venu… Pour un professionnel chevronné comme l’est Xavier Méniscus, cette plongée exceptionnelle s’est apparentée à « une descente au paradis » comme il l’a joliment déclaré aux journalistes de Midi Libre, en référence peut-être aux célèbres vers de Charles Baudelaire dans Les Fleurs du mal : « Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu’importe ! / Au fond de l’Inconnu, pour trouver du nouveau ». Mais pour certains, de telles plongées sous terre conduisent encore trop souvent à un véritable enfer…

Tracé approximatif des galeries noyées de Port-Miou et du Bestouan (source © Cassis, les rivières mystérieuses)

C’est le cas de celle qui a eu lieu ce lundi 6 décembre 2019 dans la résurgence d’eau douce qui aboutit en mer dans la rade de Cassis, sous la villa Rastoin située en bordure de la plage du Bestouan. Les plongeurs ont exploré cette rivière souterraines sur près de 3 km depuis l’exutoire en mer. La galerie présente peu de dénivelée et la plongée se fait entre 10 et 31 m sous le niveau de la mer, mais l’exploration est néanmoins risquée car elle nécessite de progresser en nageant à contre-courant dans un milieu hostile et dangereux où il est facile de se perdre du fait de la visibilité réduite, surtout lorsqu’un remet en suspension les sédiments déposés au fond de la galerie.

En mai 2005, selon les compte-rendus soigneusement conservés sur le site captivant de l’association Cassis, les Rivières mystérieuses, qui explore ce réseau karstique depuis des années, le Britannique John Volanthen avait atteint pour la première fois ce qui est actuellement considéré comme le terminus connu de cette galerie, à plus de 3 km en amont de son exutoire en mer. Il lui avait fallu pas moins de 4h30 de plongée pour découvrir une vaste salle de 30 m de largeur et 35 m de hauteur dans un secteur rendu dangereux à cause de nombreux éboulis instables.

Plongée dans les rivières souterraines de Cassis (source © Cassis, les rivières mystérieuses)

Depuis, Xavier Méniscus avait tenté, mais en vain, en mai 2016, de placer une balise afin de repérer en surface l’emplacement de cette salle terminale. Il a fallu attendre pour cela le 19 mai 2019, lorsque le plongeur Alexander Fox a réussi, au terme, lui-aussi, de 4h30 de plongée, à caler entre des blocs éboulés de la salle Volanthen, une balise émettrice dont les signaux reçus en surface ont permis de caler assez précisément la position de ce point terminal, grosso modo à l’aplomb des vignes de la Ferme Blanche, au pied du Mussuguet.

Vue en coupe de la galerie du Bestouan (source © Cassis, les rivières mystérieuses)

Du fait, la généralisation de l’utilisation des mélanges pour alimenter le recycleur en limitant les risques d’accident respiratoire et celle des scooters en plongée souterraine rendent désormais plus accessible des plongées sur de telles distances : ce système d’assistance à la propulsion permet en effet de diminuer l’effort demandé au plongeur tout en doublant sa vitesse de progression.

En ce 6 décembre, les quatre plongeurs, de nationalité polonaise, qui se sont aventurés dans la rivière du Bestouan étaient bel et bien équipés avec ce matériel moderne et sophistiqué qui donne aux plongeurs spéléologues une vaque silhouette de cosmonautes. Mais cela n’a pas empêché que leur exploration se transforme en tragédie. De retour à l’air libre, vers 17h, ils se sont rendus compte qu’ils n’étaient plus que trois. Ils ont aussitôt prévenu les secours. Les pompiers n’étant pas en capacité d’engager seuls des plongeurs dans un tel dédale souterrain ont rapidement fait appel aux spécialistes du Spéléo secours dont Alexander Fox qui connaît parfaitement le tracé de cette rivière encore bien mystérieuse.

Les équipes de secours à l’œuvre, dans la nuit du 6 janvier 2019 (photo © SDIS 13 / France Bleu)

Malheureusement, les recherches engagées en fin de soirée n’ont pu que constater que le plongeur polonais resté dans la galerie était décédé, à environ 300 m seulement de l’exutoire. Une plongée qui se termine donc par une tragédie, une de plus, mais qui, assurément, ne découragera pas les spéléologues de poursuivre leurs exploration de ce réseau karstique noyé qui est encore bien loin d’avoir livré tous ses secrets. Enfer ou Ciel, qu’importe !…

L. V.

Préjudice écologique : les braconniers des calanques au tribunal

10 novembre 2019

Lorsque le Parc National des Calanques a été finalement créé en 2012, après des années d’investissement militant de nombreux défenseurs de la nature et malgré l’opposition quasi unanime de la plupart des élus locaux, à l’exemple de la municipalité de Carnoux qui a décidé en septembre 2011 à l’unanimité de rester en dehors de l’aire du Parc, certains petits malins ont vu immédiatement tout le bénéfice qu’ils pourraient tirer de ce beau projet.

Carte délimitant le Parc National des Calanques (source PNCal)

Les viticulteurs de Cassis ont certes profité pleinement de l’occasion pour négocier une forte extension du périmètre de leurs vignobles en défrichant sans retenue des zones restées jusque-là naturelles : c’était la condition qu’avait exigé la maire de Cassis, Danielle Milon, première et éphémère présidente du Parc, pour ne pas bloquer le projet.

Mais d’autres sont allés bien plus loin dans le détournement opportuniste de la démarche. Le Parc, dont le cœur marin s’étend sur 43 500 hectares a en effet instauré 7 zones de non-pêche et les braconniers ont tout de suite vu l’intérêt d’aller plonger dans ces secteurs en principe interdits à tout prélèvement et servant de refuge pour la faune aquatique en vue de favoriser sa reconstitution. Les pêcheurs professionnels étaient eux-mêmes farouchement opposés à l’instauration de ces zones de non prélèvement qui ne couvrent pourtant qu’à peine 10 % de l’emprise du cœur marin du Parc des Calanques et alors que le reste du Parc ne comporte quasiment aucune restriction sur la pêche, pas plus d’ailleurs que sur la chasse.

