Centrales à charbon : Gardanne fait de la résistance !

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La centrale à charbon de Gardanne (photo © Frédéric Speich / La Provence)

C’était une des promesses de campagne du candidat Emmanuel Macron : d’ici le 1er janvier 2022, il n’y aura plus de centrale à charbon en fonctionnement sur le sol français. Une promesse qu’il avait d’ailleurs confirmée à plusieurs reprises depuis son élection, déclarant ainsi au magasine Forbes en mai 2018 : « EDF et Uniper, des entreprises très classiques, ont beaucoup résisté. Mais j’ai décidé de dire très clairement que nous allions les fermer. Je leur ai dit : Nous allons vous aider, mais nous allons les fermer. Il n’y a pas d’autre choix.” »

Une attitude volontariste et sans ambiguïté qui figurait d’ailleurs dans le Plan climat présenté en juillet 2017 par le ministre de l’écologie de l’époque, un certain Nicolas Hulot et qui précisait (en gras dans le texte !) : « Nous accompagnerons, dans le cadre de contrats, l’arrêt des dernières centrales électriques au charbon d’ici 2022». Un engagement qui a d’ailleurs été rappelé dans le Programmation pluriannuelle de l’énergie présentée en novembre 2018.

Bref, la volonté politique est là et le discours est clair. Mais la réalité est légèrement différente et certains commencent à douter fortement que la promesse puisse être tenue dans les délais. Comme l’explique le journaliste Nabil Wakim dans une série d’articles très documentés publiés sur ce sujet dans Le Monde, il ne reste en réalité que 5 centrales thermiques à charbon en activité sur le sol métropolitain, une dizaine d’entre elles ayant déjà été fermées par EDF entre 2013 et 2015. Celle du Havre et les deux unités de Cordemais, près de Saint-Nazaire, sont exploitées par EDF. Celle de Saint-Avold, en Moselle, et celle de Gardanne (construite dans les années 1950 par Charbonnage de France et située en réalité sur la commune voisine de Meyreuil) ont été rachetées par le groupe allemand E.ON, et désormais exploitées par Uniper, une structure dont le siège est à Düsseldorf, issue de la réorganisation d’E.ON en 2016 et qui compte pas moins de 14 000 salariés.

Extrait d’un article publié par Le Monde en date du 11 mars 2019

L’objectif de la fermeture de ces centrales est difficilement contestable puisqu’il s’agit de réorienter la production d’électricité vers des énergies moins impactantes en matière d’émission de gaz à effet de serre, le charbon étant considéré de ce point de vue comme la solution la pire qui existe : en France, les centrales thermiques à charbon ne représentent plus que 1,6 % de la production d’électricité nationale mais elles sont à l’origine de 25 % des émissions de CO2 du secteur, l’équivalent de 4 millions de véhicules !

A Gardanne, E.ON a d’ailleurs annoncé dès 2012 sa volonté de transformer une des deux unités de production en centrale à biomasse, un projet qui s’est concrétisé à partir de 2016 mais qui a été stoppé dès 2017 suite aux recours déposés par des associations environnementales locales. Un exemple qui illustre bien les difficultés à faire évoluer ces centrales à charbon dans les délais fixés par le politique.

La centrale thermique de Provence, à Gardanne, avec sa cheminée de 297 m de hauteur, le troisième plus haut édifice de France derrière la Tour Eiffel et le viaduc de Millau (photo © Gérard Julien / AFP / Le Monde)

En Loire-Atlantique, la situation n’est pas plus simple car la centrale de Cordemais, qui fonctionne depuis la fin des années 1960, est indispensable à l’alimentation en électricité de la péninsule bretonne dépourvue de centrale nucléaire. La dernière unité qui fonctionnait encore au fioul a été arrêtée en mars 2018, mais EDF conditionne l’arrêt définitif des deux unités de production au charbon à la mise en service de la centrale à gaz de Landivisiau, des interconnections avec le Royaume-Uni et du futur EPR de Flamanville, cette dernière, initialement prévue en 2012 étant désormais annoncée pour fin 2019, si tout va bien…

