TER Marseille-Aubagne : exit la SNCF…

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La nouvelle était attendue, mais elle fait quand même l’effet d’une petite bombe : pour la première fois en France, la SNCF vient de perdre son monopole de fait et devra laisser la place à un concurrent pour exploiter ses TER. Et cela se passe à côté de chez nous puisque la ligne concernée est celle qui joint Marseille à Nice en passant en tunnel à l’aplomb de Carnoux, même si la ville n’est pas (encore ?) desservie par une gare.

TER en gare de Marseille Saint-Charles (source © Econostrum)

La décision officielle a été prise jeudi 28 octobre par une délibération du Conseil régional PACA puisque c’est la Région qui détient depuis 2002 la compétence liée aux transports ferroviaires régionaux de passagers. Le réseau ferré lui-même appartient à SNCF Réseau mais la Région a passé avec la SNCF une convention pour lui confier l’exploitation des lignes, dans le cadre d’un dispositif largement subventionné puisque la billetterie ne couvre qu’à peine 25 % du coût d’exploitation des TER.

La convention actuelle court jusqu’en 2023 mais depuis décembre 2019, les Régions ont la possibilité de lancer des appels d’offre pour ouvrir certaines lignes à la concurrence. Renaud Muselier, très mécontent de la piètre qualité du service rendu par la SNCF sur la gestion des TER en région PACA, où, en 2016, un train sur cinq était en retard et un sur dix purement et simplement supprimé, avait mis un point d’honneur à être le premier à ouvrir le service à la concurrence, maintenant que le contexte réglementaire le permet.

Marseille – Toulon : une ligne qui cumule les dysfonctionnements au quotidien (photo © M. Colin / L’Express)

La région PACA avait donc été parmi les premières à lancer un appel d’offre pour deux lots. Le premier concerne la ligne Marseille-Toulon-Nice, dont certaines rames desservent aussi les gares d’Aubagne et de Cassis et qui concentre pas moins de 10 % du trafic ferroviaire régional, avec un taux de dysfonctionnements particulièrement élevé qui dissuade plus d’un voyageur de l’emprunter… Le second lot couvre quant à lui pas moins de 23 % du trafic TER régional et inclut toutes les lignes des Alpes-Maritimes dont celle qui relie Les Arcs / Draguignan à Vintimille en Italie, en passant par Nice, ainsi que les trains circulant vers Tende, par la vallée de la Roya, et entre Cannes et Grasse.

L’enjeu était donc énorme pour la SNCF qui avait à cœur d’essayer de garder dans son giron l’exploitation de ces lignes tout en s’efforçant d’améliorer ses performances pour répondre au cahier des charges très exigeant fixé par la Région. Sur le premier lot, dont le montant de la concession sur 10 ans était estimé à 870 millions d’euros, il s’agissait ainsi de doubler la cadence des trains en passant à 14 allers-retours journaliers tout en visant dès 2025 un taux de retard inférieur à 8 % et un taux d’annulation ne dépassant pas 2 %, la Région s’engageant de son côté à acheter 16 nouvelles rames et à réaliser certains travaux de maintenance jugés indispensable, pour la bagatelle de 275 millions d’euros.

Un dessin signé Kak, publié dans l’Opinion en avril 2018, mais toujours d’actualité…

La décision officielle d’attribution de ces deux lots a donc fait l’objet d’une délibération en date du 28 octobre mais on savait depuis le 7 septembre qui allaient être les gagnants de cette mise en concurrence sur laquelle deux autres opérateurs s’étaient mobilisés face à la SNCF. Thello, une filiale de la compagnie publique italienne Trenitalia, a été écartée et c’est la SNCF qui a finalement été retenue sur le lot des Alpes-Maritimes, le plus important, estimé à 1,5 milliards d’euros, où elle s’engage à augmenter de 75 % le nombre de trains avec des rames toutes les 15 mn entre Cannes et Menton.

Renaud Muselier en conférence de presse le 2 novembre 2021, savoure sa décision entouré de Jean-Pierre Serrus (vice-président de la région en charge des transports), Christophe Fanichet (PDG SNCF Voyageurs) et Thierry Mallet (président de Transdev) (photo © NM / Var Matin)

En revanche, c’est bien un nouvel opérateur qui remplacera dès 2023 la SNCF sur la ligne Marseille-Nice, en l’occurrence la société Transdev, une filiale de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), qui avait un temps fusionné avec Veolia Transport et dont les actionnaires actuels sont le groupe CDC (à hauteur de 66 %) et l’Allemand Rethmann, spécialisé dans le traitement des déchets et la logistique. Depuis 2018, Transdev Rail a de fait obtenu le certificat de sécurité ferroviaire qui lui permet d’exploiter les trains de voyageurs sur le réseau ferré national et on imagine que le fait de remporter ce premier marché ouvert à la concurrence a dû être fêté avec enthousiasme par le groupe qui emploie pas moins de 83 000 agents et transporte déjà de l’ordre de 11 millions de passagers chaque jour, dans 17 pays.

Bien entendu, les 160 cheminots de la SNCF affectés à l’exploitation de cette ligne devraient être transférés, s’ils le souhaitent, vers le nouvel opérateur, tout en maintenant en principe leur niveau de rémunération et leurs avantages, ce qui n’a pas empêché la CGT, FO et Sud Rail de manifester haut et fort ses inquiétude face à ce qu’elle considère être une privatisation, ni les élus du Rassemblement national de voter comme un seul homme contre la délibération présentée au Conseil régional.

Manifestation de cheminots devant le Conseil régional PACA le 28 octobre 2021 (photo © Laurent Grolée / Radio France / France Bleu)

Il est incontestable en effet que l’opération est hautement symbolique et donne un signal fort de cette ouverture à la concurrence dans un domaine où les Français sont globalement attachés à ce monopole de la SNCF bien ancré dans l’imaginaire collectif. En pratique, le changement d’opérateur n’aura pas d’incidence sur les tarifs puisqu’ils sont de fait largement subventionnés par la Région. Reste à savoir si l’amélioration de la qualité du service proposé, en termes de fiabilité, de régularité et de sécurité des rames, sera à la hauteur des espérances de Renaud Muselier : réponse à partir de 2023…

L. V.

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Une Réponse to “TER Marseille-Aubagne : exit la SNCF…”

  1. Élisabeth Borne : quelle planification écologique ? | Cercle Progressiste Carnussien Says:

    […] l’élection surprise d’Emmanuel Macron en 2017, elle est notamment chargée de mettre en œuvre l’ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire et doit gérer une grève particulièrement dure de la SNCF. En juillet 2019, elle remplace au pied […]

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