Élections européennes 2024 : le choc !

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Tout le monde l’a assez répété : les citoyens ne s’intéressent plus à l’Europe, jugée trop lointaine, trop complexe, trop éloignée de nos préoccupations quotidiennes. Et comme ils s’intéressent aussi de moins en moins à la politique, même lorsqu’elle concerne leur cadre de vie le plus proche, reflet d’un repli consumériste généralisé et d’une forte baisse du militantisme partisan, chacun s’attendait à ce que la participation à ces élections européennes qui ont eu lieu en France ce dimanche 9 juin 2024, se traduise par un taux de participation catastrophique. Il faut dire que la dernière échéance électorale en France, lorsqu’il s’est agi, en avril 2022 de renouveler nos députés à l’Assemblée nationale, avait été marquée par un taux de participation d’à peine 46 % au second tour, une misère !

Les principales têtes de listes pour les Européennes 2024 (source © Le JDD)

C’est donc plutôt une bonne surprise de constater qu’une part non négligeable de nos compatriotes a fait l’effort de se rendre dans les bureaux de vote pour y déposer un bulletin. Avec un taux de participation de 52,5 %, ces élections européennes n’avaient pas suscité une telle mobilisation depuis 1994 ! Il faut dire que les électeurs français avaient l’embarras du choix avec pas moins de 38 listes en concurrence ! Un panel certes réduit par le fait que plusieurs de ces listes n’avaient même pas pris la peine de rédiger une profession de foi et de l’adresser au Ministère de l’Intérieur qui s’était pourtant efforcé de diffuser sur son site en ligne l’ensemble des documents reçus, facilitant vraiment le travail de réflexion des électeurs un tant soit peu curieux, sans compter que chacun a reçu dans sa boîte aux lettre les documents en question plusieurs jours à l’avance.

Dessin de Georges Chappatte publié dans le magazine allemand Der Spiegel

Toujours est-il que les Français se sont manifestement sentis davantage concernés par le sujet que lors des élections précédentes en 2019. La faute peut-être au contexte anxiogène, entre la pandémie de Covid qui a marqué les esprits, les fractures sociale qui s’aggravent, la crise écologique qui se concrétise et les tensions internationales entre guerre en Ukraine et conflit à Gaza, autant de facteurs qui amènent chacun à constater que seules des réponses globales peuvent être efficaces et que la France seule n’est pas en capacité de peser sur des problèmes d’une telle envergure dans un monde où l’économie est totalement mondialisée.

Sauf que le résultat de ces élections n’est pas très encourageant pour les démocrates attachés à des notions d’équité et de solidarité et qui pensent que la résolution des crises sociales et environnementales auxquelles nous devons faire face ne pourra se faire à l’échelle nationale mais exige des approches de coopération internationale renforcée. Les forces d’extrême droite remportent en effet une victoire éclatante avec 31,4 % des voix en faveur de la liste du Rassemblement national emmenée par le tout jeune et inexpérimenté Jordan Bardella, qui remporte donc 30 des 81 sièges réservés aux eurodéputés français. A cela s’ajoutent 5,5 % des suffrages exprimés en faveur de la liste Reconquête menée par Marion Maréchal et soutenue par Eric Zemmour, sans compter les 7,2 % qui sont allés à la liste LR menée par François-Xavier Bellamy, tenant d’une ligne très conservatrice et défendant des idées de plus en plus proches de l’extrême droite.

Un dessin signé KAK, publié dans l’Opinion en mars 2024, alors que la liste Renaissance était encore donnée à 18 %. : elle a fini à 14,6 %, juste devant celle du PS à 13,8 %…

Près de 45 % des Français se sont donc exprimés sans détour en faveur d’un repli identitaire et nationaliste, très critique envers l’Europe, non seulement dans sa volonté de solidarité et d’accueil, mais aussi dans ses politiques volontaristes en faveur de la préservation de notre environnement. Un choix très largement partagé en dehors des grandes métropoles puisque 93 % des communes françaises ont placé le Rassemblement national en tête à l’issue de cette séquence électorale ! C’est évidemment le cas dans la commune de Carnoux où l’extrême droite cumule 55,6 % des suffrages exprimés…

Liste arrivée en tête aux élections européennes 2024, commune par commune, résultats provisoires le 10 juin à 1h (source © Ministère de l’Intérieur / Le Parisien)

Un message d’autant plus inquiétant que cette tendance n’est pas propre à la France mais se retrouve dans bien d’autres pays européens, y compris en Allemagne ou l’AFD, parti d’extrême droite, arrive en deuxième position derrière la CDU conservatrice tandis que les Verts perdent la moitié de leurs représentants au Parlement européen.

Ce socle de 45 % ne constitue pas encore tout à fait une majorité de gouvernement mais s’en rapproche fortement. Sauf si en face les autres partis attachés aux valeurs de solidarité, de responsabilité environnementale et de progrès social, sont en mesure de se rapprocher en mettant de côté leurs divergences de sensibilité, souvent davantage d’ordre personnel ou historiques. On n’en prend malheureusement pas le chemin comme l’a encore montré cette récente campagne électorale. La France insoumise y a réservé l’essentiel de ses coups contre la liste menée par Raphaël Glucksmann, montrant une fois encore à quel point la gauche idéaliste n’abhorre rien tant que les adeptes de la social-démocratie et leur recherche du compromis.

A l’autre bout de l’échiquier politique, le centre droit dont se réclamait Emmanuel Macron en 2017 a montré une telle dérive vers un libéralisme économique débridé en faveur du monde de la finance, qu’il lui faudrait engager une véritable révolution pour pouvoir envisager une majorité de gouvernement avec les forces de gauche contre une alliance de la droite et de l’extrême droite.

Emmanuel Macron, annonçant la dissolution de l’Assemblée nationale, dans la soirée du 9 juin 2024 (capture d’écran © Midi Libre)

Aucun indice ne montre qu’une telle éventualité puisse se dessiner et l’annonce surprise du Président de la République qui décide une dissolution de l’Assemblée nationale une heure seulement après l’annonce des résultats électoraux des européennes, avec des élections législatives très rapprochées, dont le premier tour est d’ores et déjà fixé au 30 juin prochain et le second dès le 7 juillet, a peu de chance d’enclencher une telle dynamique.

Mener des stratégies d’opposition systématique et d’affrontement partisan est aisé et les responsables politiques français excellent dans ce domaine. Construire des majorités d’alliance en apprenant à prendre ensemble des décisions responsables et concertées alors même qu’on n’est pas d’accord sur tout et que chacun a ses propres références idéologiques et ses manières de voir, est autrement plus difficile. Il serait étonnant que les partis politiques français opposés aux visions simplistes et égoïstes de l’extrême droite y parviennent en un délai aussi court et s’engagent dans cette voie que la raison pourtant commande si l’on veut éviter que notre pays soit gouverné demain par le Rassemblement national avec Jordan Bardella comme prochain Premier ministre de cohabitation…

L. V.

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2 Réponses to “Élections européennes 2024 : le choc !”

  1. Législatives 2024 : un nouveau Front populaire | Cercle Progressiste Carnussien Says:

    […] gauche heureusement, la raison l’a emporté après le tumulte de la campagne des européennes, au cours de laquelle PS, PC, LFI et Verts se sont copieusement déchirés. Chacun cherchait […]

  2. Des candidatures surprises pour les législatives 2024 | Cercle Progressiste Carnussien Says:

    […] organisées en un laps de temps aussi court ! Moins de trois semaines séparent l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron, au soir du 9 juin 2024, et le premier tour des élections, prévu le 30 juin […]

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