Comme à Gardanne, le site de Cordemais réfléchit d’ailleurs à une reconversion de la centrale pour l’utilisation de la biomasse, via le projet Ecocombust qui vise à utiliser de vieilles palettes et des déchets de bois comme combustible, mais l’exemple de Gardanne fait réfléchir… Embourbé dans le dossier, l’Allemand Uniper est d’ailleurs en train de jeter l’éponge. Il a ainsi annoncé le 24 décembre dernier, selon l’Usine Nouvelle, être entré en négociation exclusive pour la vente de ces deux sites français à l’entreprise tchèque EPH (Energetický a průmyslový holding), contrôlée par le milliardaire Daniel Křetínský, par ailleurs actionnaire du Monde et désormais propriétaire de l’hebdomadaire Marianne.

Stock de bois sur le site de la centrale de Gardanne (photo © Pierre Isnard-Dupuy / Reporterre)

On ne sait pas encore très bien ce que l’énergéticien tchèque compte faire de ces acquisitions sinon qu’un accord semble se dessiner pour une reconversion au gaz de l’usine de Saint-Avold dont l’exploitation pourrait même être confiée à Total qui se frotte déjà les mains. Quant à la centrale charbon de 600 MW implantée à Meyreuil, les personnels se sont mis en grève dès le 7 décembre 2018, à l’appel de la CGT, pour protester préventivement contre tout risque de fermeture des installations.

Le gouvernement a nommé en décembre un délégué interministériel pour accompagner l’évolution des 4 sites concernés et la température monte progressivement à Gardanne où l’inamovible maire communiste de 83 ans, Roger Meï, à la tête de la ville depuis 1977, se fait un plaisir de souffler sur les braises en rappelant que « ici, le charbon fait partie de notre identité depuis toujours » alors que celui qui est brûlé à la centrale est acheminé par bateau depuis l’Australie, la Colombie ou l’Afrique du Sud voire les États-Unis. A Gardanne, les esprits s’échauffent et le délégué CGT local, Nicolas Casoni prévient : «s’ils ferment la centrale comme ça, on va mettre le département à feu et à sang, on a déjà prévenu le Préfet !».

Manifestation dans les rues de Gardanne en mars 2019 contre la fermeture de la centrale (photo © Nicolas Vallauri / La Provence)

Selon la Provence, une manifestation a ainsi rassemblé autour de 500 personnes, jeudi 21 mars 2019 dans les rues de Gardanne où le mouvement de grève se poursuit. Le ton monte entre ceux qui veulent défendre coûte que coûte le statu quo et les 174 emplois qui bénéficient du statut protecteur des Industries électriques et gazières, misant sur des évolutions technologiques à venir pour limiter les impacts environnementaux de l’activité, et ceux qui essaient d’imaginer des pistes de reconversion du site industriel, plus en phase avec les impératifs de la lutte contre le changement climatique. Qui a dit que la transition écologique serait un long fleuve tranquille ?

L. V.

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3 Réponses to “Centrales à charbon : Gardanne fait de la résistance !”

  1. ITER : où en est-on ? | Cercle Progressiste Carnussien Says:

    […] promesses et contribuera à fournir l’énergie dont l’on aura besoin pour remplacer rapidement combustibles fossiles et centrales nucléaires d’un autre […]

  2. TCE : le traité qui nous envoie dans le mur ! | Cercle Progressiste Carnussien Says:

    […] dans Alternatives économiques, l’énergéticien allemand Uniper, celui-là même qui exploite la centrale à charbon de Gardanne, annoncer début septembre 2019, qu’il comptait attaquer les Pays-Bas devant un tribunal […]

  3. Gardanne : une reconversion controversée | Cercle Progressiste Carnussien Says:

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