Législatives 2024 : un nouveau Front populaire

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Pour les dernières élections législatives organisées il y a 2 ans seulement, en juin 2022, et pour la première fois depuis bien longtemps, les forces de gauche avaient réussi à s’unir, sous le nom quelque peu improbable et souvent brocardé de NUPES. Une « nouvelle union » alors largement dominée par la figure du leader de la France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon qui se rêvait en futur Premier ministre d’un Emmanuel Macron fraîchement réélu, sans se rendre compte que sa personnalité clivante et ses positions tranchées l’ont placé, fin 2023, en tête des personnalités politiques française les plus détestées, avant même Éric Zemmour ou Sandrine Rousseau, avec un taux de rejet de 62 % !

Dessin de Chaunu, publié le 10 juin 2024 dans Ouest-France

Cette stratégie d’union à gauche avait néanmoins été plutôt payante puisque, dans notre circonscription, la 9ème des Bouches-du-Rhône, qui regroupe, outre Carnoux-en-Provence, les cantons d’Aubagne et de La Ciotat, et finalement gagnée par la candidate du Rassemblement national Joëlle Melin, le candidat de la Nupes, le tout jeune et peu expérimenté Lucas Trottmann, avait réussi l’exploit d’atteindre le second tour, ce qui n’était pas couru d’avance, loin s’en faut, éliminant cruellement dès le premier tour le maire de Gemenos, Roland Giberti, pourtant soutenu par tous les élus locaux du secteur…

En 2022, il y a 2 ans seulement, notre circonscription se choisissait une député RN, Joëlle Melin, ici entre ses deux principaux challengers de l’époque, Lucas Trottmann (NUPES) et  Bernard Mas-Fraissinet (majorité présidentielle) (source © La Provence)

Deux ans après, le paysage politique a bien changé. La victoire écrasante du Rassemblement national à l’occasion des élections européennes du 9 juin et la défaite humiliante du camp macroniste a conduit le Chef de l’État à déclarer illico la dissolution de l’Assemblée nationale et à annoncer dans la foulée des élections législatives anticipées, pour le 30 juin et le 7 juillet 2024, avec un délai d’organisation record. Une annonce inattendue qui a pris de court tous les partis politiques, provoquant des remous inimaginables, à l’image de la réaction lunaire du président des Républicains, le Niçois Éric Ciotti, qui décide tout seul et contre l’avis majoritaire de son bureau politique, de faire une alliance électorale avec le RN. Une déclaration qui lui vaut de se faire immédiatement exclure de son propre parti avant qu’un juge, saisi en référé, ne le rétablisse dans ses fonctions, de quoi déboussoler encore un peu plus les électeurs de LR, déjà frustrés par le score famélique de leur parti, crédité de 7,3 % seulement des suffrages exprimés le 9 juin dernier…

Éric Ciotti, toujours président des LR, se voyait déjà en fidèle allié du Rassemblement national (photo © Stéphane Mahé / Reuters / MSN)

A l’extrême droite aussi, cette situation inespérée provoque du tangage. Marion Maréchal, la tête de liste du parti Reconquête, présidé par Éric Zemmour, à peine élue au Parlement de Strasbourg, s’est faite exclure du parti avec 3 autres de ses colistiers élus, pour avoir osé plaider en faveur d’un rapprochement électoral avec le RN… Il n’en est pas question pour l’extrémiste Éric Zemmour qui persiste à vouloir présenter des candidats dans toutes les circonscriptions, une stratégie suicidaire qui ne lui avait permis de faire élire aucun député en 2022, pas même lui, malgré sa popularité relative, mais qu’il envisage pourtant de reconduire en 2024, en se limitant néanmoins à 330 circonscriptions sur 577 !

A gauche heureusement, la raison l’a emporté après le tumulte de la campagne des européennes, au cours de laquelle PS, PC, LFI et Verts se sont copieusement déchirés. Chacun cherchait naturellement à mordre sur l’électorat du voisin, dans le cadre d’une élection qui avait lieu à la proportionnelle intégrale et qui a largement placé en tête la liste conduite par Raphaël Glucksmann, rassemblant socialistes et Place Publique et qui a terminé à 13,8 %, juste derrière la liste du parti présidentiel, tandis que celle menée par Manon Aubry au nom de la France insoumise faisait un beau score à près de 10 %, loin devant les écologistes (5,5 %) et la liste de la Gauche Unie autour du PCF qui finit sans aucun élu avec à peine 2,4 % des suffrages.

Mais comme par miracle et face à l’électrochoc (relatif car annoncé depuis des mois, sondage après sondage) qu’a constitué le score fleuve du Rassemblement national qui rafle la première place avec 31,4 % des voix, les principaux partis de gauche ont su, dès l’élection passée, dépasser leurs rancœurs et travailler d’arrachepied pour bâtir en quelques jours seulement un accord électoral et un programme commun. Une véritable gageure, qui mérite d’être saluée et qui, une fois n’est pas coutume, prouve que nos responsable politiques sont parfois capables d’entendre les appels pressants de leurs militants.