Zone de non prélèvement définie autour de l’archipel du Riou (photo © Patrick Buzik / PNCal)

Il a donc fallu aux scientifiques faire preuve de beaucoup de pédagogie pour faire comprendre aux pêcheurs professionnels que le respect de ces zones de non prélèvement constituait en réalité une nécessité pour assurer un renouvellement durable de la faune marine et donc une garantie de pérennité de leur propre activité économique.

Balise en mer délimitant la zone de non prélèvement du Panier (source © Parc National des Calanques)

En revanche, il n’y a eu nul besoin de faire un dessin aux braconniers qui ont vu tout de suite l’immense avantage que constituaient ces sanctuaires marins où les alevins peuvent se développer en toute quiétude, et leurs prédateurs naturels croître sans crainte. Dès 2013, quatre d’entre eux se sont particulièrement distingués en développant un business extrêmement lucratif à une échelle industrielle, venant pêche en toute impunité dans ces zones interdites, au nez et à la barbe des écogardes du Parc National, profitant notamment des périodes nocturnes et des moments de gros temps pour favoriser leurs sorties illicites.

Des moyens considérables étaient mis en œuvre pour cette activité, y compris plusieurs embarcations dont l’une baptisés sans ambiguïté Braco-boat. L’un de ces braconniers semi-professionnels, un certain Stéphane Avedissian, employé à ces heures perdues comme fonctionnaire territorial à la communauté urbaine puis à la métropole Aix-Marseille-Provence, passait toutes ses après-midi à écumer les fonds du Parc des Calanques et centralisait les ventes auprès des restaurateurs marseillais, profitant pour cela de la licence de pêcheur professionnel dont il était titulaire.

Pêcheur au harpon en Méditerranée (photo © AFP / Nice Matin)

En quelques années, ce business juteux a rapporté plus de 166 000 euros aux quatre plongeurs qui auraient ainsi prélevé dans le Parc des Calanques au moins 4,6 tonnes de poissons dont de très nombreuses espèces protégées voire menacées telles que corbs, mérous, loups, dorades ou sars, mais aussi plus de 322 kg de poulpes et au moins 16 800 douzaines d’oursins.

Pécheurs professionnels à Cassis au pied des falaises Soubeyranes (photo © Mylène Zizzo / PNCal)

On est donc très loin de la pêche de loisir et d’ailleurs les braconniers en question opéraient en toute impunité au vu et au su de tous les plaisanciers qui croisaient dans le secteur et qui ont fini par alerter la gendarmerie maritime de Marseille en 2015, sans déclencher pour autant la moindre réaction, comme nous l’avions déjà rapporté ici. Il avait fallu attendre un an encore pour qu’un pêcheur professionnel excédé par ce trafic et par l’impuissance du Parc National des Calanques pourtant bien au fait, prenne sa plume pour écrire au Procureur de la République et déclenche enfin une enquête sérieuse avec filatures, écoutes téléphoniques et examen des comptes bancaires, qui n’a eu aucun mal à établir la matérialité des faits.

Selon les estimations du parc, ce sont plus de 4,6 tonnes de dorades, mérous et autres poissons, 322 kg de poulpe, et 16 800 douzaines d’oursins qui ont été prélevés et revendus à des restaurateurs, écaillers et poissonniers locaux. Ces derniers, qui, selon Marsactu, se fournissaient en toute connaissance de cause, allant parfois jusqu’à passer commande de milliers d’oursins pendant le rush des fêtes de fin d’année, ont tous échappé au procès public, sept d’entre eux, les plus lourdement impliqués, ayant pour cela préféré transiger avec le parquet, moyennant des amendes de 800 à 1500 euros, une misère !, assortie pour la forme d’une invitation à participer à un stage de sensibilisation à l’environnement…

Patrouille de la police de l’environnement dans le Parc national des calanques, en février 2018 (photo © Anne-Christine Poujolet / AFP / Geo)

Les braconniers pris la main dans le sac ont bel été condamnés, eux, au pénal à l’issue d’une comparution devant le Tribunal correctionnel de Marseille fin 2017 qui a rendu son verdict le 11 juillet 2018, condamnant les deux principaux accusés à 18 mois de prison avec sursis et leurs deux comparses à 15 mois, assortis de 3 ans d’interdiction de toute pêche sous-marine pendant les 3 ans de leur mise à l’épreuve. Ils ont aussi été condamnés à verser des sommes allant de 2 000 à 10 000 € aux autres parties civiles, à savoir six associations de défense de l’environnement, parmi lesquelles France nature environnement, Sea Sheperd ou encore l’Association pour la protection des animaux sauvages.

Mais ils n’en ont pas été quitte pour autant avec la Justice car le Parc National des Calanques et plusieurs associations de défense de l’environnement les ont également poursuivis au civil, sur la base du nouveau concept juridique de réparation du préjudice écologique introduit par la loi du 9 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité.

Il s’agit d’ailleurs d’une grande première en France, destinée à faire jurisprudence. Ce qui explique pourquoi le procès, prévu initialement le 5 juillet 2019, ne s’est finalement tenu que le vendredi 8 novembre dernier. Il fallait en effet innover pour évaluer le montant de ce préjudice inestimable constitué par la destruction de ces milliers d’espèces marines protégées et ce pillage en règle qui a rendu totalement inopérantes et pour plusieurs années les zones de non prélèvement instaurées dans le Parc des Calanques.

Ecogardes du Parc National des Calanques en patrouille (source © Parc National des Calanques)

Le verdict de ce second procès ne sera rendu que le 6 mars 2020 mais les prévenus risquent gros dans cette affaire car le Parc National des Calanques a estimé à 450 303 € le préjudice environnemental lié à la perte de biodiversité écologique subie et réclame par ailleurs 100 000 € pour préjudice moral aux quatre braconniers plongeurs, ainsi que 18 000 € aux restaurateurs et écaillers qui ont fermé les yeux pendant des années sur la provenance de ces mérous et autres dorades pêchées au harpon.

