Nous poursuivons notre petit retour en arrière sur les débuts de la commune de Carnoux-en-Provence qui fête cette année ses 50 ans. Après avoir évoqué l’acquisition des premiers terrains en 1957 par un groupe de Français établis au Maroc, puis les premières années au cours desquelles se construit l’ébauche d’une nouvelle ville, voici venu le temps de l’arrivée des pieds-noirs d’Algérie. Cet article est le troisième d’une série d’enquêtes rédigées en 2004 par Annie Monville et publiées dans le quotidien La Provence.
Eté 1962, un million de pieds-noirs quittent l’Algérie en catastrophe. Un certain nombre d’entre eux découvre Carnoux dont on dit que c’est « la ville des pieds-noirs ».
Les réactions sont variées. « Un jour, mon père m’a amenée voir la ville qui était minuscule et qui surtout était entourée de collines pelées et il m’a dit : « Tu vois, c’est là qu’ils veulent nous installer… » Pour lui c’était un ghetto et il n ‘avait aucune confiance en ce projet », raconte Annie, de Blida, qui d’ailleurs a, depuis, acheté une maison à Carnoux !
Pour d’autres, au contraire, Carnoux est la ville où ils veulent vivre. Entre « Marocains » et « Algériens », on doit pouvoir se comprendre…
Pour s’installer, il faut aller voir la CIF et être « parrainé ». Deux Carnussiens doivent se porter garants de votre moralité. Le prix du terrain reste de 30 à 40 % inférieur à celui pratiqué dans la région, et une villa de 4 pièces revient 50 000 nouveaux francs comme on disait à l’époque. Les « Logéco » de l’avenue Paul-Verlaine sont même moins chers : 40 000 NF.
En janvier 63, un journaliste du « Méridional », Melchior Calandra, écrit sous le titre « Carnoux en Provence ville de l’avenir » : « Au milieu des pins, embaumant le thym et le romarin, entre mer et montagne, à 250 mètres d’altitude, abrité du Mistral par les monts de la Sainte-Baume, Carnoux, de par sa situation privilégiée, semble faire partie d’un autre monde… On se demande bien vite et non sans étonnement, comment l’homme a pu dédaigner durant tant de siècles, ce lieu paradisiaque ».
Deux communautés différentes
En 63, Carnoux compte 334 villas bâties, 76 en cours de construction, 60 appartements en copropriété, 30 en location et une douzaine de magasins. Pour satisfaire les demandes des pieds noirs d’Algérie, on entreprend, le long du Mail, la construction des immeubles qu’on appelle encore parfois « immeubles des rapatriés », et qui portent des noms d’aviateurs, Mermoz, Guynemer… Mais tout ne va pas pour le mieux entre les deux communautés. D’un côté, des hommes installés, aisés, plus très jeunes, M. Prophète par exemple, né en 1896, avait donc 66 ans en 1962, De l’autre, des gens traumatisés par un départ plus que douloureux, beaucoup ont tout perdu, ils sont jeunes avec des enfants. A l’un d’entre eux, Emilien Prophète lancera même : « Vous n’êtes que des va-nu-pieds ! ». Paroles que beaucoup ne lui pardonneront pas. En même temps se met en place, côté Carpiagne, la zone industrielle. Parmi les premiers installés, citons la fabrique de cotillons et de feux d’artifice de M. Bernard, Soprafêtes, la marbrerie Colombo ou la ferronnerie Moyo.
Côté commerces, madame Petit tient une boutique de bonneterie qui fait aussi pressing. Les Girard, venus d’Agadir où ils ont tout perdu dans le tremblement de terre, sont dépositaires de presse. Il y a deux salons de coiffure, l’un pour hommes, l’autre pour femmes. Maria del Carmen Plattilero et son mari tiennent une librairie qui sera bientôt transformée en droguerie outillage et dépôt de gaz butane.
Vers l’autonomie de la commune
« Nous étions de Belcourt (banlieue algéroise) où nous tenions un magasin de pièces détachées auto. En 63, nous nous sommes classés cinquièmes dans un concours organisé par une marque de butane et impliquant les 230 concessionnaires des Bouches-du-Rhône ! Il faut dire que nous vendions plus de 50 bouteilles de gaz par semaine », se souvient Maria avec une certaine fierté.
Notre ami Maurice Bonneau n’a pas voulu être en reste. Rompant avec son ancien métier, il ouvre un commerce de chaussures, jouets et articles de sport.
De plus en plus de voix s’élèvent pour que Carnoux devienne une commune à part entière. Une seconde enquête en juillet 63 échoue comme la première. Il était cette fois question de rattacher Carnoux à Aubagne. Un « comité des cinq », composé de MM. Heinrich, Laforêt, Faure, Calandra et Bonan, se constitue et invite la population à signer une pétition en vue d’obtenir l’autonomie de Carnoux. La troisième et dernière enquête aura lieu en septembre 64. Peu à peu, devant la détermination des Carnussiens, les obstacles s’effacent un à un et c’est le 19 décembre 1964 que le conseil général approuve enfin le projet d’érection de Carnoux en commune distincte.
Annie MONVILLE
Article publié le 30 décembre 2004 dans La Provence
Étiquettes : Aire métropolitaine, Carnoux, Histoire, Urbanisme
15 avril 2016 à 4:13
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6 décembre 2018 à 3:30
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