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Enfin, la fin des sacs plastiques ?

18 août 2015

Depuis le temps qu’on en entend parler, enfin la fameuse loi sur la transition énergétique, portée par Ségolène Royal, a été adoptée définitivement à l’Assemblée nationale le 22 juillet 2015 puis validée dans sa quasi-totalité par le Conseil constitutionnel le 13 août. Sans être la révolution copernicienne qu’espéraient ceux qui se préoccupent un tant soit peu de l’avenir de notre planète et des humains pas toujours très responsables qui l’habitent, ce texte présente de multiples évolutions législatives a priori positives, dont une série de mesures qui pourraient avoir un effet immédiat sur notre environnement.

Blog217_PhLoiRoyal

Outre les mesures qui visent à favoriser la part des énergies renouvelables et l’isolation thermique de nos bâtiments, un des volets de cette loi vise à modifier durablement la filière des sacs plastiques à usage unique, ces poches plastiques multicolores que continuent de distribuer à foison la plupart des commerçants et qui finissent leur vie accrochés aux branches des arbres les jours de mistral, ou flottant négligemment sur les bords de rivières et dans la mer où ils contribuent à asphyxier poissons et tortues un peu myopes.Blog217_PhTortue

Dénoncée depuis des décennies par toutes les organisations de défense de l’environnement, cette invasion des sacs plastiques est devenue une véritable plaie. Rien qu’en France et pour la seule année 2013, cinq milliards de sacs plastiques ont encore été distribués aux caisses des magasins, ainsi que 12 milliards de sacs pour le seul emballage des fruits et légumes, ce qui représente quand même un total de 80 000 t de plastique ! Ces sacs à usage unique ne sont pas recyclables et finissent dans le meilleur des cas dans les centres d’enfouissement de nos ordures ménagères ou dans les incinérateurs, mais une part importante s’envole dans la nature, dégrade nos paysages et provoque une forte mortalité parmi la faune sauvage.

Rappelons qu’il faut pas moins de 400 ans pour qu’un sac plastique se dégrade dans la nature, et probablement bien davantage une fois qu’il traîne au fond des océans à l’abri de la lumière. Dans les pays sahéliens où la collecte des ordures ménagères n’est pas toujours optimale, ces sacs plastiques envahissent tout et seraient à l’origine de 30 % de la mortalité du bétail qui les ingère sans trop y prendre garde, et ceci sans compter leur effet aggravant sur la prolifération du paludisme car chaque sac constitue en saison des pluies un véritable nid à moustiques.

Décharge d'Entressen (photo AFP / A.C. Poujoulat)

Décharge d’Entressen (photo AFP / A.C. Poujoulat)

Blog217_PhPanneauIl n’en reste pas moins qu’il n’est pas facile de se passer de ces sacs plastiques malgré leur impact environnemental catastrophique. Majoritairement fabriqué par extrusion et gonflage de polyéthylène d’origine pétrolière, ces sacs sont une véritable prouesse technologique car capables de transporter une charge deux mille fois supérieure à leur propre poids ! Face à leur effet nocif sur l’environnement, le Danemark a instauré dès 1994 une taxe sur ces sacs pour tenter d’en limiter la prolifération, suivi par l’Irlande en 2002, avec dans ce cas un véritable effet dissuasif puisque la consommation de ces sacs y aurait baissé de 90 %. La même année, le Bangladesh a carrément interdit ces sacs jugés responsables d’une aggravation des inondations à Dacca car ils contribuent fortement à boucher les canalisations d’évacuation des eaux pluviales.

« Les sacs en plastique à usage unique doivent être interdits ou supprimés rapidement partout », affirmait, dès 2009 le directeur du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). Certains pays du sud ont suivi cette injonction, dont le Togo en 2011, mais ces mesures ne semblent pas avoir d’effet très spectaculaire. D’autres approches axées davantage sur l’amélioration de la collecte et le tri des ordures ménagères semblent d’ailleurs plus adaptées dans ce contexte. Citons à ce sujet l’expérience de l’ONG Gevalor qui a initié à Madagascar un projet semi-industriel de recyclage des sacs plastiques souillés en les utilisant comme liant pour fabriquer des briques et des pavés !

Blog217_PhTignousEn France, la Corse a été précurseur avec la campagne lancée dès 1999 dans le cadre du Festival du vent à Calvi et son affiche dessinée par le regretté Tignous : depuis 2003, la distribution de sacs plastiques à usage unique y est interdite dans les supermarchés de l’île, et il en est de même à Mayotte depuis 2006. Une loi votée en 2005 avait d’ailleurs prévu d’interdire à partir de 2010 la distribution de sacs plastiques non biodégradables sur le territoire national, mais cette loi n’est jamais entrée en vigueur, pas plus que la taxation qui avait été décidée via la loi de finances 2010…

En 2013, l’Union européenne a enjoint ses membres à réduire de 50 % d’ici 2019 l’utilisation des sacs plastiques sans toutefois imposer la manière d’y parvenir. L’Italie a donné l’exemple en interdisant dès 2011 l’utilisation des sacs à usage unique et la France vient donc de lui emboîter le pas en adoptant cette même mesure dans le cadre de la récente loi de transition énergétique : à compter du 1er janvier 2016, les sacs de caisse en plastique seront désormais interdits (sachant qu’ils sont désormais de plus en plus largement remplacés par des sacs payants plus durables, pour le plus grand bénéfice des grandes surfaces). Blog217_PhPlage

La loi prévoit aussi qu’à compter du 1er janvier 2017, tous les sacs d’emballage de fruits et légumes devront être obligatoirement biodégradables. Il va donc falloir ressortir paniers et cabas pour aller faire ses courses, comme s’y emploie à convaincre la campagne « Ban the bags » soutenue notamment par Surfrider. L’usage massif des sacs en papier en remplacement n’apporterait en effet aucun gain écologique car ce type de sac n’est pas réutilisable et son bilan environnemental est déplorable… Mais changer les usages prend du temps et le consommateur lambda n’est pas forcément prêt à abandonner ses habitudes du sac jetable. Il va donc falloir développer la filière des sacs en matière végétale qui soient réellement bio-dégradables, y compris dans un composteur individuel. Or, ceci n’est pas forcément aussi simple qu’il n’y paraît…

Photo © C. Magdelaine / notre-planete.info

Photo © C. Magdelaine / notre-planete.info

Pour bénéficier de l’appellation « bio-sourcée » exigée par la loi, un sac doit contenir au moins 40 % de plastique végétal, généralement issu d’amidon ou d’huiles. Le reste est en principe formé de plastique fossile biodégradable (le polycaprolactone, développé dans les années 1960, ou un polyester mis au point par la firme allemande BASF) mais parfois aussi de simple polyéthylène, si bien que sa dégradation produit une multitude de paillettes non dégradables dont l’effet sur l’environnement peut être encore pire ! La loi adoptée cet été en France prend en tout cas clairement le parti des sacs bio-sourcés à base d’amidon de maïs ou de pomme de terre qui peuvent être compostés (au moins dans des installations industrielles soigneusement régulées) contre celui des sacs dits  « oxo-dégradables » qui se décomposent au contact de l’air et de la lumière mais se fragmentent alors en une multitude de micro-particules plastiques.

Espérons que cette loi facilitera une évolution de nos comportements de consommateurs et se traduira effectivement par moins de déchets plastiques dans nos milieux naturels, ce qui n’est pas forcément automatique et suppose de véritables modifications de nos habitudes : ce n’est pas gagné d’avance !

L.V.