Les avocats de ces derniers ont d’ailleurs bataillé ferme pour éviter une telle condamnation infamante, plaidant pour que la Justice ferme les yeux sur ce qu’ils ont essayé de faire passer pour « juste quelques poissons achetés », ou encore « cinq douzaines d’oursins ». Une stratégie qui a passablement agacé le président du tribunal, Pierre Jeanjean, qui a noté malicieusement à l’audience : « on dit que le premier prisonnier du château d’If était un braconnier, mais l’histoire ne dit pas ce qu’il est advenu du commerçant qui lui achetait du poisson ». Réponse le 6 mars 2020…

L. V. 

A Marseille, on tire des plans sur la Comex…

3 juillet 2018

Henri-Germain Delauze

Henri-Germain Delauze fait partie de ces personnages qui ont marqué l’histoire récente de la ville phocéenne. Entré en 1946 à l’École nationale supérieure des arts et métiers d’Aix-en-Provence, il y acquiert une culture d’ingénieur avant de partir faire son service militaire dans l’armée de l’air à Madagascar où il découvre, trois années durant, la richesse des fonds sous-marins en effectuant ses premières plongées à titre professionnel.

De retour en France en 1952, il rencontre à Marseille l’équipe du commandant Jacques-Yves Cousteau avec laquelle il réalise de multiples explorations sous-marines à des fins archéologiques ou scientifiques, intervenant pendant 3 ans au sein de l’Office français de recherches sous-marines, une association qui participe notamment, dans les années 1950, à l’exploration de la résurgence de Port-Miou à Cassis.

En 1956, Il intègre la société des Grands Travaux de Marseille, une entreprise de BTP qui l’envoie à Cuba diriger un chantier hors-normes, la construction d’un tunnel autoroutier sous-marin dans la baie de La Havanne, réalisé par assemblage in-situ, à l’aide de plongeurs, de caissons en béton armé de 20 000 t chacun. Un bel exploit technique réalisé dans des conditions difficiles, au milieu des requins, et avec des délais très contraints. Un chantier suivi d’un autre, moins spectaculaire, consistant à percer un tunnel sous la Seine pour le transfert des eaux usées de l’agglomération parisienne…

En 1959, le jeune ingénieur qui a alors 30 ans, est invité aux États-Unis où il obtient un Master of Sciences en géologie marine à Berkeley en Californie, tout en effectuant de nombreuses plongées comme consultant pour l’U.S Navy et pour des entreprises de l’offshore pétrolier californien, dans la baie de Monterey.

Capsule de plongée de la Comex, installée devant le Palais de la Bourse à Marseille

Rentré à Marseille en 1962, il prend la tête du laboratoire des bathyscaphes, rattaché au CNRS, avec lequel il coordonne jusqu’en 1967, avec la Marine nationale, 5 campagnes internationales d’exploration scientifique des fosses abyssales. En parallèle, il fonde, dès 1962, sa propre société, la Comex (Compagnie maritime d’expertise), qui allie ses deux passions : l’ingénierie et le monde sous-marin.

Rapidement, la notoriété de la Comex dépasse les frontières, avec la construction, dès 1964 de son premier Centre d’essais hyperbares. A son apogée, en 1981, la société, devenue leader mondial dans son secteur de l’ingénierie et des interventions humaines ou robotisées sous-marines, affiche un chiffre d’affaire annuel de 322 millions d’euros et ses nombreux plongeurs accumulent les records de profondeur.

En 1981 justement, c’est l’année où Henri-Germain Delauze lance la construction de sa villa, au bord du Vieux-Port de Marseille, au pied du Fort Ganteaume, dans un site exceptionnel et totalement protégé, rendu constructible par une dérogation exceptionnelle accordée par le maire Gaston Defferre lui déclarant sans ambages : « Vous êtes la seule personne à qui j’autoriserai de construire à cet endroit ». A cette époque, on ne s’embarrassait guère de chichis administratifs et réglementaires…

La casa Delauze au pied du Fort Ganteaume

Le résultat est assez décoiffant puisque la fameuse villa, la casa Delauze, pourvue d’une gigantesque piscine, est bâtie sur pilotis, directement sur l’eau où était amarré le yacht de la société, permettant ainsi aux employés de la Comex de travailler dans un cadre exceptionnel directement accessible en bateau. Les bâtiments ont d’ailleurs été récemment rénovés et convertis en un espace de réception.

La casa Delauze, un espace de rêve…

A partir de 1984, les affaires de la Comex sont freinées dans un monde où le offshore pétrolier est devenu de plus en plus concurrentiel. La société s’efforce de se diversifier en créant de nombreuses filiales dont Cybernetix, dans le domaine de la robotique en milieu hostile. Mais en 1992, la filiale pétrolière, Comex Services, est finalement cédée au Groupe Stolt Tankers & Terminals. Delauze conserve la présidence du groupe qui se recentre sur ses différentes filiales. En 1999, la filiale spécialisée dans l’industrie nucléaire est cédée au groupe ONET tandis que Cybenetix est reprise en 2011 par Technip.

Michèle Fructus, PDG de la Comex de 2008 à 2016

Victime en 2008 d’un accident de plongée en Corse, Henri-Germain Delauze en restera durablement affecté et s’éteint finalement en 2012. C’est sa fille, Michèle Fructus, qui avait intégré l’entreprise en 1989 comme secrétaire puis chargée de la communication, qui reprend les rênes de la Comex à partir de 2008. Discrète mais néanmoins investie dans la vie publique locale, membre notamment du Conseil de Développement de MPM, cette femme de conviction avait réussi à diversifier encore les activités de la Comex, en particulier dans le domaine des essais liées à l’exploration spatiale.

