Quand on arrive à Carnoux par l’autoroute A50 en direction de la Ciotat, on ne peut pas la rater ! La colline autrefois verdoyante qui surplombe l’autoroute côté Est, juste au-dessus de l’ancienne route qui reliait autrefois Cassis à Aubagne en longeant le petit ruisseau du Merlançon, est désormais totalement éventrée par une immense carrière à ciel ouvert, la seule encore en activité sur le territoire d’Aubagne.

Désormais exploitée par la société Carrières et bétons Bronzo-Perasso, cette carrière dit « du vallon de l’Escargot », qui s’étend sur pas moins de 150 ha, appartient à la famille Bronzo qui l’exploite depuis 2009 et détient une autorisation d’exploiter régulièrement renouvelée. Cette autorisation porte sur une quantité de 1,6 million de tonnes de calcaire par an, ce qui est colossal puisque la production annuelle totale de granulats calcaires de tout le département des Bouches-du-Rhône s’élevait en 2016 à 8,9 millions de tonnes seulement et à 20 millions de tonnes environ pour toute la région PACA, tout juste de quoi couvrir les besoins locaux du BTP dans le cadre d’un marché très tendu.
Rares sont en effet les localités qui acceptent l’ouverture d’une carrière de ce type à proximité, alors même que les besoins en matériaux de construction ne diminuent pas. Force est de reconnaître que les tirs d’explosifs qui ponctuent chaque semaine l’exploitation de la carrière Bronzo à proximité immédiate du quartier des Barles, à l’entrée de Carnoux, ne sont pas de nature à rassurer quant à l’impact environnemental d’une telle exploitation. Pas plus d’ailleurs que les envols de poussières qui suivent les énormes camions qui déboulent régulièrement de la carrière, chargés à ras bord de granulats concassés, et qui s’engagent à une vitesse folle sur la route départementale en contrebas, au mépris total de la circulation locale.
Une centrale à béton fonctionne sur le site et une centrale à enrobés bitumineux à chaud y avait même été implantée en 2015 par la société Colas (groupe auquel est rattaché Perasso) pour alimenter notamment le chantier de la L2. De quoi créer de multiples nuisances pour le voisinage, sans compter l’aspect esthétique puisque la colline boisée est en train d’être grignotée à grande vitesse par l’exploitation, se transformant en un paysage purement minéral constitué de fronts de taille verticaux en gradins.

C’est justement pour pallier ces nuisances environnementales liées à l’exploitation des carrières que les entreprises du BTP cherchent au maximum à valoriser les déchets issus des chantiers de démolition. Après concassage et tri, on peut en effet en recycler une partie sous forme de granulats directement utilisables pour refaire du béton, tandis que le reste et notamment les fractions les plus fines, dépourvues en principe d’éléments putrescibles ou polluants, est considéré comme déchet inerte pouvant servir au remblaiement des anciennes carrières. Ces dernières sont en effet désormais tenues de provisionner des fonds pour assurer leur comblement et leur renaturation en fin d’exploitation.
La carrière Bronzo de l’Escargot a justement installé depuis 2015 une telle plateforme de récupération et recyclage des déchets du BTP, issus de chantiers de terrassement ou de démolition, ce qui permet aux entreprises les plus vertueuses de ne pas se contenter de benner ces déchets dans des lieux un peu reculés le long des routes, ni vu ni connu, voire en pleine nature, comme on le constate encore trop fréquemment. Mais il est prévu de poursuivre l’exploitation de la carrière de l’Escargot pendant encore 2 ou 3 ans et Bronzo considère que l’utilisation de ces déchets inertes, issus de cette activité de recyclage, ne pourra pas se faire sur ce site avant l’arrêt complet de l’exploitation.

En attendant, il faut bien s’en débarrasser et Bronzo a eu l’idée pour cela d’utiliser la carrière Borie, une ancienne exploitation de calcaire à ciel ouvert située sur La Pérussonne, à Aubagne, à l’abandon depuis 1965. Depuis cette date, le site, désormais propriété de la commune d’Aubagne, a été laissé en friche, avec ses fronts de taille en l’état, qui s’éboulent peu à peu. La zone est ouverte au public et sert de lieu de promenade aux habitats du quartier.

