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Le Département des Bouches-du-Rhône sent le sapin…

6 octobre 2018

Il faut croire que dans les Bouches-du-Rhône le fameux mille-feuilles administratif qui a vu s’empiler, au fil des années et des réformes, les strates communales, cantonales, intercommunales voire métropolitaines, départementales, régionales et on en passe, n’est finalement pas si indigeste que cela…

Martine Vassal s’installe à la présidence de la Métropole, le 20 septembre 2018 (photo © Thierry Garro / La Provence)

En témoigne Martine Vassal, déjà élue à la mairie de Marseille et présidente depuis avril 2015 du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône, qui vient de croquer avec gourmandise une grosse part du gâteau en devenant, le 20 septembre 2018, également Présidente de la Métropole Aix-Marseille-Provence.

C’est la démission anticipée de Jean-Claude Gaudin, lequel aura 79 ans le 8 octobre prochain, qui a rendu possible une telle opportunité pour l’ex-femme d’affaire qui avait réussi l’exploit de conduire à la faillite en 2000 son entreprise familiale, fournisseur d’uniformes à l’armée française, et qui avait été mise en garde à vue en juin 2017 dans le cadre d’une vilaine enquête pour soupçon de favoritisme à l’occasion de l’attribution des marchés de l’eau dans l’agglomération marseillaise.

La démission surprise de celui qui reste maire de Marseille depuis 1995 et au moins jusqu’en 2020 avait de fait été annoncée publiquement le 4 septembre, après que le vieux leader LR, usé et dépité, ait envoyé sa lettre de démission au Préfet. Président de la Métropole depuis sa création début 2016, il faut bien reconnaitre que sa tâche n’avait pas été facile, face aux chicaneries incessantes de ses amis politiques de droite, Maryse Joissains en tête, qui avaient tout fait pour faire avorter le projet de métropole et rendre la vie impossible à celui qui avait consenti à en prendre les rênes.

Jean-Claude Gaudin face à Maryse Joissains (photos © Anne-Christine Poujoulat et Gérard Julien / AFP pour Le Figaro)

Déjà première vice-présidente de la Métropole, Martine Vassal, adoubée par son mentor Jean-Claude Gaudin, n’a donc eu aucun mal à se faire élire Présidente de l’institution, avec 181 voix contre 22 à son adversaire pour la forme, le communiste Marc Poggiale. Pour autant, on aboutit désormais à une situation pour le moins inédite et sans précédent après des années passées à tenter de réduire le cumul des mandats, ce mal profond qui gangrène la démocratie en France. Jamais en effet on n’aurait pu imaginer que la même personne dirige à la fois le Département et la Métropole, deux énormes structures administratives dont le périmètre sinon les compétences se superposent largement.

L’olivier qui a fait son apparition sur le logo du Département sera t-il gage de sa longévité ?

Avec un budget annuel de 2,5 milliards d’euros, dont près de 2 milliards uniquement en fonctionnement, notamment pour payer le salaire de ses 7000 agents, le Conseil départemental des Bouches-du-Rhône est un véritable mastodonte, qui ne se contente pas de gérer le réseau des routes départementales, d’entretenir les collèges et de verser les prestations sociales, mais qui est surtout un formidable levier financier pour aider les maires des 119 communes du département à financer leurs propres infrastructures, écoles, gymnases, crèches, ou même hôtel de ville comme à Carnoux !

Martine Vassal et Jean-Claude Gaudin (photo d’archive © Maxppp)

Quant à la Métropole, dont le périmètre regroupe 92 communes (y compris celles de Saint-Zacharie dans le Var, et de Pertuis dans le Vaucluse) et englobe 1,8 millions d’habitants, soit plus de 90 % de la population du département, c’est aussi une machine de guerre imposante. Comportant pas moins de 7200 agents, la Métropole a fait voter pour 2018 un budget global de près de 4 milliards d’euros dont un peu plus de 3 milliards pour ses seules dépenses de fonctionnement, excusez du peu !

Une partie de ces sommes est purement et simplement transférée aux communes, qui touchent ainsi pas moins de 650 millions d’euros de reversement de fiscalité, et même aux Conseils de Territoires, qui correspondent aux anciennes intercommunalités telles que la Communauté urbaine de Marseille où la Communauté d’agglomération du Pays d’Aubagne et de l’Etoile, qui continuent ainsi à survivre et ont encore perçu en 2018 pas moins de 165 millions d’euros en fonctionnement et 330 millions pour leurs dépenses d’équipement… Du coup, les principales dépenses effectives de la Métropole pour assumer ses véritables compétences et investir en matière d’équipement (79 millions d’euros), de transport (120 millions), de gestion des déchets (38 millions), ou encore d’assainissement (65 millions) paraissent finalement relativement modestes…

Dessin de Red publié dans Le Ravi

Toujours est-il que, désormais à la tête de ces deux structures administratives colossales qui gèrent peu ou prou, la quasi-totalité de l’investissement public et des subventions aux communes sur l’ensemble du périmètre départemental, Martine Vassal, qui se verrait bien, par ailleurs, dans le fauteuil de maire de Marseille à partir de 2020 (jamais deux sans trois !), dispose d’un pouvoir financier et d’influence totalement inouï.

Une situation d’autant plus favorable que se prépare en parallèle la disparition annoncée du Département des Bouches-du-Rhône dont les agents et les compétences devraient purement et simplement être transférés à la nouvelle métropole, sans doute dès 2021. Un exercice comparable a déjà été expérimenté dans le Rhône où, à l’initiative de Gérard Colomb, l’essentiel du Département a disparu au 1er janvier 2015 pour se fondre dans la métropole lyonnaise.

Jean-Claude Gaudin avec Martine Vassal après l’élection de celle-ci à la Présidence de la Métropole (photo © Narjasse Kerboua / Go Met)

 

C’est sans doute un schéma comparable qui devrait se dessiner pour les Bouches-du-Rhône comme le Président de la République, Emmanuel Macron l’a évoqué en janvier dernier devant une quarantaine de parlementaires, dont le député LREM François-Michel Lambert qui l’a révélé à La Provence. Le Département est probablement condamné à disparaître, sous réserve que les 29 communes du pays d’Arles, actuellement en dehors du périmètre de la Métropole Aix-Marseille-Provence, acceptent de se fondre dans la nouvelle institution, appelé à devenir le « phare de la Méditerranée » selon l’expression un peu exaltée du député Lambert rapportée par 20 minutes

Pas sûr que cela enchante les Arlésiens qui pourraient plutôt chercher à rester dans un département croupion, comme cela a été le cas pour les communes rurales du Rhône, voire à se rattacher au Vaucluse ou au Gard voisins. Toujours est-il que Martine Vassal restera sans doute à la tête de l’essentiel de l’agglomération métropolitaine dont les compétences seront élargies à la quasi-totalité des domaines de la vie quotidienne, incluant transports, voirie, eau, assainissement, déchets, aide sociale, vie économique, environnement et on en oublie : une bien lourde responsabilité…

L. V.