Disparue brutalement en mars 2016 à l’âge de 70 ans, Michèle Fructus laisse un héritage qui reste dans la famille puisque c’est sa propre fille, Alexandra Oppenheim-Delauze, qui reprend alors les rênes de l’entreprise. Une tâche à laquelle elle n’était pas forcément bien préparée puisque, comme le détaillait alors La Marseillaise, son parcours professionnel l’avait jusqu’alors conduit à pratiquer des activités aussi diverses que guichetière dans une banque, administratrice d’une école de danse, restauratrice, prof de maths, gérante d’un salon d’esthétique ou encore maçon ayant exercé ses talents bâtisseurs sur le chantier d’un temple bouddhiste du côté de Saint-Marcel…

Alexandra Oppenheim-Delauze, directrice actuelle de la Comex (photo © AFP)

Avec 50 salariés, la Comex est très loin du mastodonte qu’elle était dans les années 1980, lorsqu’elle employait un bon millier de personnes et faisait partie des 10 premières entreprises françaises à l’export. Elle reste néanmoins un joyau de technologie capable non seulement de développer un scaphandre permettant aux futurs spationautes des simuler des sorties dans l’espace ou des déplacements sur Mars, mais aussi de lancer (et de récupérer) un ballon stratosphérique à 40 km d’altitude depuis son navire amiral ancré au large de Marseille, un ballon sur la plateforme duquel la Comex avait bien entendu installé une maquette de Notre-Dame de la Garde, histoire de rappeler que la Comex reste indissociable de son port d’attache marseillais…

L. V. 

Les rivières mystérieuses de Cassis s’invitent au JT de TF1 !

16 avril 2018

C’est une belle consécration pour l’association de spéléologues qui travaille depuis des années à améliorer la connaissance des rivières souterraines du Bestouan et de Port-Miou qui débouchent en mer dans la baie de Cassis : le 12 avril 2018, un reportage tourné le 31 mars par une équipe de reporters de TF1 était diffusé au journal télévisé de 20h dans la rubrique Découverte.

Le reportage dure moins de 5 mn mais, diffusé à une heure de grande écoute, c’est un bel hommage pour cette équipe de passionnés qui passe tous ses week-end à poursuivre pas à pas ses explorations, en particulier dans la galerie noyée de Port-Miou qui fait l’objet de ce reportage.

Comme le président de l’association, Gérard Acquaviva, l’avait lui-même expliqué devant une assemblée très nourrie de Carnussiens à l’occasion d’une conférence organisée par le CPC en octobre 2015, cette source d’eau douce qui débouche en mer à l’entrée de la calanque de Port-Miou est en réalité l’exutoire d’une galerie souterraine karstique désormais noyée que les plongeurs ont pu remonter à contre-courant sur une distance supérieure à 2 km.

Dans les années 1960, la SEM s’était intéressée de très près à cette source sous-marine comme ressource potentielle d’eau douce pour l’approvisionnement de Cassis et avait été jusqu’à investir dans la construction d’un barrage souterrain situé dans une cloche d’air à 500 m en amont de l’exutoire en mer. L’objectif de ce barrage était d’empêcher les remontées d’eaux salines dans la galerie. Mais depuis, on a compris que les communications avec l’eau de mer se faisaient surtout par d’autres conduits naturels plus profonds, vestiges d’un ancien réseau karstique développé lorsque le niveau marin se situait nettement plus bas.

Infographie TF1

Le puits creusé à l’époque pour le chantier du barrage facilite néanmoins les explorations sous-marines qui se font à l’aide d’un matériel aussi encombrant et lourd que sophistiqué. Le lendemain du passage des reporters de TF1, l’équipe de plongeurs conduite par Xavier Meniscus s’est ainsi offert le luxe de progresser d’une vingtaine de mètres en terrain jamais exploré jusque-là.

Plongeur à Port-Miou (extrait du reportage de TF1 – source Xavier Meniscus)

A l’extrémité amont de la galerie s’ouvre en effet un immense puits qui descend jusqu’à 232 m sous le niveau de la mer, en limite des capacités actuelles de la plongée souterraine. Le 1er avril dernier, l’équipe de plongeurs est descendue jusque-là et s’est avancé jusqu’à un nouveau carrefour ouvrant sur deux galeries, l’une se dirigeant vers la mer et l’autre sous forme d’une diaclase par où proviennent vraisemblablement les eaux du bassin versant amont. La zone de contact entre l’eau douce, issue des écoulements souterrains amont et une eau très salée, proche de la concentration de l’eau de mer, a d’ailleurs été bien repérée, ce qui confirme que l’eau salée remonte depuis la mer par des conduits plus profonds.

A de telles profondeurs et dans des conditions d’accès aussi périlleuses, la progression des explorations sous-marines devient délicate. C’est pourquoi les spéléologues travaillent en parallèle à rechercher des accès depuis la surface du plateau calcaire, comme cela a déjà été exposé ici et comme l’indique le reportage. Les essais de colorations effectués en 2015 sur deux gouffres situés tout près de Carnoux avaient connu des fortunes diverses. Celui des Gorguettes, situé en contrebas de la descente de Cassis, n’avait pas mis en évidence de jonction avec la galerie de Port-Miou alors que la coloration effectuée sur le gouffre du Mussuguet 3 s’était révélée nettement plus prometteuse.

Entrée du puits Mussuguet 3

Depuis, les membres de l’association s’acharnent donc à tenter de désobstruer le fond de ce puits naturel, initialement comblé d’éboulis. Le travail, bien que fastidieux et harassant, est payant puisque le fond du puits approche désormais de la profondeur de 50 m ! On est encore très au-dessus du niveau de la galerie de Port-Miou qui court plus bas, mais les spéléologues gardent bon espoir…

D’autant qu’un autre trou est identifié à quelques centaines de mètres de là, présentant en outre l’avantage de se situer de l’autre côté de la limite du périmètre du Parc national des Calanques, ce qui en facilite l’exploration. Dans les deux cas, la présence en profondeur d’une forte concentration de gaz carbonique toxique complique la tâche des spéléologues et exige de prendre des précautions spécifiques pour extraire le gaz avant toute pénétration.