Conférence de presse du Nouveau Front populaire le 14 juin 2024 à la Maison de la Chimie (photo © Firas Abdullah / ABACA / Le Point)

Après 4 jours d’intenses tractations, un accord électoral a donc été scellé jeudi 13 juin 2024 au soir, suivi d’un contrat de gouvernement annoncé en grandes pompes le 14 juin à l’occasion d’une conférence de presse à la Maison de la Chimie : le Nouveau Front Populaire est né ! Une référence historique bienvenue qui revoie la NUPES aux orties et fait judicieusement écho à l’alliance électorale négociée pour les élections législatives de 1936 autour du Parti radical, de la SFIO et du PC, laquelle avait permis la constitution du premier gouvernement de gauche présidé par Léon Blum, gouvernement à l’origine d’avancées sociales majeures. Le programme proposé par cette nouvelle alliance fait d’ailleurs également la part belle aux mesures sociales, s’engageant notamment à un gel des prix des produits de première nécessité, une hausse du SMIC, une abrogation des lois récentes sur la réforme des retraites et de l’assurance chômage, la taxation des superprofits et le rétablissement de l’impôt sur la fortune ou encore la gratuité totale de l’école publique, tout en promettant l’adoption rapide d’une loi de programmation climat-énergie.

Encore faut-il que la gauche, enfin unie, arrive à obtenir une majorité pour gouverner. Au vu du taux d’abstention assez élevé des dernières élections, où à peine plus d’un Français sur deux s’est exprimé, il est bien difficile d’extrapoler, même si la période estivale ne paraît guère propice à un taux de participation record. Les premiers sondages disponibles indiquent d’ailleurs que le RN devrait virer en tête, avec plus ou moins 30 % des intentions de vote en sa faveur, mais talonné par ce nouveau bloc de gauche, tandis que le camp présidentiel s’effondrerait autour de 18 %, avec deux fois moins de députés que dans la législature sortante. Le résultat circonscription par circonscription pourrait cependant être assez différent de cette projection globale et c’est d’ailleurs ce qui fait tout le charme de ces élections locales où les personnes comptent souvent plus que les idéologies.

Avec un deuxième tour prévu le 7 juillet 2024, certains risquent de penser davantage à la plage qu’aux élections législatives, comme en 2022 : un dessin de Chaunu publié dans Ouest-France

Rien n’est donc acquis à ce jour et tout dépendra de la mobilisation des électeurs de gauche, même si chaque élection vient confirmer qu’ils sont désormais minoritaires dans le pays par rapport aux sensibilités de droite et d’extrême droite. L’accord électoral prévoit un candidat unique à gauche dans 546 des 577 circonscriptions nationales, parmi lesquelles 229 sont promises à un candidat LFI, 175 au parti socialiste, 92 aux écologistes et 50 aux communistes (comme en 2022). Libre ensuite à chaque parti de désigner ses propres candidats dans les circonscriptions qui lui reviennent, ce qui a conduit aux premières polémiques suite aux décisions assez ubuesques de LFI de reconduire le député sortant Adrien Quatennens, pourtant condamné pour violences conjugales, mais pas les figures médiatiques que sont Alexis Corbière ou Raquel Garrido, évincés pour avoir osé exprimer certaines divergences internes, de même d’ailleurs que le député sortant des Bouches-du-Rhône Hendrick Davi. Ces derniers ont néanmoins décider d’entrer en dissidence et de maintenir leur candidature coûte que coûte…

Bernard Ourgourlou-Oglou, candidat du Nouveau Front Populaire pour les prochaines législatives dans la 9e circonscription des Bouches-du-Rhône (photo © Fabio Chikhoune / La Provence)

Toujours est-il que l’on connaît désormais celui qui incarnera le Nouveau Front Populaire dans notre circonscription, face à la député RN Joëlle Melin, déjà investie et qui se représentera. Il s’agit du socialiste Bernard Ougourlou-Oglou, élu d’opposition au conseil municipal de La Ciotat depuis 2020, et enseignant au lycée Méditerranée à La Ciotat. Ils retrouveront face à eux Bernard Mas-Fraissinet, déjà présent en 2022 au nom du parti macroniste désormais dénommé Ensemble, et Aurélien Michel pour le parti LR. Ce dernier, issu de La Ciotat, s’était déjà présenté en son nom propre en 2022 et avait fait le score famélique de 0,25 % mais c’est lui qui défendra les couleurs de la droite, aucun élu local n’ayant eu le courage de se présenter pour prendre une déculottée à 2 ans des prochaines municipales ! Quatre autres outsiders viendront comme à l’accoutumé pour le plaisir de brouiller un peu les pistes : Aksil Boualam au nom de L’écologie au centre, Jean-Marie Clorec pour Lutte ouvrière, et deux inconnus au positionnement incertain, Robert Santunione et Isabelle Mazzoni. Une campagne qui s’annonce courte mais intense !

L. V.

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Une Réponse to “Législatives 2024 : un nouveau Front populaire”

  1. Des candidatures surprises pour les législatives 2024 | Cercle Progressiste Carnussien Says:

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