Alain Gachet : sourcier ou sorcier ?

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Blog272_PhLivreAlain Gachet fait partie de ces baroudeurs qui contribuent à faire changer le monde. Peu connu du grand public, il a pourtant été invité récemment par tous les médias, de LCI à Arte en passant par RFI, La Croix ou Le Figaro, à l’occasion de la parution de son livre intitulé « L’homme qui fait jaillir l’eau du désert ». Né en 1951 à Madagascar d’un père employé des Eaux et Forêts de la France coloniale, il débarque en métropole à l’âge de 18 ans et suit une formation d’ingénieur à l’Ecole des Mines de Nancy. Il passe alors 20 ans à partir de 1977 dans l’exploration pétrolière chez Elf Aquitaine où il se forme aux techniques de forages profonds et aux méthodes de prospection géophysique.

En 1997, révolté par le manque de lucidité des dirigeants de l’industrie pétrolière et le comportement post-colonial des majors du secteur, il claque la porte et fonde sa propre société, Radar Technologie International, basée à Tarascon, avec laquelle il poursuit son activité de géologue et se lance notamment dans la recherche d’or en pleine forêt tropicale au Cameroun, croisant observations de terrain avec les pygmées et analyses par photographies satellites. Il développe ainsi son propre système expert dénommé Watex (« water exploration ») qui exploite les imageries radars issus des satellites espions de l’armée américaine dont les données ont été enfin déclassifiées après la chute du mur de Berlin.

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En 2002, alors qu’il travaille pour la compagnie Shell en Lybie, il découvre avec ses outils d’investigation géophysique une énorme fuite d’eau sur l’aqueduc enterré de 4 m de diamètre qui traverse le désert de Syrte. Sa découverte fait du bruit et ses méthodes connaissent alors une véritable reconnaissance de la part de la communauté scientifique internationale, tout en déclenchant les foudres du colonel Khadafi encore à la tête du pays et dont la colère s’abat sur ses propres services hydrauliques.

Alain Gachet célébrant la découverte d'eau dans un forage du bassin de Lotikipi au Kenya

Alain Gachet célébrant la découverte d’eau dans un forage du bassin de Lotikipi au Kenya

Cette notoriété l’amène alors à travailler pour l’UNHCR, l’agence des Nations-Unies pasée à Genève qui vient en aide aux réfugiés et qui, lors de la crise humanitaire du Darfour en 2004 fait appel à ses services pour implanter les forages destinés à fournir de l’eau aux nombreux camps de réfugiés. En quatre mois et sur une surface de la taille du Portugal, Alain Gachet et ses équipes réalisent de nombreux forages avace un taux de succès remarquable de 89 % à la frontière du Tchad et du Soudan alors que ce taux ne dépasse guère 30 % pour les autres opérateurs dans ce secteur. De 2006 à 2007, 17 000 puits vont ainsi être forés au Soudan par l’UNICEF grâce aux indications des cartes établies selon les indications du système Watex, et le taux de succès y atteint 98 %, ce qui est inespéré.

Pourtant, à partir de 2007, Alain Gachet se heurte à une fin de non recevoir de la part de la Communauté européenne à qui il propose ses services pour rechercher de nouvelles ressources en eau en Afrique de l’Est, de crainte que l’exploitation de ces nouveau points d’eau ne créent des zones de conflit en amenant les populations déplacées à s’y fixer définitivement et n’attisent la convoitisede milices armées prédatrices et même de pays riches en recherche de terres cultivables : Alain Gachet découvre alors toutes la complexité des contrdictions entre secours d’urgence et aide au développement !

Avec des femmes Turkana au Kenya

Avec des femmes Turkana au Kenya

Mais notre géologue mi sourcier, mi sorcier ne se décourage pas pour autant. Il est alors approché par d’autres acteurs dont l’US Navy et de l’USAID qui se préoccupent de rechercher de nouvelles ressources en eau en Afrique de l’Est afin d’y développer des programme d’agriculture irriguée pour aider au développement des populations locales et y prévenir la propagation des organisations terroristes à tendance islamiste qui tentent de s’y implanter. En 2011, Alain Gachet découvre ainsi un immense aquifère qui s’étend sur plus de 4 000 km² sur une profondeur de 300 à 700 m, à la frontière de l’Ethiope et de la Somalie : des réserves gigantesques de nature à changer complètement l’économie rurale du secteur ! Les découvertes s’accélèrent alors, au Kenya, au Togo et même en Irak où il réalise une cartographie complète des ressources en eau souterraine.

Alain Gachet au micro d'Europe 1

Alain Gachet au micro d’Europe 1

A 64 ans, Alain Gachet ne se contente plus de prospecter et de forer. Il veut aussi alerter. Convaincre d’abord que pour freiner les vagues migratoires de réfugiés, la seule solution durable consiste à favoriser le développement dans les pays d’origine de ces candidats à l’émigrations : favoriser l’accès à l’eau est souvent une condition nécessaire pour favoriser le développement économique local et prévenir bien des conflits. Comme tout bon hydrogéologue qui se respecte, il insiste pour que l’exploitation des nappes souterraines se limite aux ressources réellement renouvelables : « L’eau fossile, gardons là pour le futur ».

Quant au pétrole, auquel il a consacré une partie de sa vie, il considère désormais avec sagesse que « l’extraire pour l’utiliser comme carburant est une hérésie. J’espère qu’à l’avenir son usage sera réservé à la chimie ». Pas besoin d’être sorcier en effet pour le comprendre…

L. V.   

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