Ce second puits, baptisé Sumac, fait également l’objet d’un gros travail de désobstruction depuis plusieurs années et atteint désormais une profondeur comparable. Une nouvelle coloration est d’ailleurs prévue la semaine prochaine dans ce dernier gouffre, avec le secret espoir que la fluorescéine débouche bien dans la galerie de Port-Miou, où des capteurs très précis permettent de la repérer même à de faibles concentrations. Si tel est le cas, nul doute que cela regonflera le moral des spéléologues de Cassis, les rivières mystérieuses, qui redoubleront d’efforts pour parvenir un jour, qui sait ?, à la jonction entre ces conduits karstiques qui drainent le plateau calcaire, et cette galerie noyée qui débouche en mer. De quoi entretenir la fièvre de ceux qui explorent l’inconnu, à deux pas de chez nous !

L.V.  

Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu’importe ?

Au fond de l’inconnu, pour trouver du nouveau.

Baudelaire, in Les Fleurs du mal

Au Mexique aussi les explorations se poursuivent…

20 janvier 2018

Alors que les spéléologues de l’association Cassis, les rivières mystérieuses, poursuivent leurs explorations pour tenter de remonter les deux rivières souterraines du Bestouan et de Port-Miou, envisageant désormais la réalisation d’un forage pour explorer le puits terminal situé à 3 km de l’exutoire du Bestouan, voilà que leurs collègues mexicains viennent de faire un grand pas en avant dans la connaissance de réseaux souterrains ennoyés dans la région du Yucatan.

Gran Cenote près de Tulum, site touristique très prisé…

Comme en Provence calcaire, ce secteur du Yucatan est un massif karstique dans lequel les circulations d’eau souterraines ont créé des galeries souterraines par dissolution progressive du calcaire sous l’effet de l’acidité des eaux. Lorsque le toit de ces galeries s’effondre, on observe en surface la formation de vastes puits ou avens, connus localement sous le nom de cénotes. Certains de ces effondrements se forment sous la surface d’un plan d’eau (lac, lagune ou même dans la mer), et ne sont alors visibles sur sous la forme de tâches plus foncées, trous bleus ou trous noirs selon leur perception…

Les Mayas, qui occupaient la péninsule du Yucatan avant l’arrivée des Espagnols, connaissaient bien ces puits naturels donnant accès à de vastes réserves d’eau douce (et parfois salée lorsque les réseaux karstiques communiquement avec la mer, comme c’est le cas aussi à Port-Miou). Ils les utilisaient comme source d’approvisionnement en eau potable. Mais, ils les considéraient également comme des bouches d’accès permettant d’entrer en communication avec les dieux de l’infra-monde, d’où l’origine du mot cénote qui dérive d’un ancien vocable maya signifiant « puits sacré ». Ils s’en servaient donc aussi comme lieux de sacrifice et y jetaient des offrandes et autres victimes expiatoires, ce qui, dans notre conception hygiéniste moderne, paraît bien peu approprié…

Salle ornée de concrétions dans le réseau de Sac Actun (source : Feel the planet)

Toujours est-il que ces cénotes et les réseaux de galeries souterraines noyées qui les relient constituent un immense terrain de jeu pour les spéléologues et les archéologues qui les explorent depuis des années. L’un d’entre eux, le plongeur allemand Robert Schmittner, qui réside au Yucatan depuis maintenant 20 ans et dirige le projet intitulé Gran Acuifero Maya (GAM), explore ainsi depuis des années les réseaux sub-aquatiques autour de la cité balnéaire de Tulum. Il vient de faire la une de très nombreux médias en annonçant, le 15 janvier 2018, avoir réalisé la jonction entre deux réseaux désormais reliés entre eux, ce qui en fait la plus vaste grotte noyée du monde avec pas moins de 347 km de galeries connues !

Progression de plongeurs de l’équipe du GAM dans les galeries de Sac Actun (photo © Herbert Mayrl / GAM via Reuters)

Jusque-là, le réseau de Sac Actun, situé au nord de Tulum, était le deuxième plus vaste système subaquatique exploré au monde avec déjà 262 km de galeries, juste derrière un autre réseau de 269 km, situé dans la même région mais plus au sud et dénommé Ox Bel Ha. Quant au second réseau exploré par les équipes du GAM, connu sous le nom de Dos Ojos, il s’agissait d’un vaste labyrinthe de près de 84 km de longueur cumulée, qui se classait à la quatrième place mondiale. La jonction réalisée entre ce dernier système et celui de Sac Actun montre que les deux ne constituent qu’un seul et unique réseau qui prend désormais le nom du plus grand des deux.

Et le mouvement n’est sans doute pas fini car Robert Schmittner compte bien poursuivre ses explorations. Rien que dans le nord-est de l’État de Quintana Roo où se situe le réseau karstique ennoyé de Sac Actun, on a répertorié pas moins de 358 réseaux subquatiques accessibles, représentant à ce jour un linéaire total de 1 400 kilomètres !

Plongeur de l’équipe du GAM à Sac Actun (photo © Herbert Mayrl / GAM via Reuters)

Outre l’intérêt spéléologique et hydrologique d’une telle découverte de la plus grande grotte noyée du monde, cette meilleure connaissance des réseaux souterrains du Yucatan est une aubaine pour les paléontologues, archéologues et autres anthropologues. On retrouve en effet dans ces galeries noyées et au fond des puits qui en donnent accès, de très nombreux vestiges, ossements animaux et humains, mais aussi poteries et objets sacrificiels mayas qui permettent d’en savoir toujours davantage sur l’histoire de la région et les différentes civilisations qui s’y sont succédées.