Une convention a donc été négociée entre la commune et le carrier qui souhaite y entreposer 225 000 m3 de déchets inertes moyennant le versement à la Ville d’une redevance de 180 000 €. Une bonne opération pour la société Bronzo qui se débarrasse ainsi à bon compte de ces matériaux dont elle ne sait que faire, tout en permettant à la commune d’argumenter que cela permettra de combler cette ancienne carrière devenue dangereuse avec ses front de taille instables et non sécurisés dans une zone pavillonnaire très fréquentée.
L’intérêt du site est bien entendu sa proximité avec la plateforme de tri, ce qui permet de minimiser les transports par camion, mais pour autant, le bilan environnemental de l’opération est loin d’être neutre ! Ce sont en effet 29 camions par jour en moyenne, soit près de 1000 par mois (sauf pendant les mois d’été, en pleine période touristique) qui relieront le vallon de l’Escargot à l’ancienne carrière Borie. Et comme ils ne pourront pas traverser les zones pavillonnaires de la Pérussonne aux voiries étroites et inadaptées à un tel trafic, Bronzo propose de faire transiter cette noria de gros camions par la commune de Carnoux-en-Provence !

Notre ville va donc prochainement être parcourue quotidiennement par plusieurs dizaines de poids-lourds chargés de déchets inertes qui la traverseront de part en part depuis les Barles jusqu’à l’entrée du camp militaire de Carpiagne où ils bifurqueront pour traverser tout le camp et redescendre ensuite vers Aubagne par l’ancien chemin de Cassis puis une piste DFCI qui devra être élargie au gabarit des camions. Une opération qui va durer pendant 3 ans jusqu’au remblaiement complet du site qui fera ensuite l’objet de travaux d’aménagements paysagers pendant 2 années supplémentaires.
Sauf que les riverains ont vu rouge en prenant connaissance d’un tel projet et que le conseil municipal qui s’est tenu à Aubagne le 15 novembre 2022 et au cours duquel a été délibérée la mise à disposition du site par la commune a tourné à la foire d’empoigne. Les habitants du quartier de la Pérussonne sont vent debout contre un tel projet, estimant que l’ancienne carrière a retrouvé un nouvel équilibre écologique et qu’elle est devenu un lieu de ballade très fréquenté, point de ralliement du GR 2013, qu’elle n’a nul besoin d’un tel projet de comblement et qu’aucune garantie n’est apportée quant au contrôle effectif de la nature des matériaux qui y seront enfouis par Bronzo. C’est en tout cas ce que dénonce avec force le collectif Carrière Borie qui s’est créé dans la foulée et a déjà obtenu 40 000 signatures pour sa pétition en ligne destinée à fédérer les oppositions au projet.

Il faut bien reconnaître que le discours des autorités n’est pas très rassurant quant à la nature des matériaux que Bronzo prévoit de déverser sur ce site. Seul un autocontrôle est prévu, à charge exclusive de l’exploitant donc, les inspecteurs des installations classées de la DREAL se contentant de quelques contrôles inopinés épisodiques, sous réserve que leurs effectifs le permettent…
On comprend dans ces conditions les inquiétudes des riverains même si les plus impactés seront en réalité les habitants de Carnoux qui vont voir défiler pendant 3 ans de suite un millier de camions supplémentaires lourdement chargés de déchets qui traverseront à vive allure notre commune de part en part, semant au passage une nuée de poussières et ajoutant encore à la pollution routière liée aux 6 millions de véhicules qui transitent annuellement à travers Carnoux, en faisant un des points noirs de la circulation routière dûment répertoriés dans le département. C’est peut-être enfin le moment d’y implanter, comme cela avait été largement évoqué lors de la dernière campagne municipale mais toujours pas mis en œuvre depuis, des capteurs de suivi de la qualité de l’air pour surveiller ce que cette circulation exceptionnellement intense fait respirer chaque jour aux riverains du Mail…
L. V.
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6 mars 2023 à 5:54
[…] que les norias de camions supplémentaires qui s’annoncent du fait du projet de remblaiement de la carrière Borie vont encore aggraver la situation pour les 3 ans à venir ! Un système d’affichage en temps […]