Dominique Tian pris la main dans le sac

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Dominique Tian (photo © Kenzo Tribouillard / AFP)

Le premier adjoint au maire de Marseille, Dominique Tian, risque fort de ne jamais succéder à Jean-Claude Gaudin comme premier magistrat de la ville. Député depuis 14 ans dans les beaux quartiers de Marseille, Dominique Tian, qui faisait partie de l’équipe de campagne de François Fillon après avoir soutenu Bruno Le Maire, avait déjà annoncé qu’il démissionnerait de son poste de premier adjoint une fois réélu député pour la quatrième fois, loi sur le non cumul des mandats oblige.

Mais pas de chance pour lui car il a été sèchement battu aux dernières élections législatives, par une parfaite inconnue de 37 ans, Claire Pitollat, ingénieur de son état. Et voilà que le pauvre Dominique Tian vient de se voir condamné en première instance à une lourde peine par le Tribunal correctionnel de Paris pour « blanchiement de fraude fiscale et déclaration mensongère de patrimoine ».

L’affaire, que nous avions déjà évoquée ici, remonte à 2012, alors que le député fraîchement réélu à l’Assemblée nationale remplit sa déclaration de patrimoine en se gardant bien de mentionner qu’il détient plus de 1,5 millions d’euros sur un compte en Suisse ainsi qu’un hôtel 3 étoiles à Bruxelles. De simples peccadilles aux yeux de celui qui se présente d’abord comme un « homme d’affaires », d’obédience ultra-libérale comme le relate Marsactu à l’issue d’une de ses visites chez ses amis de l’association libérale Contribuables associés, dénonçant à cors et à cris « l’oppression fiscale », désireux de faire disparaître le statut de la fonction publique territoriale et auteur en 2011 d’un rapport au vitriol dénonçant la fraude aux cotisations et prestations sociales.

Dessin de Soulcié, publié par Anti-K

Créée en 2013 suite à l’affaire Cahuzac qui avait menti pour dissimuler son compte en Suisse, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) est chargée de contrôler les déclarations de patrimoine et d’intérêts des responsables publics français. Dotée de pouvoirs élargis par rapport à la commission qu’elle remplace, ainsi que l’explique Le Monde, la HATVP peut croiser les déclarations de patrimoine avec les fichiers des services fiscaux, ce qui lui a permis de prendre la main dans le sac plusieurs parlementaires parmi lesquels le sénateur LR de la Haute-Marne Bruno Sido, condamné à six mois de prison avec sursis et 60 000 euros d’amende en avril 2016, pour avoir également omis de signaler l’existence de son compte bancaire en Suisse.

En avril 2015, la Haute autorité a ainsi déclenché une enquête administrative à l’encontre de Dominique Tian. Celui-ci indique pour sa défense que le compte en Suisse lui vient d’un héritage de son père, « un chef d’entreprise marseillais exerçant dans l’univers des soins et des retraites » selon les informations de La Provence et qu’il avait tenté de négocier une régularisation dans le cadre du dispositif de rapatriement des capitaux mis en place en 2013 par le ministre du budget d’alors, Bernard Cazeneuve. Quant à l’hôtel belge, l’élu prétend qu’il ne lui appartient pas en propre mais à une de ses sociétés : la nuance est subtile…

Toujours est-il que le premier adjoint de Marseille a dû comparaître devant la 11e chambre du Tribunal correctionnel de Paris le 1er décembre 2017. Après plus de cinq heures d’audience, le procureur de la République Pierre Jeanjean a alors requis une peine de prison de 12 mois avec sursis à l’encontre du 1er adjoint au maire de Marseille, ainsi qu’une amende de 300 000 euros et une peine d’inégibilité de cinq ans.

Le jugement avait été mis en délibéré et vient d’être rendu ce vendredi 26 janvier 2018, en des termes plutôt sévères pour le prévenu puisque la présidente, Bénédicte de Perthuis, tient à enfoncer le clou en précisant que « les faits commis sont d’une particulière gravité », traduisant « une violation de la loi et de l’égalité devant l’impôt » par « un élu de la République » dont le comportement aurait dû être « exemplaire ». Ces faits, a ajouté la présidente du tribunal, ne peuvent que « nourrir la méfiance des citoyens envers ceux qui les représentent ».

De fait, Dominique Tian a été condamné à douze mois de prison avec sursis, trois ans d’inéligibilité et une amende record de 1,45 million d’euros. Le jugement est sévère et bien entendu le premier adjoint au maire de Marseille a immédiatement hurlé au scandale et au lynchage politique, tout en annonçant qu’il faisait appel du jugement. Une stratégie qui lui permet de gagner du temps puisque l’appel est suspensif, ce qui lui permet de conserver son mandat électif pendant les 8 à 12 mois que vont durer les procédures, quitte à pousser ensuite le bouchon jusque devant la Cour de Cassation, de quoi tenir jusqu’aux prochaines élections municipales…

Pas sûr cependant que cela suffira pour lui permettre de rester dans la course de la succession à Jean-Claude Gaudin. Une course qui semble désormais bien lancée depuis les déclarations fracassantes du Président du Conseil régional, Renaud Muselier, qui tire désormais à l’arme lourde contre le bilan du « mauvais maire » qui a effectué « deux mandats de trop », l’accusant en vrac pour sa « politique de l’immobilisme » et sa « cohabitation politico-mafieuse » avec Jean-Noël Guérini…

Martine Vassal et Jean-Claude Gaudin, le 26 janvier 2018 (photo © Frédéric Speich pour La Provence)

« Je n’ai pas pour habitude de répondre aux insultes, aux injures et aux outrances », a aussitôt Jean-Claude Gaudin selon Le Monde. D’autres l’ont fait à sa place, parmi lesquels la Présidente du Conseil départemental, Martine Vassal, l’autre élue de droite qui brigue également le fauteuil du maire sans le dire et qui s’est donc ostensiblement affichée aux côté de Jean-Claude Gaudin vendredi dernier en lui rappelant mielleusement devant la presse, comme le rapporte La Provence : « Jean-Claude, tu as profondément transformé Marseille depuis vingt-cinq ans (…) Tu peux désormais compter sur ceux que tu as lancés dans le grand bain de la politique ».

Voilà qui a au moins le mérite de la clarté et laisse entrevoir pour les prochaines élections municipales à Marseille une bataille sanglante entre élus de la majorité républicaine… A condition du moins que Martine Vassal ait elle-même réglé ses propres ennuis judiciaires puisqu’elle est toujours en attente d’une décision dans le cadre de l’affaire sur les marchés publics de l’eau qui l’avait conduite en garde à vue en juin 2017.

L.V.  

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