Crâne de Naia découvert en 2007 (photo © Roberto Chavez ARCE / AFP )

C’est ainsi qu’a été retrouvé en 2007, dans les eaux du gouffre de Hoyo Negro (en français « trou noir »), un aven de 43 m de profondeur qui fait partie du réseau de Sac Actun, le squelette de Naia, une jeune fille de 15 à 16 ans qui vivait dans la région il y a environ 13 000 ans, en plein âge glaciaire, et qui était malencontreusement tombée au fond du gouffre où elle s’était noyée.

A l’époque, avant la fin de la dernière glaciation, le niveau de la mer était plus bas d’environ 120 m et du coup les grottes du Yucatan n’étaient pas ennoyées à leur niveau actuel si bien que l’accès au puits se faisait à pied sec. Outre ses restes, l’aven abritait également des ossements de 26 autres mammifères terrestres dont un tigre à dents de sabre et un gomphothère, sorte d’éléphant préhistorique.

Selon Le Monde, la découverte n’avait été annoncée qu’en mai 2014 par l’Institut mexicain d’anthropologie et d’histoire, à l’issue de nombreuses analyses. De fait, la découverte des restes particulièrement bien conservés de cette jeune fille de 13 000 ans s‘est révélée très enrichissante sur le plan scientifique car les populations amérindiennes indigènes de cette période étaient des groupes nomades peu nombreux et leurs vestiges ne sont donc pas si fréquents. L’analyse génétique de l’ADN mitochondrial de Naia a permis ainsi de confirmer d’une part son origine asiatique et d’autre part son apparentement aux actuels indiens d’Amérique malgré des différences morphologiques qui traduisent simplement les évolutions génétiques subies depuis que ces peuplades, venues de Sibérie par le détroit de Behring, se sont lentement répandues sur l’immense territoire américain. Des conclusions qui corroborent d’ailleurs celles issues de l’analyse d’un autre squelette découvert dans le Montana, plus ou moins contemporain de Naia et également issu d’une souche de population sibérienne.

Une chose est sûre, les grottes ennoyées du Yucatan, tout aussi mystérieuses que celle de Cassis, n’ont pas fini de livrer tous leurs secrets…

L.V.  

Rivières mystérieuses de Cassis : les explorations se poursuivent…

22 avril 2017

En octobre 2015, une conférence organisée par le Cercle progressiste de Carnoux et animée par l’association Cassis, la rivière mystérieuse, avait attiré plus de 120 personnes pour visionner deux films spectaculaires présentés par Gérard Acquaviva et Louis Potié. Un succès qui s’explique largement par la fascination qu’exerce l’exploration en cours de ces deux résurgences en mer d’eaux douces, connues vraisemblablement depuis l’Antiquité mais dont on commence seulement à mieux appréhender les cheminements souterrains.

Emplacement des sources de Port-Miou et du Bestouan (source KarstEAU)

Au cours de l’année 2016, les explorations de ces conduits karstiques noyés, parcourus et cartographiés désormais sur plusieurs kilomètres et qui débouchent en mer, se sont poursuivies avec notamment plusieurs campagnes de plongée en avril et mai 2016 organisées en présence du plongeur professionnel Xavier Méniscus, qui avait battu en juillet 2015 un record européen de plongée spéléologique en descendant à -262 m dans un gouffre des Corbières.

Matériel utilisé pour la plongée de Xavier Méniscus à Port-Miou le 28 mai 2016

A Port-Miou, le 28 mai 2016, il est descendu à -145 m dans le grand puits terminal (qu’il avait exploré en 2012 jusqu’à -223 m), un puits qui se situe en amont de la galerie d’entrée, à un peu plus de 2 km du débouché en mer, dans la calanque de Port-Miou. Plusieurs vidéos ont été tournées à cette occasion, par Michael Walz et Fred Swierczynski. Le montage de ces images sous-marine donne une bonne idée de la nature de telles expéditions et de la sophistication du matériel nécessaire pour s’engager dans une telle entreprise.

Plongée dans la galerie naturelle de Port-Miou (extrait d’une vidéo réalisée par Fred Swierczynski en avril 2016)

On y voit les plongeurs se faufiler à travers les buses du barrage anti-sel qui avait été construit dans les années 1970 à une période où l’on espérait pouvoir exploiter un jour cette résurgence d’eau douce en la protégeant des remontées d’eau saline. Depuis, les investigations effectuées par les universitaires du programme KarstEAU, sous la conduite de Bruno Arfib, ont permis de comprendre que d’autres intrusions salines plus profondes permettaient à l’eau de mer de contourner ce barrage.

Coupe schématique de la résurgence de Port-Miou (document extrait de la plaquette Les rivières de Cassis)

Les images tournées à l’occasion de ces plongées récentes donnent une bonne idée de la taille de la galerie principale dans laquelle évoluent les plongeurs, et surtout de l’ampleur du puits qui se développe à l’extrémité de cette galerie.

Plongée dans le puits de Port-Miou (extrait d’une vidéo réalisée par Fred Swierczynski en avril 2016)

On y voit aussi un plongeur déverser de la fluorescéine dans la galerie afin de réaliser une mesure de débit (par suivi de la dilution).

Essai de coloration à la fluorescéine à Port-Miou (extrait d’une vidéo réalisée par Fred Swierczynski en avril 2016)

En avril 2017, de nouvelles plongées viennent d’avoir lieu, toujours dans la galerie de Port-Miou, qui ont notamment permis d’installer deux fluocapteurs à charbon actif qui devraient permettre de détecter finement toute trace de fluorescéine en vue de nouvelles tentatives de coloration.

