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COP 28 à Dubaï : quel bilan ?

17 décembre 2023

Organisée par les Émirats Arabes Unis à Dubaï du 30 novembre au 13 décembre 2023, la 28e Conférence des parties, 8 ans après la COP 21 de Paris, s’est donc terminée et beaucoup s’interrogent sur le bilan de cette nouvelle grand-messe planétaire qui se réunissait, comble du paradoxe, dans un pays qui doit toute sa prospérité à l’exploitation de ses réserves en hydrocarbures fossiles, gaz et pétrole, dont il détient les 7e réserves les plus importantes de la planète.

Derniers préparatifs avant la COP 28… Un dessin de Georges Chapatte, publié dans le Temps (source © X)

Celui qui présidait aux destinées de la COP 28, Sultan al-Jaber, est d’ailleurs un acteur incontournable et iconique de l’exploitation pétrolière à l’origine du réchauffement climatique planétaire qu’il s’agit désormais de contenir pour que l’humanité ait encore une chance de survivre. Président de l’Adnoc, la toute-puissante compagnie pétrolière nationale émiratie, il a étudié le génie chimique et pétrolier et le droit des affaires aux États-Unis, ce qui ne le prédisposait guère à piloter cette réunion de la dernière chance dont les scientifiques attendaient beaucoup… La société civile était d’ailleurs très sceptique quant à la capacité de Sultan al-Jaber de conduire cette nouvelle COP vers de réelles avancées malgré ses grandes ambitions en matière de développement des énergies renouvelable et de décarbonation de l’exploitation pétrolière elle-même.

Avant de commencer, autant se poser les bonnes questions… Un dessin signé Hermann, publié dans la Tribune de Genève (source © Cartooning for Peace)

Elle avait probablement raison d’être inquiète car, objectivement, à l’heure du bilan, celui de la COP 28 qui vient de s’achever est plutôt mitigé… La présence sur place de pas moins de 2500 lobbyistes de l’industrie pétrolière n’était certes pas de nature à rassurer ceux qui comptaient sur ce grand raout mondial pour acter une sortie de la dépendance aux énergies fossiles à l’origine de l’essentiel des émissions de gaz à effet de serre, surtout quand le secrétaire général de l’OPEP, le Koweitien Haithman al-Ghais, profite de l’événement pour inviter solennellement ses membres et leur représentants à la COP 28 à rejeter toute proposition qui viendrait gêner l’exploitation des hydrocarbures : on ne saurait être plus clair !

Offre spéciale COP 28… Un dessin signé Adene (source © X)

Le président de la COP 28, Sultan al-Jaber lui-même, s’est d’ailleurs distingué dès la première semaine en affirmant qu’il n’existait aucune preuve de l’impact des énergies fossiles sur le réchauffement climatique global, puis en indiquant que sortir de l’ère du pétrole impliquerait de revenir à l’âge des cavernes : une appréciation tout en nuances qui n’a pas dû faire beaucoup rire les scientifiques du GIEC…

Et pourtant, tous les observateurs ont salué une avancée réelle, dès le premier jour de la COP 28, sur le dossier du Fonds pour les pertes et dommages, dont la création avait été décidée lors de la COP 27, l’an dernier à Charm el-Cheikh. Depuis 1 an, les 24 pays en charge de sa préfiguration n’avaient jamais réussi à tomber d’accord quant à la manière de le rendre opérationnel et surtout de l’abonder pour aider financièrement les pays les pauvres à faire face aux dommages irréversibles causés par les sécheresses, inondations et autres cyclones devenus de plus en plus fréquents et dévastateurs.

Après les inondations en Inde près de Darrang, en août 2023, des dommages en lien direct avec le réchauffement climatique global (photo © AFP / Les Echos)

Voilà donc ce fonds doté d’engagements financiers à hauteur de 700 millions de dollars, dont 100 millions d’euros annoncés de la part de la France qui fait donc plutôt figure de bon élève en la matière… Et en parallèle, le Bureau des Nations-Unies pour la réduction des risques de catastrophes a décidé d’héberger le secrétariat du Réseau de Santiago, destiné justement à éviter les pertes et dommages consécutives aux risques naturels conséquences du changement climatique. Comme quoi, il est toujours plus facile de se mettre d’accord pour aider les victimes des catastrophes naturelles que de lutter contre l’origine même de ces risques, surtout si cela va à l’encontre des intérêts économiques majeurs…

L’heure du bilan… Un dessin signé Gobi (source © Facebook / Noirs Dessins)

De ce point de vue, les avancées issues de la COP 28 sont plutôt d’ordre sémantique que réellement engageantes. Il y a été rappelé, comme lors de la COP 26 à Glasgow, qu’il serait bien de sortir progressivement du charbon, mais sans réelle engagement. Et pour la première fois depuis que les COP se réunissent, il a été évoqué la question d’une sortie progressive du recours aux énergies fossiles. Les mots de l’accord final ont été soigneusement choisis pour éviter de froisser ceux qui tirent leurs ressources de l’exploitation des hydrocarbures, se contentant d’affirmer des objectifs finaux tels que la neutralité carbone d’ici 2050, qui reste la finalité de la COP 21, mais sans trop préciser comment y parvenir.

Sous l’influence de Sultan al-Jaber, il est évoqué un scénario qui continue de tirer le meilleur profit des hydrocarbures tout en supposant que les avancées technologiques permettront de développer rapidement des procédés de séquestration du CO2, de telle sorte que l’impact carbone de l’industrie extractive pétrolière sera considéré comme neutre pour la planète. Une utopie qui n’est guère étayée par l’état actuel des avancées scientifiques, mais qui a le mérite de permettre la poursuite du busines as usual

La climatisation contre le réchauffement climatique… Un dessin de Georges Chapatte, publié dans The Boston Globe (source © Chatillonnais en Bourgogne)

La COP 28 a aussi annoncé son ambition de tripler d’ici 2023 le recours aux énergies renouvelables, même si cette démarche reste ambiguë car l’expérience montre que ces énergies ne font que s’ajouter à celle issues des hydrocarbures et du charbon, sans s’y substituer, si bien que les émissions mondiales de gaz à effet de serre, loin de diminuer, continuent à augmenter d’année en année ! Quant à la France, elle s’enorgueillit d’avoir réussi, avec une vingtaine d’autres pays dont les USA et les Émirats Arabes Unis, à promouvoir l’énergie nucléaire comme la panacée universelle en vue de réduire les émissions de gaz à effet de serre sans pour autant renoncer au gaspillage énergétique auquel on s’est si bien habitué. On sent que l’humanité a fait incontestablement un grand pas en avant à l’occasion de cette COP 28 au pays de l’or noir…

L. V.