Le CNRS s’intéresse à Marseille

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Bien que plutôt réputée pour ses problèmes d’inégalité sociale, de retard économique et d’insécurité chronique, la ville de Marseille fait aussi partie de ces lieux d’excellence de la recherche scientifique. De fait, le CNRS (Centre national de la recherche scientifique) y possède une forte implantation. Sa délégation Provence et Corse, qui regroupe, outre la Corse, 4 départements de la région Paca (hors Var et Alpes-Maritimes), compte pas moins de 83 implantations, principalement concentrées sur le territoire d’Aix-Marseille et regroupe plus de 2200 agents.

Locaux du CNRS PACA-Corse rue Joseph Aiguier à Marseille, près de Sainte-Marguerite (source © GoMet)

C’est d’ailleurs à Marseille que le CNRS, créé en 1939, a ouvert son tout premier laboratoire de recherche en province, consacré en l’occurrence à la mécanique et à l’acoustique. Et les découvertes scientifiques faites localement ne sont pas négligeables, de la participation à la découverte de l’australopithèque Lucy en 1974 jusqu’à celle du boson de Higgs en 2012, en passant par l’observation de la première exoplanète qui valu le prix Nobel à Michel Mayor.

Et voilà que le CNRS annonce l’ouverture d’une nouvelle structure de recherche à Marseille, un laboratoire totalement inédit, dénommé « Territoires habitables », sous forme de laboratoire associé entre le CNRS et des collectivités territoriales, selon une idée innovante visant à faire dialoguer chercheurs et acteurs du territoire. L’objectif est d’imaginer à quoi ressemblera le territoire métropolitain dans le futur en y étudiant un certain nombre de données en lien avec l’évolution climatique, l’urbanisme, l’environnement, l’activité économique… Autant de sujets qui rassemblent des enjeux stratégiques pour la résilience des territoires.

Programme du colloque prospectif organisé en novembre 2022 à Marseille (source © CNRS)

L’idée de cette nouvelle implantation a germé à l’issue d’un colloque prospectif scientifique organisé en novembre 2022 à Marseille. Intitulé Territoires du futur, il était spécifiquement axé sur l’aire métropolitaine marseillaise et ses enjeux, notamment pour imaginer les révolutions nécessaires en matière de transport, d’alimentation, d’énergie, d’habitation, autant de domaines dans lesquels nos modes de vies sont à repenser pour tenter de nous adapter aux défis qui nous attendent, du fait du changement climatique, de la perte de biodiversité mais aussi des évolutions technologiques et numériques.

Des problématiques dans lesquels les acteurs de l’action territoriale sont au premier plan pour impulser et mettre en œuvre au quotidien les évolutions nécessaires, surtout dans cette aire métropolitaine marseillaise particulièrement exposée aux effets du réchauffement climatique global et qui cumule déjà de multiples handicaps dont une pollution atmosphérique préoccupante, une place de la voiture toujours prépondérante, un littoral urbanisé à outrance et des inégalités sociales et territoriales extrêmes. Bref, un véritable défi à relever pour les chercheurs du CNRS !

Dégradation de l’habitat collectif dans les quartiers nord de Marseille : une barre de la cité Kalliste (photo © Boris Horvat / La Depêche)

Un défi que les scientifiques souhaitent partager avec les collectivités territoriales, au premier rang desquelles la Ville et la Métropole, pour tenter de construire ensemble ce territoire métropolitain du futur, résilient face aux enjeux stratégiques du changement climatique, du développement économique, de la révolution numérique et de l’évolution des formes urbaines.

L’agglomération marseillaise : des transports encore dominés par la voiture (photo © Anne-Christine Poujoulat / AFP / Ouest-France)

Si le CNRS a choisi ainsi l’aire métropolitaine marseillaise pour cette expérience inédite, c’est parce qu’il compte sur ses nombreux chercheurs et laboratoires déjà bien implantés, ainsi que sur les relations étroites déjà nouées avec les collectivités en matière de recueil et d’échanges de données, mais aussi parce que Marseille cumule bien des handicaps qui rendent encore plus stimulant cette recherche pour tenter de bâtir un territoire résilient en surmontant les innombrables obstacles actuels bien identifiés : inégalités sociales extrêmes, urbanisme inadapté, érosion du littoral, îlots de chaleur, réseaux de transports en commun insuffisants, dépendance vis-à-vis des ressources en eau et en énergie, sans compter les chicayas politiques entre strates administratives.

Nul doute que les chercheurs du CNRS, qui recrute actuellement ses premiers thésards pour défricher ce laboratoire territorial du futur vont devoir faire preuve de beaucoup de diplomatie pour arriver à faire travailler ensemble la Ville de Marseille, la Métropole voire le Département et la Région, en vue de concevoir ce territoire résilient de demain que certains imaginent. Il est d’ailleurs déjà question de dupliquer l’expérience dans une autre agglomération, en l’occurrence celle de Clermont-Ferrand, probablement jugée moins problématique, même pour les grands esprits scientifiques du CNRS…

L. V.

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