Car dans le même temps, les explorations spéléologiques continuent depuis la surface du plateau calcaire, afin de tenter de repérer des voies d’accès terrestres vers l’amont de ces galeries souterraines noyées. En 2015, les spéléologues concentraient beaucoup d’espoir sur le gouffre de la Gorguette qui se situe juste en contrebas de la route départementale, dans la descente entre Carnoux et Cassis. Un essai de coloration y a donc été tenté en octobre 2015, avec l’aide des pompiers pour apporter la charge de dilution nécessaire. Mais grande fut la déception de tous les acteurs de cette expérience car aucune trace de colorant n’a pu être détectée ni dans la résurgence du Bestouan ni dans celle de Port-Miou.

Extrait d’un article de La Provence du 31 octobre 2015 relatant la tentative de coloration depuis le gouffre de la Gorguette

Depuis, les efforts se concentrent donc sur deux autres avens situés à proximité l’un de l’autre, au dessus du Mussuguet, en bordure du camp militaire de Carpiagne, de part et d’autre de la limite administrative du parc National des Calanques (ce qui ne facilite pas les autorisations pour y intervenir !).

Tête de l’aven Mussuguet 3

Le premier, dit Mussuguet 3 de son petit nom, est un puits vertical de 32 m de profondeur dont le fond est obstrué d’éboulis argileux et où la présence de caz carbonique oblige à prendre de nombreuses précautions. Persuadés que cet aven se prolonge en profondeur, les spéléologues s’acharnent depuis 2013 à déblayer le fond du gouffre de ces blocs éboulés. En février 2015, alors qu’ils avaient réussi à approfondir de quelques mètres le fond du trou, une première coloration a montré que ce point d’infiltration naturel était bien en lien direct avec la galerie de Port-Miou située juste en dessous puisque la fluorescéine a été détectée au barrage de Port-Miou 43 heures plus tard, après avoir parcouru environ 3,5 km en souterrain.

Équipement du Mussuguet 3 pour sa désobstruction (photo MV, 18 octobre 2015)

Cette bonne nouvelle a dopé les espoirs des spéléologues qui ont donc redoublé d’efforts, équipant à demeure le puits d’un portique métallique pour y suspendre le treuil destiné à remonter les déblais. Fin 2016, après de nombreux week-end passés à se relayer au fond du puits pour remplir des seaux d’argile, la profondeur de l’aven atteignait 44,15 m. Un travail de fourmi donc qui devra encore se poursuivre sachant que chaque seau remonté à la surface au prix d’efforts qui forcent l’admiration ne permet de faire baisser le fond du puits que de 1,3 cm en moyenne…

Quant à l’aven du Sumac, découvert en 2014 et situé à une centaine de mètres du précédent, il fait lui aussi l’objet d’un travail de forçat pour le désobstruer car il était totalement rempli de pierres lors de sa découverte. Le travail de déblaiement est d’ailleurs plutôt plus rapide dans ce dernier car les éboulis ne sont pas aussi argileux.

L’entrée du Sumac soigneusement protégée

En mai 2015, après avoir remonté plus de 2600 seaux de pierres, les spéléologues avaient ainsi atteint la profondeur de 12 m. Un an plus tard, alors que le fond du puits principal s’établissait à 19 m de profondeur, une diaclase secondaire a été repérée, laissant espérer un prolongement au moins jusqu’à la profondeur de 41 m. Le suspens se poursuit donc et tout laisse espérer que de nouvelles découvertes devraient permettre d’en savoir bientôt davantage sur ces fameuses rivières mystérieuses de Cassis et sur le réseau de conduits karstiques qui les alimentent depuis un vaste espace calcaire qui englobe probablement tout le massif du Beausset et peut-être même au-delà.

Rendons hommage en tout cas à ces passionnés qui se retrouvent tous les week-end pour progresser, centimètre par centimètre, pierre à pierre, seau après seau, dans la connaissance de ces réseaux souterrains qui se déploient sous nos pieds, aux portes de Carnoux.

L.V.  

Grosse affluence pour les rivières souterraines de Cassis !

17 octobre 2015

AfficheConfRivieres_A4La salle du Clos Blancheton n’avait pas assez de chaises pour accueillir les 120 personnes qui sont venues mardi 13 octobre 2015 assister à la dernière conférence organisée par le Cercle Progressiste Carnussien, en collaboration avec l’association Cassis : la rivière mystérieuse. Il a fallu aller chercher des sièges supplémentaires et certains sont restés debout pour regarder les deux films présentés successivement par Louis Potié et Gérard Acquaviva, respectivement ancien et actuel présidents de l’association basée à Cassis depuis 2006.

Un public nombreux et captivé pour cette conférence du CPC

Un public nombreux et captivé pour cette conférence du CPC

Il faut dire que le sujet avait de quoi attirer l’attention puisqu’il s’agissait d’explorer les mystères de ces deux rivières d’eau douce qui débouchent en mer, l’une à la sortie de la calanque de Port-Miou et l’autre au Bestouan, à l’issue d’un long parcours souterrain au cœur des plateaux calcaires qui bordent Carnoux.

Carte de 1706 indiquant l'existence de la rivière souterraine de Port-Miou

Carte de 1706 indiquant l’existence de la rivière souterraine de Port-Miou

Connues vraisemblablement depuis l’antiquité, ces arrivées d’eau souterraines qui contribuent à rafraîchir l’été les eaux de baignade sur la plage du Bestouan, ont été étudiées dès le début du dix-huitième siècle. Mais les conduits karstiques par où transitent ces écoulements n’ont pu être explorés sérieusement qu’à partir de 1956, avec le développement des scaphandres autonomes. Blog_Plongeur1

Ce sont les péripéties de cette longue exploration que raconte le film de 26 mn présenté par Gérard Acquaviva. On y suit la lente progression des plongeurs qui peu à peu, au prix d’efforts incroyables et malgré le danger (un biologiste américain y trouvera la mort en plongée le 20 mars 1960), dessinent les contours de ces deux rivières souterraines noyées qu’ils remontent à contre-courant depuis la mer.

