A Mimet, le maire ne sait pas bien compter…

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L’affaire a été relayée par nombre de médias nationaux et a fait les choux gras de BFM TV : dans la commune de Mimet, les élus municipaux se sont vu sucrer leur indemnité par la faute d’un trésorier public trop zélé ! C’est du moins ainsi qu’est présentée la situation par le maire, Georges Cristiani, qui s’étrangle en hurlant au complot et gémit : « c’est inhumain de faire ça ! ». Lui-même n’est pourtant pas à plaindre puisqu’il cumule, outre ses indemnités de maire, celles de vice-président de la Métropole Aix-Marseille-Provence, où il est délégué à la concertation territoriale et à la proximité, mais aussi celles de conseiller régional, sans compter quelques mandats annexes, outre ses fonctions (honorifiques) de président de l’association des maires des Bouches-du-Rhône et celles de président (rémunéré) du Centre de gestion de la fonction publique territoriale des Bouches-du-Rhône.

Georges Cristiani, maire de Mimet depuis 24 ans (photo © Nicolas Vallauri /                                                                                                 La Provence)

Mais forcément, il n’en est pas de même pour les 26 autres membres du conseil municipal de cette commune de 4600 habitants, proche de Gardanne et dont Georges Cristiani est le maire depuis juillet 2000. En la matière, les règles concernant la rémunération des élus municipaux sont fixées par le Code général des collectivités territoriales. Il y est précisé que les fonctions électives sont exercées à titre gratuit mais qu’elles peuvent donner lieu au versement d’indemnités de fonction qui viennent compenser les dépenses éventuelles et les contraintes liées à l’exercice d’une charge publique. Les maires comme tous les responsables d’exécutifs perçoivent ainsi une indemnité mensuelle fixée par référence à la grille indiciaire de la fonction publique territoriale et qui s’élève actuellement à 2 260,79 € par mois en montant brut (soumis à cotisations sociales et à l’impôt sur le revenu) pour des communes qui, comme Mimet ou Carnoux, sont comprises entre 3 500 et 10 000 habitants.

Les élus municipaux de Mimet autour de Georges Cristiani (source © Bulletin municipal Mimet informations n°175, juin 2022)

Les adjoints au maire, à qui le maire délègue une partie de ses fonctions exécutives, sont également indemnisés de droit, selon une indemnité brute mensuelle actuellement fixée à 904,32 €. Leur nombre est fixé par délibération et dépend donc du bon vouloir du maire qui se décharge ainsi de certaines de ses responsabilités sur ses adjoints. Mais la loi précise que le nombre d’adjoints ne peut excéder 30 % des effectifs du conseil municipal. A Mimet, où le nombre de conseillers municipaux élus est de 27, il n’est donc pas possible de désigner plus de 8 adjoints, comme d’ailleurs à Carnoux où les élus sont au nombre de 29.

Le village de Mimet, face à la Sainte-Victoire, qui s’enorgueillit d’être le plus haut village du département (photo © Jean-Marc Riboulet / Commune de Mimet)

Sauf que Georges Cristiani, qui n’est pourtant pas un novice en la matière puisqu’il est maire sans discontinuer depuis maintenant 24 ans et qu’il dirigé le CDG, chargé justement de former les fonctionnaires territoriaux aux subtilités du Code général des collectivités territoriales, a décidé de s’assoir purement et simplement sur les règles, comme il le fait en refusant obstinément de mettre en application la loi SRU qui impose de construire un minimum de logements sociaux sur sa commune. Il a donc nommé 9 adjoints au lieu de 8 et hurle désormais au complot et à la chicanerie administrative parce que le comptable public, un fonctionnaire d’État chargé de payer les dépenses et de recouvrer les recettes pour le compte de la commune, a osé lui écrire pour le rappeler à l’ordre et lui demander de corriger cette anomalie.

Les élus de Mimet devant l’hôtel de ville de la commune (photo © Commune de Mimet / France bleu)

Pour bien comprendre les subtilités de la situation, il faut savoir que les maires, outre ces dépenses obligatoires, ont aussi le droit de verser une indemnité à de simples conseillers municipaux, mais cette faculté est soumise à deux conditions. La première est que les conseillers en question se voient également déléguer une véritable responsabilité (on parle dans ce cas de « conseillers municipaux délégués »). La seconde est que le maire et ses adjoints acceptent alors de rogner un peu sur leurs propres indemnités pour permettre de verser ainsi des indemnités supplémentaires à certains de leurs collègues sans augmenter l’enveloppe globale fixée par les textes. Une amputation largement indolore, en particulier pour les maires qui, bien souvent, comme celui de Mimet, cumulent bien d’autres fonctions électives rémunérées, sachant que le cumul de ces rémunérations est en tout état de cause plafonné par la loi, à un niveau plutôt confortable puisqu’il est désormais de 8 897,92 € net par mois !

Il en résulte que le conseil municipal peut, par délibération, accepter de fixer pour le maire et ses adjoints, une indemnité inférieure au montant prévu par la loi, ce qui permet de partager le gâteau et de rémunérer également d’autres conseillers municipaux. Un levier précieux quand il s’agit de recruter des candidats et de s’assurer la fidélité de ses colistiers ! C’est ainsi que le maire de Carnoux a décidé par exemple d’attribuer systématiquement une délégation (totalement fictive et parfois légèrement farfelue) à tous les membres de sa liste élus au conseil municipal ce qui leur permet de toucher une indemnité mensuelle, contrairement aux 4 élus d’opposition : il n’y a pas de petite économie !

Georges Cristiani, maire de Mimet, entonnant la Marseillaise aux côtés de Martine Vassal et face au sénateur RN Stéphane Ravier à l’occasion de la dernière cérémonie des vœux en janvier 2024 (photo © J. DE. / La Provence)

Le maire de Mimet s’est, quant à lui, vu rappeler à l’ordre car non seulement il avait nommé un adjoint surnuméraire, mais il l’avait de surcroît pris en compte dans le calcul du montant de l’enveloppe à répartir entre les différents membres du conseil municipal. Face à une telle pratique, le comptable public a donc décidé de frapper fort en bloquant purement et simplement le versement des indemnités pour l’ensemble des élus de la commune de Mimet en attendant que la neuvième adjointe démissionne de ses fonctions et que la commune ne prenne une nouvelle délibération qui respecte la légalité. De quoi faire râler Georges Cristiani qui se répand dans tous les médias pour se plaindre du zèle de ces fonctionnaires qui se permettent de faire respecter la loi alors qu’il avait l’habitude de s’assoir dessus depuis 23 ans en toute impunité : intolérable, en effet…

L. V.

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