Des candidatures surprises pour les législatives 2024

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Rarement en France des élections législatives, qui engagent l’avenir de la représentation nationale pour les années à venir, auront été organisées en un laps de temps aussi court ! Moins de trois semaines séparent l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron, au soir du 9 juin 2024, et le premier tour des élections, prévu le 30 juin prochain… Les candidats avaient jusqu’au dimanche 16 juin à 16 heures pour déposer leur candidature, soit une semaine seulement pour se décider, alors que ce choix les engage pour une fonction à plein temps pour le moins prenante : de quoi décourager bien des bonnes volontés et faire la part belle aux apparatchiks et aux politiciens professionnels ! On a connu contexte plus favorable pour attirer des représentants de la société civile, désireux de s’investir au service de l’intérêt général… De quoi d’ailleurs réserver quelques surprises car, contrairement aux européennes où mois après mois les sondages avaient dessinées une image parfaite des dynamiques de vote, chacun va devoir ici se décider en fonction de ses propres convictions sans connaitre les tendances générales.

Des délais trop courts pour que les sondages d’opinion dessinent des tendances fiables : un dessin signé Deligne, publié dans Le Pèlerin du 19 juin 2024

Une des conséquences flagrantes de ces circonstances très particulières est que jamais sans doute, sous la Cinquième République, le nombre de candidats déclaré n’a été aussi faible : 4 011 au total, pour 577 circonscriptions à pourvoir, soit à peine 7 en moyenne par circonscription, là où les Français avaient le choix entre 38 listes lors des élections européennes le 9 juin dernier ! Par comparaison, en 2002, juste après la réélection de Jacques Chirac, le nombre de candidats en lice pour les législatives s’élevait à 8 444, soit plus du double… Et en 2022, après la réélection d’Emmanuel Macron, il y a 2 ans seulement, les 577 actuels députés sortants, avaient été départagés parmi un stock de 6 290 candidats avec 14 listes en moyenne parmi lesquelles chaque électeur pouvait faire son choix.

Mais la brièveté des délais n’explique pas, à elle seule, ce constat. Si les candidats sont moins nombreux que lors de certaines échéances passées, c’est aussi lié à l’évolution du paysage politique. Déjà en 2022, l’alliance de gauche mise en place sous le nom de NUPES avait largement contribué à réduire le nombre de candidatures à gauche. Cette année, la création, en quelques jours seulement, du Nouveau Front Populaire après l’annonce surprise de ces prochaines élections, vient renouveler l’opération en redonnant aux candidats de gauche une chance d’accéder au second tour d’où ils ont été longtemps exclus du fait de leurs divisions internes.

Déjà en 2022, les électeurs étaient un peu désemparés face à la valse des étiquettes politiques, mais ce n’était rien par rapport à 2024 ! Un dessin publié dans Le Progrès le 27 août 2021

Présents dans 557 circonscriptions, les candidats étiquetés NFP présentent une incontestable variété de profils et de parcours allant de Philippe Poutou, du Nouveau Parti Anticapitaliste, investi par LFI et parachuté dans l’Aude, à François Hollande, ancien Président de la République, de nouveau candidat en Corrèze, en passant par Dominique Voynet, ancienne ministre de l’écologie de Lionel Jospin, investie dans le Doubs par Europe Ecologie – Les Verts. Ils feront certes face à quelques candidatures dissidentes de gauche dont celle de Jérôme Cahuzac, ancien ministre du Budget condamné pour fraude fiscale et qui ose se présenter sous l’étiquette Centre gauche dans le Lot-et-Garonne. Plusieurs députés sortants LFI, dont Alexis Corbières, tenteront aussi leur chance après s’être vu refuser l’investiture par leur parti pour cause de positionnement jugé trop critique envers l’ombrageux Jean-Luc Mélenchon qui a néanmoins accepté d’adouber le député sortant François Ruffin dans la Somme, pourtant lui aussi de plus en plus distant.

A droite le jeu trouble du président des Républicains, Éric Ciotti, tenté par une alliance ouverte avec le Rassemblement national, alors même que son alter ego de Reconquête, Éric Zemmour, refuse d’en entendre parler et va jusqu’à exclure de son parti la totalité de ses députés européens pourtant fraîchement élus sous son étiquette, vient totalement brouiller les cartes et plonge ses électeurs dans un abîme de perplexité. Éric Ciotti revendique ainsi 62 candidats, dont lui-même à Nice, communs avec le Rassemblement national dans le cadre d’une alliance ouverte avec ce parti dans le sillage duquel il espère bien revenir au pouvoir, tandis que le parti LR annonce 400 candidats qui se présentent sous son étiquette face à des candidats LR, et dont certains rêvent plutôt d’une alliance avec le parti présidentiel d’Emmanuel Macron : chacun sa stratégie !

Ciotti, président des Républicains, ose l’alliance avec le Rassemblement national : un dessin de Chaunu, publié le 12 juin 2024 dans Ouest-France

Reconquête de son côté revendique 330 candidats et est donc loin d’être présent dans toutes les circonscriptions, choisissant volontairement de se concentrer sur celles où il estime avoir ses chances, contrairement à un parti pourtant ultra minoritaire comme Lutte Ouvrière, qui n’a pas la moindre chance de faire élire le moindre député mais qui décide pourtant de présenter un candidat dans 542 circonscriptions, soit près de 95 % du territoire national !

Le parti présidentiel de son côté, qui se présente sous l’étiquette Ensemble pour la République, regroupe des candidats issus des partis Renaissance, Horizon, MODEM ou UDI, ne sera curieusement présent que dans 489 circonscriptions. Dans la plupart des circonscriptions d’outre-mer où les macronistes font des scores de misère, aucun candidat n’a même osé se présenter et dans une soixantaine de circonscriptions, la majorité présidentielle a préféré laisser la place à des candidats de la droite modérée, généralement étiquetés LR, sa priorité étant de n’avantager ni le Rassemblement national ni le Nouveau Front populaire qui sont les deux bêtes noires d’Emmanuel Macron, lequel a oublié depuis bien longtemps qu’il est issu du Parti socialiste et a été ministre de François Hollande !  Dans la circonscription de ce dernier, le clan macroniste soutient d’ailleurs ouvertement le candidat LR…

Le député sortant Lionel Royer-Perreaut, ex LR devenu Renaissance, en campagne dans une circonscription dominée par le RN (photo © Denis Thaust / La Provence)

Les électeurs risquent d’avoir bien du mal à s’y retrouver dans pareille jungle où les étiquettes politiques valsent dans tous les sens et ne veulent plus dire grand-chose. C’est le cas par exemple dans la 6e circonscription des Bouches-du-Rhône où le député sortant, Lionel Royer-Perreaut, ancien UMP devenu LR est passé avec armes et bagages dans le camp macroniste : il se voit opposer, outre une écologiste NFP, Christine Juste, une candidate LR, un représentant de l’alliance RN-LR tendance Ciotti, mais aussi 3 autres candidats d’extrême droite dont une issue de Reconquête et un de Debout la France, sans compter 5 autres candidats allant de l’écologie de droite aux régionalistes en passant par Lutte ouvrière : bon courage aux électeurs pour démêler un tel imbroglio !

L. V.

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