L’autre film, réalisé en 1973 par Paul de Roubaix et joliment intitulé Le fleuve de la nuit, retrace les premières explorations de la rivière souterraine de Port-Miou et les tentatives d’exploitation de ces ressources en eau, à l’initiative du Syndicat de recherches de Port-Miou. Ce dernier, créé en 1964 et présidé alors par Louis Potié au nom de la Société des Eaux de Marseille, avait aménagé un forage au droit d’une poche d’air située à plus de 500 m du débouché en mer, afin de faciliter l’accès à la galerie de Port-Miou.

Louis Potié à Carnoux le 13 octobre 2015

Louis Potié à Carnoux le 13 octobre 2015

A l’époque, la DATAR envisageait que la population de Marseille allait passer d’ici l’an 2000 de 700 000 à 2 millions d’habitants, ce qui exigeait de rechercher à tout prix de nouvelles sources d’approvisionnement en eau potable. Un barrage a alors été coulé en place afin d’empêcher les remontées d’eau salée par la galerie, ce qui a représenté un véritable exploit technique et humain, une épopée que le film retrace avec beaucoup de lyrisme. Des mesures de débit et de salinité réalisées dans les années qui ont suivi ont confirmé l’efficacité de l’ouvrage. Mais des infiltrations plus profondes provoquent un apport non contrôle d’eau salée, de telle sorte que l’utilisation pour une alimentation en eau potable exigerait un traitement complémentaire. Depuis, les transferts d’eau depuis la Durance et le Verdon se sont renforcés tandis que les projections démographiques de la DATAR se sont révélées infondées, ce qui explique que les projets d’exploitation ne se soient pas poursuivis au delà de la fin des années 1970.

Plongée de Marc Douchet en 1992

Plongée de Marc Douchet en 1992

Même si pour l’instant il n’est plus question d’exploiter ces ressources en eau, l’exploration des réseaux souterrains se poursuit. Le travail des plongeurs a permis de remonter la rivière de Port-Miou sur une distance de 2 230 m. Le plancher de cette longue galerie naturelle se situe en moyenne entre 30 et 40 m sous le niveau de la mer mais atteint en son point terminal 178 m sous le niveau actuel de la mer, ce qui s’explique par le fait que ces conduits souterrains ont été creusés à une période où le niveau de la Méditerranée avait considérablement baissé par rapport à son niveau actuel (pendant la phase messinienne, il y a environ 10 millions d’année, la mer Méditerranée s’était d’ailleurs totalement asséchée !). La dernière tentative dans ce puits terminal a même atteint, en juin 2013, au terme d’une plongée qui a durée pas moins de 21 heures, la profondeur incroyable de 223 m !

Blog_CoupePortMiou

Quant à la rivière du Bestouan, le développement total des galeries explorées atteint désormais 3 750 m, qui se situent pour l’essentiel à faible profondeur, entre 10 et 30 m sous le niveau de la mer.

Blog_CoupeBestouan

Plusieurs essais de coloration ont été effectués afin de mettre en évidence des liens entre ces circulations souterraines et des zones d’infiltration sur le plateau calcaire en amont, en particulier au niveau du poljé de Cuges-les-Pins, mais sans grand succès. En revanche, un lien avec un gouffre situé dans la montée de Ceyreste s’est révélé positif, ce qui confirme que ces résurgences sont en réalité des exutoires du vaste système aquifère du Beausset qui alimente notamment les sources de Dardennes au dessus de Toulon. Le projet scientifique KarstEAU, piloté par l’université d’Aix-Marseille, poursuit ses investigations pour mieux comprendre le fonctionnement de ces aquifères karstiques qui s’étendent sous le massif de la Sainte-Beaume et dont la valeur stratégique commence à être reconnue.

Gérard Acquaviva au bord du gouffre GL12 découvert en 2003

Gérard Acquaviva au bord du gouffre GL12 découvert en 2003

Des explorations spéléologiques sont aussi en cours afin de rechercher des accès vers les rivières souterraines depuis certains avens qui s’ouvrent en particulier sur le plateau de Carpiagne et au Mussuguet. Une coloration effectuée en 2014 depuis un des gouffres du Mussuguet est bel et bien ressortie au Bestouan, ce qui justifie les gros efforts que font actuellement les spéléologues pour tenter de désobstruer le fond de ce puits naturel encombré d’éboulis. Une autre coloration est prévue très prochainement dans le gouffre de la Gorguette qui s’ouvre juste en contrebas de la route départementale, dans la montée entre Cassis et Carnoux.

Espérons que tous ces efforts contribueront à lever le voile sur le mystère qui plane encore sur ces écoulements souterrains qui drainent le plateau calcaire sous nos pied. Peut-être qu’une meilleure connaissance de ces ressources en eau souterraines sera bien utile pour apporter un jour des compléments à notre système actuel d’approvisionnement en eau potable qui dépend largement de ressources exogènes…

L.V. 

Petit rappel : la conférence sur les rivières de Cassis approche…

6 octobre 2015

Comme nous l’avions déjà annoncé ici, la prochaine conférence du Cercle Progressiste Carnussien sur le mystère des rivières souterraines de Cassis se tiendra la semaine prochaine à Carnoux-en-Provence, mardi 13 octobre 2015, à partir de 18h30, dans la salle du Clos Blancheton, située au dessus du nouveau parking, en haut de la rue qui passe entre la mairie et l’hostellerie de la Crémaillère.

AfficheConfRivieres_A4

Un film sera présenté par l’association « Cassis, rivières mystérieuses » et la séance sera animée par le président de l’association Gérard Acquaviva, ainsi que l’ancien président Louis Potié et un plongeur ayant participé aux explorations des rivières depuis leur exsurgence en mer, probablement Marc Douchet.

Venez nombreux découvrir ce monde mystérieux et encore en exploration des rivières souterraines de Cassis. L’entrée est libre et gratuite.